Présidence
La commission examine le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle sur le financement et le suivi de la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine.
Nous entamons ce matin l'examen des travaux de contrôle et d'évaluation qui ont été lancés en début d'année. L'objectif est que notre commission ait pu se saisir de l'ensemble de ces rapports d'ici la fin du mois de septembre, avant le début de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.
Il s'agit notamment des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), qui s'est penchée cette année sur trois sujets : l'évaluation du financement public de la recherche dans les universités ; les outils publics encourageant l'investissement privé dans la transition écologique ; le financement et le suivi de la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine.
Pour ce troisième thème de travail, Nadia Hai est associée à un de nos collègues de la commission des affaires économiques, Rémi Delatte, auquel je souhaite la bienvenue pour cette réunion.
Je voudrais d'emblée insister sur le fait que le travail réalisé par les rapporteurs a été un travail très exhaustif pour le délai imparti. La mission d'évaluation et de contrôle (MEC) l'a approuvé à l'unanimité.
Avec Rémi Delatte, membre de la commission des affaires économiques, nous avons mené depuis la fin du mois de février une investigation au nom de la MEC sur le suivi et l'évaluation du financement des programmes de rénovation urbaine.
Pendant ces cinq mois, nous n'avons pas cherché à dresser un bilan exhaustif de cette politique essentielle, ce qui aurait été impossible dans un temps aussi réduit, mais plutôt à déterminer la manière dont elle peut être encore améliorée.
Nous avons donc adopté une démarche résolument pragmatique et de terrain. Nous avons voulu que ce rapport soit, en quelque sorte, un carnet d'observations, enrichi des données factuelles et juridiques indispensables à un débat politique de qualité sur le sujet.
Nous espérons qu'il permettra d'ouvrir le débat largement, car notre optique a été de décloisonner le sujet au maximum sans pour autant aboutir à un rapport à tiroirs, constitué d'une succession de focus.
Nous n'avons pas limité notre enquête au suivi des crédits de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Nous avons choisi d'ouvrir la perspective en évaluant la performance globale de la politique de rénovation urbaine au regard de l'objectif de mixité sociale qui lui a été assigné par la loi.
La notion de mixité sociale est au coeur du débat politique, ce qui nous a paru justifier qu'on y prête une attention particulière. Mais c'est aussi une notion dont les contours sont incertains et qui, de ce fait, est aussi assez politique.
Évaluer la performance de la rénovation urbaine au regard de l'objectif de mixité est de ce fait une gageure : il est impossible de déterminer des critères objectifs, valables sur tous les territoires, pour la mesurer. Et quand bien même cela aurait été possible, les méthodes d'élaboration des statistiques comportent elles-mêmes des limites difficilement dépassables.
Mais ce n'est pas une mission impossible. L'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) nous a ainsi fait des propositions pour alimenter les travaux d'évaluation par des indicateurs statistiques.
À ce stade de la discussion, je voudrais, en mon nom et en celui de Rémi Delatte – mais je pense que tous les membres de nos commissions ici présents voudront bien s'y associer –, saluer la qualité remarquable des productions de l'ONPV, constitué d'une toute petite équipe.
Les productions de cet observatoire sont une excellente base de travail pour l'évaluation de l'atteinte par la rénovation urbaine de l'objectif de mixité sociale. En augmentant ses moyens et en valorisant mieux ses productions sur le site du système d'information géographique de la politique de la ville, il serait possible d'aller plus loin et d'améliorer considérablement encore l'information de la représentation nationale, mais aussi des élus locaux et des citoyens de manière plus générale.
L'information pourrait et devrait aussi être améliorée concernant les données financières. C'est là le second volet indispensable de la mesure de la performance de la politique de rénovation urbaine.
Aujourd'hui, et nos observations rejoignent celles de la Cour des comptes sur ce point, l'information est éparse et incomplète. Si l'on considère que les deux dernières grandes synthèses sur le sujet datent de 2013 et 2014, c'est-à-dire avant la fin du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et le début du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), on peut même ajouter que ces informations sont désormais datées.
Nous portons donc la demande d'un rapport de suivi du financement et des réalisations de la rénovation urbaine. Nous considérons que ce rapport serait d'autant plus riche qu'il révèlerait l'articulation entre les politiques de rénovation urbaine et du logement. Il pourrait donc être utilement remis par le ministre en charge du logement lors du printemps de l'évaluation. Cette proposition a d'ailleurs été favorablement accueillie par le secrétaire d'État Julien Denormandie.
L'analyse des données communiquées par l'ANRU a permis de mettre en évidence quelques constats et de soulever un point de vigilance.
Premier constat : l'ANRU a consommé la plupart des crédits qui lui ont été alloués. La dépense des crédits a été très efficace.
L'enveloppe du PNRU est passée de 2,5 milliards d'euros en 2003 à 12 milliards d'euros en 2009, complétés par 350 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Au total, 11,7 milliards d'euros ont été engagés. Des crédits de paiement d'un montant de près de 2 milliards d'euros resteront ouverts jusqu'en 2021 pour achever les travaux engagés tardivement.
Ces chiffres font apparaître l'existence d'un reliquat de 600 millions d'euros de crédits non engagés. Ce montant est à la fois important et faible. Important car il est incompréhensible, au regard des enjeux qui ont justifié la mise en place du NPNRU, que toute l'enveloppe n'ait pas été consommée. Et dans le même temps, assez faible si l'on considère que l'on parle ici d'un investissement total de 47 milliards d'euros, tous financeurs confondus, et que la programmation s'est inscrite sur plus de dix ans.
Le NPNRU semble tirer les conséquences des facteurs à l'origine de ce reliquat, notamment par la mise en place de protocoles de préfiguration, qui sont des temps d'étude et de concertation. Rémi Delatte évoquera plus longuement la réforme des procédures, qui va dans le sens d'une accélération des démarches et d'une souplesse accrue pour les élus, maintenant que cette phase d'études est bien lancée et que le financement des programmes est consolidé.
Car le deuxième constat, c'est en effet que la jonction financière et administrative entre le PNRU et le NPNRU n'a pas été simple. On a demandé aux mêmes équipes et aux mêmes financeurs de gérer à la fois la fin du PNRU et le démarrage du NPNRU.
Le résultat a été un retard dans la mise en oeuvre opérationnelle du NPNRU. Jean-Louis Borloo le soulignait dans son rapport : il n'y a pas encore de grues dans les quartiers NPNRU, alors que l'urgence sociale est là.
Rappelons en effet l'historique du rôle de l'État dans le processus de rénovation urbaine. Dans le cadre du financement partenarial prévu en 2003, il était prévu une contribution de l'État. En 2009, ce dernier y a mis fin sous forme de crédits budgétaires, mais l'a poursuivie en 2009 et 2010 dans le cadre du plan de relance et, entre 2011 et 2013, dans le cadre du Grand Paris.
