Jeudi 24 mai 2018
La séance est ouverte à onze heures trente-cinq.
Présidence de M. Alexandre Freschi, président de la commission d'enquête
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La commission d'enquête entend l'Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL) – M. Franck Hilton, directeur, et Mme Bernadette Mallot, directrice du centre hospitalier d'Auxonne et déléguée régionale ANCHL pour la région Bourgogne-Franche-Comté.
Mes chers collègues, nous recevons M. Franck Hilton, directeur de l'Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL), et Mme Bernadette Mallot, directrice du centre hospitalier d'Auxonne et déléguée régionale ANCHL pour la région Bourgogne-Franche-Comté.
Madame Mallot, monsieur Hilton, je vous souhaite la bienvenue. Je vous informe que nous avons décidé de rendre publiques nos auditions, qui sont ouvertes à la presse et diffusées en direct sur un canal de télévision interne, puis consultables en vidéo sur le site Internet de l'Assemblée nationale.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Madame, monsieur, je vous invite donc à lever la main droite et à dire « Je le jure ».
Mme Bernadette Mallot et M. Franck Hilton prêtent successivement serment.
Mesdames, messieurs les députés, je suis directrice adjointe au centre hospitalier universitaire (CHU) de Dijon, chargée de la filière gériatrique, et directrice déléguée de l'hôpital d'Auxonne. C'est cette seconde casquette qui m'amène devant vous aujourd'hui. Je suis également déléguée régionale de la fédération ANCHL pour la région Bourgogne-Franche-Comté depuis la fusion des régions. Je précise qu'auparavant j'étais déléguée régionale pour la région Bourgogne.
L'hôpital local d'Auxonne compte 178 lits, dont 30 lits de soins de suite et de réadaptation (SSR) – il a perdu sa spécialisation gériatrique en 2015 –, et douze places de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Le taux d'occupation est plus qu'honorable puisqu'il est de plus de 96 % pour le SSR, de près de 100 % pour le SSIAD et de 99,5 % pour l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
S'agissant du budget, c'est de plus en plus compliqué. Si le budget de 2016 a été à l'équilibre, celui de 2017 a été difficile. Notre établissement a la particularité d'avoir des médecins salariés. Auparavant ces médecins étaient libéraux, mais ils ont souhaité se retirer de cette association il y a quelques années, avant mon arrivée. Aussi je ne peux pas vous en dire plus. L'avantage de cet établissement, pour une ville qui compte un peu moins de 9 000 habitants, c'est cet ancrage et cette offre à la population. Cela permet d'avoir des consultations avancées avec l'établissement de Dole avec qui nous avons signé une convention sur la diabétologie, et nous espérons mettre en place d'autres conventions.
L'établissement fait partie du groupement hospitalier de territoire (GHT) 21-52 qui rassemble les établissements de Côte-d'Or, à l'exception de Beaune qui a fait son propre GHT, et ceux du sud de la Haute-Marne, à savoir les centres hospitaliers de Bourbonne-les-Bains, Chaumont et Langres.
Bien entendu, je suis amenée à me rendre dans toutes ces instances, et à travailler plus particulièrement sur deux filières, la filière SSR et la filière gériatrique. Des fiches actions sont en train de se mettre en place. La hotline permettra d'aider les EHPAD autonomes parce qu'il n'y a pas de médecins à demeure. Ils en ont besoin pour avoir des avis éclairés et si possible éviter des hospitalisations. Nous allons également travailler sur les consultations avancées, sur les consultations mémoire pour éviter de déplacer les résidents. D'autres pistes sont encore à l'étude.
Nous réfléchissons à la mise en place d'équipes mobiles de SSR, ce qui pourrait rendre service étant donné la rareté des professions, notamment les masseurs-kinésithérapeutes. Nous travaillons également sur l'opportunité de mettre en place des hôpitaux de jour sur le SSR.
Je suis directeur du centre hospitalier Basse-Vilaine, dans le Morbihan, qui comporte 26 lits de SSR polyvalents et deux lits identifiés soins palliatifs, 60 places d'EHPAD et 80 places de SSIAD. L'établissement, qui a ouvert en 2011, comprend en son sein une antenne du réseau Aide à domicile en milieu rural (ADMR) et un centre de permanence des soins. Le travail avec les médecins libéraux est intéressant. Nous sommes aussi intégrés, dans le cadre de la réforme sur les groupements hospitaliers de territoire, dans le GHT Brocéliande-Atlantique et nous avons un partenariat fort avec le centre hospitalier de Vannes en ce qui concerne l'intervention des médecins et des assistances sociales.
