Mission d'information DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS SUR LA RÉVISION DE LA LOI RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE
Mardi 16 octobre 2018
Présidence de M. Xavier Breton, président de la Mission
La Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique procède à l'audition de Mmes Caroline Rebhi et Véronique Sehier, co-présidentes du Planning familial, de Mme Gaëlle Marinthe, membre du Planning familial 35, et de Mme Marie Msika Razon, médecin au planning familial.
L'audition débute à douze heures.
Nous poursuivons notre séquence d'auditions avec des représentantes du Planning familial. Nous accueillons Mmes Caroline Rebhi et Véronique Sehier, coprésidentes, Mme Gaëlle Marinthe, membre du Planning familial d'Ille-et-Vilaine, et Mme Marie Msika Razon, médecin au Planning familial.
Nous vous remercions de votre présence car vos activités recoupent nombre d'aspects de nos travaux. Nous avons tout intérêt à entendre votre position sur les questions liées à la procréation, notamment sur l'assistance médicale à la procréation (AMP), sur l'autoconservation des ovocytes ou la gestation pour autrui (GPA).
Je vais vous donner la parole pour une dizaine de minutes et nous passerons ensuite à un échange sous forme de questions et réponses. Je rappelle que nos débats sont filmés et enregistrés.
Le Planning familial s'est toujours battu – et il continue à le faire – pour que les femmes puissent choisir d'avoir ou non des enfants au cours de leur vie et pour qu'elles puissent avoir une sexualité épanouie. Nous distinguons donc sexualité et reproduction.
Au quotidien, nous défendons cette liberté de choix pour toutes les personnes. Chaque personne doit pouvoir avoir des enfants quand et avec qui elle le souhaite, au gré de son propre agenda et sans aucune entrave extérieure, qu'elle soit de nature politique, religieuse ou juridique.
Lors de ses congrès de 2012 et de 2016, le Planning familial s'est positionné en faveur de l'ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à tous les couples, y compris les couples lesbiens. Comme nous prônons l'égalité, nous revendiquons l'ouverture de la PMA à toutes les personnes, quelle que soit leur situation. La fécondation in vitro (FIV) est pratiquée depuis 1982, c'est-à-dire depuis trente-cinq ans, et elle est entrée dans les moeurs. Or elle n'est accessible qu'aux couples hétérosexuels reconnus infertiles. Selon nous, cet acte, qui est pratiqué en France depuis trente-cinq ans, devrait être accessible à toutes les personnes qui le souhaitent.
Nous sommes également pour le remboursement de la PMA par la sécurité sociale quel que soit le profil des personnes, qu'il s'agisse de couples hétérosexuels, de couples lesbiens ou de femmes célibataires. Nous estimons que l'assurance sociale ne peut discriminer les personnes en fonction de leur situation ou de leur orientation sexuelle.
À notre avis, la filiation doit être fondée sur l'engagement parental et non sur la biologie. En ce qui concerne la PMA avec donneur de gamètes, il est fondamental de reconnaître une réalité qui s'est imposée depuis très longtemps en France et ailleurs : géniteur n'est pas synonyme de père. De même, en cas de don d'ovocytes, génitrice n'est pas synonyme de mère.
Un modèle fondé sur l'engagement parental permet de distinguer la dimension biologique – « être né de » – et la filiation instituée – « être fils ou être fille de ». Comme le rappelle Mme Martine Gross, ce modèle permettrait de reconnaître qu'un enfant est toujours né d'un homme et d'une femme, mais qu'il est le fils ou la fille de ceux ou celles qui s'engagent à être ses parents, quelle que soit leur situation. C'est un point absolument essentiel.
En cas de don d'ovocyte ou de sperme, se pose aussi la question du secret. Dans ce débat complexe, que l'on ne peut traiter de façon simpliste, il est essentiel de veiller au respect de la vie privée des donneurs. Le choix de lever ou non l'anonymat doit rester possible, à condition de respecter la vie privée des donneurs. Nous en avons déjà beaucoup débattu à propos de l'accouchement sous X qui a soulevé des questions similaires. Le souhait d'un enfant qui veut connaître ses origines personnelles ne peut pas aller à l'encontre de la volonté d'un donneur, même post mortem, comme dans le cas de l'accouchement sous X.
