Mardi 16 octobre 2018
La séance est ouverte à vingt-et-une heures trente-cinq.
Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente
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La commission poursuit l'examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (n° 1297) (M. Olivier Véran, rapporteur général).
Mes chers collègues, nous reprenons l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Après l'article 11
La commission examine, en discussion commune, les amendements AS134 et AS133 de M. Pierre Dharréville et AS413 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Notre amendement AS134 vise à supprimer la contribution de 0,3 % prélevée sur les pensions de retraite (CASA) pour financer la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), et qui pèse sur le pouvoir d'achat des retraités.
En lieu et place, le financement de la dépendance serait assuré par une contribution de solidarité des actionnaires (CSA) pour financer l'adaptation de la société au vieillissement.
En mettant à contribution les dividendes versés aux actionnaires à hauteur de 2 %, nous pourrions ainsi récupérer 1 milliard d'euros par an pour le financement de la CNSA.
L'amendement AS133 propose également de créer une contribution de solidarité des actionnaires pour financer la perte d'autonomie.
Vous proposez de remplacer la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA) par une contribution de 2 % assise sur « l'ensemble des dividendes des entreprises ». On ne sait d'ailleurs pas s'il s'agit des dividendes versés ou des dividendes reçus…
Je rappelle que la CSA, de son côté, est assise sur les pensions de retraite, au taux de 0,3 %.
Si je ne peux être favorable à votre amendement, tant l'assiette est floue, je partage néanmoins votre préoccupation, celle d'assurer un financement durable de la dépendance, qui est sans doute le principal chantier social de la prochaine décennie. Je rappelle à cet égard que le Président de la République souhaite qu'une large réflexion soit conduite sur l'accompagnement de nos aînés et des aidants, ceux qui prennent soin d'eux lorsqu'ils sont en situation de besoin.
La ministre de la santé a inauguré les chantiers destinés à connaître les besoins avant de connaître les financements il y a quelques jours à peine.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements, faute de quoi mon avis sera défavorable.
J'aurais dû défendre plus avant mon amendement, ce qui aurait permis à M. le rapporteur d'entendre que la contribution porte sur les seuls dividendes versés par les actionnaires, ce qui est écrit dans le texte de l'amendement.
Il existe déjà des besoins que chacun peut s'accorder à reconnaître, et notre proposition permet de dégager des ressources pour financer le droit à l'autonomie. Si notre amendement ne précise pas si la taxe porte sur les dividendes reçus, c'est pour laisser au Gouvernement une certaine latitude dans la mise en oeuvre de la disposition proposée.
Je partage cette préoccupation, mais votre amendement précise bien que la taxe que vous souhaitez créer pèse sur « l'ensemble des dividendes ».
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS341 de Mme Michèle de Vaucouleurs.
Nous avons récemment examiné une proposition de loi relative au don du sang, occasion de rappeler le travail mené au quotidien par l'Établissement français du sang (EFS), qui assure la transfusion sanguine publique en France.
L'EFS a pour mission d'assurer l'autosuffisance de la France en produits sanguins dans des conditions de sécurité et de qualité optimales. Il est chargé du prélèvement de sang, de la préparation des produits sanguins, de la qualification biologique des dons et de la distribution des produits sanguins aux établissements de santé.
La taxe sur les salaires acquittée par les employeurs domiciliés en France n'est pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la totalité de leur chiffre d'affaires. Elle est calculée sur la base des rémunérations versées au cours de l'année par l'application d'un barème progressif.
Cet amendement veut soutenir cet établissement en lui accordant une exonération de la taxe sur les salaires, mesure rendue nécessaire par un arrêt de la Cour de justice européenne en date du mois d'octobre 2016 qui le fera bénéficier de nouveaux droits de réduction de la TVA, ce qui augmentera significativement sa charge de taxe sur les salaires. Ce soutien à l'EFS est donc nécessaire, tant la mission de service public qui lui incombe est essentielle.
L'EFS est un établissement public administratif à statut aménagé dont la mission de collecte du sang est très importante, et qui travaille avec le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) afin qu'il puisse fabriquer des médicaments dérivés du sang.
Je me suis rapproché du Gouvernement pour connaître les détails de l'application de la mesure que vous proposez et qui se justifie. C'est pourquoi mon avis est favorable.
C'est une belle idée, que nous proposons d'ailleurs d'appliquer à l'ensemble des hôpitaux ; j'apprécie donc que cette porte soit ouverte pour la suite de nos débats…
Il faut absolument soutenir l'EFS, qui rencontre parfois des difficultés, notamment en région. Il souffre en outre de la raréfaction du bénévolat. J'ai pour ma part été surpris par la modification du régime de TVA imposée à l'établissement par la Cour de justice européenne ; c'est pourquoi je remercie le rapporteur de se montrer favorable à la mesure proposée par notre collègue.
La commission adopte l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement AS132 de M. Pierre Dharréville.
Cet amendement entend revenir sur l'allègement de la fiscalité portant sur les actions gratuites, entériné par la majorité à l'occasion de l'examen du précédent PLFSS, cela sans aucune étude d'impact. Lors des débats en séance publique, la perte de recettes a été chiffrée à 120 millions d'euros par an.
Ce dispositif, qui permet l'attribution gratuite d'actions, concerne essentiellement des salariés très bien rémunérés de grands groupes et les dirigeants. Outre un coût non négligeable pour les finances sociales, il s'agit d'un outil de contournement du salaire.
C'est pourquoi nous proposons de ramener la contribution patronale au taux de 30 %.
Nous nous souvenons tous du débat que nous avons eu sur ce sujet l'année dernière, dans des conditions qui font le sel de la vie parlementaire puisqu'il a donné lieu à la convocation d'une réunion de la commission en cours de séance.
Nous n'allons néanmoins pas revenir fin 2018 sur ce que nous avons décidé fin 2017 pour rétablir ce qui avait été voté fin 2016, pour revenir sur une disposition d'août 2015... Un peu de stabilité fiscale ne serait, en l'espèce, pas de trop. Avis défavorable, donc.
Je souhaite faire observer à M. le rapporteur général que cet argument aurait pu être utilisé l'année dernière… (Sourires.)
La commission rejette l'amendement.
Article 12 : Sécurisation de la participation aux organismes complémentaires santé au financement des nouveaux modes de rémunération
La commission est saisie de l'amendement AS130 de M. Pierre Dharréville.
L'article 12 prévoit de transformer le financement du forfait « patientèle » des médecins traitants en contribution fiscale annuelle payée par les complémentaires avec un rendement de 300 millions d'euros. S'il peut parfois être opportun de mettre à contribution les complémentaires, il est nécessaire que cela reste dans le champ de la négociation conventionnelle entre les différents acteurs.
Cette nouvelle contribution risque de se transformer en un prélèvement indirect sur les assurés du fait d'une augmentation mécanique des cotisations mutualistes, cela d'autant plus que cette mesure s'ajoute aux nouveaux prélèvements sur les complémentaires que constituent la hausse du forfait hospitalier de 2018 et la participation forfaitaire de 2019.
Le principe même de la taxation des complémentaires est d'ailleurs discutable, car il constitue un contournement de l'objet de la sécurité sociale.
Cette cotisation existe depuis 2012, elle n'augmente pas ; il n'y a donc pas de risque qu'elle puisse peser sur les cotisations des assurés.
Nous introduisons dans la loi, afin de la conforter, une disposition qui a été renouvelée par les dernières négociations conventionnelles ; aucune disposition nouvelle n'est donc créée. Comme vous, je me soucie de l'évolution du coût des complémentaires ainsi que des frais de gestion annexes. À cet égard, je rappelle qu'une enquête réalisée par l'UFC-Que Choisir au mois de juin dernier a montré que, depuis 2010, les frais ont augmenté deux fois plus vite que les remboursements accordés aux assurés. C'est peut-être de ce côté qu'il faudrait porter l'attention, mais je crois savoir que les complémentaires conduisent une réflexion sur cette question.
Je demande donc le retrait de cet amendement, à défaut mon avis sera défavorable.
Il ne me semble pas possible de mettre sur un pied d'égalité l'ensemble des complémentaires. Nous savons qu'il s'agit d'un secteur au sein duquel interviennent des acteurs très différents, et je connais nombre d'opérateurs mutualistes – qui sont vraiment mutualistes – dont le budget a été mécaniquement augmenté par cette taxe, car, contrairement à ce qui a parfois été dit, ils n'avaient pas de réserves.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS658 du rapporteur général.
Ainsi que je l'ai dit, c'est une négociation conventionnelle qui a pérennisé la contribution des complémentaires de santé. Il est prévu qu'elle dure jusqu'à la fin de la convention actuelle, qui date de 2016 et doit rester en vigueur jusqu'en 2021. Puisque nous l'introduisons dans la loi, je propose de limiter l'application de cette taxe à la durée de la convention afin de ne pas grever la qualité du dialogue conventionnel qui devra reprendre au terme de celle-ci.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 12 modifié.
Après l'article 12
La commission examine l'amendement AS624 de M. Pierre Dharréville.
Depuis plusieurs années, les organismes complémentaires d'assurance maladie font face à des hausses régulières de leurs dépenses. Celles-ci s'expliquent en grande partie par des évolutions que les complémentaires ne maîtrisent pas. Cela est dû à la progression des dépenses de santé, qui augmentent tendanciellement de près de 4,5 % chaque année ainsi qu'aux transferts de charges toujours plus importants du régime obligatoire vers les complémentaires. En parallèle, les taxes sur les complémentaires santé solidaires et responsables sont passées de 1,75 % en 2005 à 13,27 % en 2012.
Ces évolutions contraignent les complémentaires à ajuster le niveau des cotisations. Or, chaque augmentation constitue un frein supplémentaire à l'accès aux soins, notamment des plus modestes d'entre nous. Notons que 3,5 à 4 millions de personnes n'ont toujours pas accès à une couverture santé complémentaire.
À l'heure où une personne sur quatre renonce à des soins pour des raisons financières, cet amendement entend faire baisser le niveau des cotisations en réduisant la taxation qui pèse sur les contrats d'assurance complémentaire santé.
Avis défavorable.
Ramener de 13,27 % à 0,27 % le taux de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) pesant sur les complémentaires entraînerait pour la sécurité sociale une perte de recettes supérieure à 4 milliards d'euros par an. Je vous laisse en imaginer les conséquences, tant pour les soins hospitaliers que pour la médecine de ville ou, surtout, pour la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), largement financée par cette taxe, et que personne parmi nous, singulièrement vous, ne souhaite voir mise en péril.
La commission rejette l'amendement.
Article 13 : Poursuivre la simplification de la déclaration et du recouvrement des cotisations
La commission adopte l'article 13 sans modification.
Article 14 : Simplification de la procédure de dépôt des demandes de modifications mineures d'autorisation de mise sur le marché des médicaments
La commission adopte l'article 14 sans modification.
Article 15 : Réforme des mécanismes de sauvegarde applicables aux produits de santé
La commission examine l'amendement AS418 de M. Adrien Quatennens.
L'industrie pharmaceutique et ses dirigeants se portent bien. Le directeur de Sanofi, Olivier Brandicourt, touche un salaire d'environ 16,5 millions d'euros voté par les actionnaires. Le chiffre d'affaires de l'entreprise est de 35 milliards d'euros. Les actionnaires ont récolté 7 milliards d'euros de dividendes l'année dernière. Malgré un très bon chiffre d'affaires qui est en croissance, les budgets consacrés à la recherche et développement consacrés à la recherche-développement ont stagné en 2017. Pire encore : depuis dix ans, environ 1 800 salariés ont été licenciés.
J'appelle par ailleurs votre attention sur l'usage du crédit impôt recherche (CIR), totalement opaque alors qu'il fait bénéficier Sanofi de 110 à 150 millions d'euros d'argent public.
L'avenir de notre industrie pharmaceutique n'est pourtant pas au beau fixe. Comment expliquer un tel paradoxe, qui concerne aussi les autres géants du secteur ? Il semblerait que les industriels du médicament se transforment en financiers et que le regard de leurs dirigeants soit exclusivement tourné vers la rémunération des actionnaires plutôt que celle des chercheurs et des travailleurs. Il serait donc sage que notre Assemblée demande aux industriels de revoir leurs ambitions.
L'assurance maladie n'a pas à payer des médicaments à un prix exorbitant pour rémunérer des actionnaires ; nous souhaitons donc mettre un terme à la croissance régulière du prix du médicament. Or, la clause de sauvegarde est un dispositif qui nous le permet : il a pour mission de contenir l'évolution du chiffre d'affaires brut réalisé en France au titre de médicaments remboursés par l'assurance maladie. Au-delà d'un taux d'évolution défini par le présent projet de loi se déclenche une contribution obligatoire progressive, partagée entre les entreprises du médicament.
Pour que le prix du médicament soit revu à la baisse, nous proposons de fixer le taux de la clause de sauvegarde à moins 1 %. Cela constituera un formidable outil pour qui aura la volonté de freiner les appétits des actionnaires du monde pharmaceutique. Aurez-vous, mes chers collègues, ce courage politique ?