Madame, monsieur, quelle est votre vision de la mise en place des GHT après quelques années de démarrage ?
On assiste à un mouvement de grande rationalisation des hôpitaux avec la fermeture d'un certain nombre de services. Quelle échelle voyez-vous entre l'hôpital de proximité, hôpital rural dont j'ai bien compris qu'il avait deux gros piliers, les soins de suite et la réadaptation et la gériatrie, et d'autres hôpitaux intermédiaires qui ont un service d'urgence ?
On parle beaucoup de la réforme de la tarification à l'activité (T2A). Avez-vous réfléchi à des pistes nouvelles de financement des hôpitaux ?
En ce qui concerne la mise en place des GHT et la situation actuelle, je vous parlerai de ce que je connais bien, c'est-à-dire de celui auquel j'adhère parce que les réponses ne seront pas nécessairement les mêmes selon les GHT.
Le GHT 21-52 regroupe neuf établissements de taille extrêmement différente, puisque cela va du CHU, qui a un budget d'exploitation de 550 millions d'euros, au centre hospitalier d'Is-sur-Tille qui est le plus petit. Lorsque l'on crée des instances, il est difficile que tout le monde s'y retrouve. Pour l'instant, nous ne sommes pas dans une politique d'intégration, ce qui est rassurant pour les collègues et les territoires. Notre directeur général a la volonté que chacun y trouve sa place, mais sans que tout soit trop concentré au niveau du CHU. Mais un nouveau directeur pourrait avoir un autre avis. Voilà pour le côté positif. L'aspect négatif, c'est qu'on doit se battre tous les jours avec le budget, car avec le budget G, qui est une conséquence des GHT, chaque établissement doit mettre la main à la poche pour financer des actions communes. Si elles sont communes, on veut bien payer, mais si elles ne le sont pas on n'a pas envie de le faire et surtout on n'a pas l'argent. En 2017, dans mon établissement, le budget G était de 3 000 euros environ, mais pour 2018 le budget prévisionnel a été multiplié par dix pour s'établir à 30 000 euros environ. Or c'est beaucoup pour un petit budget, cela représente un poste. Pour ma part, j'ai averti les équipes : si le budget G augmente, il conviendra de faire des économies sur d'autres postes.
Le SSR n'est en T2A que depuis le mois d'avril 2017. Comme vous le savez, le financement des SSR est assuré à 90 % par la dotation annuelle de financement (DAF) et à 10 % par la dotation modulée à l'activité (DMA). Nous venons juste de recevoir nos budgets pour 2018. Permettez-moi de vous dire que je trouve cela déprimant : qu'on travaille ou qu'on ne travaille pas, on ne voit pas grand-chose !
Je ne suis pas contre la T2A. Je me dis que ce système peut être motivant. En 2017, j'ai dit à mes équipes : on y va, on travaille, on est meilleur, il faut qu'on augmente notre taux d'occupation. Mais finalement, on ne voit rien arriver financièrement. Aussi, je ne suis pas sûre que l'on puisse motiver les équipes très longtemps.
L'année prochaine, le taux sera encore bloqué à 10 %. Pardonnez-moi de dire qu'on a du mal à le vendre aux équipes. Si c'est vraiment intéressant, peut-être faut-il l'augmenter à 20 ou 30 %. Mais on n'ira pas au-delà, on a peur, on ne veut pas du 100 % comme les services de médecine chirurgie obstétrique (MCO) sinon c'est la mort des établissements. 30 % : cela peut être un signe intéressant au niveau budgétaire. Mais cela reste à démontrer car c'est très compliqué.
Nous n'avons pas de soins non programmés d'urgence. Nous travaillons aussi bien sur les urgences du CHU de Dijon qui sont à trente kilomètres, que sur celles de Dole, qui sont à quinze kilomètres. Dans ce dernier cas, ce n'est pas simple puisque l'on change de département et de région, mais c'est la population qui décide.
S'agissant des petits établissements, je ne veux pas donner d'informations qui seraient désagréables. Pour ma part, je travaille en Côte-d'Or et j'habite en Saône-et-Loire. On sait que la Saône-et-Loire est un département sinistré, que 25 lits de SSR viennent d'être fermés dans un établissement rural. On ne sait pas encore si ces lits seront repris. Les lignes d'urgence baissent en Bourgogne, et la « nuit profonde » n'existe plus depuis longtemps. On sait bien que la raréfaction des médecins libéraux retombe sur les urgences : c'est indéniable. On sait tous que l'on fait de la « bobologie ». Nous souhaiterions avoir des maisons de santé adossées à nos établissements – mais je sais que j'enfonce une porte ouverte. Malheureusement, je vis le contraire. Dans la commune, on envisage de créer une maison de santé. On m'a demandé de faire une proposition, ce que j'ai fait. A priori, elle ne sera pas retenue. Je trouve cela dommage.