Il est indispensable de rappeler qu'un individu ne se définit pas uniquement par son ADN. L'engagement parental permettrait de relativiser certaines demandes en dissociant clairement les fonctions parentales de celles de géniteur ou génitrice. Tout cela étant à situer dans un contexte d'égalité de droits et de traitement entre toutes les personnes, quelle que soit leur situation sociale ou économique.
Considérant que la procréation est un choix qui répond à une planification familiale des personnes, nous sommes pour l'autoconservation des gamètes pour tous et toutes. Le comité consultatif national d'éthique (CCNE) recommande d'encourager les maternités plus précoces plutôt que l'autoconservation des gamètes. Pour nous, il s'agit encore d'une injonction à la maternité qui ne peut pas aller dans le sens du choix des femmes à déterminer le délai dans lequel elles peuvent avoir des enfants. Il faut savoir que des femmes vont faire une vitrification d'ovocytes en Espagne. Leur nombre reste faible mais il a progressé de 47 % entre 2015 et 2016. Cette réalité crée des discriminations économiques. C'est pourquoi nous estimons qu'il faut légiférer et autoriser en France l'autoconservation des gamètes.
En matière de PMA, nous souhaiterions aussi que les femmes puissent choisir le degré de médicalisation. En France, ces procréations sont gérées par des médecins dans des centres spécialisés et selon des procédures extrêmement précises. Ces protocoles, fixés exclusivement par le corps médical, ne s'adaptent pas toujours à la demande des femmes. Même quand ce n'est pas vraiment nécessaire sur le plan médical, la femme peut se voir proposer une stimulation hormonale avec des traitements lourds à supporter. Nous souhaiterions que des démarches moins lourdes soient proposées aux femmes dont l'état de santé le permet, notamment aux femmes célibataires ou en couple homosexuel pour lesquelles la problématique n'est pas l'infertilité. On pourrait utiliser des protocoles moins lourds et plus simples pour leur permettre d'accéder à la maternité.
Dans le cadre d'une ouverture de la PMA, nous souhaitons permettre aux femmes d'entreprendre cette démarche et d'avoir le choix entre des niveaux de médicalisation plus ou moins lourds. Nous souhaitons aussi qu'elles soient autorisées à cesser la démarche en cours de procédure si leur situation personnelle le nécessitait.
En France, les médecins sont déjà amenés à suivre un grand nombre de femmes qui ont entamé de telles procédures à l'étranger. Nous souhaitons que l'hypocrisie cesse dans ce domaine-là. Après être allées à l'étranger pour l'insémination, ces femmes choisissent souvent d'être suivies en France, par leur gynécologue en qui elles ont confiance. Compte tenu de la législation en vigueur, ces médecins pourraient être poursuivis pour pratique illégale. En réalité, les grossesses sont suivies en France, les enfants naissent en France. Il n'y a aucune raison pour qu'une partie de la démarche ait lieu dans l'illégalité à l'étranger. Nous voyons ces femmes dans nos cabinets et nous les accouchons ici, de même la même manière que toutes les autres.
Pour toutes ces raisons, le Planning familial est favorable à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Cette pratique génère un « tourisme » dans certains pays d'Europe. Nous sommes en contact avec des cliniques espagnoles, anglaises ou belges qui accueillent nos patientes. Si le cadre médical reste de qualité, il expose les femmes aux inégalités puisque ces procédures ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale. Toutes les femmes ne peuvent pas se permettre d'y recourir. Il y a là une inégalité que nous souhaitons voir disparaître.
Nous refusons les injonctions à la maternité et nous voulons promouvoir le choix des femmes dans un cadre égalitaire – c'est l'un des points importants dans l'accès à la PMA pour toutes. Les femmes doivent pouvoir choisir à quel moment et de quelle façon elles vont être mères. Nous devons leur permettre ce choix, en évitant que ne se creusent les inégalités sociales et économiques actuelles.
Merci, mesdames. J'ai trois séries de questions à vous poser.
Tout d'abord, l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules impliquerait la levée du critère de l'infertilité pathologique qui est prévu dans la législation actuelle. Selon vous, cela devrait-il conduire à la levée de ce critère pour les couples de sexe différent ? Avez-vous évalué l'impact d'une telle mesure sur la sexualité et la procréation des couples hétérosexuels ?