Le Comité stratégique des industries de santé (CSIS) s'est réuni sous l'égide du Premier ministre et a pris l'engagement devant le Gouvernement de contenir la progression du prix de vente des médicaments tout en garantissant un taux plancher d'évolution du chiffre d'affaires de l'ordre de 0,5 %. Ce pourcentage est le fruit d'une régulation prix-volume portant sur les médicaments existants et les traitements à venir.
Nous attendons pour l'année 2019 l'arrivée sur le marché de médicaments innovants, notamment dans la prise en charge de maladies auto-immunes ou de cancers. Ces traitements très innovants sont souvent extrêmement chers puisqu'ils sont le fruit d'une R&D très importante. Aussi, empêcher par principe toute croissance de l'évolution du marché du médicament alors que notre population vieillit, que nous sommes de plus en plus nombreux, que les innovations thérapeutiques sont légion, et alors que nous manquons de stock pour certains médicaments, car la France n'est plus regardée comme l'Eldorado de l'industrie pharmaceutique, me semble relever d'un manque de courage quand des gens ont besoin de traitements.
Le taux de progression de 0,5 % me semble suffisant, c'est celui qu'a accepté le Gouvernement, et que nous soutenons. Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
Cet article va dans le bon sens, dans la mesure où il simplifie la situation, qui auparavant établissait deux taux de croissance différents pour la ville et l'hôpital, ce qui était source de confusion.
Les travaux du CSIS ont donné l'impression d'aboutir à une progression de la croissance annuelle se situant à environ 0,5 %. Mais cela demeure un dialogue de sourds puisque, d'un autre côté les économies emportent une reprise de près d'1 milliard d'euros pour l'industrie pharmaceutique, comme cela s'est produit au cours des années précédentes.
Notre industrie pharmaceutique risque donc, madame Fiat, de se trouver en mauvaise position dans les années à venir. La France se tenait au premier rang européen pour la production de médicaments, alors qu'elle se trouve aujourd'hui en cinquième ou sixième position, parce que de nombreux produits sont fabriqués en dehors de notre pays ; de nombreux essais cliniques sont réalisés à l'autre bout du monde, et non plus en France. C'est à force de contraindre l'industrie pharmaceutique que nous en sommes arrivés là.
Il n'est pas certain que le taux de croissance de 0,5 % se maintienne dans les années à venir ; la croissance pourrait être négative, ce qu'elle est depuis plusieurs années. Il faut le dire et ne pas passer notre temps à taper sur l'industrie pharmaceutique française qui représente plus de 100 000 emplois ; nous pouvons être fiers d'avoir ces fleurons de l'industrie pharmaceutique mondiale sur notre sol.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'article 15 sans modification.
Après l'article 15
La commission examine les amendements identiques AS6 de M. Paul Christophe, AS59 de M. Gilles Lurton et AS626 de Mme Josiane Corneloup.
Pour la première fois, les entreprises de la répartition pharmaceutique ont enregistré un résultat opérationnel négatif. La branche de la répartition annonce, dans son bilan 2017, des pertes de l'ordre de 23 millions d'euros ; interrogée par mes soins lors de son audition devant notre commission, Mme la ministre a d'ailleurs reconnu que cette situation constituait un sujet de préoccupation.
Ces entreprises sont pourtant des acteurs majeurs de la chaîne du médicament puisqu'elles assurent au quotidien l'approvisionnement des pharmacies, à raison de six millions de boîtes par jour. Elles constituent par ailleurs un levier puissant de développement du générique en France.
Le développement des médicaments génériques n'est cependant pas sans conséquence pour l'économie de ce secteur. La marge moyenne sur le médicament générique est de 0,37 centime, contre 0,80 centime en moyenne pour le princeps. Les médicaments génériques sont donc moins rémunérateurs pour ces entreprises, alors qu'ils nécessitent le même travail de distribution. Ces entreprises doivent, en parallèle, faire face à la concurrence des laboratoires réalisant de la vente directe, qui perçoivent la même rémunération, mais n'ont pas d'obligations de service public.
Des mesures d'urgence doivent être prises afin de garantir la pérennité de ces entreprises de distribution, c'est pourquoi cet amendement propose de retirer le segment des génériques de l'assiette de la taxe sur le chiffre d'affaires des distributeurs en gros. Cette mesure, salutaire au regard de l'urgence, constituerait par ailleurs, une mise en cohérence avec le cadre fiscal existant, les génériques étant déjà exclus d'une des trois composantes de cette taxe.
Notre amendement, lui aussi, concerne la répartition pharmaceutique, qui joue un rôle important dans le circuit du médicament. Depuis dix ans, ce secteur connaît des difficultés qui entravent les services qu'il rend aux pharmacies, et à travers lui aux patients, dans un contexte tendu de pénurie récurrente du médicament.
En effet, le modèle de rémunération des grossistes répartiteurs est assis sur le prix des médicaments, ce qui n'est plus adapté, notamment en raison de l'essor des médicaments génériques qui sont moins rémunérateurs.
À la suite de l'examen du PLFSS pour 2018, une concertation s'est ouverte avec la Direction de la sécurité sociale, qui n'a toutefois pas donné de résultats satisfaisants, et n'est pas en mesure de garantir la pérennité de la répartition. Aussi afin d'assurer la continuité du modèle de la répartition pharmaceutique cher à nous tous, cet amendement propose la suppression de l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, relatif à la taxe sur le chiffre d'affaires des distributeurs. Cette taxe représente en effet 20 % de leur marge, ce qui est disproportionné par rapport à d'autres éléments de fiscalité applicables aux autres acteurs de la chaîne du médicament.
La situation des grossistes répartiteurs constitue un réel sujet de préoccupation que nous avions déjà abordé lors de l'examen du précédent PLFSS. La ministre s'était alors engagée à ce qu'une concertation soit conduite avec les acteurs du secteur ; celle-ci est en cours.
Je suis moi-même extrêmement sensible à la situation des grossistes répartiteurs que j'ai rencontrés cette année et qui m'ont exposé les difficultés qu'ils rencontrent sur leurs marges, leur chiffre d'affaires et les tensions que cela peut créer dans la filière de distribution des médicaments et pour les emplois concernés.
Toutefois, la demande principale des grossistes répartiteurs porte sur un changement de modèle économique afin de détacher le mode de leur financement du prix des médicaments.
Par ailleurs, l'amendement le moins coûteux de cette série est évalué à 50 millions d'euros, ce qui aurait un impact non négligeable sur les finances sociales ; c'est pourquoi il m'est difficile, en tant que rapporteur général, d'y donner un avis favorable.
En revanche, puisque l'interrogation est légitime et si vous en étiez d'accord, je vous proposerais volontiers d'avoir ce débat avec la ministre la semaine prochaine en séance publique. Nous pourrions ainsi obtenir des informations sur l'évolution de la concertation, et savoir s'il est nécessaire de recourir dès aujourd'hui à la loi pour aider cette filière qui est en péril, ou si nous laissons toute la place au dialogue conventionnel engagé entre elle et l'État.
Je suis sensible aux propos du rapporteur, et j'ai bien conscience du poids que représentent 50 millions d'euros, mais si rien n'est fait, demain les livraisons aux pharmacies diminueront, et le maillage territorial auquel nous sommes attachés sera dégradé. La ministre, lorsque je l'avais interrogée, avait indiqué qu'elle était elle-même consciente de l'importance de ce maillage, qui risque d'être mis à mal si nous échouons à pérenniser cette activité de répartiteur.
J'apprécie que nous puissions introduire le débat dans l'hémicycle, et ose espérer que nous trouverons une solution en adéquation avec les attentes des uns et des autres.
Je suis en mesure de vous dire que les négociations lancées à l'initiative de la ministre ne semblent pas donner toute satisfaction. Cette situation risque par ailleurs de durer, car nous avons contracté un retard certain dans le domaine de la vente de médicaments génériques ; or le souhait de la ministre est de voir ces ventes croître de façon sensible, ce qui ne fera qu'aggraver la situation des grossistes répartiteurs.
Je considère donc qu'il est urgent d'agir ; c'est pourquoi je maintiens mon amendement.
Les grossistes répartiteurs sont un maillon extrêmement important de la chaîne de distribution du médicament. Je n'ignore pas que la Cour des comptes a estimé que le coût de cette distribution était élevé, mais il ne me semble pas si considérable au regard du service rendu à la population.
J'ai entendu le rapporteur général reconnaître qu'il y avait un vrai problème, c'est pourquoi je propose que nous fassions preuve d'audace en adoptant cet amendement afin de mettre la pression sur la ministre ; ce qui lui permettrait de présenter un amendement éventuellement susceptible de le faire tomber en séance publique. « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace », monsieur le rapporteur !
La commission rejette les amendements.
Puis elle se saisit des amendements identiques AS58 de M. Gilles Lurton et AS625 de Mme Josiane Corneloup.
Je vous confirme, monsieur le rapporteur général, que, d'après ce que nous savons, les négociations entreprises avec Mme la ministre à la suite de l'examen du PLFSS pour 2018 sont très décevantes pour les grossistes répartiteurs et peu susceptibles de leur apporter espoir pour l'avenir.
C'est avec justesse que M. Vercamer a souligné l'importance des grossistes répartiteurs qui contribuent à la distribution du médicament dans les pharmacies. Lorsque vous vous présentez à la pharmacie pour avoir un médicament dont l'officine ne dispose pas, vous pouvez l'obtenir dans la demi-journée grâce au travail des grossistes répartiteurs.
Ces professionnels sont rémunérés par un pourcentage du prix de la livraison du médicament ; or le prix médicament générique est beaucoup moins élevé que celui d'un médicament princeps, alors que le service rendu par le grossiste répartiteur est exactement le même. La multiplication des génériques, que nous ne pouvons que souhaiter et que nous soutenons, risque d'aggraver encore plus la situation.
C'est pourquoi cet amendement propose de supprimer l'article L. 138-1 du code de la sécurité sociale, qui instaure la taxe sur le chiffre d'affaires des distributeurs en gros, et de pérenniser ainsi l'activité des grossistes répartiteurs ; ce qui nous paraît très important pour la distribution de médicaments dans notre pays.
Vous dites que les négociations ne donnent pas satisfaction. Mais vos amendements excèdent la demande de base des grossistes répartiteurs, car leur adoption se traduirait par une perte de 200 millions d'euros pour la sécurité sociale et par un gain équivalent pour la filière des grossistes répartiteurs, qu'il convient de rapporter aux 23 millions que nous avons évoqués.
Cela constitue une raison supplémentaire pour que nous prenions l'attache de la ministre dans le cadre du débat parlementaire, afin de rester dans des proportions et des bases de discussion qui soient au moins aussi réalistes que celles demandées par les acteurs eux-mêmes.
C'est pourquoi je demande le retrait de ces amendements, à défaut mon avis sera défavorable.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS60 de M. Gilles Lurton et AS627 de Mme Josiane Corneloup, ainsi que l'amendement AS7 de M. Paul Christophe.
Mon amendement vise à garantir l'égal accès de tous au médicament, eu égard aux difficultés rencontrées par les entreprises de la répartition pharmaceutique. Leur activité est soumise à une taxe prélevée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au titre de la vente en gros de médicaments.
L'assiette de contribution est composée de trois parts, dont la première correspond à un taux de 1,75 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par l'entreprise au cours de l'année civile. Cette taxe rapporte 200 millions d'euros, ce qui représente environ 20 % de la marge réglementée des entreprises de la répartition. Il s'agit d'un rendement particulièrement important, presque inégalé dans son ampleur en comparaison avec les autres acteurs de la chaîne du médicament.
Dans l'attente d'une refonte du mode de rémunération des entreprises de la répartition du médicament, mon amendement propose de réduire le taux de cette contribution à 1,25 % du chiffre d'affaires contre 1,75 % afin de rendre l'effort demandé plus supportable.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, elle rejette également l'amendement AS304 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Puis elle adopte l'article 15 sans modification.
Article 16 : Mesures en faveur des travailleurs indépendants (12) : Clarification des modalités de calcul des cotisations sociales des travailleurs indépendants
La commission adopte l'article 16 sans modification.
Article 17 : Modulation des sanctions applicables en cas de travail dissimulé
La commission examine les amendements identiques AS129 de M. Pierre Dharréville et AS543 de M. Joël Aviragnet.
L'article 17, qui allège les sanctions en cas de travail dissimulé, est révélateur de la volonté d'une politique de dérégulation en faveur des employeurs, alors que la Cour des comptes a récemment pointé les défaillances des politiques publiques en matière de lutte contre le travail illégal et dissimulé. Il convient au contraire de combattre plus fortement la fraude patronale aux cotisations sociales qui représente près de 25 milliards d'euros de manque à gagner pour les caisses de sécurité sociale.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, faute de quoi nous serons défavorables à son adoption.