On ne me les a pas données ! J'attends.
Vous représentez les petites structures. Or on est plutôt dans un phénomène de grossissement des structures, avec comme argument l'amélioration de la qualité des soins, des services. Avez-vous le sentiment d'être un établissement de seconde zone ? Quel regard portez-vous sur l'organisation des soins dans un territoire et sur la place des structures comme la vôtre dans cette organisation ?
Je vais commencer par répondre à votre seconde question.
Notre rôle est fondamental parce que la population est proche de nous. Il n'y a pas de transports en commun partout. S'il y a ce qu'il faut à Dijon, ce n'est plus le cas trente kilomètres plus loin. Quand une personne a des soucis de santé qui nécessitent une hospitalisation dans un centre hospitalier plus important, il faut respecter le parcours patient, mais nos établissements ont toute leur place lorsqu'il sort de l'hôpital – et vous savez bien qu'il sort de plus en plus tôt. Cela permet d'avoir la famille sur place, les visites. Sinon, c'est compliqué. Par ailleurs, notre taux d'occupation démontre que nous sommes largement utiles, sinon nous serions vides. J'ajoute que la durée du séjour n'est pas excessive : nous sommes à moins de trente jours pour un SSR dans nos établissements, ce qui est très correct, contre quarante-cinq jours il y a quelques années. Cela dit, je ne vous cacherai pas que nous avons parfois des patients qui devraient sortir mais qui sont en attente de placement – les lits d'EHPAD, on ne les fabrique pas ! Nous avons donc un vrai service à rendre à la population.
Bien entendu, nous ne sommes pas un établissement de seconde zone, sinon nous ferions autre chose. Nous sommes opposés à la concentration, car ce n'est pas une bonne chose. Cela dit, il faut avoir recours à des médecins, des professeurs qui sont reconnus dans leur métier et qui font beaucoup d'actes de chirurgie – on sait très bien ce n'est pas bon pour un praticien de ne pas en faire beaucoup. Notre place est extrêmement importante, et nous la soutenons.
Actuellement, le GHT est en construction, et les visites de certification se font établissement par établissement. Les prochaines visites se feront au choix des GHT mais de manière harmonisée, c'est-à-dire que tous les établissements recevront une visite en même temps et ils conserveront leur spécificité.
Il y a des supports métiers qu'il est intéressant de mettre en commun – il ne faut surtout pas tout jeter –, car nos petits établissements ont beaucoup de difficultés à recruter des qualiticiens, et ils n'ont pas l'argent nécessaire pour les payer. Ce que nous voulons, c'est pouvoir faire notre marché, si je puis dire, c'est-à-dire que l'on est partant pour les choses intéressantes mais que ce qui est compliqué, c'est ce qu'on nous impose et ce qui coûte. Vous l'avez compris, nous avons des budgets à respecter.
Le phénomène de concentration existe dans presque tous les domaines de la société, mais il est un peu antinomique avec notre souhait d'ouverture et de lutte contre les déserts médicaux. Comment les centres hospitaliers locaux peuvent-ils être la tête de pont pour endiguer les difficultés ? Normalement, les GHT devraient consolider l'offre de centres hospitaliers locaux. En réalité, les chiffres montrent qu'il y avait 307 centres hospitaliers locaux en 2013, contre 227 en 2017. Cette fermeture des centres hospitaliers locaux nous semble antinomique avec la volonté de lutter contre les déserts médicaux. Ces centres permettent d'améliorer le fonctionnement pour endiguer ces difficultés. Ce n'est pas parce qu'on concentre que l'on génère des économies. En tout état de cause, il faut le prouver par des études d'impact. Or les centres hospitaliers locaux s'aperçoivent que les systèmes d'information mis en place et le coût à payer pour cette grosse structure affectent significativement leur mode de fonctionnement, et comme l'a dit Mme Mallot, c'est la masse salariale qui est malheureusement la variable d'ajustement. Mais vous en avez bien conscience.
Quels sont vos liens éventuels avec le CHU et leur place dans les GHT ? Une politique d'achats en commun a-t-elle été élaborée ?
Y a-t-il un accès à la recherche ? Si oui, cela contribue-t-il à l'attractivité médicale de vos établissements ?
