Publié le 8 avril 2019 par : M. Fasquelle, M. Pierre-Henri Dumont, M. Cattin, M. Cinieri, M. Sermier, M. Viala, M. Le Fur, M. Leclerc, M. Deflesselles, M. Vialay.
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 164 B est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – A. – Sont également considérés comme revenus de source française les revenus tirés d’une présence numérique significative en France.
« B. – Un site internet, une application, ou tout autre support digital est qualifié de présence numérique significative en France dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :
« a) Un nombre significatif de contrats pour la mise à disposition, directe ou indirecte, des services proposés est signé avec des résidents français ;
« b) Un nombre important de clients résidents français utilisent les services proposés à titre gratuit ou à titre onéreux ;
« c) Les services proposés sont adaptés pour une utilisation en France ;
« d) Le volume total de la bande de trafic utilisée par des clients résidents français est important ;
« e) Une corrélation existe entre les montants payés par la société étrangère propriétaire du support à une autre société et le niveau d’utilisation en France. » ;
2° Au premier alinéa du I de l’article 209, après la référence : « I », est insérée la référence : « et au III ».
Le développement de l’économie numérique constitue un phénomène incontournable et notre propos n’est pas de livrer des combats d’arrière-garde. Par contre, il serait vain de nier les dysfonctionnements provoqués par cette croissance : elle génère des pertes de recettes fiscales insupportables, dans la mesure où les bénéfices réalisés échappent aux impôts nationaux sur les sociétés. Cette situation crée aussi une concurrence déloyale à l’égard des entreprises basées en France.
Aussi la solution qui vous est proposée vise-t-elle à remédier aux dysfonctionnements constatés, tout en respectant les contraintes du droit européen – et ce, avec l’impératif de protéger nos recettes fiscales.
En effet, la plupart des opérateurs de plateformes numériques, et en particulier les plus importants ne sont pas domiciliés en France et n’acquittent aucun impôt sur les sociétés.
À titre d’exemple, si nous prenons la seule entreprise Airbnb, celle-ci a payé un impôt pour l’exercice 2016 de 92 944 d’euros pour un chiffre d’affaire de 5 124 800 000 d’euros.
L’optimisation fiscale de ces entreprises, qui repose sur des procédés légaux, s’avère particulièrement dangereuse lorsqu’elle est pratiquée à grande échelle. La perte de matière fiscale s’élève chaque année à plusieurs milliards d’euros pour l’Union européenne. La Commission européenne a avoué elle-même que les GAFAM paieraient un taux d’imposition inférieur de moitié aux entreprises traditionnelles.
Le présent amendement suggère de rénover la notion d’établissement stable en introduisant la notion d’établissement stable numérique fondée sur le critère de présence numérique significative. La notion d’établissement stable est aujourd’hui dépassée par l’économie numérique et les techniques d’optimisation fiscale des grands groupes.
De nombreuses entreprises, en première ligne les géants du numérique, détournent aujourd’hui artificiellement les bénéfices qu’elles réalisent sur notre territoire en évitant l’établissement d’une présence fiscale en France.
Ce détournement massif et structurel de profits se fait au détriment de l’État, des services publics, des entreprises locales concurrentes et des citoyens.
Le présent amendement a pour objectif d’introduire une nouvelle définition de l’établissement stable. Aujourd’hui, celle-ci est dépassée par l’économie numérique et les techniques d’optimisation fiscale des grands groupes. Pour établir cette nouvelle définition, il n’y a pas besoin d’attendre un éventuel accord international, la réponse peut être et doit être nationale. Les critères de droit interne s’appliquent nécessairement en premier, avant application de toute convention fiscale. Ces dispositions s’appliqueraient ainsi dans les conventions fiscales renégociées (ou en l’absence de convention fiscale), et fourniraient un modèle concret à proposer dans les échanges internationaux sur le cadre fiscal, plaçant la France à l’avant-garde en Europe en matière de fiscalité sur le numérique.
La présence numérique significative sur notre territoire serait constituée par les éléments suivants :
– un nombre significatif de contrats pour des services internet conclus avec des résidents de France ;
– un nombre significatif d’utilisateurs du site internet, de l’application ou de tout autre support numérique en France ;
– le site est adapté pour l’utilisation par des internautes français (traduction en français) ;
– un volume trafic de données provenant ou à destination des utilisateurs français ;
– une corrélation forte entre les montants payés par des entités françaises à une société non résidente et le niveau d’utilisation d’internet par des utilisateurs résidents français.
Les profits attribuables à l’établissement français seraient déterminés sur la base d’une analyse fonctionnelle et d’une approche économique conforme au corpus de règles issu de l’OCDE et des actions BEPS.
Mesdames, Messieurs, le présent amendement est d’autant plus urgent que la Commission européenne elle-même a reconnu que l’approche idéale consisterait à trouver des solutions multilatérales et internationales pour taxer l’économie numérique étant donnée l’envergure mondiale de ce défi. Force est de constater que si la Commission coopère étroitement avec l’OCDE pour faciliter l’élaboration d’une solution internationale, compte tenu de la nature complexe du problème et de la grande diversité des questions à traiter, les progrès sont difficiles au niveau international et parvenir à un consensus international peut prendre du temps.
Il est dès lors insupportable de laisser l’état du droit permettre à certains acteurs de l’économie numérique de contourner l’imposition française.
Tel est bien l’objet du présent amendement qui vise redéfinir l’établissement stable afin de permettre une fiscalisation effective des opérateurs de plateformes numériques.
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