Je suis stupéfait par cet article, qui porte en lui tous les risques de banalisation du travail dissimulé. Pouvoir moduler les annulations de cotisations de sécurité sociale en fonction de l'infraction et de ne plus traiter de la même manière les employeurs en fonction de la taille de l'entreprise ou de la gravité des infractions constatées constitue une incitation à recourir au travail illégal.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Avis défavorable.
Le dispositif retenu consiste à rendre les sanctions encourues plus adaptées à la gravité et à l'importance financière du manquement commis.
Cela est préférable pour le cotisant, parce qu'il est moins injuste de frapper différemment des manquements différents, mais aussi pour les agents de contrôle, qui sont parfois placés dans des situations impossibles consistant soit à prononcer des sanctions disproportionnées pour des manquements mineurs, soit à renoncer à appliquer la loi pour éviter de mettre une entreprise en faillite pour quelques heures supplémentaires mal déclarées. C'est également préférable pour les deniers publics, car des sanctions modulées seront davantage prononcées et mieux recouvrées.
Dans les cas d'infraction qui ne sont pas mineurs ou en cas de réitération en revanche, les annulations totales des allègements sont maintenues et les majorations de redressement seront plus élevées ; ce qui va dans le sens de ce que vous prônez.
Je vous rappelle par ailleurs qu'en 2016, au sujet de la protection sociale complémentaire, le Gouvernement et la majorité de l'époque ont privilégié la modulation du dispositif à la place de l'annulation complète des allègements.
Je crois que l'on a toujours intérêt à apprendre de ses erreurs. La réitération sera certes sévèrement sanctionnée, mais la première malversation fera l'objet d'une forme de complaisance.
La commission rejette les amendements.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AS416 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Depuis le début de la législature, le groupe La France Insoumise s'attache à montrer qu'en matière de lutte contre la fraude le volontarisme affiché du Gouvernement devrait se concentrer sur la fraude aux cotisations sociales patronales.
En la matière, le Gouvernement a fait le choix de se concentrer sur la fraude aux allocations de chômage alors même que selon Pôle Emploi, seuls 0,4 % des demandeurs d'emploi fraudent, c'est-à-dire que 99,6 % respectent parfaitement les règles. Toujours selon Pôle Emploi, la fraude à l'assurance chômage ne représente que 60 millions d'euros par an et son taux de recouvrement atteint 90 %. En triplant les effectifs dédiés au contrôle, vous transformez les missions des conseillers de Pôle Emploi, qui ne feront dorénavant qu'assurer une mission de police de l'indemnisation.
Des marges de manoeuvre beaucoup plus importantes existent pourtant. La fraude patronale aux cotisations sociales dépasse chaque année 20 milliards d'euros et peut atteindre jusqu'à 25 milliards d'euros selon les estimations.
Or le taux de recouvrement est ridiculement faible : 1,5 %. Un effort accru de contrôle et de sanctions des patrons délinquants qui fraudent délibérément permettrait de combler le « trou de la sécu » intégralement en une seule année. La lutte contre la fraude sociale patronale permettrait même de dégager une marge de 6 milliards d'euros par an ; je rappelle que, pour les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ce sont 8 milliards d'euros qui manquent.
En février dernier, la Cour des comptes pointait le laxisme des pouvoirs publics envers la fraude aux cotisations patronales. La nature et le montant des sanctions actuelles ne permettent pas de lutter efficacement contre cette fraude. Les auteurs de cet amendement proposent donc d'augmenter les sanctions des patrons délinquants afin de les rendre réellement dissuasives.
J'ai déjà précisé que le Gouvernement propose, en cas de récidive, de porter les majorations de redressement à l'encontre des entreprises de 25 % à 45 % et de 40 % à 60 % selon les situations. Vous proposez 90 % et 120 % ; dès lors, le principe de proportion entre l'acte et la sanction ne serait plus respecté, ce qui signifie que le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de se prononcer contre le dispositif dans son ensemble. Ainsi n'y aurait-il plus de moyen de réprimer les entreprises qui se livreraient à des fraudes.
Dans la mesure où tel n'est pas votre objectif, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 17 sans modification.
Après l'article 17
La commission est saisie de l'amendement AS119 de M. Pierre Dharréville.
Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, un rapport sur la fraude patronale aux cotisations sociales et sur les moyens permettant d'y mettre fin. Cette fraude représenterait 25 milliards d'euros d'après la Cour des comptes, et la somme récupérée à la suite des interventions des agents de contrôle des URSSAF s'élève à 1,5 milliard d'euros d'après le rapport d'activité 2016 de l'ACOSS, dont 555 millions d'euros sont recouvrés au titre du travail dissimulé. Alors que ce projet de loi vise à alléger les sanctions en cas de travail dissimulé, la lutte contre ce type de fraude revêt une importance majeure pour assurer le financement pérenne de la sécurité sociale. Le rapport que nous demandons permettra de disposer d'une évaluation gouvernementale récente du montant de la fraude patronale aux cotisations sociales et de formuler des recommandations pour mieux lutter contre ce phénomène.
Nous n'avons pas besoin qu'un rapport supplémentaire soit remis au Parlement. Un rapport de l'ACOSS retrace chaque année les reprises sur fraude, ce qui permet au demeurant de constater que les sanctions se sont renforcées : 540 millions d'euros de redressement et 330 millions d'euros de pénalités ont été prononcés en 2017. Vous savez aussi que l'on peut exercer un droit de communication de documents auprès de tiers, que l'argent peut être saisi sur le compte en banque et que le data mining se développe grâce à la déclaration sociale nominative. Les rapports de l'ACOSS permettent de savoir 87 % des actions menées conduisent désormais à des redressements, lesquels ont augmenté de 70 % en cinq ans. Ce sont de vraies mines d'informations qui sont retracées grâce au travail quotidien des agents des URSSAF. Un nouveau rapport ne me semble donc pas indispensable. Je vous propose de retirer l'amendement, à défaut de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Il existe en effet des rapports de la Cour des comptes et de l'ACOSS, mais le problème est que l'on ne met pas les moyens nécessaires pour agir. Alors que 1 000 agents risquent d'être embauchés, sur trois ans, par Pôle Emploi pour aller pister ceux qui refusent du travail ou n'en cherchent pas, je propose que 1 000 personnes soient recrutées par les URSSAF pour aller recouvrer directement dans les entreprises les 25 milliards d'euros qui manquent. Il n'y aurait pas besoin de dégager des recettes supplémentaires puisque ces agents s'autofinanceraient !
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, elle rejette également l'amendement AS417 de M. Adrien Quatennens.
Article 18 : Mesure d'efficience de la gestion financière des organismes de sécurité sociale
La commission adopte l'article 18 sans modification.
Titre II Conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale
Article 19 : Transfert de recettes entre la sécurité sociale et l'État et entre régimes de sécurité sociale
La commission examine les amendements identiques AS414 de M. Jean-Hugues Ratenon et AS544 de M. Joël Aviragnet.
Des soignants nous interpellent partout en France : il y a des grèves à l'hôpital de Verneuil, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Montpellier, à l'hôpital de Saint-Brieuc, où 116 médecins ont démissionné des commissions médicales, au CHU de Rouen, à la polyclinique de Nîmes, à l'hôpital du Puy-en-Velay ou encore à l'hôpital Pinel d'Amiens. Ce sont les mêmes problèmes à chaque fois : externalisations de services, suppressions de postes et de lits, coupes budgétaires… Alors que les comptes de la sécurité sociale sont repassés au vert et qu'on était en droit d'attendre la fin de la logique austéritaire qui prédomine depuis des années, le Gouvernement semble décidé à continuer la saignée en faisant peser sur la sécurité sociale le poids des prochaines exonérations.
La loi Veil de 1994 obligeait l'État à compenser intégralement toute nouvelle exonération de cotisations sociales. Or, dans ce PLFSS, la désocialisation des heures supplémentaires et la suppression du forfait social ne seraient plus compensées par l'État, alors que ces deux réformes n'ont jamais fait leurs preuves en matière d'emploi. Seul le patronat en sortira gagnant car il pourra recourir davantage aux heures supplémentaires et compter sur le mode de rémunération alternatif qu'est l'épargne salariale pour réduire ses propres cotisations. Afin d'avantager le patronat, ce sont les soignants, les malades, les personnes handicapées, les personnes âgées et les pauvres qui vont trinquer. Gel de crédits pour les établissements sanitaires et sociaux, baisse des taux de remboursement, augmentation du forfait hospitalier : pour vous, toutes les mesures sont bonnes à appliquer !
Du côté de la sécurité sociale, la fin du forfait social représente une perte de 440 millions d'euros, montant qui pourrait augmenter à l'avenir, et la non-compensation des exonérations représentera un coût de 1,5 milliard d'euros en 2019. Ce à quoi nous assistons avec la fin de la compensation des exonérations est une mise en oeuvre de la « politique des caisses vides » : le Gouvernement crée volontairement un déficit en coupant dans les recettes de la sécurité sociale afin de pouvoir ensuite justifier auprès de la population des politiques d'austérité. Au nom de la bonne gestion, nous assistons tout bonnement à la destruction de la sécurité sociale. Notre amendement de suppression de l'article 19 vous offre, mes chers collègues, la possibilité de vous opposer à cette logique.
Cet article du projet de loi vise, en effet, à assurer un transfert de recettes entre la sécurité sociale et l'État et entre les régimes de sécurité sociale. Vous organisez ainsi le siphonnage des ressources, notamment celles des branches « famille » et « maladie » pour financer des réductions de cotisations et la baisse du coût du travail. C'est quand même extraordinaire : tout le monde connaît la situation des établissements sanitaires et médico-sociaux ainsi que celle des services hospitaliers, qui sont en flux tendu. Ils souffrent d'un réel manque de moyens humains et d'une non-réalisation des investissements nécessaires. Hier encore, je me trouvais dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui accueille 82 personnes, dont 14 en service protégé – certaines d'entre elles déambulent la nuit, car elles sont atteintes d'Alzheimer ou d'autres formes de sénilité. Or il n'y a que deux agents la nuit : une agente des services hospitaliers (ASH), qui relève donc des services généraux, et une aide-soignante. Voilà où on en est ! Ce n'est pas une organisation qui permet de répondre aux besoins : il faut des moyens supplémentaires. Maintenant que la branche dégage des excédents, l'État les siphonne, et les personnels concernés vont apprécier ! De plus, éviter les excédents, c'est se donner les moyens de poursuivre une politique de pression sur les revenus et les ressources des retraités, des familles en difficulté et des hôpitaux publics. C'est pourquoi le groupe socialiste demande la suppression de l'article 19.
Je vais commencer par une réponse de forme qui a son importance : si nous votions ces amendements de suppression, il y aurait pour le coup une forme de siphonnage de la sécurité sociale. En effet, l'article 19 prévoit notamment l'affectation entre organismes de sécurité sociale de la fraction de TVA transférée par l'État, en projet de loi de finances, à hauteur d'une quarantaine de milliards d'euros.. Vous porteriez vraiment un mauvais coup à la sécurité sociale, ce que vous ne voulez évidemment pas – ce n'est le souhait de personne ici.
Cet amendement est aussi l'occasion de lancer le débat sur la question des non-compensations. La sécurité sociale n'est pas encore bénéficiaire : on est en train de résorber le fameux « trou » annuel, mais on n'est pas encore en situation excédentaire. Cela fait partie des prévisions, mais on n'en est pas là aujourd'hui. Il y aura une mise à contribution des branches, au nom de la solidarité au sein de la protection sociale : certaines branches sont bénéficiaires alors que d'autres sont déficitaires. C'est le premier volet d'un débat qui peut avoir lieu – cela ne me pose pas de problème. Deuxième aspect, celui de la dette sociale : lorsque la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) aura repris 15 milliards de déficits de trésorerie actuellement portés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), l'Agence continuera néanmoins de porter plus de 10 milliards, qu'il faudra bien apurer un jour. Que la protection sociale soit amenée à payer ses dettes de manière à pérenniser notre modèle, à le conforter et à le transmettre aux générations futures ne semble pas antinomique avec la philosophie qui a prévalu lors de la fondation de la sécurité sociale.
La question qui se posera ensuite – en tout cas pas dans ce texte – est de savoir si des excédents de la sécurité sociale doivent être transférés à l'État. Si vous étiez présents la semaine dernière lors de l'audition des ministres, vous avez vu que j'ai moi-même interpellé celui des comptes publics en lui disant qu'il serait peut-être intéressant, voire justifié, de faire en sorte que l'argent transféré à l'État au titre de la participation de la sécurité sociale à l'effort de la nation pour résorber la dette publique puisse servir à des dépenses en lien avec le social ou la santé, sans forcément relever de la protection sociale. Si l'on investit un milliard d'euros pour améliorer la transition énergétique, l'impact sanitaire est réel, et si l'on investit un même montant dans la qualité de vie au travail, l'impact sur la santé et social sera également important – ce n'est pas vous qui me direz le contraire. C'est un débat que l'on pourra avoir, et vous savez que nous avons commencé à le faire, sans cacher du tout les désaccords qui peuvent exister sur ce sujet précis.