Cette modification a nécessité une réévaluation des contributions des autres financeurs et notamment de l'Union d'économie sociale pour le logement (UESL) qui a contribué au financement de l'Agence à un taux qui a atteint 80 % et même, après 2014, a dépassé 95 %.
Lors de la mise en place du NPNRU, à l'inverse de 2003, aucune contribution de l'État n'était prévue.
L'enveloppe initiale du NPNRU, de 5 milliards d'euros, rendait difficile la construction de projets d'ampleur suffisante. L'État a abondé cette enveloppe de 1 milliard d'euros en loi de finances pour 2017 pour faciliter, notamment, la mise en place de projets globaux, intégrant aménagement des espaces et équipements.
Puis l'enveloppe a été doublée en loi de finances pour 2018, passant ainsi de 5 à 10 milliards d'euros. Notre assemblée l'a d'ailleurs voté. C'est un acte politique fort en faveur de la rénovation urbaine.
Dans ce contexte, vos rapporteurs ont également souhaité clarifier l'impact des réformes en cours susceptibles d'affecter les ressources des acteurs du logement, notamment le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) et le projet de loi pour un plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), et ont pu constater, au vu des accords trouvés, que le NPNRU pourra être lancé sans difficulté, tout en exhortant à rester vigilant quant à la cohérence des textes les uns avec les autres, afin d'éviter les injonctions contradictoires.
Débuter les travaux au plus vite est une priorité absolue. Toutefois, il sera nécessaire de s'assurer que les crédits dont l'ANRU aura besoin chaque année pour financer les projets pourront être débloqués pour ne pas les ralentir.
Cela m'amène au point de vigilance que je mentionnais et qui porte sur la trésorerie de l'ANRU.
En l'état actuel des projections financières, en effet, les chiffres communiqués à vos rapporteurs font apparaître une possible impasse de trésorerie cumulée de 1,5 milliard d'euros. La trésorerie sera négative toutes les années où le besoin de financement sera le plus élevé.
Cela pose bien sûr la question de la chronique des paiements de l'État. Cela pose aussi la question du cofinancement du programme à moyen terme. Sur ces deux points, le secrétaire d'État Julien Denormandie, ainsi que l'ANRU et le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), ont confirmé que la situation était maîtrisée.
Les besoins financiers seront réévalués avec les partenaires de l'ANRU au fur et à mesure de la mise en oeuvre du NPNRU.
Ce point de vigilance montre à quel point il est nécessaire que le Parlement suive avec précision la trajectoire financière de l'ANRU.
Nous saluons en conséquence l'initiative de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative aux organismes extraparlementaires, qui prévoit l'entrée de deux parlementaires au conseil d'administration de l'ANRU.
Toujours dans le sens d'un renforcement du contrôle parlementaire, nous souhaitons, en interne à l'Assemblée nationale, la mise en place d'un mécanisme de suivi des rapports d'évaluation pour en actualiser les conclusions et approfondir les thématiques qui n'auraient pas pu l'être précédemment.
La satisfaction des habitants résultant de l'amélioration du cadre de vie permis par la rénovation urbaine est clairement ressortie des déplacements et des auditions.
Nous avons néanmoins souhaité relayer la préoccupation des habitants relative à la hausse des loyers, souvent imputée lors de l'intégration des logements rénovés sans qu'ils soient préalablement avertis ; nous avons formulé une proposition quant à la prise en compte de cet aspect dans le calcul d'endettement du financement par prêt bancaire, afin de prévenir la dégradation des copropriétés.
La rénovation urbaine a d'ores et déjà permis de transformer de manière substantielle des quartiers entiers. Porter une attention particulière à la programmation financière est indispensable, mais cela doit toujours se faire avec une boussole : celle des aspirations des habitants qui y résident. C'est tout le coeur de la démarche de notre rapport.
Après l'aspect financier présenté par ma collègue Nadia Hai, notre rapport aborde les observations et propositions concernant la mixité sociale et la mise en oeuvre d'une rénovation urbaine plus durable – tout simplement parce que c'est la condition de son efficacité.
Nous ne pouvons imaginer devoir engager des programmes d'interventions massifs tous les dix ans ; notre objectif doit être l'entrée des quartiers prioritaires dans le droit commun, et il s'appréciera au regard de la mixité sociale.
Nadia Hai l'a dit, la mixité sociale est une notion difficile à saisir, qui se comprend avant tout à l'échelle locale, dans chaque quartier. Nous avons donc visité des quartiers de profils différents, afin d'observer les convergences et les divergences des dynamiques territoriales.
Développer la mixité sociale ne peut se limiter à son aspect résidentiel. À travers l'action de l'ANRU, mais aussi au-delà, il nous faut une véritable action sur le bâti, grâce à plusieurs outils.
Le premier est celui de la répartition des logements sociaux sur le territoire de l'agglomération, favorisée par l'esprit de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) et par des objectifs de reconstitutions et de relogements hors des quartiers prioritaires lors des opérations de rénovation urbaine.
L'attribution des logements sociaux a été favorisée à l'échelle intercommunale et des règles sont venues l'encadrer pour développer la mixité sociale dans les quartiers. À ce titre, la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté impose aux bailleurs de réserver 25 % des attributions de logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) aux 25 % des demandeurs les plus pauvres et à des ménages relogés dans le cadre des opérations de renouvellement urbain. Elle impose également que 50 % des attributions de logements sociaux dans les QPV soient au bénéfice des ménages les moins défavorisés.
Le deuxième axe est celui de la diversification de l'habitat pour favoriser l'accès à la propriété des ménages modestes dans les quartiers prioritaires.
Plusieurs dispositifs ont été prévus, tels que la TVA à 5,5 %, des quotas de logements destinés à l'accession sociale ou des contreparties foncières cédées à l'association Foncière Logement. La diversification du logement social dans les quartiers en rénovation urbaine a aussi été utilisée pour accroitre la diversité de la composition sociale des ménages.
Malgré tout ce qui a été entrepris pour développer la mixité, notre constat est fortement nuancé. En effet, les reconstitutions et relogements des ménages concernés ont été effectuées majoritairement sur site ou dans d'autres quartiers prioritaires de la commune.
Plusieurs explications peuvent être avancées : une mise en oeuvre des projets à l'échelle de la commune, des réserves foncières réduites, ou l'impossibilité, pour certains profils de locataires, à se loger dans une offre de logements certes neuve, mais plus chère.