Ensuite, en matière d'autoconservation des ovocytes, ne pensez-vous pas que l'on risque de demander aux femmes de retarder leurs grossesses pour s'adapter à la vie professionnelle et à la pression du monde économique ? Ne devrait-on pas plutôt adapter notre vie économique à la réalité physiologique des femmes ? Le système capitaliste nous conduit à nous adapter à des carrières professionnelles qui commencent tôt alors que nous devrions peut-être demander à notre système économique de s'adapter à ce que vivent les femmes dans leur réalité quotidienne.
Enfin, quelle est votre position concernant la GPA ?
Nous disposons de bilans d'infertilité pour les couples hétérosexuels et, parfois, il n'y a pas de grossesse alors que les deux partenaires sont fertiles. Dans ces cas-là, on n'interroge absolument pas les couples sur leurs pratiques sexuelles et sur la cause de leur impossibilité à concevoir un enfant. On les intègre automatiquement en PMA sans poser davantage de questions. La levée du critère de l'infertilité pathologique ne changerait donc absolument rien pour les couples hétérosexuels.
C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir des AMP de convenance pour les couples hétérosexuels ?
Quand un couple se présente en disant qu'il ne peut pas avoir un enfant après un an de tentatives, on fait un bilan médical pour les deux partenaires. Si l'on arrive à la conclusion qu'aucun des deux n'a de problème médical prouvé, on leur donne accès à la PMA sans questionner leurs pratiques sexuelles ou d'éventuelles causes intimes. En fait, on ne sait rien des raisons de l'infertilité de ce type de couple. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas parler de convenance.
Oui, mais dont on ne peut pas déterminer la cause.
Elle n'a pas de cause pathologique mais elle est constatée. Peut-on dire que l'on lèverait ce critère de l'infertilité ?
Si vous voulez une image simple, je vais vous donner un exemple tout bête. Nous recevons en consultation des couples chez qui la fréquence des rapports est extrêmement faible. C'est leur vie qui veut ça. On ne peut pas leur dire de changer leurs pratiques car elles sont peut-être la cause de l'absence de grossesse. En fait, on ne peut pas le savoir. Il y a peut-être plein de raisons. La médecine a ses limites. Il n'y a pas de problème médical évident et on leur donne accès à une PMA sans savoir pourquoi ils n'arrivent pas à concevoir un enfant.
Il y a une dizaine d'années, le Planning familial s'était positionné contre la GPA, en mettant l'accent sur la non-marchandisation du corps des femmes. Lors de notre dernier congrès, qui s'est tenu en 2016 à Grenoble, nous avons estimé que cette question complexe méritait la mise en place d'un groupe de réflexion. À ce stade, le Planning familial n'affiche pas de position affirmée sur le sujet car différents points de vue s'expriment au sein du mouvement. Nous cheminons ; nous sommes en pleine réflexion sur la notion de GPA et sur les implications de cette pratique, en nous appuyant sur les expériences qui existent à l'étranger.
Pour le moment, nous insistons sur la filiation des enfants : quel que soit leur mode de conception, il est vraiment important qu'ils puissent être reconnus par leurs parents. Le Planning familial a adopté une position très claire sur ce point, notamment au moment des débats sur la circulaire Taubira. En revanche, s'agissant de la GPA, nous n'avons pas de position claire et précise. Des tendances différentes s'expriment dans le débat qui a lieu au sein du mouvement. Il est important que ce débat puisse se poursuivre de façon saine.
Pour répondre à votre question sur l'autoconservation des ovocytes, c'est tout le système qu'il faudrait changer. Dans nos consultations comme ailleurs, on constate que, pour diverses raisons, les femmes ont leurs enfants de plus en plus tard. Le monde du travail n'est pas adapté aux femmes qui souhaitent procréer : il n'y a pas suffisamment de systèmes de garde ; il leur est difficile de changer d'emploi et de prétendre à des responsabilités ; elles peuvent être affectées à un moins bon poste au retour d'un congé maternité. Dans l'immédiat, il est plus facile de mettre en place l'autoconservation des ovocytes que de changer tout le système capitaliste. De fait, les femmes font plutôt leurs enfants vers trente ou trente-cinq ans. Le CCNE préconise des grossesses plus précoces mais les femmes font des études et vont travailler, tout comme les hommes, et elles veulent avoir leurs enfants plus tard. Nous répondons à une demande des femmes que nous voyons en consultation.