En l'état, voter cet amendement reviendrait vraiment à porter un coup au financement de la sécurité sociale l'année prochaine. J'émets donc un avis défavorable.
Le rapporteur général est habile, mais il y a une forme de sophisme dans sa démonstration. Cet article 19 est globalement incompréhensible. Il est extrêmement confus et compliqué : il faut vraiment s'y coller pour le comprendre. Il y a le transfert que vous évoquez, mais la réalité est qu'il y a aussi d'autres dispositions qui organisent un siphonnage de ressources de la sécurité sociale pour mettre les branches « maladie » et « famille » à zéro à partir de 2020 : c'est la réalité de cet article. Vous pouvez tourner les choses dans tous les sens mais, entre les non-compensations et les excédents siphonnés, vous organisez une mise à zéro pour continuer à demander des efforts. Les gains liés aux efforts déjà consentis par les assurés sociaux ne reviendront pas à ces derniers, et vous allez continuer dans le même sens, avec la pression sur l'hôpital et la sous-indexation des allocations familiales. Vous nous parlez de la dette, par ailleurs, mais si l'on regarde précisément ce qu'il en est à l'ACOSS, on voit que la dette à court terme ne coûte rien puisque l'on emprunte à des taux d'intérêt négatifs : cela a même rapporté 90 millions d'euros à l'ACOSS l'année dernière. Il y a une décroissance naturelle de la dette, de sorte que rien ne justifie de l'apurer maintenant : même si l'on ne peut pas compter sur des taux d'intérêt négatifs éternellement, il n'est pas économiquement justifié de le faire au moment où nous parlons, sinon pour siphonner afin de pouvoir demander des efforts supplémentaires.
La commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AS623 de M. Pierre Dharréville.
Nous avons déposé un amendement qui nous offre une seconde chance de revenir sur les mauvaises dispositions qui sont contenues dans l'article 19. L'article 34 de la Constitution prévoit que « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État » et que « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses ». On nous parle beaucoup de maîtrise des dépenses : pour nous, il s'agirait plutôt de maîtriser les recettes afin de garantir un niveau de ressources suffisant pour la sécurité sociale.
Le deuxième alinéa de l'article 19 du projet de loi vise à faire supporter par le budget de la sécurité sociale le coût de la réduction des cotisations sociales qui a été décidée par l'État pour les heures supplémentaires. Nous demandons la suppression de cette disposition qui asséchera les finances de la sécurité sociale alors qu'elle doit faire face à des besoins immenses dans toute la diversité de ses branches. Nous considérons que ces ressources sont nécessaires et qu'il faut donc les conserver, comme nous le pensions tout à l'heure à propos du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 19 sans modification.
Après l'article 19
La commission examine l'amendement AS125 de M. Pierre Dharréville.
Cet amendement vise à limiter la création de nouvelles exonérations de cotisations sociales en prévoyant que la création de toute nouvelle mesure dans ce domaine devra s'accompagner de la suppression d'un dispositif existant pour un montant équivalent. Hors intégration du CICE, les différents allégements de cotisations sociales s'élèvent déjà à 46 milliards d'euros en 2018. Outre leur coût exorbitant pour les finances publiques, ces dispositifs ne permettent pas d'élever le niveau de qualification des travailleurs de notre pays car on les maintient à un bas niveau de rémunération.
Cela rejoint un peu le débat que nous venons d'avoir : vous souhaitez que toute nouvelle exonération soit compensée par la suppression d'un dispositif existant. Je comprends l'intention, qui est assez vertueuse du point de vue des finances publiques, mais elle n'est pas vraiment réaliste : une exonération répond à un objectif de politique publique à un instant T, sans que les objectifs poursuivis par d'autres exonérations deviennent ipso facto obsolètes. Tous les vases ne sont pas communicants. Par conséquent, je donnerai un avis défavorable à l'amendement s'il est maintenu.
Je suis troublé car je m'attendais à un autre type d'argument. Les exonérations sont pratiquées à grande échelle dans ce PLFSS et les non-compensations commencent aussi à être très importantes. Le débat porte non seulement sur les exonérations et leur niveau, mais aussi sur la règle de la compensation. L'amendement AS125 vise à rendre son application obligatoire : toute nouvelle mesure devra être compensée. Vu l'état de notre système de santé et les missions qui sont confiées à la sécurité sociale, il serait plutôt positif que l'on ne porte pas atteinte à sa capacité de répondre aux besoins lorsque des décisions prises par l'État ont un impact sur elle.
La commission rejette l'amendement.
Article 20 : Reprise par la CADES des déficits portés en trésorerie par l'ACOSS
La commission adopte l'article 20 sans modification.
Article 21 : Approbation du montant de la compensation des exonérations mentionnées à l'annexe 5
La commission adopte l'article 21 et l'annexe 5 sans modification.
Articles 22 et 23 : Approbation des tableaux d'équilibre de l'ensemble des régimes obligatoires, du régime général et du FSV pour 2019
La commission adopte successivement les articles 22 et 23 ainsi que l'annexe C, sans modification.
Article 24 : Objectif d'amortissement de la dette sociale et prévisions sur les recettes affectées au FRR ou mises en réserve par le FSV
La commission adopte l'article 24 sans modification.
Article 25 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l'emprunt
La commission adopte l'article 25 sans modification.
Article 26 : Approbation du rapport sur l'évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B
La commission examine l'amendement AS557 de M. Joël Aviragnet.
Nous demandons la suppression de l'article 26, qui fixe la trajectoire des régimes obligatoires de base pour les années 2019-2022 en prévoyant notamment une participation de la sécurité sociale à la prise en charge du renforcement des allégements généraux, comme le préconisait le rapport « Charpy-Dubertret » sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale : il s'agit de transférer les excédents de la sécurité sociale vers les caisses de l'État. Le groupe socialiste s'oppose à cette confiscation : nous sommes au contraire favorables à l'autonomie financière de la sécurité sociale.
Nous revenons sur le débat relatif au sort des excédents, dans le cadre de la non-compensation avec, demain, un transfert vers l'État d'une partie d'entre eux. Je rappelle que 50 % de ces transferts serviront au remboursement de la dette sociale. Nous empruntons peut-être en bénéficiant de taux négatifs aujourd'hui, mais vous savez bien qu'il existe un va-et-vient dans ce domaine – je réponds ainsi à ce qu'a dit M. Vallaud tout à l'heure. Plus vite on rembourse une dette, mieux on se porte. Avant de considérer combien d'argent il reste sur son compte en banque à la fin du mois, il faut peut-être regarder quel est l'endettement et combien il coûte chaque mois. Par ailleurs, 50 % des excédents iront à l'État, et j'ai dit tout à l'heure ce que j'en pense à titre personnel. Une partie des dépenses devrait à mon sens servir de façon indirecte à la santé et au social, à travers des engagements peut-être plus prononcés en matière d'environnement, de qualité de vie au travail ou encore de transports collectifs. Ce sont des débats que nous aurons dans les années à venir. J'ajoute que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) est plus élevé que ce qui était prévu à l'origine, puisqu'il s'élève à 2,5 % – alors que l'on envisageait primitivement un taux de 2,3 %. Il y a aussi le débat sur la dépendance et la perte d'autonomie : on en parle depuis quinze ans sans prendre vraiment les décisions qui s'imposent. Nous allons mettre, dès cette année, ce sujet sur des rails solides, qui vont engager l'État à des dépenses sociales très importantes. Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à l'amendement.
Sans vouloir engager un débat philosophique trop approfondi, je trouve qu'une affirmation du rapporteur général est discutable : plus vite on rembourserait une dette, mieux on se porterait…
Je voudrais donner une illustration concrète de ce qui vient d'être dit. Compte tenu des taux d'intérêt négatifs, la dette de l'ACOSS est naturellement décroissante : elle a diminué de 3 milliards d'euros en 2018 et l'ACOSS va gagner 90 millions d'euros selon la Commission des comptes de la sécurité sociale.
Les taux vont et viennent. Ils sont négatifs en ce moment, ce qui est bien, mais il faudrait peut-être avoir commencé à imaginer de rembourser la dette s'ils remontent. Je ne dis pas qu'il faut la rembourser au plus vite, mais qu'il faut commencer à le faire. Personne ne l'a fait pour l'instant. Cela fait des années que l'on regarde cette dette de plusieurs dizaines de milliards d'euros en se disant que son remboursement aura lieu plus tard. Or quand on est en mesure de commencer à envisager de payer sa dette, c'est peut-être le bon moment de le faire.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 26 et l'annexe B sans modification.
Elle adopte ensuite la troisième partie du projet de loi.
Quatrième partie : Dispositions relatives aux dépenses et à l'équilibre de la sécurité sociale pour l'exercice 2019
Titre Ier – Transformer le système de soins
Avant l'article 27
La commission examine l'amendement AS120 de M. Pierre Dharréville.
Nous allons entrer dans une phase un peu plus austère du débat, puisque nous allons regarder comment on dépense l'argent dont on vient de décider de se passer…
L'article 79 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a créé des sanctions financières pour les établissements de santé ne respectant pas les objectifs prévus dans le cadre des contrats d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins (CAQES). Nous contestons la logique de compression des coûts qui prédomine aujourd'hui dans la gestion du service public hospitalier. Par cohérence avec notre demande de suppression de l'article 27 de ce projet de loi, nous souhaitons l'abrogation de la disposition que je viens de citer.
Les CAQES comportent avant tout des objectifs en termes de prescription de médicaments génériques et biosimilaires, et de bon usage des médicaments, en particulier des antibiotiques. Ce n'est donc pas un encouragement à faire moins pour gagner plus : cela relève plutôt des bonnes pratiques médicales. On a par ailleurs ajouté l'année dernière un dispositif d'intéressement. À titre personnel, je suis plutôt favorable à ce que l'on incite les établissements à aller vers plus de qualité et de pertinence des soins, notamment sous l'angle du bon usage des médicaments, notamment les antibiotiques. Je suis donc défavorable à l'amendement.
Ce qui nous semble critiquable est la logique de sanctions dans la situation actuelle des hôpitaux publics : c'est catastrophique car cela ne fait qu'ajouter des problèmes supplémentaires au lieu d'aider à relever les défis, dont l'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins fait partie.
La commission rejette l'amendement.
Article 27 : Extension du dispositif de paiement à la qualité des établissements de santé
La commission est saisie des amendements identiques AS124 de M. Pierre Dharréville et AS545 de M. Joël Aviragnet.
L'article 27 étend le champ d'application du dispositif de paiement à la qualité des établissements de santé qui a été adopté dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale afin d'attribuer un intéressement aux établissements de santé en proportion des économies réalisées. Au sein de la sphère hospitalière, le projet de loi va appliquer ce système au secteur psychiatrique et l'expérience du patient devra désormais être prise en compte. Je rappelle que nous avons eu un débat très vif et très houleux sur ce sujet l'année dernière.
Alors que les établissements de santé connaissent déjà de graves difficultés financières, l'article 27 va prolonger un système d'économies permanentes qui aura pour conséquence une aggravation des conditions de travail des personnels soignants et de la situation des patients. Par ailleurs, il instaure des « démarches qualité » à la charge des patients qui nous semblent dangereuses. L'amendement AS124 vise à donc à supprimer cet article.
Le système actuel de financement à la qualité reste très complexe. Il fixe une liste d'indicateurs obligatoires pour l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que les conditions de mise à disposition du public de certains résultats. Le principe d'une pénalité existe déjà dans les dispositions en vigueur, mais seulement en cas de refus de l'établissement de signer un CAQES. L'évolution qui nous est proposée vise à renforcer les enjeux : la pénalité pourra aller jusqu'à 0,5 % des recettes provenant de l'assurance maladie, ce qui est considérable. Ce n'est pas le bon moyen d'accompagner un établissement qui peine à s'améliorer : il aurait été plus simple, mais sans doute moins visible, d'augmenter la prime versée aux bons, au lieu de prévoir une punition pour les mauvais. Je le redis, ce ne sera pas le meilleur moyen d'inciter à l'amélioration des pratiques. Le groupe socialiste s'oppose à l'imposition d'une double peine aux établissements en difficulté. C'est pourquoi nous avons déposé l'amendement AS545 qui vise à supprimer à l'article 27.
Je comprends cette interrogation. Il y a jusqu'ici un financement à la qualité qui n'est qu'incitatif : il s'agit de donner une prime aux établissements faisant de la qualité. Nous allons multiplier par cinq la dotation prévue pour l'incitation financière à la qualité (IFAQ), qui passera de 60 à 300 millions d'euros, ce qui est indiscutablement positif – je ne crois pas que vous remettiez en cause une telle évolution. Ce que vous contestez est le malus pour les établissements faisant de la non-qualité. C'est une vraie question : on peut se demander si cela s'explique par de véritables problèmes procéduraux et si l'on peut améliorer la situation au prix d'un peu d'efforts, ou s'il s'agit plutôt d'un hôpital qui tente de survivre tant bien que mal, dans des conditions difficiles – avec des difficultés de recrutement, des médecins intérimaires et du personnel saturé, tout cela dans un territoire reculé. Cela correspond à deux situations différentes.