C'est pourquoi nous encourageons le Gouvernement à poursuivre son action de mise en oeuvre de mesures permettant la minoration des hausses de loyers et nous aimerions qu'un suivi plus fin de ces évolutions de loyers soit mis en place. Rennes, par exemple, expérimente un loyer unique sur tout le parc social ; nous souhaitons une évaluation rapide du dispositif pour envisager sa généralisation.
De plus, malgré des résultats significatifs, la diversification vers le logement privé est restée en deçà des objectifs fixés, essentiellement parce que l'image de ces quartiers tarde à changer. Les études menées ont donc logiquement montré un impact limité des opérations de mixité sociale sur la composition de la population des quartiers en rénovation urbaine.
Bien entendu, ces limites au développement de la mixité ne peuvent être comprises que si l'on sort des crédits de l'ANRU et du prisme de la politique de l'habitat, des constructions et démolitions, pour élargir le champ de vision. Le projet de rénovation urbaine doit s'inscrire dans son environnement et faire partie d'une action globale de la politique de la ville. Le NPNRU, par les protocoles de préfiguration et par son pilotage à l'échelle intercommunale, va dans le bon sens. Ce sont en effet toutes les politiques publiques qui doivent être mobilisées pour relever ces quartiers prioritaires, et faire en sorte qu'ils n'aient plus à l'être.
Le financement d'équipements publics de qualité est primordial et contribue à renforcer la mixité sociale. De même, le projet de renouvellement urbain doit être complémentaire d'une action volontaire sur le développement de l'activité économique dans les quartiers prioritaires, qui passe par des dispositifs incitatifs adaptés. On sait, en effet, que l'accès à l'emploi est la condition première de l'amélioration de la situation des habitants des quartiers prioritaires.
Nous proposons à cet effet un dispositif fiscal incitatif et adapté qui permettrait, en complément de mesures dérogatoires au droit commun pour les collectivités – je pense par exemple au droit de l'urbanisme –, une plus forte attractivité des quartiers en matière économique.
Enfin, il nous paraît indispensable de porter une attention particulière aux enjeux de la mixité scolaire, de la mobilité et de la sécurité dans la mise en oeuvre des opérations de renouvellement urbain.
Penser une rénovation urbaine durable, c'est aussi éviter une dégradation plus rapide du bâti issu de ces opérations. Cela implique de lutter contre les incivilités du quotidien dans le cadre de la gestion urbaine de proximité. Cela peut passer – et nous avons été convaincus de cela lors de notre déplacement à Boulogne-sur-Mer – par la généralisation de la présence de gardiens dans le parc social, et par une extension de leur capacité à facturer directement sur les loyers les dégradations causées. Cela passe, également, par la mise en oeuvre d'un droit d'alerte du maire, auprès du préfet qui dispose le cas échéant d'un pouvoir de sanction en cas de carence d'entretien de la part d'un bailleur.
Cela implique aussi de prévenir la dégradation des copropriétés privées. Les opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (ORCOD-IN) sont un outil très puissant en la matière. Le projet de loi ELAN prévoit un renforcement du dispositif comme d'ailleurs de la lutte contre les marchands de sommeil. L'ANRU elle-même va améliorer son financement pour faciliter le recyclage des ilots dégradés.
Mais basculer dans le surendettement peut aussi être très rapide. Aussi, nous proposons à titre préventif que le montant des charges locatives associées à un bien immobilier soit intégré au calcul du taux d'endettement bancaire rendant possible son acquisition.
Que l'on aborde la question des copropriétés dégradées ou de la sécurité et de la revitalisation économique, sur laquelle des annonces sont attendues prochainement, il apparaît clairement que le rapport mérite des approfondissements.
Ma collègue Nadia Hai évoquait à l'instant la possibilité de faire un suivi des rapports d'évaluation. L'étude des thèmes que j'ai abordés, à savoir la sécurité, l'emploi ou la lutte contre les copropriétés dégradées, trouverait toute sa place dans un suivi de notre rapport, mais il pourrait tout autant être envisagé de les traiter dans le cadre de missions d'informations ou de travaux futurs de la MEC.
Dernier point sur lequel nous voulions insister : une meilleure prise en compte des aspirations des habitants. Le sujet est revenu fréquemment lors de nos déplacements : il est aujourd'hui indispensable de mieux prendre en compte les attentes des habitants des quartiers prioritaires. Nous avons été frappés de la faible place prise par les espaces verts et de jeux pour enfants dans les projets que nous avons vus : cela peut sembler anecdotique, mais c'est pour nous symptomatique d'une insuffisante participation des habitants. Car ils sont de toute évidence les mieux placés pour connaître les besoins de leur quartier.
Dans ce sens, nous souhaitons un renforcement des conseils citoyens mis en place en 2014, ce qui passe notamment par un meilleur accompagnement des habitants qui y participent et une meilleure prise en compte de leurs interventions.
Mais prendre en compte les aspirations des habitants, c'est aussi, et peut-être même surtout, reprendre rapidement les opérations de rénovation urbaine. Nadia Hai indiquait que, désormais, les incertitudes financières sont levées et que le NPNRU peut repartir.
L'ANRU a décidé de simplifier les procédures et de redonner de la place aux élus. C'est là où ces derniers sont impliqués qu'on observe les meilleurs résultats. Il sera désormais possible de lancer les actions des projets qui seront les plus avancées, même si la totalité de la programmation n'est pas ficelée. L'instruction des dossiers de financement d'un plus grand nombre de projets régionaux sera déconcentrée. Un certain nombre de réunions surabondantes seront supprimées. Tout le processus retrouvera ainsi la souplesse attendue des élus locaux.
Nous ne pouvons que saluer ces démarches, qui permettront de remettre des grues dans les quartiers où l'urgence sociale le rend nécessaire pour améliorer le cadre de vie de leurs habitants.
Je conclurai volontiers dans les mêmes termes que ma collègue, en insistant sur le fait que la rénovation urbaine doit avant tout être placée au service des habitants des quartiers prioritaires.
L'efficacité de la dépense publique, comme de la politique publique de rénovation urbaine et des sujets qu'elle couvre, ne saurait se limiter à l'épaisseur d'un rapport, à un catalogue de bonnes intentions ou à des budgets énormes – oserais-je dire au pognon « de dingue » qu'on y met. Le curseur doit rejoindre celui de l'humain. C'est ce que j'appelle une « impérieuse ingérence du coeur ».
Je voulais féliciter nos deux rapporteurs pour leur travail sur la rénovation urbaine qui montre bien qu'à partir d'une question budgétaire, on peut tirer le fil de bien d'autres sujets : aménagement, vie collective, éducation, emploi, développement économique... Pour fonctionner, un territoire a non seulement besoin de logements, mais aussi de nombreuses autres infrastructures, afin d'atteindre la mixité sociale que nous souhaitons tous.
