Publié le 23 avril 2021 par : Mme Thourot, Mme Grandjean, M. Perrot, M. Trompille, M. Lejeune, M. Mis, Mme Hérin, M. Maillard, Mme Rossi, M. Perea, M. Fauvergue, Mme Degois, Mme Brugnera, M. Masséglia, Mme Krimi, M. Zulesi.
I. – À titre expérimental, lorsqu’une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens par le défendeur et bénéficiaire ou auteur d’une décision administrative non réglementaire, ou le requérant en cas de décision de rejet ou de refus, entrant dans une des catégories définies au deuxième alinéa, se prononce sur l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Ce recours est dénommé « référé défendeur ». Le référé défendeur est automatiquement transmis aux parties dans la cause, au requérant ayant formé le recours en annulation ou en réformation, et le cas échéant à l’auteur de la décision administrative ou le pétitionnaire, afin de le mettre en mesure d’intervenir à la procédure de référé défendeur.
Les dispositions du premier alinéa sont applicables aux décisions prises sur le fondement du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, du code de l’urbanisme ou des articles L. 1331‑25 à L. 1331‑29 du code de la santé publique.
Les décisions du premier alinéa ne sont pas applicables aux décisions prises par décret.
II. – Lorsqu’il n’est fait état dans l’ordonnance de référé d’aucun doute sérieux quant à la légalité de la décision, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation dans les meilleurs délais.
La demande est présentée, instruite et jugée dans les formes prévues par le code de justice administrative, sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires.
Il se prononce sur tous les moyens de légalité qui lui sont soumis par les parties, ainsi que sur tout motif d’illégalité qu’il estime devoir relever d’office.
Le juge des référés se prononce sur la légalité externe de l’acte. S’il constate qu’à la date où il statue aucun moyen de légalité externe ne fait naitre de doute quant à la légalité de la décision en cause, aucun autre moyen tiré de cette cause juridique ne peut plus être invoqué dans la procédure pendante en annulation ou en réformation.
Le juge des référés se prononce sur l’ensemble des moyens de légalité interne de la requête et fondés par les parties au référé défendeur qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la réformation au fond. Lorsque l’ordonnance est devenue définitive, aucun nouveau moyen tiré de la légalité interne de la décision ne peut plus être invoqué par le requérant dans le cadre de la procédure pendante en annulation ou en réformation.
La décision juridictionnelle indique le ou les moyens sérieux susceptible de justifier l’annulation ou la réformation au fond de la décision attaquée.
III. – Le juge des référés qui, saisi de conclusions concernant un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de la décision qu’il prononce et, le cas échéant, fixer dans l’ordonnance le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation.
IV. – L’ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par le magistrat désigné par lui est susceptible de recours en cassation dans la quinzaine de sa notification.
V. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 242‑1 du Code des relations entre le public et l’administration, l’autorité administrative peut retirer, abroger ou régulariser la décision en cause si l’ordonnance devenue définitive la déclare manifestement illégale, ou si elle fixe un délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation, et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après que l’ordonnance aura été notifiée.
VI. – L’expérimentation est menée, pour une durée de trois ans à compter de la publication d’un décret en Conseil d’État, dans le ressort des tribunaux administratifs au nombre d’un à quatre, désignés par ce décret. Elle fait l’objet d’une évaluation dans les conditions fixées par le même décret.
Cet amendement a pour objet de créer une nouvelle procédure de référé, dit « référé défendeur », en matière d’urbanisme et d’expropriation pour cause d’utilité publique, à titre expérimental.
L’application la plus courante concernerait les maitres d’ouvrages, dont le permis de construire fait l’objet d’un recours contentieux au fond, et qui ont besoin d’être fixés rapidement sur la légalité, ou sur l’illégalité manifeste de l’autorisation d’urbanisme dont ils sont bénéficiaires pour poursuivre ou abandonner le projet de construction.