Pour rebondir sur les propos qui viennent d'être tenus, je tiens à répéter que le critère absolument essentiel est celui du choix des femmes. Certaines femmes retardent leurs grossesses pour des raisons professionnelles, d'autres parce qu'elles n'ont pas trouvé le bon compagnon. Il est important de pouvoir répondre à la demande de femmes plutôt jeunes qui, ne sachant pas ce que l'avenir leur réserve, veulent préserver leur capacité à procréer, même un peu tardivement, puisque l'âge de la première maternité recule. Il faut leur laisser la capacité de se projeter dans l'avenir, et ne pas leur enjoindre de faire un enfant dans l'immédiat avec un homme ou dans un couple qui ne leur inspire pas ce désir-là.
Comment garantir, mesdames, que l'autoconservation des ovocytes sera une mesure d'émancipation – à laquelle vous êtes légitimement attachées – et éviter qu'elle ne se retourne contre les femmes en devenant un levier de pression dont useront les employeurs ? On voit bien ce que cette technique peut apporter de positif : les femmes voudront préserver leurs ovocytes pour plus tard parce qu'elles souhaitent organiser leur vie, estudiantine ou professionnelle, ou parce qu'elles n'ont pas encore formé un couple stable. Mais comment éviter que d'autres motivations ne viennent détourner l'objet de cette pratique ? Pensez-vous qu'il faille encadrer le recours à cette technique par des limites d'âge, minimum et maximum ?
Dans certains départements, l'offre d'interruption volontaire de grossesse (IVG) est insuffisante par rapport à la demande, ce qui contraint les femmes à de longs déplacements et expose à un dépassement des délais, notamment pour accéder à l'IVG médicamenteuse. Quelles sont les propositions du Planning familial dans ce domaine ?
Vous avez évoqué le souhait de certaines femmes d'éviter un excès de médicalisation de la PMA, avec ses protocoles lourds et rigides, surtout lorsqu'aucune raison médicale ne le justifie. De l'autre côté, on sait que des PMA sauvages se pratiquent aujourd'hui dans une grande insécurité, aussi bien sanitaire que juridique, le père biologique pouvant revendiquer certains droits. Pensez-vous qu'un encadrement souple, pour ne pas basculer dans l'excès de rigidité, mais suffisant, permettrait de faire reculer ces PMA sauvages ?
Pour le moment, nos patientes se rendent à l'étranger pour faire conserver leurs ovocytes : elles sont souvent en fin de période de fertilité, toujours en prise à ce fort désir d'enfant. On peut imaginer que cette procédure, si elle était prise en charge, codifiée et ouverte à toutes, serait perçue différemment par la société. Je ne pense pas que l'ensemble des femmes souhaitent disposer d'un stock ovocytaire pour « le jour où », et je ne crois pas non plus que les motifs conduisant à retarder la maternité soient liés à des pressions professionnelles – les parcours de vie sont complexes, parfois différents de ce que l'on voudrait qu'ils soient. Je suis plutôt optimiste et je pense que la demande d'accès à cette technique sera limitée.
Mais l'autoconservation ovocytaire est aussi un moyen d'améliorer l'accès au don d'ovocytes, très limité en France. La pénurie actuelle fait que les couples hétérosexuels qui en ont les moyens se rendent à l'étranger pour être pris en charge plus rapidement, l'attente étant d'environ trois ans en France, contre six mois en Espagne. Si l'on pouvait faciliter la démarche d'autoconservation et inviter les femmes à donner les ovocytes qu'elles ne souhaitent pas utiliser, on améliorerait l'accès au don pour les couples demandeurs d'une grossesse.
Il est triste de recevoir des patientes qui ont eu recours à des PMA sauvages et pris des risques infectieux – on peut récupérer sur internet on ne sait quoi, on ne sait trop d'où –, alors que nous avons la chance de pouvoir leur offrir un cadre sanitaire fiable et sûr. Les médecins, membres du Planning, veulent que toutes les femmes puissent bénéficier d'un système de soins égalitaire et de qualité.