J'ai été très intéressée par la partie de votre rapport qui concerne l'investissement durable et tous les outils nouveaux à renforcer pour que la rénovation ne soit pas la rénovation d'un jour, mais bien la capacité à offrir une qualité de vie et d'habitat qui reste à un bon niveau sur le temps long. Ainsi votre travail sur les copropriétés dégradées, sur les alertes et l'inclusion des charges d'entretien dans les frais financiers me semble extrêmement important pour que la dépense publique soit aussi efficace dans le temps que lorsque les nouveaux immeubles fleurissent et sortent de terre.
À Massy, où je suis élue, les nouveaux immeubles poussent comme des champignons au milieu des plus anciens. À l'intérieur de ces derniers, le bâtiment est souvent assez bien entretenu ; mais la maintenance extérieure laisse à désirer, car il n'existe pas de budget correspondant. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ces besoins de maintenance et de rénovation au long cours ?
Je salue le travail considérable qui a été présenté. Il apporte une contribution à un double niveau : d'abord sur le sujet de fond de la rénovation urbaine, ensuite sur le renforcement du rôle du Parlement en matière de suivi : parmi les quinze propositions formulées par les deux rapporteurs, cinq catégories d'actions sont préconisées, dont un renforcement de l'évaluation de la rénovation urbaine et un renforcement du rôle du Parlement dans le suivi et l'évaluation de la rénovation urbaine. Je lis ainsi dans ce rapport, en creux, un plaidoyer en faveur de la mission d'évaluation et de contrôle du Parlement. Cela mérite d'être souligné. Nous passons beaucoup de temps à être législateurs, mais nous avons aussi intérêt à nous saisir de ces problématiques d'évaluation et de contrôle, qui nous offrent une capacité d'action importante, si nous savons poser un regard suffisamment critique et distancié.
Cela va dans le sens du « printemps de l'évaluation » que vous avez voulu organiser, monsieur le président. Ce rapport montre que nous ne pouvons nous contenter d'examiner à un instant « t » la question de la rénovation urbaine, mais que nous devons au contraire les mettre en perspective et en assurer le suivi. C'est à cette condition que nous mettrons, comme parlementaires, l'exécutif sous tension permanente.
Je vous poserai cinq questions.
Premièrement, du fait de l'amortissement des travaux effectués, des hausses de loyer ont lieu. Est-ce que les financements spécifiques, tels que les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI) ou les prêts locatifs à usage social (PLUS) sont, à cet égard, bien coordonnés aux travaux ou doivent-ils être encore améliorés ?
Deuxièmement, étant urbaniste de formation, je me demande s'il ne serait pas opportun de financer les projets urbains dont vous parlez, c'est-à-dire l'urbanisation au-delà du seul logement, grâce à un outil spécifique, comme la Caisse des dépôts et consignations le fait pour les logements.
Troisièmement, la facturation des dégradations constitue en effet une difficulté. La refacturation est un moyen complexe pour recouvrer la dette éventuelle ; les sommes engagées sont parfois élevées. D'autres voies seraient-elles envisageables ?
Quatrièmement, il faut élargir les quartiers, notamment dans le domaine de l'éducation. J'ai rencontré un professeur d'université qui sortait des quartiers difficiles. L'objectif était pour lui, non pas de faire revenir l'école dans le quartier, mais de sortir l'école du quartier et retourner y travailler ensuite. Je pense qu'un outil sur le sujet pourrait être envisagé.
Cinquièmement, pourriez-vous nous donner plus d'éléments sur le dispositif fiscal incitatif non pérenne que vous évoquez ?
Vous n'avez pu en effet lire le rapport avant la réunion. La question s'est déjà posée ce matin à la réunion de la MEC, comme la semaine dernière à propos d'un rapport « 58 2 » de la Cour des comptes. Nous réaborderons la question au sein du bureau de la commission. Certes, il serait bon que tout le monde ait pu lire un rapport que nous examinons. Mais il serait mauvais, d'un autre côté, qu'un rapport soit publié avant d'avoir été autorisé, même si les cas de refus de publication sont très rares.
Je serais favorable à ce que nous changions notre façon de faire sur ce point.
Vous avez parlé d'une impasse de trésorerie de 1,5 milliard d'euros pour l'ANRU. Je la mets en parallèle avec les annulations de crédits de juillet 2017, tant en crédits de paiement (CP) qu'en autorisations d'engagement (AE). Quand nous avions examiné le projet de loi de finances en commission élargie, le Gouvernement s'était engagé à apporter 1 milliard d'euros supplémentaires à l'ANRU. Pouvez-vous nous donner des assurances pour les années qui viennent ? Car les chiffres annoncés à l'époque par le rapporteur étaient bien insuffisants pour respecter l'engagement présidentiel et des coupes budgétaires sont encore annoncées pour 2019.
Sur le terrain, avez-vous mis un coup de projecteur sur la situation outre-mer ? J'imagine que les problèmes s'y posent de manière peut-être plus cruciale encore.
Comment la politique d'aide au logement peut-elle impacter la mixité sociale ? Après un premier coup de rabot sur ce programme, l'été dernier, il se murmure que le second coup de lame est en préparation.
Les programmes ANRU entraînent souvent des hausses de loyer, pour équilibrer les opérations. Si les aides personnalisées au logement (APL) n'atténuent pas ces augmentations, n'y a-t-il pas un risque de voir les familles quitter les quartiers en rénovation, en totale contradiction avec les objectifs mêmes de mixité sociale ?
Au travers des quinze propositions formulées, nous nous rendons compte que, pour rétablir de la proximité, il faut rétablir une communication transversale entre tous les acteurs.
La politique du logement a connu au moins un échec, comme vous le relevez : « l'offre de logement pour les populations les plus défavorisées se situe dans les bâtiments non rénovés des quartiers prioritaires ». Cela constitue un souci pour nous. Une politique adéquate doit corriger cela. Les politiques de rénovation aboutissent en effet ainsi à des situations qui ne favorisent pas du tout la mixité sociale.
Dans votre douzième proposition, vous préconisez de systématiser la présence de gardiens d'immeubles dans le parc social, en particulier pour répondre aux dégradations. Mais avez-vous évoqué le problème des nuisances de voisinage qui polluent la vie de quartier ? Quelquefois, une seule famille peut polluer l'ambiance d'un immeuble, notamment par des tapages nocturnes, ce qui pousse certaines familles à quitter l'immeuble. Comme maire, j'ai fait l'expérience qu'on ne dispose que de peu de moyens pour répondre à ces comportements. Avez-vous pris en considération cet aspect ?