Il faut souligner en effet qu’un recours contentieux au fond contre une autorisation d’urbanisme paralyse le projet pendant des années (avec un délai moyen de traitement en première instance de 12 à 16 mois, ce qui peut porter à trois ans le délai pour obtenir une décision de justice définitive en appel). Ces délais importants très souvent entrainent un abandon du projet même si le permis était tout à fait régulier, en particulier par l’arrivée du terme du compromis de vente du terrain d’assiette du projet (les compromis de vente ne prévoient pas de durée de 3 ans).
Le projet de construction envisagé pourrait ainsi par cette nouvelle procédure être juridiquement sécurisé (et donc voir le jour) si aucune illégalité manifeste n’était relevée dans l’ordonnance, ou au contraire, donner lieu à un abandon ou à une régularisation en tant que de besoin.
L’objectif est ici de donner avec cette procédure de référé, plus de visibilité aux maitres d’ouvrages en particulier sur le risque contentieux encouru.
Il s’agit donc en pratique de la création d’un « référé défendeur suspension » dans le cadre des recours contre des autorisations d’urbanisme et des décisions prises en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique (DUP et arrêté de cessibilité) : le défendeur au fond pourrait engager un référé pour que le juge puisse dire rapidement si le permis par exemple est manifestement illégal ou non par le biais d’une ordonnance rendue en référé.
Si l’autorisation d’urbanisme n’est pas jugée manifestement illégale en référé, le requérant au fond devait être invité par le Tribunal Administratif à confirmer son recours.
En pratique ainsi, et si l’autorisation d’urbanisme n’était pas manifestement illégale, le pétitionnaire pourrait régulariser sa situation administrative, ou lancer les travaux (à ses risque et péril le cas échéant, mais avec un risque judiciaire très mesuré en l’état d’une ordonnance rendue en référé). Une telle ordonnance, une fois rendue, permettrait également de débloquer le prêt pour la réalisation de l’ouvrage, le risque contentieux étant ainsi maitrisé puisque tous les moyens d’illégalité devront être soulevés dans le cadre de cette procédure de référé.
Cette expérimentation s’inscrit dans la droite ligne de l’article L480-13 du Code de l’urbanisme (modifié par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté dite « loi « Macron ») qui prévoit que « le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme (…) que si, préalablement le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative (…) ».
L’objectif visé par la modification de l’article L480-13 du Code de l’Urbanisme n’a pas été atteint totalement en pratique, puisque ni les promoteurs, ni les maitres d’ouvrage privés n’engagent les travaux en cas de recours contentieux contre le permis de construire.
Cette procédure de référé défendeur est notamment inspirée par l’article R611-7-1 du code de justice administrative, créé par le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, qui prévoit que « Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'État, le président de la chambre chargée de l'instruction peut, sans clore l'instruction, fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux ».
L’article R600-4 du code de l’urbanisme, abrogé par le décret précité du 2 novembre 2016, prévoyait également que « Saisi d'une demande motivée en ce sens, le juge devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués ».
Dans le cadre de cette procédure de référé, le demandeur au fond devra soulever en référé tous les moyens d’illégalité (externe et interne) dont il entend se prévaloir dans le cadre de la procédure au fond. L’ordonnance qui est susceptible d’appel, une fois définitive, purgerait ainsi la légalité externe de l’acte, et ne permettrait plus au requérant au fond de se prévaloir de nouveaux moyens de légalité interne.
Cette procédure fige ainsi le cadre du contentieux pendant au fond, ce qui permet d’avoir avec l’ordonnance rendue, une forte visibilité sur la légalité (ou l’illégalité manifeste) de la décision attaquée, et d’envisager ou non le démarrage du chantier, et la réalisation du projet.
Le Président saisi en référé pourrait évidemment également ainsi soulever tout motif d’illégalité qu’il estime devoir relever d’office.
L’amendement prévoit en outre que si Le Président est saisi de conclusions concernant un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, il peut limiter à cette partie la portée de la décision qu'il prononce et, le cas échéant, fixer dans l’ordonnance le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation.
Il est enfin prévu que l’autorité administrative pourra retirer, abroger ou régulariser la décision en cause, si l’ordonnance devenue définitive la déclare manifestement illégale, ou si elle fixe un délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation, et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après que l’ordonnance du Président a été notifiée.
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