Publié le 4 octobre 2021 par : Mme Louwagie, M. Hetzel, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Beauvais, M. Sermier, Mme Corneloup, Mme Boëlle, M. Carrez, Mme Bouchet Bellecourt, M. Pauget, M. Le Fur, M. Bazin, M. Benassaya, M. Menuel, Mme Audibert, M. de la Verpillière, M. Nury, Mme Dalloz.
I. – Après l’article 150‑0-D ter du code général des impôts, il est inséré un article 150‑0-D quater ainsi rédigé :
« Art. 150‑0-D quater. – I. – L’imposition de la plus-value réalisée dans le cadre d’un apport d’actifs numériques mentionnés à l’article L. 54‑10‑1 du code monétaire et financier à une société soumise à l’impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III de l’article 150‑0 B ter sont remplies.
« Au titre de l’année de l’apport, le contribuable mentionne le montant de la plus-value, déterminée conformément aux dispositions de l’article 150 VH bis du présent code, dans la déclaration prévue à l’article 170.
« Le prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques pour l’application de l’article 150 VH bis est réduit de la somme des fractions de capital initial contenues dans la valeur des actifs numériques apportés, conformément aux dispositions du B du III de l’article 150 VH bis.
« Ces dispositions sont également applicables lorsque l’apport est réalisé avec soulte à condition que celle-ci n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Toutefois, la plus-value est, à concurrence du montant de cette soulte, imposée au titre de l’année de l’apport.
« Il est mis fin au report d’imposition à l’occasion :
« 1° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des titres reçus en rémunération de l’apport ;
« 2° De la cession à titre onéreux des actifs numériques apportés si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l’apport des actifs numériques. Toutefois, il n’est pas mis fin au report d’imposition lorsque la société bénéficiaire de l’apport cède les actifs numériques dans un délai de trois ans à compter de la date de l’apport et prend l’engagement d’investir le produit de leur cession, dans un délai de douze mois à compter de la date de la cession et à hauteur d’au moins 75 % du montant de ce produit :
« a) Dans le financement de moyens permanents d’exploitation affectés à son activité commerciale au sens des articles 34 ou 35, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière. Les activités de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier sont exclues du bénéfice de cette dérogation ;
« b) Dans l’acquisition d’une fraction du capital d’une ou de plusieurs sociétés exerçant une activité mentionnée au a du présent 2° , sous la même exclusion, et répondant aux conditions prévues au c du 3° du II de l’article 150‑0 D ter. Le réinvestissement ainsi opéré doit avoir pour effet de lui conférer le contrôle de chacune de ces sociétés au sens du 2° du III de l’article 150‑0-B ter ;
« c) Dans la souscription au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou de plusieurs sociétés répondant aux conditions prévues au premier alinéa du b et au c du 3° du II de l’article 150‑0 D ter ;
« d) Ou dans la souscription de parts ou actions de fonds communs de placement à risques, de fonds professionnels de capital investissement, de sociétés de libre partenariat ou de sociétés de capital-risque respectant les conditions prévues, respectivement, aux articles L. 214‑28, L. 214‑160 et L. 214‑162‑1 du code monétaire et financier et à l’article 1er-1 de la loi n° 85‑695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, ou d’organismes similaires d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. Cette souscription s’entend de la signature, par la société bénéficiaire de l’apport, d’un ou plusieurs engagements de souscription de parts ou actions auprès de fonds, sociétés ou organismes qu’ils désignent. Par chaque engagement de souscription, la société bénéficiaire de l’apport s’engage à souscrire un montant minimal, pris en compte pour l’appréciation du respect du quota mentionné à la deuxième phrase du présent 2° , que le fonds, la société ou l’organisme désigné s’engage à appeler dans un délai de cinq ans suivant la signature de chaque engagement. Dans ce même délai de cinq ans, les sommes que la société s’est engagée à verser dans les conditions prévues à la phrase précédente doivent être effectivement versées au fonds, à la société ou à l’organisme. L’actif de ces fonds, sociétés ou organismes doit être constitué, à l’expiration du même délai de cinq ans, à hauteur d’au moins 75 % par des parts ou actions reçues en contrepartie de souscriptions en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital de sociétés mentionnées à la première phrase du b du présent 2° , ou par des parts ou actions émises par de telles sociétés lorsque leur acquisition en confère le contrôle au sens du 2° du III du présent article ou lorsque le fonds, la société ou l’organisme est partie à un pacte d’associés ou d’actionnaires et détient plus d’un quart du capital et des droits de vote de la société concernée par ce pacte à l’issue de cette acquisition. Outre le respect du quota de 75 % précité, les sociétés de libre partenariat définies à l’article L. 214‑162‑1 du code monétaire et financier doivent respecter, dans ce même délai, les quotas prévus aux articles L. 214‑28 et L. 214‑160 du même code.