Tout le monde s'accorde sur le fait que concentrer tous les logements sociaux en un même endroit conduit à une non-mixité sociale. Malgré les objectifs ambitieux du PNRU, la dose de logements privés prévue dans les différentes opérations ne suffit pas à renverser la tendance.
Ne faudrait-il pas se demander comment supprimer les ghettos et les cités présents sur nos territoires ? La qualité de logement social ne devrait pas être décelable pour un passant anonyme. Une des clefs de la réussite des prochains programmes sera de ne plus être capable de faire la différence entre ce qui est un logement social et ce qui ne l'est pas.
Au-delà de la mixité sociale, il faut d'ailleurs plutôt mettre l'accent sur la mixité d'activité et la mixité de publics. Prenons l'exemple de l'îlot Allard à Marseille, qui mêle logements sociaux, logements privés, administrations, entreprises. Ainsi se crée un cercle vertueux, qui fait que tous les publics se rencontrent. L'absence de mixité sociale se trouve ainsi résolue.
C'est pourquoi l'intitulé de « rénovation urbaine » ne me semble pas refléter ce qu'il faudrait faire. Je préférerais qu'on parle d'inclusion urbaine. La rénovation urbaine invite en effet à imaginer une reconstruction à l'identique, même si ce n'est pas le cas finalement. Or, l'objectif assigné aujourd'hui ne doit pas être celui-là.
Très intéressant et très documenté, ce rapport fait aussi preuve d'une grande honnêteté intellectuelle, car vous ne cachez pas votre perplexité devant un certain nombre de problèmes conceptuels que vous avez raison de souligner. Mais, si vous ne vous sentez pas en mesure d'offrir une interprétation des priorités, fût-elle provisoire et partielle, comment apprécier la nature des politiques menées ?
Votre rapport est d'abord une évaluation des évaluations. Vous montrez ce faisant combien il est utile d'arriver à une vision claire des choses, tant en matière de moyens que de concepts. Nous restons cependant sur notre faim, tant vos propositions sont raisonnables. Il leur manque, à mon sens, d'être rattachées à un socle. Je voudrais par exemple mieux comprendre l'articulation entre rénovation urbaine et mixité sociale, l'une et l'autre ne poursuivant pas forcément les mêmes objectifs.
De manière générale, j'apprécie qu'on hiérarchise objectifs et moyens. Faut-il d'abord mettre en avant les problèmes de mixité au sens strict du terme ? Ou des problèmes de présence des services sociaux ou de sécurité de l'environnement ? L'efficacité ne peut s'apprécier qu'à ce prix.
Il en va de même des moyens. Quelle est la part de la contrainte législative et de l'incitation financière ? Je comprends que vous ne vous substituiez pas au législateur. Mais faute d'avoir défini dès le départ une politique donnée, avec ses objectifs, on peine à apprécier le résultat. Je crois que la rénovation urbaine devrait être davantage goal-minded, ou ciblée. Il serait alors possible d'évaluer l'adéquation des objectifs poursuivis et des moyens mis en oeuvre.
Mais votre honnêteté – votre prudence – nous laisse un peu sur notre faim.
La question essentielle est bien celle des hommes et des femmes qui habitent ces banlieues. Cela dit, si l'on parle souvent des attentes et des besoins des habitants, il faut aussi se demander comment ceux-ci pourraient s'impliquer davantage dans la transformation et l'entretien de leurs quartiers, pour en devenir de véritables acteurs plutôt que de rester dans un rôle passif de consommateurs – ce qui, au-delà du bâtimentaire, nous conduit à faire le lien avec d'autres enjeux tels que le parcours éducatif, de formation et d'emploi, mais aussi le vivre ensemble et la citoyenneté dans la République. À mon sens, le fait que les habitants ne participent pas suffisamment à la vie de leurs quartiers – quand ils le font, il est rare qu'ils persévèrent – n'est que le reflet du manque d'implication des citoyens dans la vie démocratique.
Nous sommes favorables à la construction de logements sociaux dits « diffus », c'est-à-dire que nous souhaitons que tout nouveau programme de construction comprenne des logements sociaux. Le logement social n'est pas synonyme de ghetto, même si cette idée est dans l'air du temps, et nous devons éviter un tel raccourci pouvant conduire à pénaliser les villes qui feraient « trop » de logements sociaux, car ce type d'habitat permet la mixité, notamment entre les différentes formes qu'il peut prendre.
Pour ce qui est de l'efficacité de la dépense publique, je remarque qu'il s'agit là d'un nouveau terme, fréquemment utilisé pour justifier une diminution de celle-ci. L'image d'un puits sans fond, souvent utilisée pour décrire la politique de la ville, ne doit pas nous faire oublier qu'elle n'est mise en oeuvre que pour réparer les inégalités dont souffrent certains territoires – sur ce point, je vous renvoie à l'excellent rapport d'information de notre collègue François Cornut-Gentille sur l'évaluation de l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis.
J'estime important que les citoyens puissent s'exprimer mais, au-delà des conseils de citoyens, il faudrait également privilégier la piste de l'amicale de locataires : il serait bon que chaque immeuble comprenne un espace permettant aux locataires de se réunir et de s'organiser – dans le cadre d'une amicale ne dépendant pas forcément de la municipalité, afin que cette organisation puisse constituer un contre-pouvoir utile.
Si les bâtiments font souvent l'objet de dégradations de la part des habitants, il ne faut pas perdre de vue que le mauvais état des immeubles est également dû en grande partie à l'utilisation de matériaux de basse qualité pour leur construction ; de ce point de vue, je ne pense pas que la politique de compensation des APL par les bailleurs sociaux, qui fait peser une nouvelle charge sur eux, soit de nature à améliorer les choses.
Enfin, j'appelle votre attention sur le fait que l'amiante est encore très présent dans les immeubles construits dans les quartiers populaires au cours des années 1960, 1970 et 1980. Aujourd'hui, des travaux sont effectués dans les appartements sans même que les locataires soient prévenus de leur dangerosité, et sans que soient prises les précautions mises en oeuvre lors de grands chantiers – je pense notamment à celui du campus de Jussieu. Le désamiantage coûte cher lorsqu'il est effectué dans les règles, mais je pense que nous devrions nous saisir de ce problème sans tarder car, à défaut, nous risquons de devoir faire face dans les années à venir à un nouveau scandale sanitaire dont les habitants des grands ensembles feront les frais.
Je suis un peu étonné par la proposition 15 ayant pour objet de définir des objectifs de créations d'entreprises. Si nous reconnaissons tous l'importance de l'activité économique et de l'emploi pour décloisonner les quartiers, il ne faut pas perdre de vue qu'une fois définis, les objectifs doivent être portés. Or, le rapport ne dit rien à ce sujet : s'agit-il d'une réserve foncière, ou la réalisation de ces objectifs sera-t-elle confiée à une personne en particulier ?