Si j'ai bien compris, vous dites que si l'on enlève des crédits, au titre de la non-qualité, à un établissement qui est déjà en galère, on va lui mettre complètement la tête sous l'eau. Je ne crois pas du tout qu'il y ait une volonté politique de fermer certains établissements en s'appuyant sur des critères de non-qualité afin de les mettre en banqueroute, alors qu'ils pourraient être fermés de bien d'autres manières… Par ailleurs, il n'y aura pas de sanction automatique : l'agence régionale de santé (ARS) pourra décider de ne pas pénaliser un établissement à ce titre. Ce n'est pas un dispositif aveugle, et je n'imagine pas une seconde qu'une ARS ayant décidé d'accorder une autorisation d'activité à un établissement de santé lui dise ensuite qu'il doit fermer pour des raisons financières. Le coup de la forteresse Alésia que l'on assèche financièrement a été tenté, en effet, mais on y a renoncé depuis un moment.
Il y aura tout simplement un outil permettant d'imposer une pénalité financière, après concertation avec l'ARS, à des établissements faisant vraiment de la non-qualité dans certains domaines – je défendrai ainsi tout à l'heure un amendement relatif aux plateaux techniques de chirurgie cancérologique – et qui n'ont pas amélioré la situation. Vous voyez quelle est la logique, en réalité : cette mesure ne fait que s'ajouter aux dispositions existantes. J'ajoute que nous examinerons tout à l'heure des amendements qui permettront d'accompagner les établissements en difficulté sur le plan de la non-qualité : nous pourrons peut-être trouver une formulation susceptible de rassurer les uns et les autres.
Vous avez bien décrit la situation, c'est-à-dire le malaise et la souffrance qui existent dans les établissements de santé. C'est la réalité. Vous dîtes qu'il n'y a pas de volonté politique de fermer des établissements, mais c'est ce qui se passe dans notre pays. On voit qu'il y a notamment des fermetures de maternités, des médecins qui démissionnent et des mouvements de protestation. Par ailleurs, vous connaissez très bien le problème de la psychiatrie : c'est le parent pauvre de la santé. Il y a eu des mobilisations – je pense au centre hospitalier du Rouvray et aux « haut-perchés » du Havre qui demandent plus de moyens. Ce qui se produit dans ces établissements est grave : des adolescents fréquentent les mêmes réfectoires que les adultes et on va jusqu'à les installer dans les mêmes locaux qu'eux. On manque vraiment de moyens. Voilà la réalité, et je ne pense pas que l'ARS puisse être juge et partie.
Les raisons de notre trouble et, en définitive, de notre désaccord ont été explicitées. Nous ne mettons pas en cause le fait que la qualité des soins soit une question essentielle, mais nous considérons qu'il faut être capable de la mesurer pour la promouvoir. Or on a pris un retard considérable dans ce domaine en France : on ne dispose de presque aucun indicateur de résultat. Il y a essentiellement des indicateurs, très partiels, de processus, comme cela a été dit tout à l'heure. Au lieu d'envisager une supposée qualité à partir de critères qui nous paraissent inadaptés, il serait plus pertinent d'investir dans la définition d'indicateurs de qualité. Telle devrait être la priorité, mais ce n'est malheureusement pas le cas : rien ne garantit dans ce projet de loi qu'un tel effort sera accompli. Toutes les études internationales montrent qu'il est important de mesurer la qualité et de rendre les résultats publics, mais que le paiement à la qualité n'a jamais fait la preuve de son efficacité. Je recommande la lecture du rapport « Charges et produits » de la Caisse nationale de l'assurance maladie des (CNAM), même s'il est un peu ardu. J'ai peur que votre proposition, séduisante en apparence, ne soit en réalité inopérante : on risque de se payer de mots.
Le propre du travail sur les CAQES est de créer les conditions d'un contrat sur des objectifs « qualité », avec des indicateurs définis consensuellement par les établissements et les instances de tutelle. Cette mesure a un objectif extrêmement vertueux, qui est de définir une trajectoire « qualité ». Les indicateurs suivis sont construits sur la base d'une trame commune, mais ils sont adaptés à chaque établissement. Je ne fais donc pas tout à fait la même analyse de ce dispositif que vous – et il m'est arrivé de suivre un certain nombre de CAQES… Il est plutôt dynamique de tracer une trajectoire « qualité » de manière collective et consensuelle.
Il y a des indicateurs de processus dans le dialogue de gestion entre les établissements et leur tutelle, mais je vous mets vraiment au défi de montrer que la France est en avance pour les indicateurs de qualité définis sur la base de normes internationales.
Vous avez parfaitement raison : nous sommes complètement à la traîne en ce qui concerne les indicateurs de qualité. Je l'ai écrit dans un rapport sur les modalités de financement de l'hôpital et je ne vais pas me déjuger. Nous sommes bons en matière de « process », très mauvais pour les résultats et extrêmement mauvais en ce qui concerne la transparence. Il faut regarder ce qui se passe dans les démocraties du Nord de l'Europe : quand on lit les rapports de l'International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM), on voit que l'on peut faire mieux – on ne peut pas faire pire en réalité, même si l'on progresse – et que le paiement à la qualité n'est pas inefficient si l'on prend en compte toutes les données. L'expérience de l'Europe du Nord est intéressante.
Nous n'avons pas beaucoup d'indicateurs aujourd'hui, mais il en existe quand même quelques-uns, comme celui relatif aux complications thromboemboliques. Pardon de vous poser la question, mais considérez-vous qu'il est plus acceptable, si je puis dire, quand on va dans un établissement de santé de repartir avec un risque d'avoir une phlébite, voire une embolie pulmonaire, qui est multiplié par deux ou trois parce que l'hôpital rend quand même un service, dans un territoire donné, par rapport à un autre qui est implanté dans le centre d'une grande ville, sachant en outre que le patient n'est pas informé ? Je considère que non. Le dispositif de malus qui est envisagé est fondé sur ce type d'indicateurs. Si le sur-risque de complications thromboemboliques est bien trop important par rapport aux établissements similaires, on va demander une amélioration. S'il n'y en a pas eu au bout de trois ans, sur la base d'indicateurs factuels, extrêmement précis et qui parlent aux patients, on va envisager une sanction qui ne sera pas automatique : on demandera au directeur de l'ARS si l'établissement doit être sanctionné. On est donc très loin d'un dispositif de malus qui viserait, de façon cachée, à fermer des établissements.
La commission rejette les amendements.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS82 de M. Alain Ramadier, AS187 de M. Stéphane Viry, AS338 de M. Jean-Louis Touraine, AS405 de Mme Jeanine Dubié, AS459 de M. Brahim Hammouche, AS514 de M. Belkhir Belhaddad, AS521 de M. Thomas Mesnier et AS607 de M. Bernard Perrut, ainsi que l'amendement AS460 de M. Brahim Hammouche.
L'amendement AS82 vise à prévoir explicitement que la production de critères d'évaluation de la qualité dans les établissements de santé repose sur le vécu et l'expérience des patients. Tel qu'il est rédigé, l'article 27 laisse en effet à chaque établissement le soin de se saisir ou non de cette possibilité. Or il convient d'intégrer davantage le diagnostic des patients, comme le demande la stratégie « Ma Santé 2022 », qui entend « mettre le patient au centre du système de santé » en prenant davantage en compte « son vécu et ses retours d'expérience ».
Nous allons vers une certification des établissements dans l'intérêt des patients, ce qui est probablement une très bonne chose, mais il faut que les indicateurs soient communs et opposables à tout un chacun. Par l'amendement AS187, nous demandons que les indicateurs soient fixes et non pas optionnels, c'est-à-dire laissés au libre choix des établissements. Afin que l'on comprenne bien la performance des établissements, il faut qu'il puisse y avoir une lecture globale.
L'amendement AS405 vise de même à systématiser, pour chaque établissement de santé, la production de critères d'évaluation de la qualité des soins en prenant en compte le vécu et l'expérience des patients. La démarche d'amélioration continue de la qualité des soins doit s'accompagner d'un changement de culture : le patient, qui est au coeur du système de santé, doit bénéficier de soins adaptés et complets sur la base d'une compréhension de son vécu et de ses expériences passées.
L'article 27 étend le dispositif de paiement à la qualité des établissements de santé. Pour ce faire, le vécu et l'expérience des patients doivent être pris en considération. C'est une exigence conforme à la stratégie « Ma Santé 2022 » du Gouvernement, qui entend « mettre le patient au centre du système de santé », cela a été dit, et qui postule que « favoriser la qualité, (...) c'est prendre davantage en compte son vécu et ses retours d'expérience ». Comme les précédents, l'amendement AS459 vise à ce qu'une telle démarche soit obligatoire.
Il s'agit de prendre en compte l'expérience rapportée par les patients : ils doivent être au coeur du dispositif, conformément à la stratégie « Ma santé 2022 ». Tel est aussi l'objet de l'amendement AS514.
Nous nous félicitons que l'article 27 vise à faire évoluer le modèle de financement des établissements de santé afin d'inciter à améliorer la qualité et la pertinence des soins, et non pas seulement à augmenter le volume d'activité. Dans la droite ligne de l'objectif fixé par la stratégie de transformation de notre système de santé qui a été présentée par le Président de la République, et qui entend replacer le patient au coeur du dispositif, l'amendement AS521 propose de graver dans le code de la sécurité sociale le caractère incontournable de l'« expérience patients » pour l'évaluation des établissements de santé. Nous pensons que cela répondra aux grands principes de notre démocratie sanitaire et permettra d'harmoniser notre cadre législatif avec celui de la majorité des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le ressenti et le retour des patients doivent être pleinement pris en compte dans les évaluations sanitaires, au même titre que d'autres indicateurs destinés à mesurer la qualité des soins, leur sécurité et leur pertinence.
Le développement d'une démarche d'amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins en associant les usagers est un axe central de la stratégie nationale de santé 2018-2022 – on l'a largement rappelé avant moi. Il n'est pas possible de laisser chaque établissement de santé se saisir ou non de l'opportunité de produire des critères d'évaluation de la qualité des soins reposant sur le vécu et l'expérience des patients : on doit rendre incontournable la production de tels critères. Tel est l'objet de mon amendement AS607 et de ceux déposés par un grand nombre de députés.
Sans suspense, je suis favorable à ces amendements, à propos desquels un consensus s'est dégagé au sein de notre commission. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il me paraît absolument nécessaire d'intégrer des indicateurs de résultat : il faut les développer, car on en manque – il y a beaucoup d'indicateurs concernant les « process », mais pas suffisamment en ce qui concerne les résultats. Il faut aussi tenir compte de la satisfaction des patients, en n'ayant pas peur de leur poser la question. Un patient que l'on transfère d'un service de neurologie à un centre de rééducation le vendredi et qui ne voit pas de kinésithérapeute ou d'orthophoniste pendant le week-end pourra dire qu'il n'est pas très content si on l'interroge sur les soins qu'il a reçus. Par ailleurs, ce qui comptera pour un patient de 85 ans qui s'est cassé le col du fémur, c'est moins le temps passé en salle de réveil ou en rééducation que le fait d'être capable, au bout d'un an, de refaire du vélo avec sa petite-fille. De tels indicateurs sont absolument essentiels et il faut pouvoir en tenir compte. J'avais déposé un amendement sur ce sujet l'année dernière, mais c'était manifestement trop tôt. Nous en redébattrons en séance, mais je donne un avis favorable.
Dans le même état d'esprit, l'amendement AS460 vise à prendre en compte non seulement les résultats et les expériences rapportés par les patients, mais aussi le vécu et l'expérience des soignants, c'est-à-dire le baromètre ou le climat social dans les établissements de santé ou psychiatriques. On doit tenir compte de la parole des soignants et du niveau de bientraitance du personnel, qui conditionne également celui des patients : ces différents aspects sont liés.
Je suis tout à fait favorable, sur le plan des principes, à ce que l'on tienne compte du baromètre social mais cette notion n'est pas très bien définie juridiquement. Ce que vous proposez me paraît donc compliqué. Que l'on s'appuie davantage sur les retours du personnel en ce qui concerne la qualité des soins qu'il est en mesure de donner me paraît, néanmoins, une bonne idée. Si l'on interroge un aide-soignant sur la qualité de son travail alors qu'il est tellement saturé que, à peine après avoir posé un plateau-repas sur la tablette d'un patient en situation de handicap, il doit partir faire des toilettes avant de revenir une heure plus tard, et ce sans avoir pu aider le premier patient qui n'a pas mangé, ce problème ne manquera pas d'être mis en évidence… Cela crée du stress et de la détresse professionnelle. S'appuyer sur le retour des soignants est absolument indispensable, et c'est déjà prévu dans le dispositif. La notion de baromètre social ne répond pas, en revanche, à cet objectif. La rédaction qu'il faudrait retenir est donc celle des amendements identiques qui sont en discussion commune.