Vous avez évoqué un projet de maison de santé qui n'a pas abouti. S'agissait-il seulement d'un projet architectural, ou bien des médecins avaient-ils été retenus ? Un projet de maison de santé pluridisciplinaire avait-il déjà été élaboré avec les médecins eux-mêmes ?
Vous dites que la T2A stimule l'augmentation d'activité. Cela la stimule-t-il en prélevant des activités à d'autres établissements ou d'autres modes d'activité ou cela génère-t-il des activités supplémentaires ? On nous dit qu'il y a 30 % d'actes dont la pertinence est contestée. Est-il opportun d'augmenter, via la T2A, l'activité si celle-ci n'est pas absolument indispensable ?
Je suis directrice adjointe du CHU. Si j'ai choisi d'y aller, c'est que cela me convenait. Sinon, j'aurais fait autre chose.
J'ai la chance d'avoir une vraie direction déléguée. Je peux donc travailler en toute autonomie, et j'ai des liens de reporting sans souci avec ma direction générale. C'est extrêmement intéressant et valorisant. Nous sommes sur la même longueur d'onde sur le fait que le directeur délégué doit gérer son établissement, ses instances.
Une politique d'achats en commun a été mise en place sur le CHU. Mais cela a pris du temps, parce que nous avons eu des difficultés à prendre les bonnes orientations. Comme vous le savez, si le CHU de Dijon n'est pas le plus grand de France, il est tout de même important. Il a fallu recruter, mettre des personnes à disposition, ce qui a été un peu long. En 2018, le système fonctionne, mais un peu seulement, et c'est tant mieux. Nous ne voulons absolument pas avoir d'obligation. S'agissant des marchés, comme je suis directrice adjointe, j'ai la signature. Mais certains collègues n'ont plus le droit de signer alors qu'ils en ont encore la responsabilité.
Nous sommes favorables à une politique d'achats en commun si nous y sommes gagnants. Pour le moment, on ne nous oblige pas. Mais nous craignons qu'un jour nous n'ayons plus le choix. On achète dans des quantités tellement plus faibles que parfois on aboutit à des tarifs moins chers avec trois devis. Si on achète à Dijon pour tout le GHT, cela engendrera des frais de transport supplémentaires. Concernant les travaux, c'est encore bien pire.
La recherche représente un avantage pour faire venir les médecins, mais pas dans nos petits établissements. Par contre, s'agissant du GHT 21-52, les directions des soins sont très actives. Elles font de la recherche à leur niveau – ce n'est pas de la recherche médicale mais paramédicale – et entraînent dans le bon sens les autres établissements. C'est un point positif.
J'ai eu des soucis pour recruter des médecins. Très honnêtement, le GHT ne m'a rien apporté.
S'agissant du projet de maison de santé dont je vous ai parlé tout à l'heure, en fait je n'ai pas encore eu de réponse écrite officielle, mais je sais qu'a priori mon projet n'est pas retenu. Jusqu'à présent, le projet n'était pas défendu par les médecins mais par les élus. Si un projet n'est pas défendu par les médecins, il se casse la figure ou en tout cas il met du temps à émerger, ce qui est le cas. Lors des réunions que nous avons organisées à la demande des élus, nous avons découvert que les médecins ne se connaissaient même pas. Comme ils ne s'étaient jamais rencontrés, ils ne risquaient pas de monter un projet en commun.
Pourquoi ne veulent-ils pas travailler avec l'hôpital ? C'est historique, mais c'est dommage.
Je souhaite compléter le propos de Mme Mallot pour expliquer qu'avec les achats en commun on risquerait de créer des monopoles avec un seul fournisseur alors que l'on travaille avec des fournisseurs locaux. On fait vivre un tissu économique local à un tarif qui n'est pas forcément supérieur, pour ne pas dire inférieur, à certains groupements quand ils nous sont proposés.
Ce que vous dites, c'est qu'actuellement il n'y a pas d'obligation à faire des achats en commun.
Monsieur Touraine demande si la T2A créée de l'activité. Non, et heureusement ! En tout cas, pas le SSR. L'activité existait déjà. Je demande seulement qu'elle soit mieux codée.
Elle était mal codée. J'ai dû prendre 1 % ou 2 %, ce qui n'est pas énorme. Comme le financement était assuré par une DAF, les médecins disaient, à juste titre, que l'on gagnait la même chose que l'on ait trois ou six lits de libres. J'estime qu'on est là surtout pour rendre service à la population. Ce que je leur dis tous les jours ou presque, c'est qu'on remplit les lits mais qu'on rend aussi service aux CHU et aux CH parce qu'on permet aux personnes de rentrer chez elles et du coup de diminuer la durée moyenne de séjour (DMS). Mais je ne pense pas qu'on soit source de création d'actes.