Un schéma directeur d'accompagnement de la mixité sociale, qui rendrait cet objectif lisible, se fait toujours attendre, et je trouve cela dommage. Je voulais saluer la qualité de la définition de la mixité sociale.
Plusieurs propositions visent à replacer l'humain au centre des préoccupations, ce qui me paraît essentiel : il s'agit notamment de redonner aux élus locaux une vraie capacité d'action, mais aussi de renforcer la présence des gardiens d'immeubles, une mesure qui n'est pas gage de mixité, mais de lien social – le rôle du gardien d'immeuble est bien plus important qu'on ne l'imagine dans l'équilibre du territoire et de ces quartiers en particulier. Enfin, le droit d'alerte des élus me semble particulièrement intéressant, car les rénovations urbaines sont d'autant plus pertinentes qu'elles s'accompagnent d'un renforcement des moyens d'action des élus.
L'un des défauts de ce rapport est qu'il évoque la mixité sociale sans que cette notion soit définie, alors que la signification de ce terme fourre-tout, couramment utilisé en politique, n'est pas très claire. Cela me conduit à me demander si nous ne devrions pas nous fixer un autre objectif.
Notre collègue Éric Coquerel nous a expliqué qu'il fallait accorder des moyens importants à la rénovation urbaine, mais lorsque je lis, à la page 32 du rapport, que le montant cumulé de l'investissement au titre des deux programmes atteint 87 milliards d'euros, je me dis qu'il est urgent de s'interroger sur l'objectif que l'on poursuit et sur l'efficacité des moyens mis en oeuvre. Même si le rapport concerne essentiellement la rénovation urbaine, nous savons que le logement social existe également en milieu rural, et il serait intéressant de voir comment les offices d'HLM peuvent, dans les conditions actuelles, maintenir une politique de lien social et d'aménagement du territoire dans des territoires un peu éloignés des centres-villes – je m'intéresse particulièrement à cette situation, qui constitue l'un des angles morts de nos politiques, parce qu'elle se rencontre dans mon département.
Certaines des propositions du rapport sont frappées au coin du bon sens, en particulier celle relative au renforcement de la présence des gardiens d'immeubles. Une telle mesure n'est pas basée sur une approche quantitative, mais plutôt sur la dimension humaine au sein des quartiers, et doit permettre que la politique de rénovation soit accompagnée d'un véritable réinvestissement par les habitants et d'un rétablissement du lien au sein des grands ensembles. Les acteurs concernés attendent des mesures de cette nature, du type de celles déjà prévues dans le cadre de la loi ELAN, consistant par exemple à favoriser la mixité sociale en permettant à des policiers d'avoir accès au logement social.
Je salue la vision globale du rapport sur le sujet complexe de la rénovation urbaine, et j'en profite pour évoquer la question de l'emploi dans les QPV, plus particulièrement celle de l'articulation des moyens dédiés à cette problématique. Ainsi, j'aimerais savoir, d'une part, comment l'intervention de l'Agence France Entrepreneur (AFE) se combine avec celle de Pôle emploi, et s'il n'y a pas parfois des redondances auxquelles il conviendrait de mettre fin ; d'autre part, comment s'articulent l'action du public et celle du privé – je pense aux nombreuses associations et fondations qui soutiennent l'entreprenariat dans les QPV.
Enfin, pour ce qui est de l'intervention de l'État, je sais qu'il existe dans l'Allier une déléguée chargée de la politique de la ville : pouvez-vous nous préciser quelle est, selon vous, l'efficacité de l'intervention de l'État par ce moyen ?
Au sujet de l'impasse de trésorerie évoquée par Mme Pires Beaune, je vais faire un rappel portant sur les annulations effectuées. Celles-ci, qui ne résultent pas de la volonté de diminuer un budget, mais du fait qu'il n'y avait pas eu de dépenses en 2017, étaient de 15 millions d'euros en CP et de 100 millions d'euros en AE. Les paiements effectués par l'État s'élèveront à 15 millions d'euros en 2018, à 25 millions en 2019, à 35 millions en 2020, à 50 millions en 2021, à 75 millions en 2022 et à 130 millions en 2023 : il est impossible de déterminer ce qui se passera au cours des années suivantes, ce qui explique l'impasse de trésorerie. Toutefois, nous avons eu à ce sujet plusieurs échanges, notamment avec l'ANRU, le CGET et le secrétaire d'État à la cohésion des territoires, d'où il ressort que des accords ont été trouvés afin de maîtriser cette impasse de trésorerie. L'Agence a déjà eu à régler une impasse de trésorerie dans le cadre du PNRU, et est assez confiante sur ce qui va se passer à partir de 2023. Nous avons été confortés dans l'explication qui nous a été donnée par la signature intervenue entre l'Union sociale pour l'habitat (USH) et l'État, mais cette question mérite d'être suivie et pourrait faire l'objet du suivi du rapport.
M. Hetzel a évoqué la pertinence de la mission d'évaluation et de contrôle. La mise en perspective du contrôle et de l'évaluation est au coeur de nos recommandations, c'est pourquoi nous demandons que le Gouvernement produise un rapport dans le cadre de chaque « printemps de l'évaluation ». Par ailleurs, une mission d'information pourrait approfondir toutes les thématiques qui n'ont pas pu l'être faute de temps, et le suivi du contrôle budgétaire pourrait être effectué grâce à l'entrée de deux parlementaires au conseil d'administration de l'ANRU.
M. Jerretie s'est interrogé sur la possibilité de financer l'urbanisation au-delà de la rénovation urbaine au sens où on l'entend habituellement. C'est justement l'un des objectifs du NPNRU que de financer, au-delà du bâti d'habitat, la construction d'infrastructures telles que des gymnases ou d'autres espaces publics, et nous l'évoquons largement dans notre rapport.
Pour ce qui est de la scolarité, nous préconisons dans notre rapport de favoriser la mobilité afin de désenclaver les quartiers.
M. Jerretie nous a aussi interrogés sur la coordination des différents leviers de financement. Si nous ne sommes pas en mesure de répondre très précisément à cette question, je rappelle que l'objectif de l'ANRU est de développer la mixité sociale. Le projet de loi ELAN, qui apporte de vraies réponses sur ce point, mériterait également d'être suivi dans son application.
M. Dufrègne a soulevé la question des APL, qui concerne principalement les bailleurs sociaux, puisque la compensation qu'il leur est demandé d'effectuer va se traduire par une diminution de leurs recettes, et suscite des inquiétudes dans les zones où les populations sont les plus pauvres. Les garanties offertes par l'État à ce sujet nous semblent avoir convaincu si l'on considère qu'une convention a été signée entre les bailleurs sociaux et l'État pour le NPNRU. Nous suivrons cette question avec une attention particulière.