Je maintiens mon amendement, mais je le réécrirai en vue de la séance en tenant compte des observations du rapporteur général.
La commission adopte les amendements identiques AS82, AS187, AS338, AS405, AS459, AS514, AS521 et AS607.
En conséquence, l'amendement AS460 est sans objet.
J'ai une question concernant le fait que mon amendement AS460 tombe alors qu'il est différent des précédents : il est centré sur les patients contrairement aux autres qui le sont sur les soignants.
C'est précisément la raison qui le fait tomber : il est incompatible avec ceux qui ont été adoptés.
La commission examine les amendements identiques AS73 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS179 de M. Stéphane Viry.
La dotation prévue à l'article L. 162-23-15 du code de la sécurité sociale est un dispositif de financement incitatif et non répressif. Il vise à instaurer une incitation financière positive pour l'amélioration de la qualité de la sécurité des soins dans les établissements de santé. C'est dans cet état d'esprit d'incitation positive que le financement à la qualité a été mis en place par l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Le contrat d'amélioration des pratiques en établissement de santé a également été introduit par ledit article 51 permettant d'apprécier le niveau de qualité et de sécurité des soins au regard des trois risques. Compte tenu des dispositifs de sanction déjà existants, il apparaît incohérent de dénaturer la dotation complémentaire encourageant la qualité en l'assortissant de sanctions supplémentaires. Cet amendement propose donc la suppression de la disposition proposée.
Il s'agit en effet de maintenir le caractère incitatif. Nous voulons éviter une mesure de coercition alors que, manifestement, tout va dans la bonne direction. Tel est l'objet de cet amendement qui vise à supprimer les amendements à 6 à 9 de cet article 27.
La commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement AS327 de Mme Nathalie Élimas.
La loi prévoit que les établissements de santé exerçant les activités de médecine, de chirurgie, de gynécologie obstétrique, d'odontologie et de soins de suite et de réadaptation bénéficient d'une dotation complémentaire lorsqu'ils atteignent des résultats liés à la qualité et à la sécurité des soins, mesurés tous les ans par établissement.
Cet article prévoit d'étendre le dispositif de rémunération à la qualité en établissement de santé aux établissements psychiatriques à l'horizon de trois ans et de mieux prendre en compte, pour l'ensemble des établissements, les résultats et expériences rapportés par les patients.
L'article prévoit, en outre, la possibilité d'appliquer une pénalité aux établissements lorsque ceux-ci n'attendraient pas, pendant trois années consécutives, un seuil minimal pour certains indicateurs de qualité. Afin de mieux prendre en compte les problématiques de non-qualité et de permettre l'intégration des indicateurs pendant l'année 2020, le présent amendement propose d'introduire ce système de pénalité à partir de 2021.
Demande de retrait ou avis défavorable. Comme nous l'avons vu précédemment, le directeur de l'ARS peut décider de faire appliquer ou non les pénalités. Il faut bien qu'il se donne les moyens d'aller voir si l'établissement est en difficulté pour telle ou telle raison. Prévoir des inspections systématiques sur place et dans certains délais, cela ne correspond pas du tout aux attentes des établissements et des ARS.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques AS74 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS198 de M. Stéphane Viry et AS394 de Mme Jeanine Dubié.
Dans la même démarche de qualité, nous proposons d'insérer l'alinéa suivant : « Le directeur général de l'agence prononce la pénalité après avis d'une commission composée à parité de représentants de l'agence et de représentants des fédérations hospitalières représentatives publiques ou privées. La motivation de la pénalité indique, le cas échéant, les raisons pour lesquelles le directeur général n'a pas suivi l'avis de la commission. »
Le parallélisme requis par cet amendement est de bon aloi puisqu'il s'agit de sanctionner, le cas échéant, des établissements non vertueux. On demande parfois aux directeurs généraux de l'ARS de solliciter un avis en amont et de motiver leur décision. Il paraît utile de respecter le même processus que pour les sanctions concernant la T2A.
Mon amendement propose d'établir un parallélisme avec les prérogatives des directeurs généraux de l'ARS en matière de sanctions concernant la T2A. Les mêmes dispositions seraient appliquées dans le cadre de l'alinéa 7 de cet article : les sanctions ne pourraient être prises et valablement notifiées qu'après avis d'une commission régionale de contrôle.
J'ai moi-même reçu cet amendement de la part d'une fédération hospitalière qui s'inquiétait de savoir comment les pénalités seraient appliquées par les directeurs des ARS…
Je ne suis pas sûr qu'il faille créer une nouvelle commission paritaire sur laquelle devrait s'appuyer le directeur général de l'ARS. Il existe des systèmes de contentieux ou judiciaires permettant de contester les décisions. En créant une commission, on ajouterait de la complexité. Nous essayons de faire quelque chose qui soit assez simple, qui fonctionne. Croyez-moi, en définitive, quand un directeur général d'ARS souhaite accompagner un établissement de son territoire dans un sens ou dans un autre, il a les moyens de le faire.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine les amendements identiques AS70 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, qui fait l'objet du sous-amendement AS666 du rapporteur général, AS185 de M. Stéphane Viry, AS215 de M. Gilles Lurton, AS216 de M. Jean-Pierre Door, AS453 de M. Thibault Bazin et AS516 de M. Belkhir Belhaddad.
Pour aller dans le sens de l'objectif poursuivi par l'article, nous proposons d'insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 9 : « Cette pénalité s'accompagne d'un plan d'amélioration de la qualité. »
Pour compléter votre amendement, je propose que ce plan d'amélioration de la qualité soit présenté par l'établissement concerné. Sous réserve de cette précision, j'émettrais un avis favorable.
Le présent article 27 prévoit que les établissements dont les résultats n'atteignent pas pendant trois ans certains critères liés à la qualité et à la sécurité des soins, puissent se voir notifier une pénalité par le directeur général de l'ARS. En corollaire, il ne peut être envisagé de sanctionner un établissement sans qu'il soit mis en place, également, un plan d'amélioration de la qualité, permettant à celui-ci une remise à niveau sur les critères qui n'ont pas atteint le seuil minimum attendu. Tel est l'objet de cet amendement.
On ne peut pas dire que rien n'a été fait depuis de nombreuses années. La Haute Autorité de santé (HAS) est sortie de cette enceinte en 2004. La commission de certification et d'accréditation des établissements publics et privés fonctionne depuis 2004. La dernière présidente de cette commission, Mme Agnès Buzyn, a été désignée ici même en 2016.
Nous n'avions pas instauré de pénalité en cas d'absence de qualité comme le prévoit le présent article. Il faut peut-être sanctionner mais à condition que l'établissement soit engagé dans un plan d'amélioration de la qualité. On ne peut pas sanctionner brutalement, de manière sèche : infliger une amende et en rester là. Il faut qu'un plan d'amélioration de la qualité permette à l'établissement de revenir dans les cordes le plus rapidement possible.
Le sous-amendement du rapporteur omet une réalité : quand un établissement ne réalise pas les résultats attendus, c'est souvent parce qu'il est en difficulté. Si on le pénalise en considérant qu'il doit seul réaliser ce plan d'amélioration de la qualité, on ne responsabilise pas l'autorité de tutelle. On contrôle mais on doit aussi accompagner. Nous sommes d'accord sur les objectifs à atteindre par tous en matière de qualité et de sécurité mais, en face, il doit y avoir des moyens équitables. Or il existe des disparités : certains établissements du territoire sont en difficulté, donc menacés de sanctions parce qu'ils n'ont pas forcément les moyens de réaliser les objectifs. Le plan d'amélioration de la qualité doit être assumé par l'établissement mais aussi par l'autorité de tutelle.
Le plan d'amélioration de la qualité, construit par l'établissement, fait déjà partie d'un indicateur de qualité. Il est presque redondant de le préciser.
Nous en sommes tous d'accord, il faut veiller à la qualité des soins et mettre le patient au centre des préoccupations. Cela étant dit, je suis un peu effrayé de vous entendre parler de sanctions depuis un moment, car les établissements essayent déjà de faire de la qualité avec les moyens matériels et humains dont ils disposent. Quand on visite des établissements hospitaliers, on peut parfois constater une dégradation terrible : des carrelages qui tiennent avec du scotch dans les couloirs, des murs fissurés ou sans peinture. La qualité passe aussi par là. Avant de sanctionner, il faut donner des moyens financiers et humains aux hôpitaux et aux EHPAD. Les établissements veillent déjà à la qualité des soins grâce à un personnel extraordinaire et très professionnel. Sans ce personnel, l'hôpital ne tiendrait pas debout.
La commission adopte le sous-amendement AS666.
Puis elle adopte les amendements identiques ainsi sous-amendés.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AS189 de M. Stéphane Viry et AS572 de M. Joël Aviragnet.
Notre amendement vise à garantir, par des dispositions législatives, l'équité du dispositif de financement à la qualité puisque tel est l'objet de l'article 27.
Force est de constater que les indicateurs actuellement utilisés dans le cadre du dispositif existant sont essentiellement des indicateurs de procédure et non pas des indicateurs de résultats. Il convient donc, et ce dès 2019, de faire évoluer ces indicateurs et d'intégrer des indicateurs de performances, y compris des indicateurs de mesure de satisfaction des usagers. Cet amendement veille à impliquer la totalité des établissements pour qu'il n'y ait pas d'iniquité entre les structures hospitalières.
Les indicateurs utilisés dans le cadre du dispositif d'incitation financière à l'amélioration de la qualité (IFAQ) sont essentiellement des indicateurs de procédure et non des indicateurs de résultats, seuls à même de mesurer la qualité des prestations de soins.
Il convient donc, et ce dès 2019, de faire évoluer ces indicateurs et d'intégrer des indicateurs de résultats, y compris des indicateurs de mesure de satisfaction des usagers. Il convient également de veiller à ce que la mesure et l'évaluation de ces indicateurs ne favorisent pas indûment des catégories d'établissements, afin de garantir l'équité et l'égalité des chances de toutes les structures, quels que soient leurs statuts et leurs activités.
Notre amendement vise à garantir l'équité du dispositif de financement à la qualité.
Nous venons d'adopter un amendement qui introduit les indicateurs de résultats dans la loi. Vos amendements sont donc satisfaits. La seule différence, c'est que vous proposez des indicateurs de résultats communs à tous les établissements. En fait, il vaut mieux des indicateurs de résultats qui tiennent compte des types d'établissement. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement AS189 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS572.
Elle en vient à l'amendement AS653 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement vise à préciser que l'arrêté doit être pris avant le 31 décembre de l'année précédant l'année civile considérée. Il apparaît, en effet, que les autorités ministérielles prennent l'arrêté un peu trop tard, c'est-à-dire en décembre de l'année considérée. Afin d'améliorer le financement des établissements, il est donc raisonnable d'inscrire cette obligation dans la loi pour que les ministères la respectent.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques AS75 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, AS167 de M. Stéphane Viry et AS646 de Mme Nathalie Élimas.
La psychiatrie et la santé mentale ont été élevées au rang de priorités dans le plan gouvernemental « Ma santé 2022 », autour de la nécessité de donner de nouvelles impulsions à ce secteur majeur de la santé pour améliorer l'accès des patients aux soins psychiatriques.
L'amélioration en continu de la qualité de la prise en charge des patients est évidemment au coeur des préoccupations des acteurs de la psychiatrie. C'est pourquoi nous proposons d'intégrer la psychiatrie dans le dispositif IFAQ dès 2020 et non pas en 2021. Cette proposition est en totale cohérence avec le volontarisme prôné en la matière dans les récentes annonces du Président de la République.
Notons que les travaux préparatoires sur les indicateurs de qualité seront prêts dès 2019. Rien ne s'oppose à l'entrée de la psychiatrie dans le dispositif IFAQ dès 2020.
Les établissements psychiatriques seront-ils prêts à cette date ? Les critères de qualité ne sont pas les mêmes dans les établissements psychiatriques et dans les établissements de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). Le secteur MCO a eu quelques années pour expérimenter les indicateurs de qualité avant la mise en place d'un système de bonus-malus. Vous proposez d'appliquer assez vite, me semble-t-il, ce système de bonus-malus aux établissements psychiatriques.
Je suis tenté de faire en sorte que les choses aillent vite. Je suis convaincu que l'incitation à travers le système de financement permet d'avancer vite. Il me semble néanmoins que les acteurs du milieu psychiatrique ne se sentent pas prêts à entrer dans le système à l'horizon 2020. Il ne faut peut-être pas mettre la charrue avant les boeufs. C'est peut-être un peu tôt.
