Publié le 7 juillet 2018 par : M. Abad, M. Cattin, M. Leclerc, M. Pauget, M. Reda, M. Lorion, M. Parigi, M. Brochand, M. Ramadier, Mme Valérie Boyer, Mme Anthoine, Mme Bazin-Malgras, M. Rémi Delatte, M. Descoeur, M. Reiss, M. Pradié.
Au seizième alinéa de l'article 2 de la loi constitutionnelle n° 2005 205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement, les mots : « de précaution » sont remplacés par les mots : « d'innovation responsable ».
« Oser : le progrès est à ce prix » écrivait Victor Hugo dans les Misérables. Le progrès est moteur de notre société, force de propositions, de changements sociaux, de changements culturels et de développements économiques. Aux XIXème et XXème siècles, la France a contribué à des avancées majeurs en innovant dans différent secteurs, devenant même un des leaders mondiaux dans le nucléaire ou l'automobile. Mais depuis plus de trente ans, notre pays est entré dans une spirale de déclin en matière de performance et de productivité. Pour illustration, la part de l'industrie dans la valeur ajoutée en France a été divisée par deux entre 1980 et 2011, passant ainsi de 24 à 13 %.
Dans ce contexte, il est nécessaire d'envoyer aux Français et aux entreprises un signal fort en faveur de la croissance et compétitivité. Il en va de l'avenir de notre pacte républicain et de notre puissance économique.
C'est pourquoi, nous déposons une un amendement visant à instaurer un nouveau principe, celui d'innovation responsable.
Ce principe est composé à la fois du principe d'innovation et de celui de responsabilité. Loin d'être antinomique, ce sont deux principes complémentaires permettant d'atteindre le même objectif : un développement économique efficace, réfléchi et pondéré face aux grands risques environnementaux.
Le principe d'innovation responsable est à la fois une attitude philosophique, un principe économique et sociétal ainsi qu'une approche juridique.
L'innovation est l'un des grands principes qui régit notre société et il devrait être inscrit dans le bloc de constitutionnalité, afin d'être consacré, d'irriguer le droit et d'être protégé comme doit l'être tout grand principe.
L'innovation, au XXIe siècle, est la clé de grands défis, pour conserver la croissance économique, pour réaliser des gains de productivité.
Nous devons prendre des risques technologiques, avec soin et prudence mais nous ne devons pas bannir des recherches parce qu'elles en comporteraient. D'ailleurs, toute recherche comporte des risques, de l'électricité au XIXe siècle aux nanotechnologies, en passant par les biotechnologies, les organismes génétiquement modifiés et l'énergie nucléaire, etc. Autrement dit, le « risque zéro » n'existe pas.
Nous soutenons indéniablement le fait que l'individu, le citoyen, l'entrepreneur ou encore le politique doivent rendre des comptes pour les actes dont ils ont la charge. C'est pourquoi le principe d'innovation se doit d'être responsable.
Au XXème siècle, le philosophe allemand Hans Jonas, dans le Principe Responsabilité, développe une éthique de l'anticipation qui donne à l'homme une responsabilité inédite.[1]
Il faut noter que le principe de responsabilité englobe à la fois principe de précaution, principe de prévention, principe de réparation, et droits d'information et de participation. Tous ces principes se trouvent d'ailleurs dans la Charte de l'environnement de 2004.
Le principe d'innovation responsable permet également de mieux définir et encadrer le principe de précaution.
Le principe de précaution – ou tout autre principe connexe- ne doit pas devenir source de blocages. On remarque, qu'en se fondant sur ce principe, un grand nombre de réglementations, parfois lourdes, voire contestables, a été prise dans différents secteurs, comme par exemple le secteur agricole ou industriel.
Le principe de précaution seul, peut être parfois un principe d'inaction, d'interdiction et d'immobilisme. La prudence doit être de rigueur mais non au détriment du progrès. C'est pourquoi il ne peut s'inscrire que dans le cadre du principe d'innovation.
En outre, en substituant le principe d'innovation responsable au principe de précaution, ce dernier reste présent dans la hiérarchie des normes, puisqu'il est inscrit à l'article 191 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)[2], ainsi que dans la loi Barnier du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement qui introduit le principe de précaution en droit français, codifié à l'article L. 110‑1 du code de l'environnement.
Le principe de précaution n'est donc pas supprimé, il devient un des éléments d'un principe plus large qui est celui de l'innovation responsable et qui est enfin consacré juridiquement.
[1] Principe Responsabilité (Das Prinzip Verantwortung), ouvrage de Hans Jonas paru en Allemagne en 1979. Pour plus d'explication, voire Le principe de précaution ouvrage de François Ewald, Christian Gollier, Nicolas de Sadeleer, PUF, 2008. [2] « 2. La politique de l'Union dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l'Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur. »
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