Les problèmes de sécurité évoqués par Mme Louwagie ne concernent pas seulement les QPV. Certaines mesures sont mises en oeuvre dans les quartiers rénovés : ainsi, l'installation de gardiens d'immeubles qui a été décidée, notamment à Boulogne-sur-Mer, doit permettre de prévenir les dégradations liées au bâti et le sentiment d'insécurité qui peut en résulter. Au-delà des préconisations de la mission d'évaluation et de contrôle, l'une des tâches confiées à la police de sécurité du quotidien consistera justement à se rendre dans les quartiers et à y établir le contact avec les populations afin de prévenir les actes susceptibles d'accroître l'insécurité. Enfin, quarante quartiers vont faire partie du dispositif de reconquête républicaine. La thématique de la sécurité mérite de se voir accorder une attention particulière, soit en donnant lieu à une mission d'information, soit en étant suivie dans le cadre du présent rapport.
Notre collègue Alauzet a évoqué la participation des habitants à la vie des quartiers dans le cadre de la démocratie participative, et plus précisément des conseils citoyens, mis en oeuvre par la loi de programmation de 2014. Il existe à l'heure actuelle 1 157 conseils citoyens, créés dans 1 284 quartiers prioritaires : il reste environ 15 % de quartiers ne disposant pas d'un conseil citoyen, et nous encourageons ces quartiers à se doter le plus rapidement possible d'un tel conseil. Cela dit, 56 % seulement des 1 157 conseils créés sont actifs dans les décisions prises. Il convient donc de faire en sorte de replacer les citoyens au coeur du dispositif grâce à une meilleure information et une meilleure participation, afin de les rendre décisionnaires sur la conduite des travaux.
Je laisserai Rémi Delatte répondre aux questions relatives à l'emploi, et me contenterai d'indiquer sur ce point que des dispositifs existent déjà en matière de rénovation urbaine, dans le cadre des zones franches urbaines (ZFU) et des exonérations liées au commerce de proximité. Nous estimons qu'avant de renforcer ces dispositifs, il convient d'en évaluer les effets sur la dynamisation économique des quartiers, ce qui pourrait être fait dans le cadre du suivi du rapport.
M. Coquerel a évoqué le risque de considérer le logement social comme un ghetto. Ce n'est absolument pas le sens de notre rapport. Je rappelle que la loi « Égalité et citoyenneté » a renforcé la mixité obligeant les bailleurs à attribuer 25 % des logements sociaux en dehors des QPV aux 25 % des ménages les plus pauvres et, à l'inverse, en réservant 50 % d'attribution de logements sociaux dans les QPV aux moins défavorisés – ces dispositions en faveur de la mixité se trouvent d'ailleurs renforcées par le projet de loi ELAN.
Notre rapport ne traite pas non plus de la question de l'amiante.
Les questions relatives à l'amiante se rattachent à l'entretien du bâti et constituent un dossier à part entière, dont le traitement ne relevait pas de la mission sur le financement et le suivi de la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine qui nous a été confiée.
Je ne pense pas que l'on puisse parler de rénovation urbaine sans évoquer l'amiante : quand vous refaites le hall d'un immeuble construit il y a trente ou quarante, par exemple, vous êtes inévitablement confronté à cette question.
Effectivement, nous n'avions pas à traiter de la rénovation urbaine elle-même, mais des programmes financiers qui lui sont liés.
J'ai bien compris, mais je regrette qu'il en soit ainsi, car les programmes de rénovation devraient prévoir dès le départ la nécessité de procéder au désamiantage dans le respect des normes en vigueur : aujourd'hui, les bailleurs sociaux affirment ne pas avoir les moyens de le faire. Il va falloir s'attaquer à ce problème sans tarder car, à défaut, nous allons devoir faire face dans les années à venir à une explosion du nombre de cas de cancers dus à l'amiante dans les immeubles concernés, ce qui constituera un nouveau scandale sanitaire.
Vous avez parfaitement raison de souligner l'importance de cette problématique, mais je vous répète que notre rapport n'avait pas vocation à en traiter. Tout ce que je peux vous dire à ce sujet, c'est que les nouveaux programmes de rénovation urbaine de l'ANRU intègrent une dimension « transition énergétique et développement durable ».
Mme El Haïry a évoqué la nécessité de replacer l'humain au coeur du dispositif, mais aussi de faire participer les élus à l'élaboration de la stratégie des programmes de rénovation urbaine. Le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé sur cette voie, qui ne doit surtout pas être vue comme une forme de désengagement de l'État.
Mme de Montchalin a eu mille fois raison d'insister sur la soutenabilité des opérations de renouvellement urbain : c'est un point qui nous paraît tout à fait déterminant pour garantir le bien vivre ensemble dans la durée. Rien n'est pire que de constater, au bout d'un certain temps, un désengagement des acteurs locaux, qu'il s'agisse des bailleurs ou des équipes municipales : cela entraîne systématiquement une dépréciation de la qualité des opérations engagées, qui s'opère au détriment des habitants. Pour éviter cela, la réalisation des programmes doit s'accompagner d'une animation, réalisée en mettant à contribution les habitants et les associations. Là où les élus, en particulier les équipes municipales, ont été très impliqués, on constate des résultats très positifs dans la durée.
M. Hetzel a raison de rappeler en quoi consiste notre mission d'évaluation et de contrôle. Conscients de la responsabilité qui nous incombe, Nadia Hai et moi-même avons souhaité que les parlementaires soient représentés au sein de l'ANRU, et nous avons été rejoints par une récente décision législative en ce sens.
Je veux dire à M. Jerretie que le projet urbain est en partie financé par l'ANRU, au-delà du logement : c'est notamment le cas au sein du NPNRU. Comme d'autres collègues, vous avez souligné l'intérêt de mettre en place des gardiens d'immeubles, un projet qui nous semble effectivement pouvoir jouer un rôle déterminant en matière de cohésion sociale. Les gardiens déjà en place, qui contribuent de manière évidente au bien vivre ensemble, sont d'ailleurs spontanément venus à notre rencontre pour en témoigner. J'ajoute qu'ils assurent un travail essentiel de prévention de la délinquance et des dégradations.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les dispositifs économiques. Certains dispositifs fiscaux existent déjà dans les quartiers prioritaires, notamment celui des zones franches urbaines, qui ont évolué pour devenir des zones franches urbaines – territoires entrepreneurs (ZFU-TE), ouvrant droit à des exonérations d'impôt sur les bénéfices durant huit ans afin d'éviter l'effet d'aubaine. Pour des raisons de disponibilité budgétaire, il n'est pas garanti que ce dispositif puisse être pérennisé, et il devra être procédé à une évaluation. Nous souhaitons qu'il puisse être assuré une certaine offre de services dans les quartiers et, si cela est déjà prévu pour les commerces, avec des dispositifs d'exonération d'impôts locaux et de cotisation foncière sur le bâti pour les commerces de proximité, nous estimons qu'il convient d'aller au-delà en étendant ce dispositif à toutes les entreprises, partant du principe que l'emploi crée, lui aussi, une dynamique dans les quartiers – pas seulement pour la population qui y réside, mais pour l'ensemble de l'agglomération.