« Le non-respect de la condition de réinvestissement prévue au présent 2° ou des quotas d’investissement mentionnés au d met fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle expire le délai de douze mois mentionné au premier alinéa du présent 2° ou le délai de cinq ans mentionné au d.
« Le non-respect de la condition prévue à la quatrième phrase du d du présent 2° met fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle expire le délai de cinq ans mentionné à la même quatrième phrase.
« Lorsque le produit de la cession est réinvesti dans les conditions prévues au présent 2° , les biens ou les titres concernés sont conservés pendant un délai d’au moins douze mois, décompté depuis la date de leur inscription à l’actif de la société. Toutefois, les parts ou actions de fonds, sociétés ou organismes souscrites dans les conditions du d du présent 2° sont conservées jusqu’à l’expiration du délai de cinq ans mentionné au même d. Le non-respect de cette condition de conservation met fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle cette condition cesse d’être respectée.
« Lorsque le contrat de cession prévoit une clause stipulant le versement d’un ou plusieurs compléments de prix au sens du 2 du I de l’article 150‑0 A en faveur de la société cédante, le produit de la cession au sens du premier alinéa du présent 2° s’entend du prix de cession augmenté desdits compléments de prix perçus. Dans ce cas, le prix de cession doit être réinvesti, dans le délai de douze mois à compter de la date de cession, à hauteur d’au moins 75 % de son montant dans les conditions prévues au présent 2° . A défaut, le report d’imposition prend fin au titre de l’année au cours de laquelle le délai de douze mois expire. Pour chaque complément de prix perçu, la société dispose d’un nouveau délai de douze mois à compter de la date de sa perception pour réinvestir, dans les conditions prévues au présent 2° , le reliquat nécessaire au maintien du respect du seuil minimal de 75 % du montant du produit de la cession défini à la première phrase du présent alinéa. A défaut, le report d’imposition prend fin au titre de l’année au cours de laquelle le nouveau délai de douze mois expire ;
« De même, en cas de réinvestissement du reliquat mentionné à l’avant-dernier alinéa du présent 2° dans la souscription de parts ou actions mentionnées au d, le non-respect de la condition prévue à la quatrième phrase du même d ou le non-respect des quotas d’investissement mentionnés au même d met fin au report d’imposition au titre de l’année d’expiration du délai de cinq ans mentionné audit d. Pour l’application du présent alinéa, le délai de cinq ans est décompté à partir de la date de souscription mentionnée à la première phrase du présent alinéa ;
« 3° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des parts ou droits dans les sociétés ou groupements interposés ;
« 4° Ou, si cet événement est antérieur, lorsque le contribuable transfère son domicile fiscal hors de France dans les conditions prévues à l’article 167 bis.
« La fin du report d’imposition entraîne l’imposition de la plus-value visée au I, sans préjudice de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727, décompté de la date de l’apport des actifs numériques, en cas de manquement à l’une des conditions de réinvestissement mentionnées au 2° du présent I.