Pourquoi n'installez-vous pas les maisons de garde au sein même de vos GHT au lieu de les accoler et de faire vous-mêmes les gardes ? Quels dispositifs attractifs préconisez-vous pour attirer les professionnels libéraux, médicaux et paramédicaux ?
Pour ma part, je plaide en faveur de directions autonomes, quelle que soit la taille de l'établissement. Dans mon département, les hôpitaux qui ont une direction autonome fonctionnent mieux que ceux qui ont une direction déléguée. Pour vous, ce doit être difficile, surtout lorsque des travaux sont programmés.
Les maisons de garde ne font pas partie de nos attributions, c'est-à-dire que le centre hospitalier local n'est pas là pour ouvrir ce genre de service. On ne peut qu'accueillir et participer. Sinon, on le ferait avec joie.
Vous m'interrogez sur les dispositifs attractifs pour attirer les professionnels. Attirer les médecins est compliqué, mais on y arrive grâce à la proximité de Dijon. Concernant le personnel non médical, pour ma part j'ai la chance que tous les postes soient pourvus mais nous peinons à recruter des infirmières au mois de juin parce que les sorties d'école ont lieu à la fin du mois de juillet. Je travaille étroitement avec tous ceux qui le veulent bien pour proposer une mini-crèche. Cela fait partie des avantages qui pourraient nous permettre de conserver nos jeunes infirmières. Je ne dis pas qu'il faut privilégier avant tout les femmes, mais comme vous le savez nos services comptent 80 % de femmes. C'est aussi la raison pour laquelle les infirmières partent.
Pourriez-vous nous donner une vision un peu moins locale par rapport aux questions qui ont été posées ? L'expérience n'est peut-être pas la même partout.
Chaque situation est différente. Je ne suis peut-être pas le mieux à même pour vous répondre. Ce serait plutôt au ministère de le faire. En tout cas, c'est à partir de ces situations locales que peut émerger une situation globale. On doit à la fois penser globalement et agir localement. C'est la seule réponse que je peux vous faire.
Il est clair que notre centre hospitalier s'appuie au maximum sur les professionnels libéraux – masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes – pour faire fonctionner les services.
Je veux rebondir sur la question des directions autonomes. Nous partageons totalement votre vision, madame Biémouret.
Les hôpitaux locaux ont-ils des contraintes budgétaires qui sont au-delà du raisonnable, par rapport aux soins, aux moyens ?
On est dans une évolution de contraintes parce que les dotations étaient déjà très justes. La modification de la tarification, c'est-à-dire la T2A, est trop jeune et en tout cas pas assez évoluée pour créer une vraie bouffée d'oxygène. Nos établissements, et je parle là au niveau national, ont la particularité d'avoir un secteur médico-social important, et le secteur médico-social ce sont les EHPAD. Comme vous le savez, les réformes des EHPAD font beaucoup de mal à nos établissements. Les forfaits dépendance sont extrêmement contraints, et les forfaits en matière d'hébergement sont fixés par les conseils départementaux. On fait avec.
On gère des deniers publics. Si on nous octroie 300, on dépense ce qu'on nous donne. Malheureusement, les dotations sont à la baisse. Est-on arrivé à l'os, si je puis dire ? Je ne le sais pas. En tout état de cause, c'est très compliqué car on gère essentiellement les EHPAD, et la convergence tarifaire dépendance nous affecte dans tous les domaines.
Je souhaite vous interroger sur le manque de spécialistes dans certains centres hospitaliers locaux qui mettent à mal le fonctionnement de certains services. Dans la ville de Marmande, il y a trois obstétriciens et un pédiatre qui doivent bientôt partir à la retraite. L'absence de spécialistes risque d'entraîner la fermeture progressive de ces services. Quelles solutions pourriez-vous proposer pour éviter de telles situations ?
Le numerus clausus a été revu, mais il faut attendre d'en voir les fruits. Former des médecins prend du temps, et encore plus des spécialistes. Les réformes se mettent en place, mais elles ne produiront pas leurs effets tout de suite.
On peut faire de la télémédecine, de la téléconsultation, de la télé-expertise dans certains domaines, mais comme vous, je pense qu'on ne peut pas en faire dans tous les domaines. Il faudra qu'on m'explique comment on pourrait faire une téléconsultation de gynécologie Par contre, c'est possible en matière de dermatologie : on peut donner un avis pour éviter que les gens se déplacent. Peut-être faut-il que ce soit une solution transitoire pour empêcher la fermeture de services.
