Publié le 16 avril 2018 par : M. Chassaigne, M. Jumel, M. Bruneel, M. Azerot, Mme Bello, M. Brotherson, Mme Buffet, M. Dharréville, M. Dufrègne, Mme Faucillon, M. Lecoq, M. Nilor, M. Peu, M. Fabien Roussel, M. Serville, M. Wulfranc.
L'article L. 611‑4‑2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut être » sont remplacés par les mots : « , des viandes et du lait de vache est » ;
2° Les deux derniers alinéas sont ainsi rédigés :
« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l'économie et de l'agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d'application et les produits visés.
« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article et les sanctions applicables en cas de méconnaissance de ses dispositions. »
Cet amendement propose d'étendre le mécanisme du coefficient multiplicateur, partiellement réintroduit par l'article 23 de la loi n° 2005‑157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, après son abandon en 1986, aux viandes et au lait de vache. Fondé sur un principe simple d'encadrement des prix d'achat en lien avec les prix de vente, il s'agit d'appliquer un coefficient limitant les taux de marge sur l'ensemble de la filière, et plus particulièrement ceux des distributeurs.
Le coefficient multiplicateur a été mis en place à la Libération afin de protéger les paysans et les consommateurs des pratiques abusives des intermédiaires, notamment en matière de marges.
L'objectif était de permettre la satisfaction des besoins des Français par une maîtrise publique, et d'empêcher les spéculateurs de déstabiliser les prix et de déclencher des crises, comme cela était régulièrement le cas dans les années trente, conduisant alors à l'adoption de la loi du 15 août 1936 instituant l'Office national interprofessionnel du blé (ONIB). C'est à la demande des représentants de la grande distribution que le coefficient multiplicateur a été supprimé en 1986. Les représentants des Grandes et moyennes surfaces (GMS) ont fait valoir que l'entrée des pays d'Europe du Sud dans le marché commun et les perspectives d'ouverture des frontières extra communautaires, inscrites dans les projets européens et du GATT (devenu aujourd'hui OMC) offraient des possibilités d'achat de marchandises à bas prix sur le marché mondial. Le coefficient multiplicateur aurait contraint les GMS à acheter ces produits d'importation à un prix élevé pour pouvoir continuer à dégager des marges importantes. Cet effet remettait clairement en cause les stratégies de développement des GMS et la recherche de nouveaux profits.
Le principe de cet outil est simple : l'État fixe un coefficient, sous la forme d'un taux à ne pas dépasser, entre le prix d'achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur. Ce taux s'applique à toute la chaîne des différents intermédiaires. Par ce simple mécanisme, les prix à la production sont protégés dans la mesure où une augmentation des marges des intermédiaires entraîne obligatoirement une augmentation du prix d'achat au fournisseur. Les prix à la consommation sont de leur côté également protégés dans la mesure où le mécanisme interdit de dépasser un certain niveau de prix à la revente finale. En liant intimement le prix d'achat au fournisseur et le prix de revente au consommateur, le coefficient multiplicateur prémunit de fait contre toute spéculation et pratique abusive en matière de prix de la part des transformateurs et des distributeurs.
Ce dispositif fait déjà l'objet de l'article L. 611‑4‑2 du code rural, mais ne concerne actuellement que les fruits et légumes, avec un déclenchement laissé à la libre appréciation des ministres chargés de l'économie et de l'agriculture. Si, depuis l'instauration de ce dispositif, son activation a été évoquée à plusieurs reprises, jamais cette démarche n'a été concrétisée. Le coefficient multiplicateur, s'il était effectivement utilisé, serait cependant un outil très efficace pour éviter les situations dans lesquelles les producteurs sont obligés de travailler à perte.
C'est la raison pour laquelle cet amendement propose de l'étendre à l'ensemble aux viandes et au lait de vache, tout en précisant qu'il s'appliquerait aux périodes de crises conjoncturelles ou en prévision de celles-ci. En s'appliquant également aux produits agricoles importés, cette extension du coefficient multiplicateur constituerait également un puissant levier de dissuasion envers les pratiques de mise en concurrence des productions, notamment en fonction de leur date d'arrivée sur le marché, et de dumping économique, social et environnemental.
L'article précise également que les ministres chargés de l'économie et de l'agriculture devront, avant de décider du taux et de la durée du coefficient multiplicateur, consulter non seulement les organisations professionnelles concernées mais également les syndicats agricoles. Enfin, la limitation à trois mois de l'application du coefficient multiplicateur est supprimée.
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