Mme Louwagie a souligné la nécessité d'une bonne communication entre les acteurs, ce qui est effectivement déterminant. Aujourd'hui, la gouvernance se situe plutôt au niveau intercommunal mais, pour les zones où les élus sont moins impliqués, il nous a semblé intéressant de développer les groupements d'intérêt public (GIP). Si ceux-ci sont déjà en place dans plusieurs secteurs, ils ont parfois été abandonnés parce qu'ils pouvaient apparaître comme un dispositif un peu lourd par rapport à une gouvernance exercée par le président d'intercommunalité ou le maire. En tout état de cause, le GIP présente l'avantage déterminant de permettre une coordination avec les élus, les acteurs locaux – notamment les bailleurs – et l'État. Il est essentiel que les délégués du préfet dans le cadre de la politique de la ville puissent être impliqués, car ils ont aussi un rôle de co-animateurs et de régulateurs à jouer dans les opérations de rénovation urbaine.
La difficulté à définir la notion de mixité sociale a été évoquée. Pour nous, la mixité sociale est aussi la mixité fonctionnelle, architecturale – un quartier est composé de logements sociaux, intermédiaires, mais aussi privés, et c'est ce brassage qui permet la diversité des populations.
Je suis d'accord avec M. Ahamada pour considérer que le terme « rénovation » est un peu obsolète et laisse imaginer que les seules opérations entreprises ont pour objet de reconstituer l'existant. Pour ma part, je préfère utiliser le mot « renouvellement » (employé par le passé), qui montre bien la volonté de renouveler l'image d'un quartier – une entreprise nécessitant du temps, ce qui est souvent un obstacle à l'investissement privé.
Je remercie M. Bourlanges d'attester de notre honnêteté et je regrette qu'il soit resté sur sa faim, ce qui s'explique par le fait que le sujet abordé est très vaste, mais aussi en raison de l'importance des moyens financiers à mobiliser : aujourd'hui, la contrainte budgétaire que l'on connaît oblige à faire des choix. Il est un principe, rappelé par nombre d'entre vous, et que nous ne devons jamais perdre de vue, à savoir le fait que l'humain doit rester au coeur de nos préoccupations.
À la page 21 de votre rapport, vous expliquez très bien les différentes conceptions de la mixité sociale. Ce que je voulais dire, c'est qu'il aurait pu être intéressant d'exploiter cette percée conceptuelle, par exemple en suggérant d'affecter plus ou moins de moyens en fonction du niveau de mixité sociale de chaque zone considérée.
Je vous remercie pour cette précision, et j'appelle votre attention sur le fait que notre rapport contient une évaluation de la politique de la ville s'inspirant de votre suggestion.
Vous avez été nombreux à évoquer le rôle que peuvent jouer les citoyens. Le conseil des citoyens est une instance de nature à permettre une meilleure implication de leur part. Pour notre part, nous estimons essentiel qu'ils soient associés le plus en amont possible, dès le stade de la conception du programme de rénovation – le seul risque étant qu'ils éprouvent une certaine impatience, du fait de la complexité et de la lourdeur des procédures, donc du temps nécessaire pour la mise en oeuvre des programmes de rénovation. Nous préconisons également que l'implication des citoyens se fasse dans la durée, et qu'ils puissent, au-delà de la fin de l'opération de rénovation de leur quartier, se faire les évaluateurs de la réussite de cette opération.
Pour encourager la constitution des amicales de locataires, nous avons souhaité que les immeubles comportent des locaux associatifs de locataires, et pas uniquement dans les logements sociaux. Là où les équipes municipales s'engagent, notamment dans la réalisation d'équipements de proximité, on a une meilleure implication des publics, mais aussi et surtout une meilleure réaction des élus.
Pour ce qui est des objectifs de créations d'entreprises évoqués par M. Cazeneuve, une expérience très intéressante a été menée à Bondy, avec la mise en place d'un incubateur de projets. Certes, tout le monde n'a pas la capacité ou l'envie de créer une entreprise, et il est parfois nécessaire que des entreprises extérieures viennent s'installer dans les quartiers prioritaires, mais il me semble important d'apporter aux entrepreneurs de ces quartiers non seulement un accompagnement en matière de création d'entreprise, mais aussi un suivi, une fois l'entreprise créée. La puissance publique ou privée a vocation à intervenir à ce niveau, par exemple en mettant à disposition des locaux pouvant abriter une pépinière d'entreprises, ce qui peut éviter que certaines start-up se délocalisent très rapidement au prétexte qu'elles ne trouvent pas l'environnement qui leur est nécessaire – comme cela a malheureusement été le cas à Bondy.
Je veux préciser à M. Cazeneuve qu'il n'y a pas d'objectifs chiffrés de créations d'emplois dans les quartiers prioritaires. Certains objectifs ont été définis dans le cadre du PNRU, notamment en termes de réalisation, de démolition ou de construction, mais ils n'ont malheureusement pas été atteints, et on a alors renoncé à l'élargissement des objectifs que prévoyait le NPNRU – avec la prise en compte de critères tels que l'évaluation de la mobilité ou la création d'emplois. Ne traiter le dossier des quartiers prioritaires que sous l'angle de la rénovation urbaine me paraît insuffisant compte tenu du fait que le Gouvernement est en train de mettre en place des dispositifs de droit commun – emplois francs, opérations « coeur de quartier » et « coeur de ville » – qui auront vocation à faire l'objet d'une évaluation.
Par ailleurs, si nous n'avons pas fait de focus sur les territoires d'outre-mer, ce n'est pas par manque d'intérêt, mais par manque de temps. Nous avons évoqué cette question avec M. Nicolas Grivel, directeur général de l'ANRU, dans le cadre d'un suivi de rapport.
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport de la mission d'évaluation et de contrôle.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 11 juillet 2018 à 9 heures 30
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, Mme Valérie Lacroute, M. Vincent Ledoux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Amélie de Montchalin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Jean-Noël Barrot, M. Jean Lassalle, M. Marc Le Fur, M. Jean-Paul Mattei, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas
Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Rémi Delatte, M. Alain Ramadier
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