La question l'on se pose tous les jours pour tous les établissements, quelle que soit leur taille, est de savoir si l'activité est importante et s'il faut garder les services.
Madame Mallot, je vous remercie pour votre sincérité et pour l'équilibre des réponses entre M. Hilton et vous-même. Vous êtes une directrice générale adjointe de CHU. Or on connaît le poids des CHU en France. Mais vous êtes aussi directrice d'un hôpital de proximité avec délégation de signature, tandis que M. Hilton n'a pas la délégation de signature.
Pour ma part, je considère que les GHT ont été un peu les pompes aspirantes, avec des mutualisations à la maison-mère.
Pensez-vous qu'un établissement qui compte 350 salariés peut avoir un directeur qui soit présent une demi-journée par semaine ?
Vous savez que tous nos établissements hospitaliers font l'objet d'une accréditation de la Haute Autorité de santé (HAS). Actuellement, le nombre de services en voie de non-accréditation par la HAS est en augmentation. Une vraie organisation de solidarité a-t-elle été créée autour de deux sujets qui concernent tous les établissements, le plus petit comme le plus grand, à savoir le parcours du médicament et le dossier du patient ? Ce sont les deux clés d'entrée d'une accréditation par la HAS, au-delà des urgences, de la maternité, etc.
Ne pensez-vous pas que l'on pourrait réunir autour d'une même organisation territoriale la sphère publique et la sphère publique, le Premier ministre ayant eu cette intelligence des mots en expliquant que la santé était un enjeu d'aménagement du territoire, social et sociétal ? Ne pourrait-on pas imaginer une sorte de gouvernance sur ce « marché », comme vous l'avez dit ? En revanche, il y a avant tout une exigence de qualité de soins et de prise en charge du patient pour lui apporter les meilleurs soins, de A à Z. Pour ma part, je me moque qu'il s'agisse de la sphère publique ou de la sphère privée, ce qui m'importe c'est que la prise en charge se fasse dans les meilleurs endroits, au meilleur moment parce que, comme vous l'avez dit, les actes sont moins bien faits lorsqu'ils ne sont pas faits fréquemment. Peut-on imaginer une organisation public-privé à l'échelle territoriale, rattachée à un CHU, qui permette d'évaluer quelle est la meilleure prise en charge des patients à toute heure du jour et de la nuit et qui ne repose pas uniquement – et là je m'adresse à la directrice du CHU – sur les urgences qui sont très encombrées et qui ont des coûts considérables ?
Vous demandez si un directeur pourrait seulement être présent une demi-journée par semaine. Non, jamais !
Un directeur doit être présent. J'ai la particularité d'avoir un double poste. J'ai oublié de vous préciser que, sur le papier, je suis à 70 % sur mon établissement. Mais j'essaie d'être très présente.
Il est important de dire que les postes de directeur se raréfient. Cela ne veut pas dire qu'on va tous disparaître ou qu'on sera bientôt tous morts, mais juste qu'ils ne sont plus publiés – je fais exprès d'insister lourdement. Le fait de centraliser implique que les postes de chefferie d'établissement n'existent pratiquement plus, et quand ils sont publiés c'est la foire d'empoigne. Auparavant, on était quelques-uns à postuler. Aujourd'hui, ça devient très compliqué. Certains collègues – et là je parle pour l'ensemble du territoire français – ne veulent pas des postes d'adjoints mais des chefferies. On ne les ouvre plus et c'est très dommage.
S'agissant des accréditations par la HAS, je n'ai pas connaissance de l'évolution des résultats. On a tellement de difficulté à gérer les nôtres qu'on ne va pas voir les autres… Pour un petit établissement, une certification est un dispositif extrêmement lourd car les experts visiteurs sont là plusieurs jours, etc.
Oui, une organisation a été créée autour du circuit du médicament, mais ce n'est pas nouveau. Lors de l'avant dernière visite que j'ai vécue, tout le monde avait été un peu montré du doigt sur ce point. Cette visite-là se passe bien mieux pour beaucoup d'établissements. Là non plus, on n'est pas tous égaux : le circuit est très différent selon que l'on a une pharmacie à usage intérieur ou pas.
Quant au dossier du patient, aujourd'hui les établissements sont en grande majorité informatisés. Les dossiers sont à peu près bien tenus quand il y a des médecins sur place. Mais quand ce sont des médecins libéraux, on peut comprendre qu'ils aient autre chose à faire. Le résultat n'est pas toujours excellent.
Je ferai un aparté concernant les systèmes d'information GHT. En la matière, il faut être vigilant parce que ce qui convient à un CHU ne convient absolument pas à un petit établissement. Il est sûr que les logiciels ne sont pas adaptés.