« II. – Par dérogation aux 1° et 3° du I, le report d’imposition de la plus-value mentionné au même I est maintenu lorsque les titres reçus en rémunération du dernier apport ou échange ayant ouvert droit au report d’imposition mentionné audit I ou à son maintien font l’objet d’une nouvelle opération d’apport ou d’échange dans les conditions prévues aux articles 150‑0 B et 150‑0-B ter.
« Le contribuable mentionne chaque année, dans la déclaration prévue à l’article 170, le montant des plus-values dont le report est maintenu en application du premier alinéa du présent II.
« Il est mis fin au report d’imposition de la plus-value mentionné au I et maintenu en application du premier alinéa du présent II en cas :
« 1° De cession à titre onéreux, de rachat, de remboursement ou d’annulation des titres reçus par le contribuable en contrepartie du dernier apport ou échange ayant ouvert droit au report d’imposition ou à son maintien ;
« 2° De survenance de l’un des événements mentionnés aux 3° et 4° du I ;
« 3° De survenance, dans la société bénéficiaire de l’apport ayant ouvert droit au report d’imposition ou dans l’une des sociétés bénéficiaires d’un apport ou échange ayant ouvert droit au maintien de ce report en application du premier alinéa du présent II, d’un événement mentionné au 2° du I mettant fin au report d’imposition.
« III. – Un décret fixe les conditions d’application du présent article, notamment les obligations déclaratives des contribuables et des sociétés. » »
II. – Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 1er janvier 2022.
III. – La perte des recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
A l’heure où la relance économique est une priorité pour de nombreux secteurs qui continueront de subir les conséquences de la crise sanitaire dans les prochains mois, il semble nécessaire d’encourager toutes les pratiques visant à soutenir la relance économique et la création d’emplois.
Pourtant, ce secteur dynamique est confronté à des freins qui limitent son potentiel de croissance. En effet, les particuliers qui détiennent des actifs numériques et qui souhaitent les réinvestir dans l’économie en créant une entreprise se voient immédiatement dans l’obligation de s'acquitter de l’impôt sur les éventuelles plus-values latentes réalisées à titre personnel.
Or, dans l’hypothèse où la plus-value est matérialisée à l’occasion d’un apport en vue d’un investissement dans l’économie réel, les contribuables n’ont pas les liquidités nécessaires au paiement de l’impôt dès lors qu’ils ne reçoivent que des titres en contrepartie de cet apport. Ce mécanisme est dissuasif et constitue un obstacle fiscal au réinvestissement de ces valeurs dans une activité économique.
Ce problème était strictement identique lorsque des apporteurs de droits sociaux souhaitaient réinvestir une partie de leur patrimoine dans l’économie réelle. Le législateur a dès lors répondu à cette problématique en créant le mécanisme dit de l’apport-cession, prévu à l’article 150-0 B ter dont s’est inspiré le présent amendement.
Or, le réinvestissement des fonds détenus en crypto-actifs n’est pas une anecdote. Il est estimé qu’à ce jour, 7 % des Français détiennent des actifs numériques pour une valeur de 600 millions d’euros. Suivant la volonté d’encourager les ménages à investir leur épargne dans l’économie réelle, cet amendement propose d’encadrer les opérations d’apports d’actifs numériques en société afin de contribuer au financement d’entreprises.
Le régime proposé consiste en un report d’imposition de la plus-value constatée à l’occasion de l’apport, similaire au régime de l’apport-cession prévu à l’article 150-0 B ter du code général des impôts lors de la réception des titres. L’imposition interviendra lors de la cession des titres reçus en échange ou si la société vend les actifs numériques reçus et ne respecte pas des conditions strictes de réinvestissement du produit dans certaines activités économiques.
La mise en place d’un tel régime devrait conduire les contribuables à mobiliser leur patrimoine pour le rediriger vers l’économie réelle, tout en s’assurant que la plus-value réalisée fasse l’objet d’un suivi et soit imposée lors de l’appréhension des gains par le contribuable (notamment lors de la revente des titres).
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