Publié le 2 juillet 2021 par : Mme Faucillon, M. Dharréville, M. Brotherson, M. Chassaigne, Mme Buffet, M. Bruneel, M. Dufrègne, M. Jumel, Mme Lebon, Mme Kéclard-Mondésir, M. Lecoq, M. Nilor, M. Fabien Roussel, M. Peu, M. Serville, M. Wulfranc.
I. – Supprimer l’alinéa 4.
II. – En conséquence, supprimer les alinéas 10 et 12.
III. – En conséquence, après l’alinéa 13, insérer l’alinéa suivant :
« I bis. – L’article L. 142‑3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé. »
Le présent amendement vise à supprimer la possibilité pour les Conseils Départementaux d’organiser la présentation des personnes se présentant comme MNA en préfecture, le recours au fichier national biométrique d’Appui à l’Evaluation de la Minorité, et la transmission des informations des départements vers les préfectures.
La double finalité que ces dispositions poursuivent, à savoir la lutte contre l’immigration irrégulière et la protection de l’enfance sont inconciliables. Ces dispositions renversent la présomption de minorité et le bénéfice du doute et apparaissent contraires aux articles 3, 20 et 8 de la Convention. De plus l’enregistrement des données personnelles des mineurs à d’autres fins que celles liées à leur protection est manifestement contraire aux recommandations du Comité des Droits de l’Enfant.
Si l’objectif affiché de cet outil est de lutter contre le « nomadisme » des jeunes présentant successivement une demande de protection dans plusieurs départements, UNICEF constate que l’ampleur de ce phénomène n’est pas mesurable comme le souligne d’ailleurs la Cour des Comptes dans un récent rapport. De manière paradoxale et malgré ce qui avait été annoncé, le décret portant création du fichier n’a pas empêché les réévaluations de la minorité à l’origine des départements pour des mineurs faisant l’objet d’une décision de placement qui leurs sont orientés dans le cadre de la répartition nationale. Une pratique désormais « quasi-systématique » dans « de nombreux départements » selon la Cour des Comptes.
S’il n’existe pas à ce jour de données publiques sur l’application de ces instruments, plusieurs constats inquiètent. On note une absence de garanties entourant le recueil des données personnelles (empreintes, photographie, état civil, coordonnées téléphoniques…) des mineurs en préfecture : agents non formés ou spécifiquement habilités, contacts directs avec les enfants sans intermédiation, absence d’accompagnement éducatif, guichet unique entre préfecture et département, absence d’interprètes, lieux non dédiés ou non-adaptés, absence d’accueil provisoire d’urgence pendant la procédure. On déplore également un enregistrement des données personnelles conditionnant la poursuite de l’évaluation, des conséquences négatives tirées du seul refus de se soumettre au recueil de leurs données personnelles, des décisions d’admissions basées uniquement sur les résultats de la consultation des fichiers.
La mise en place du fichier renforce le risque d’erreur d’appréciation sur la minorité en permettant la consultation de données non pertinentes pour l’évaluation de la minorité. En effet, en prévoyant la collecte et la comparaison de leurs données personnelles avec le fichier VISABIO, l’utilisation du fichier constitue une source d’erreur supplémentaire dans l’évaluation de la minorité. A cet égard, il convient de rappeler que pour de nombreuses personnes migrantes, mineures ou majeures, l’insuffisance de voies sûres et légales implique souvent la nécessité de recourir aux services de passeurs pour quitter leur pays et passer les frontières, en échange de sommes importantes demandées aux personnes et/ou à leurs familles.
Du fait de leur minorité et de l’impossibilité de voyager par elles-mêmes en cette qualité sans être accompagnées de leur représentant légal, des personnes mineures ont recours à leurs services. Or, ces passeurs leur fournissent des passeports d’emprunts ou falsifies indiquant une date de naissance d’une personne majeure pour tenter d’obtenir des visas afin de rejoindre légalement la France ou un autre pays. Cette pratique, expliquée par les jeunes eux-mêmes, n’a pour objectif que d’écarter temporairement leur minorité, laquelle serait un obstacle à leur migration, et d’entrer légalement dans le pays de destination (pour des exemples en ce sens, v. not. CAA de Douai, 1 juin 2017, n°17DA00060 ; CA de Nancy, 8 septembre 2017, n°154/2017). De même, dans ces parcours migratoires spécifiques, les risques de traite des êtres humains sont réels et peuvent conduire des personnes mineures à être sous l’emprise de réseaux organisant leur départ vers un pays européen pour différentes raisons (exploitation sexuelle, exploitation par le travail, traite dans le cadre du sport etc.). Il est donc nécessaire de prendre en compte que ces processus de traite des personnes mineures, au sens des différentes dispositions et normes nationales, européennes et internationales, peuvent les conduire à se déclarer majeures bien qu’étant mineures dans leur pays d’origine. Il est ainsi régulièrement constaté que des personnes malintentionnées peuvent contraindre certains jeunes à commettre des délits, à savoir prendre une autre identité et utiliser des faux papiers, solliciter un visa sous une fausse identité, entrer de manière frauduleuse dans un pays, le tout pour pouvoir leur extorquer des ressources ou les exploiter (CA d’Angers, 29 septembre 2017, n°176/017).
La possibilité donnée aux préfectures de prendre des mesures d’éloignement plus rapidement à l’égard d’un jeune en se fondant sur une simple décision administrative prise par un département, sans qu’il lui soit possible d’exercer un recours effectif devant le Juge des enfants, aggrave considérablement les conséquences en cas de refus de prise en charge. S’ensuit un effet dissuasif : dans certains départements, un jeune sur deux renonce à demander une protection et fugue par crainte de se rendre en préfecture et d’être expulsé vers son pays d’origine.
Cet amendement est proposé par UNICEF France.
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