Cela fait plus de trente ans que je suis dans le service public. Ma vision est donc peut-être un peu plus restrictive. Peut-être M. Hilton pourra-t-il répondre mieux que moi à cette question de l'organisation entre le public et le privé, parce qu'il est plus jeune.
Nous ne sommes pas opposés à travailler avec le secteur privé. Mais il faut comparer ce qui est comparable, c'est-à-dire qu'on doit rendre le même travail et être jugé sur les mêmes valeurs. On sait – c'est peut-être faux mais pas encore démontré – que lorsqu'un patient est dans le privé et que son cas est complexe, il va ailleurs. Et quand il faut opérer, peut-être va-t-on le transférer dans un établissement plus grand. Je n'ai pas d'opposition de fait à un rapprochement entre le public et le privé, mais on est quand même loin du compte.
S'agissant de la certification, nous n'avons pas ces données au niveau national en ce qui concerne des problématiques sur les petits établissements. Les certifications se passaient plutôt bien car, comme l'a dit M. Dufrègne, nos établissements sont très qualitatifs, et l'ANCHL défend au niveau national cette qualité et cette autonomie.
Monsieur le président, vous me demandez comment avoir recours à des médecins spécialistes. À mon avis, c'est l'un des points positifs du GHT.
Enfin, la présence d'un directeur sur site a tout son sens pour suivre au plus près les politiques mises en place et les risques psychosociaux dont vous avez, bien évidemment, entendu parler dans vos établissements.
Il y a des GHT qui n'ont pas de CHU mais seulement des hôpitaux de proximité. Si je résume vos propos, il est clair que le GHT n'est pas nécessairement bénéfique. Je suis élue d'une circonscription rurale où le GHT n'a pas de CHU. On parle de chefferies en moins, de fermeture de lits, et du coup de personnels en moins, donc de licenciements, etc.
Avez-vous réfléchi à une autre organisation du pôle de santé, par exemple un pôle de santé par bassin de vie qui pourrait être bénéfique pour les hôpitaux locaux et les hôpitaux de proximité, et permettrait de ne pas dépenser trop d'argent ?
Comme vous l'avez dit, la plupart des GHT n'ont pas de CHU. Mais le CHU est partenaire de tous les GHT. Quand il est dans le GHT, il est site pivot, mais il doit avoir des conventions avec tous les GHT de la région, ce qui fait qu'il est là pour servir d'appui, notamment pour les ressources médicales. Disons-le clairement, le GHT est une structure qui nous a fait peur. C'était l'inconnu, on ne savait pas trop où on allait. Les petits établissements craignaient d'être absorbés.
L'intérêt du CHU, c'est d'être utile pour le personnel médical. Il reste extrêmement attractif : il y a la faculté, les stages, les internes, les externes, les chefs de clinique. Les assistants partagés font partie de cette réponse. C'est quelque chose qui a constitué un plus. Il ne faut pas tout jeter.
Nous avons reçu des syndicats d'étudiants, des représentants des facultés. 80 % de ceux qui sont en internat restent dans la région dans laquelle ils ont été formés. Les stages pourraient-ils être délocalisés ? Pourrait-on envisager que des jeunes puissent être formés pendant trois, quatre ou cinq ans dans des zones un peu plus petites ?
Actuellement, les internes doivent faire des stages en dehors de leur périmètre. Je prendrai un exemple que je connais bien : le Morvan. C'est une belle région, mais ce territoire n'est pas très attractif, et il faut pouvoir y aller. Or tous les jeunes n'ont pas de voiture. Et il faut aussi les loger. Peut-être faudrait-il prévoir un dispositif pour les aider. On dit que si le jeune va faire un stage dans une maison de santé…
Nous n'y sommes pas favorables. Nous pensons qu'il y aura deux vitesses, sauf s'ils vont tous six mois ailleurs. Si la faculté de médecine est à Dijon et qu'on ouvre une antenne à Nevers…
C'est pour cela que je le dis !
Pour le moment, les esprits ne sont pas prêts. La décentralisation des études n'est pas pour tout de suite, contrairement à la décentralisation des stages. Lorsque le CHU recrute des médecins, le contrat prévoit qu'ils doivent passer une ou deux journées dans un autre hôpital du GHT. C'est clairement un atout pour les autres établissements.
Puisque les CHU sont plus attractifs, qu'ils ont la chance d'attirer davantage les médecins, ne pourrait-on pas prévoir dans chaque département un hôpital qui soit associé à un CHU en ce qui concerne les stages, l'accompagnement et la formation ?