Je m'en remets à la sagesse de la commission, en attendant d'en débattre avec la ministre dans l'hémicycle.
Avant l'examen de ce texte, nous avons consulté des professionnels de la psychiatrie. Ils nous ont indiqué qu'il y avait déjà des travaux en cours et qu'en faisant preuve de volontarisme il était possible d'être prêt à bref délai. Nous pouvons travailler sur ces indicateurs pendant toute l'année 2019. C'est la raison pour laquelle, sans pécher par excès d'optimisme, on peut avancer d'une année l'application de cette mesure.
Sur le plan théorique, nous pouvons tous être favorables à cette proposition. En pratique, elle me semble être un peu prématurée car l'adopter reviendrait à mettre en grande difficulté des acteurs de la psychiatrie de certains territoires. On peut sans doute faire des expérimentations pour les encourager. Le rapporteur a émis un avis de sagesse et recommandé d'en débattre avec la ministre. C'est important. Il me semble néanmoins qu'il existe une trop grande différence entre les établissements pour anticiper l'entrée dans le dispositif. Le risque serait d'être conduit à négocier sans avoir une vision globale de tout le système.
La politique des petits pas commence par la sagesse. Il serait intéressant de débattre de cette proposition dans l'hémicycle. Nous avons rencontré certains acteurs de la psychiatrie qui estimaient pouvoir être prêts. En attendant le débat dans l'hémicycle, nous allons essayer d'élargir le champ. Tout en étant consciente de la situation difficile de certains établissements, je pense que cette mesure pourrait donner un signal important. Avec cet amendement, il s'agit de tirer tous les établissements vers le haut et non pas d'enfoncer ceux qui sont déjà en difficulté.
À la réflexion, rien n'oblige à instaurer un bonus-malus d'emblée très élevé. Il n'est peut-être pas mauvais d'envoyer un signal au secteur de la psychiatrie pour qu'il se prépare à entrer dans le système en 2020. Si les établissements ne sont pas prêts, nous adopterons un dispositif contraire l'année prochaine. Vous m'avez convaincu et je vais donc transformer mon avis de sagesse en avis favorable.
La commission adopte les amendements.
Puis elle adopte l'article 27 modifié.
Article 28 : Financement forfaitaire de pathologies chroniques
La commission est saisie de l'amendement AS244 de M. Jean-Carles Grelier.
L'amendement de notre collègue Grelier vise à supprimer cet article, qui suscite des questions auxquelles j'aimerais que le rapporteur puisse répondre.
La dotation va-t-elle engendrer une modification profonde du fonctionnement informatique et des processus administratifs des professionnels de santé ? La tarification à l'acte a contraint les établissements publics hospitaliers à une profonde transformation, et l'on sait où l'on en est. Il ne faudrait donc pas envoyer un signal inquiétant à ces mêmes établissements qui se trouvent déjà dans une situation difficile en matière de gestion des ressources humaines et financières.
Il existe un risque latent d'« hospitalocentrisme » si cette dotation est versée à l'hôpital public qui redistribuera la part due à chacun des autres professionnels impliqués dans le parcours de soins. Cela pourrait entraîner une gestion de la facturation lourde pour les établissements hospitaliers, et retarder les échéances de paiement des autres professionnels.
En l'état, ce dispositif paraît donc inadapté voire malvenu.
Avis défavorable.
Franchement, nous parlons depuis un bon moment de l'expérimentation du parcours de soins et des indicateurs de qualité. De nombreux pays, autour de nous, ont mis en place des financements au parcours ou à l'épisode de soins. Le parcours prévu est assez maîtrisé puisqu'il est intra-hospitalier, ce qui exclut toutes les tracasseries liées au partage d'enveloppes entre ville et hôpital, médical et médico-social. Ce dispositif va concerner des pathologies chroniques bien cernées pour lesquelles nous sommes capables de sortir de la T2A puisque tel est bien le sujet. Il faut sortir de la tarification à l'activité pour des maladies chroniques.
L'article 51 de la loi de financement que nous avons adoptée l'année dernière permet de faire de formidables expérimentations hors les murs, entre ville et hôpital, médical et médico-social, incluant beaucoup dispositifs. Dans le cas présent, les parcours sont maîtrisés : ils portent sur la prise en charge du diabète ou de l'insuffisance rénale chronique en intra-hospitalier. La direction générale de l'offre de soins (DGOS) s'estime prête à les mettre en place. C'est un pied dans la porte. Le dispositif complète, sans le remplacer, celui prévu à l'article 51 sur les expérimentations au parcours de soins et à l'épisode de soins.
Le rapporteur se veut très rassurant, tout paraît très balisé, les deux maladies chroniques qui font l'objet d'une expérimentation sont bien connues. Cela étant, j'aimerais poser cinq questions très précises pour que nous sachions vraiment ce sur quoi nous votons. Je peux concevoir que vous ne puissiez pas y répondre dès maintenant mais il serait utile que nous ayons des réponses en séance.
Comment seront calculés les forfaits ? Y aura-t-il un seul forfait pour tous les diabétiques ou différents forfaits selon la nature du diabète, les comorbidités associées et l'âge du patient ?
Comment seront répartis les forfaits si un patient doit ou veut fréquenter plusieurs établissements au cours de l'année ?
Quels sont les établissements qui vont y gagner et quels sont ceux qui vont y perdre ?
Quelle enveloppe est prévue pour la prise en charge des diabétiques en 2018 et comment va-t-elle évoluer en 2019 dans le cadre de cette expérimentation ?
Les honoraires des médecins libéraux dans les cliniques seront-ils inclus dans le forfait ? Si c'est le cas, de quelle manière ? Quel sera alors le sens d'un forfait ?
Pour compléter l'intervention de notre collègue, je voudrais poser une question sur l'insuffisance rénale chronique. Pour ce type de maladie, où commence et où s'arrête le parcours de soins ? Commence-t-il avant ou pendant la dialyse ? Si la dialyse est prise en charge par un centre privé d'autodialyse, est-ce compris dans le parcours de soins ? L'éventuelle greffe rénale est-elle prise en charge dans le parcours de soins ? Les soins à vie qui suivent la greffe sont-ils pris en charge dans le parcours de soins ? J'aurais aimé comprendre ce qu'est le parcours de soins dans le cas d'une personne atteinte d'insuffisance rénale chronique. Je pose la question depuis la conférence de presse du Président de la République et je n'ai pas trouvé de réponse.
Je voudrais réagir aux propos du rapporteur. Même si l'on peut sortir de la T2A pour certaines pathologies, il ne faut pas le faire de cette manière. Nous en débattrons avec la ministre car il reste à résoudre une question technico-financière. Comment sera redistribuée la part de la dotation aux autres professionnels ? Ce n'est pas clair. Une autre question de fond se pose : quelle sera la place du médecin de ville dans ce parcours de soins ? À ce stade, cela prête à mauvaise interprétation.
Je vais essayer de répondre à quelques-unes de vos nombreuses questions.
Monsieur Bazin, votre question est celle à laquelle il m'est le plus facile de répondre : puisque ce sont uniquement des forfaits hospitaliers, il n'y a pas d'acteurs extérieurs, et c'est ce qui en facilite l'application rapide. Il n'y a pas d'intervention de médecins libéraux dans le cadre de ces forfaits. Les interventions ville-hôpital font l'objet des expérimentations au titre de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
De nombreuses autres questions relevant du domaine réglementaire, je ne peux pas leur apporter de réponse. Le décret et le règlement donneront les précisions. En revanche, je peux revenir sur le principe et l'esprit de ce forfait qui existe dans de nombreux pays. Ne soyons pas trop réactionnaires dans ce domaine : la France est l'un des derniers pays à ne pas l'avoir mis en place. Il suffit de regarder ce qui se passe en Europe du Nord, notamment en Suède, et dans certains États américains qui ont fait des choses intéressantes en matière de pistes de financement à l'épisode de soins.
Nous voulons éviter de recréer une hétérogénéité trop importante des forfaits concernant les maladies chroniques, après avoir constaté l'hétérogénéité galopante des groupes homogènes de séjours (GHS) dans le cadre des MCO pour le financement à la T2A. L'idée est de regarder le coût global d'un patient. Y aura-t-il plusieurs types de patients et des comorbidités ? Pour ma part, je souhaite que le dispositif soit le plus simple possible. Il y a suffisamment de patients diabétiques pris en charge dans les hôpitaux pour qu'il puisse y avoir un ensemble plus homogène que cela. Peut-être y aura-t-il un peu d'hétérogénéité en fonction des comorbidités, des âges et autres. Je n'en sais rien et ce n'est pas le plus important.
Ce qui importe, c'est d'arriver à une sorte de dotation forfaitisée qui tienne compte des dépenses engagées par les établissements de santé au cours des années précédentes, afin de suivre une file active de malades. On va s'intéresser davantage à la nature de la pathologie du patient et au nombre de patients qu'aux différentes étapes de soins qui peuvent être réalisées à l'hôpital. Ensuite, il reviendra aux hôpitaux de s'organiser. C'est le système que nous voulons faire émerger afin de sortir de la T2A, de ne plus être dans la consommation à l'acte. Nous voulons une prise en charge du malade chronique dans sa globalité.
Il existe une cohérence entre les articles dont nous venons de discuter. Les procédures de certification comportent un point essentiel : la formalisation des parcours patients. Dans le cadre de la sortie de la T2A et de la forfaitisation de certains parcours patients, il existe des formalisations très précises qui permettront, au moment de la rédaction des décrets, de savoir où commencent et où finissent ces parcours. L'intérêt de ces procédures de certification est de produire des documents formalisés par des professionnels de santé sur lesquels il sera possible de s'appuyer. C'est un axe d'entrée assez important. Pour le moment, il n'y a que des parcours intra-hospitaliers, donc la question de la redistribution aux autres professionnels ne se pose pas.
Je voudrais répondre à mes collègues du groupe Les Républicains, car je suis assez interpellée par leurs peurs et leur crainte du changement, et leur dire que cette réforme est une vraie avancée. Nous changeons de modèle de tarification pour les patients atteints d'une pathologie chronique. Pour prendre la mesure de la transformation, rappelons que les patients atteints d'insuffisance cardiaque sont deux fois moins réhospitalisés en Angleterre qu'en France. Nous avons donc tout intérêt à aller vers ces nouveaux modèles de forfaits.
Cet article est symbolique de la volonté « réformatrice » de cette majorité. Voilà qui est fort bien, mais cela repose sur du vent, vous vous payez de mots, vous êtes incapables de répondre à des questions extrêmement précises qui nous permettraient de valider ou non les nouvelles modalités de tarification.
Les décrets d'application sont quand même pris sur la base d'un texte adopté par le législateur. Celui-ci est en droit de savoir ce qu'il vote. Or je constate que vous êtes incapable de répondre aux questions précises – mais pas piégeuses – que je vous ai posées à propos des patients diabétiques ou à celles de M. Lurton à propos des personnes souffrant d'insuffisance rénale.
Je suis quand même très ennuyé. Nous vous ferons passer la version écrite de nos questions pour que la ministre soit en mesure d'y répondre, mais je crains qu'elle ne nous fasse exactement la même réponse que vous. Je crois qu'elle n'a pas les réponses.
Madame Dufeu Schubert, je n'ai aucune opposition de principe, bien au contraire. Je pose des questions parce que je suis intéressé. J'aimerais savoir de quoi il s'agit. C'est quand même important : on parle de parcours de soins sans rien indiquer sur le fond. Pour avoir assisté à de nombreuses auditions, je constate que nous ne sommes pas les seuls à nous poser ces questions.
Pour notre part, nous ne voterons pas cet amendement de suppression. Pour les maladies chroniques, il nous semble important d'aller vers un forfait. D'ailleurs, pourquoi se limiter à des établissements santé alors que, dans l'exposé des motifs, il est indiqué qu'il n'y a pas de coordination entre médecine de ville et l'hôpital ?
Les maladies chroniques traitées à l'hôpital ne représentent que la partie émergée de l'iceberg. Nombre de patients qui souffrent de diabète sont encore suivis en médecine de ville et certains d'entre eux ne savent même pas qu'ils sont touchés par cette pathologie. Il semblerait logique d'élargir le dispositif à tous les patients concernés par les maladies chroniques et de ne pas le restreindre à ceux qui sont suivis dans les établissements de santé. Sur le fond, nous sommes d'accord sur le principe du forfait.
J'aimerais rassurer nos collègues : je pense aussi que la T2A n'est pas adaptée aux pathologies chroniques. L'article 28 peut aller dans le bon sens mais il est insuffisant car le parcours du patient ne s'arrête pas à la porte de l'hôpital. Certains de nos amendements à venir visent à étendre le dispositif. Celui-ci est un amendement d'appel : nous voulions que vous puissiez nous rassurer et nous apporter des précisions car les décrets à venir nous semblent flous.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS395 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement a pour objet de soumettre le financement dérogatoire au forfait pour certaines pathologies chroniques à la procédure applicable aux expérimentations issues de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, et codifiée à l'article L. 161-31-1 du code de la sécurité sociale. Le III de ce dernier article prévoit en effet que les expérimentations à dimension nationale sont autorisées, le cas échéant après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), par arrêté ministériel. Par ailleurs, il est proposé d'intégrer au dispositif les prestations délivrées par les établissements autorisés en soins de suite et de réadaptation (SSR). Une telle procédure semble tout à fait adaptée aux dérogations qu'apporte le PLFSS pour 2019 au régime financier des établissements concernés.