Dans la continuité du partenariat au sein du GHT entre le CHU et les petits hôpitaux, vous avez parlé de consultations avancées dans votre hôpital. Est-ce lié à cela ou autre chose ?
J'habite dans le Sarladais. L'hôpital, alors qu'il ne parvenait plus à recruter de médecins spécialistes, bénéficie de consultations de spécialistes grâce au GHT. C'est intéressant, même si on a perdu certains services.
Vous avez parfaitement raison, madame la députée. Les consultations avancées peuvent représenter une plus-value pour les établissements comme les nôtres et les centres hospitaliers locaux. C'est un avantage indéniable et il faut approfondir, consolider cela. C'est quelque chose qui est en train de se construire mais qui prend du temps. L'idée, c'est vraiment de faire du centre hospitalier local une plateforme innovante grâce aux consultations avancées, aux téléconsultations, à l'innovation en matière de télémédecine, pour l'ancrer sur le bassin de vie et travailler davantage en concertation et en coopération avec les EHPAD, les résidences autonomie qui se constituent et les SSIAD, la politique actuelle encourageant le maintien à domicile.
En clair, avez-vous des capacités d'accueil des internes pendant leur cursus ?
Comment peut-on obliger les médecins, les professionnels de santé à aller faire des consultations avancées lorsqu'ils les refusent systématiquement et demandent le paiement des frais de déplacement et le paiement, par l'hôpital dans lequel ils font les actes, de leurs honoraires, voire les dépassements ?
J'ai tout de suite compris ce que vous vouliez dire parce que je me bats là-dessus depuis deux ans.
S'agissant des consultations avancées, il y a deux situations. Si vous êtes un établissement local de proximité avec de la médecine, ça ne pose pas de problème parce qu'avec la T2A vous avez droit de coder les actes.
Pour notre part, nous n'avons pas de médecine, seulement du SRR. Pour l'instant, on ne peut donc pas facturer de consultation avancée, ce qui veut dire qu'il faut pouvoir s'entendre avec les collègues. Avec Dole, on s'est mis d'accord : lorsque les médecins viennent, je ne paye rien. Je ne gagne rien et je ne perds rien. Par contre Dole gagne ses consultations et ramène la patientèle dans son établissement. C'est du gagnant-gagnant. Avec le CHU, j'attends depuis deux ans de trouver un terrain d'entente parce qu'on me réclame de payer les médecins qui feraient des vacations, les frais de déplacement, etc. Mais mon budget ne me le permet pas. J'ai interpellé l'ARS à maintes reprises afin que des solutions soient trouvées. On pourrait faire bien mieux, bien plus.
Dans des petits hôpitaux, il est effectivement difficile de recruter des médecins. Les « remplaçants pérennes » n'acceptent de venir qu'au tarif de remplaçant. Dans le service de gynécologie de l'hôpital, par exemple, il y a deux remplaçants qui font quinze jours chacun et qui se font rémunérer au taux de remplaçant alors qu'ils sont là depuis deux ans.
Ils gagnent en une semaine ce qu'ils gagneraient sinon en un mois !
Quel recours peut-on avoir ?
Il y a deux sujets dans votre question. D'abord, peut-on garder des remplaçants ad vitam aeternam et ne pas leur demander de passer le concours de praticien hospitalier ? C'est le directeur qui essaie parce que nous ne sommes pas hiérarchiquement au-dessus des médecins. On fait comme on peut, mais ce n'est pas forcément la bonne solution. Auparavant, il y avait un vide juridique. Un décret fixe désormais les rémunérations des médecins remplaçants et des limites à l'intérim. C'est bien, mais c'est compliqué parce que les médecins établissent désormais des listes noires et ne vont pas dans certains établissements qui refusent de les payer plus que le montant fixé par décret. Nous en avons parlé à l'ARS qui nous a répondu que si on n'y arrivait pas, on n'avait qu'à fermer nos services.
L'audition s'achève à douze heures trente-cinq.
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Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 24 mai 2018 à 11 h 30
Présents. – M. Didier Baichère, Mme Gisèle Biémouret, M. Marc Delatte, Mme Jacqueline Dubois, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Alexandre Freschi, M. Guillaume Garot, M. Éric Girardin, M. Jean-Carles Grelier, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Jean-Michel Jacques, M. Thomas Mesnier, Mme Monica Michel, M. Bernard Perrut, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, M. Jean-Louis Touraine, Mme Nicole Trisse, M. Philippe Vigier
Excusé. - M. Jean-Pierre Cubertafon