Tout en adhérant à son esprit, je suis défavorable à votre amendement, pour deux raisons. Tout d'abord, les établissements de SSR assistent à un véritable bouleversement de leurs modalités de financement dont nous avons encore eu l'occasion de débattre l'année dernière. Dans ce contexte, il est bon de leur donner un peu de stabilité. Ensuite, la prise en charge forfaitaire en milieu hospitalier des maladies chroniques est conçue pour des courts séjours et hors complications. Cela répond à l'une de vos questions, M. Vallaud. Or la prise en charge en établissements de SSR implique de longs séjours.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS76 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS652 de Mme Jeanine Dubié.
Cet amendement a pour objet de soumettre le financement dérogatoire au forfait pour certaines pathologies chroniques à la procédure applicable aux expérimentations, issue de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et codifiée à l'article L. 161-31-1 du code de la sécurité sociale. Une telle procédure semble tout à fait adaptée aux dérogations qu'apporte le PLFSS pour 2018 au régime financier des établissements qui seraient concernés. Le III de ce dernier article prévoit que les expérimentations à dimension nationale sont autorisées, le cas échéant après avis de la HAS.
Avis défavorable. Nous voulons aller au-delà du cadre de cinq ans prévu pour les expérimentations. Nous voulons que ce soit pérenne. De plus, avec la forfaitisation de la prise en charge de certaines pathologies, nous voulons faire entrer la dérogation à la tarification à l'activité dans le droit commun. Il s'agit de sortir du cadre expérimental pour installer dans la durée la sortie du paiement des soins à la T2A en milieu hospitalier pour les maladies chroniques.
La commission rejette les amendements.
Puis elle aborde l'amendement AS51 de Mme Laëtitia Romeiro Dias.
Nous ne pouvons que nous réjouir de cet article qui, enfin, ose rompre avec le « tout-T2A » pour mettre en place un financement au forfait pour certaines pathologies, en l'espèce les maladies chroniques. Cela fait quatorze ans que l'on en parle et vous pouvez en témoigner, monsieur le rapporteur, car c'est l'un de vos combats. Cette majorité réalise enfin cette réforme.
L'amendement que je présente vise à compléter cet article et propose de mettre en place un comité de suivi technique afin d'évaluer l'efficacité et la pertinence de ce paiement au forfait. Ce comité serait pluridisciplinaire, composé de représentants de l'assurance maladie, de professionnels de santé, de gestionnaires d'établissements et de représentants de patients. Cette expertise diversifiée permettrait de mettre en valeur les gains médico-économiques et qualitatifs obtenus grâce à la mise en place de la rémunération forfaitaire.
Je vous remercie pour vos propos très sympathiques et pour vos encouragements, ma chère collègue, mais le suivi que vous proposez est déjà prévu dans la loi. Il sera assuré par la DGOS et la fameuse task force sur le financement du système de santé, dirigée par Jean-Marc Aubert.
À plusieurs reprises au cours des dernières semaines, je les ai auditionnés dans le cadre de la préparation du PLFSS. Madame la présidente, je proposerai volontiers de les réentendre lorsqu'ils auront bien avancé leurs travaux sur le financement de l'hôpital car leurs propositions sont vraiment intéressantes.
Votre amendement étant satisfait, je vous propose de le retirer.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques AS214 de M. Gilles Lurton, AS218 de M. Jean-Pierre Door, AS371 de Mme Jeanine Dubié, AS454 de M. Thibault Bazin et AS608 de M. Bernard Perrut.
Les rémunérations au forfait ne sont pas nouvelles : il en existe depuis plusieurs années, notamment chez les médecins libéraux dans le cadre conventionnel. Je fais notamment référence aux rémunérations sur objectifs de santé publique (ROSP).
Avec cet article 28, vous voulez modifier l'article 51 de la LFSS adoptée l'an dernier et inclure la rémunération au forfait des pathologies chroniques en milieu hospitalier. C'est ce que je lis. Vous mettez en place un forfait pour la prise en charge des pathologies chroniques à l'hôpital. Vous avez choisi deux pathologies chroniques : le diabète et l'insuffisance rénale. Or ces pathologies sont aussi traitées en ambulatoire dans le cadre de la médecine de ville. Le diabète et les maladies cardio-vasculaires sont mêmes suivies en ambulatoire dans plus de 80 % des cas.
Puisque l'éducation thérapeutique ne concerne pas exclusivement l'hôpital, notre amendement propose une coordination avec la médecine de ville pour les pathologies chroniques que vous avez ciblées. Cette expérimentation de coordination des soins impliquerait à la fois l'hôpital et la médecine de ville.
Par mon amendement, je propose d'étendre la disposition aux professionnels libéraux et qu'ainsi, dans le cadre d'un accord conventionnel interprofessionnel, il soit prévu une rémunération forfaitaire lorsque les professionnels exercent dans le cadre de structures coordonnées, afin d'ouvrir l'accès de la médecine de ville à l'éducation thérapeutique. Rappelons que près de 90 % des personnes atteintes de diabète sont suivies à domicile.
Mettre en place, uniquement dans les établissements, un forfait pour les pathologies chroniques, n'a pas de sens pour une pathologie comme le diabète, dans la mesure où les malades sont suivis essentiellement à leur domicile, par des professionnels libéraux.
Pour améliorer le parcours de soins, ce qui constitue un objectif que nous partageons tous, le dispositif proposé devrait être adapté aux réalités vécues en ne concernant pas que les établissements – à défaut, ce premier pas dans le financement forfaitaire de pathologies chroniques serait un faux pas. Tel est l'objet de l'amendement AS454.
Comme l'ont expliqué les collègues qui m'ont précédé, chacun sait que la plupart des pathologies chroniques sont prises en charge à la fois par la médecine de ville et par les structures hospitalières, dans le cadre de parcours rarement coordonnés. Mettre en place un forfait pour les pathologies chroniques qui ne concernerait que les établissements n'aurait pas de sens, notamment pour une pathologie comme le diabète.
Pour améliorer réellement l'organisation du parcours de soins, il convient d'aller plus loin, en prenant en compte les médecins de ville. Ceux-ci ne comprendraient d'ailleurs pas que ce premier pas en direction d'un financement forfaitaire des pathologies chroniques, tout particulièrement l'éducation thérapeutique, ne concerne que les établissements, alors que l'objectif poursuivi est bien de prévenir la survenue de complications liées aux maladies chroniques et d'en freiner l'évolution.
L'amendement AS608 vise donc, comme cela a été dit au sujet des amendements identiques qui viennent d'être présentés, à aller plus loin que les mesures proposées par le texte.
Je partage la volonté, que plusieurs d'entre vous viennent d'exprimer, d'étendre le plus rapidement possible aux soins de ville le financement forfaitaire de la prise en charge des pathologies chroniques, et de ne pas limiter la mesure aux seuls établissements de santé. Je répète que cela se fait déjà dans de nombreux pays et que nous ne sommes pas pionniers dans ce domaine, mais plutôt à la traîne.
Cependant, le dispositif qui est ici proposé n'est pas le dispositif expérimental prévu par l'article 51 du PLFSS pour 2018, auquel a fait référence M. Door, mais au contraire un dispositif généralisé, ce qui justifie qu'il se limite au cadre hospitalier. C'est précisément cette limitation qui va nous permettre d'avancer rapidement, car je pense qu'il nous faut encore un peu de temps pour mettre au point un dispositif englobant le parcours de soins à l'hôpital et chez les médecins de ville. Nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque nous évoquerons les dispositifs visant à promouvoir l'innovation en santé, qui constituaient l'objet de l'article 51 de LFSS pour 2018, et, si vous le souhaitez, je ferai alors le point sur l'état d'avancement des projets ayant germé sur l'ensemble du territoire depuis le vote de cet article, ce qui vous permettra de constater que les choses vont très vite.
Pour le moment, avec l'article 28, il ne s'agit que de sortir du « tout T2A » pour la prise en charge hospitalière des maladies chroniques. Je suis donc défavorable à cette série d'amendements identiques.
Il y a quelques minutes, il a été reproché à la majorité de ne pas être suffisamment précise quant aux engagements qu'elle prend en matière de forfaitisation. Or, les amendements qui nous sont ici présentés sont particulièrement imprécis. Nous devons respecter la logique du plan « Santé » et nous efforcer de structurer la médecine de ville en mettant en place des communautés professionnelles et territoriales de santé et des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP). En d'autres termes, nous devons apprendre aux professionnels de santé à travailler ensemble sur le parcours de soins : la rémunération se fera probablement plus tard, mais la priorité est d'inciter les professionnels de santé à travailler ensemble en ville et de les faire ensuite communiquer avec l'hôpital.
Pour ce qui est de la forfaitisation hospitalière, elle est finalement assez simple. Le diabète, par exemple, peut tout à fait être pris en charge dans le cadre d'une médecine de ville structurée, avant que la forfaitisation ne permette la prise en charge en hôpital de semaine et la mise en oeuvre d'examens tels que les électrocardiogrammes, les écho-dopplers artériels, etc.
Je rejoins M. le rapporteur pour considérer que nous ne devons pas nous précipiter, mais au contraire veiller à ce que la forfaitisation, dont nous avons bien besoin pour aller au-delà de la T2A, se fasse dans les meilleures conditions.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement AS503 de Mme Martine Wonner.
L'article 28, qui propose la mise en oeuvre progressive d'un modèle de rémunération forfaitaire pour la prise en charge des patients diabétiques et présentant une insuffisance rénale, concerne au maximum 6 millions de personnes.
Je suggère d'aller plus loin en étendant, à terme, le dispositif aux 12 millions de personnes en souffrance psychique. Dans l'immédiat, l'amendement AS503 vise à mettre en place, à compter du 1er janvier 2019 et pour une durée d'un an, une expérimentation de la prise en charge forfaitaire pour les patients atteints de schizophrénie. Cela se ferait dans deux ou trois régions, selon des conditions d'application définies par voie réglementaire.
Je précise que l'ARS de la région Grand-Est, à laquelle j'ai soumis cette proposition, l'a trouvée très intéressante.
Il me paraît délicat d'imposer un parcours de soins comprenant la prise en charge de la schizophrénie à tous les établissements de santé, sans avoir procédé à une concertation préalable.
Par ailleurs, le financement de la prise en charge de cette maladie ne relève pas aujourd'hui de la tarification à l'activité, à laquelle déroge l'article 28, mais de la dotation annuelle de financement (DAF) rémunérant les soins de psychiatrie.
À mon sens, la mise en place d'une telle expérimentation relève davantage du dispositif que prévoyait l'article 51 de la LFSS pour 2018.
L'amendement AS503 est retiré.
La commission adopte l'article 28 sans modification.
Après l'article 28
La commission est saisie de l'amendement AS245 de M. Jean-Carles Grelier.
Cet amendement, qui propose un mode de financement alternatif à celui proposé par l'article 28, pourrait faire consensus, puisqu'il prévoit un financement du parcours de soins effectué par les établissements hospitaliers, mais aussi par les professionnels libéraux.
Chaque acte réalisé dans le cadre du parcours de soins d'un patient ferait l'objet d'un financement depuis le dossier médical partagé, qui intégrerait un volet financier activé par la carte Vitale ou, le cas échéant, par une feuille de soins. Dans le cas où des actes autres que ceux prévus dans le cadre du parcours de soins se révéleraient nécessaires, l'établissement hospitalier ou le professionnel de santé devraient en faire reconnaître la justification médicale par l'assurance maladie – ce qui va dans le sens de la maîtrise des coûts.
Les marcheurs dont vous êtes, monsieur le rapporteur, ne peuvent qu'être séduits par cet amendement qui ferait d'eux des coureurs…
À titre personnel, je vous répondrai que je pratique malheureusement beaucoup moins la marche depuis que je suis obligé de délaisser Grenoble pour Paris… (Sourires.)
Je suis défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que celles que j'ai déjà indiquées : nous disposons de tous les outils pour nous permettre d'expérimenter de nouvelles façons de financer les soins, mais il est trop tôt pour étendre le financement forfaitaire aux soins de ville, c'est pourquoi je vous demande un peu de patience.
La commission rejette l'amendement.
Présences en réunion
Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 21 heures 30
Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Alain Bruneel, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Élimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Alain Ramadier, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Aurélien Taché, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Adrien Taquet, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. – Mme Claire Guion-Firmin, Mme Michèle Peyron, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer
Assistait également à la réunion. – M. Thibault Bazin