S'agissant du coût d'une telle mesure, d'une part je ne suis pas certaine que les demandes seront si nombreuses, d'autre part on peut imaginer que cela allégera, par un système de vases communicants, le coût de la PMA. Les femmes dans la quarantaine doivent recourir à un don d'ovocytes ou subir des PMA difficiles, parce que leurs ovocytes sont de mauvaise qualité. Si les femmes désireuses d'enfant – c'est en général clair dans leur esprit – faisaient très tôt la démarche de préserver leurs ovocytes, les PMA auxquelles elles pourraient recourir plus tard seraient moins lourdes médicalement, plus faciles à réaliser, avec de meilleurs taux de réussite. Je ne suis pas économiste, mais je pense que les frais de santé pourraient s'en trouver équilibrés. Il serait intéressant de mener cette réflexion.
Nous avons constaté ces derniers temps un accès inégalitaire à l'IVG en fonction des territoires. Pour en connaître les causes de façon plus précise, nous avons demandé à Mme Agnès Buzyn de faire réaliser un état des lieux, en interrogeant chaque agence régionale de santé (ARS). L'implication peut varier fortement d'un territoire à l'autre, selon les structures et les centres hospitaliers. Par ailleurs, on observe l'application de la fameuse clause de conscience, superfétatoire, sans pour autant parvenir à en mesurer l'impact. Certains disent que le nombre de médecins qui l'invoquent n'augmente pas, mais c'est une inconnue. Les jeunes professionnels de santé, notamment les étudiants en médecine, ont eux aussi des représentations sur l'avortement et ne reçoivent que très peu de formation sur le sujet.
Nous avons besoin de données précises pour expliquer pourquoi il est si difficile pour certaines femmes, sur certains territoires, d'avoir accès à l'avortement, et pas seulement l'été – une période où les inégalités se renforcent. Nous constatons également l'existence d'une clause de conscience à géométrie variable : tel médecin refusera une deuxième ou une troisième IVG si la femme en a déjà subi une, tel autre refusera de pratiquer un avortement après dix semaines, alors que la loi doit s'appliquer de la même façon pour tout le monde, sur l'ensemble du territoire.
Notre objectif est que toutes les femmes puissent avoir accès à l'IVG, partout en France, et qu'elles puissent choisir la méthode – dans certains endroits où personne ne pratique l'IVG instrumentale, elles sont incitées à recourir à l'IVG médicamenteuse. C'est un sujet très important sur lequel nous appelons l'attention de tous. Aujourd'hui, certaines femmes sont contraintes de se rendre à l'étranger, alors qu'elles pourraient avoir accès à l'IVG en France dans les délais prévus par la loi.
Nous ne souhaitons pas que l'autoconservation soit encadrée par des limites d'âge, même s'il est vrai que les ovocytes sont de moindre qualité lorsque l'on approche la quarantaine. Le droit à l'autoconservation doit être le même pour toutes, sans discrimination. C'est le même refus de toute discrimination liée à l'âge qui nous a conduits à faire appel d'une décision conduisant au déremboursement de la contraception définitive pour les femmes de moins de 35 ans.
Mesdames, je tiens à saluer le travail que vous menez quotidiennement pour la sécurité, la liberté, les droits fondamentaux des femmes, dans une société aux représentations encore marquées par le patriarcat. Je veux souligner les actions que vous menez dans les domaines de la sexualité, de la libération de la parole. Lorsque nous, législateurs, prenons des dispositions en faveur des femmes, vous êtes parmi les premiers acteurs de la mise en place opérationnelle de ces mesures ; et quand le politique est, comme souvent, en retard, vous comblez ce retard par votre action sur le terrain.
J'ai pour habitude de fonctionner en toute transparence : ma conviction est que l'extension de la PMA aux couples lesbiens et aux femmes célibataires revient à supprimer les discriminations basées sur l'orientation sexuelle et sur le statut matrimonial. Dans la République française, il est fondamental de rétablir la justice et l'égalité ; quand on parle d'accès pour toutes les femmes à une pratique médicale – en l'occurrence la PMA – il s'agit bien de viser un régime d'égalité entre toutes, sans discrimination aucune.
Je rebondis sur la question posée par le président Xavier Breton : un quart des 25 000 PMA réalisées en France chaque année ne le sont pas sur la base d'une infertilité médicalement constatée. Il faut être très tranquille dans cette approche : il existe simplement un obstacle au désir d'enfant, qu'une pratique médicale peut pallier ; cela conduit à la prescription d'une PMA, prise en charge par la sécurité sociale.
Ma conviction, encore une fois, est que si l'on supprime une discrimination dans l'accès à une pratique médicale, ce n'est pas pour créer une inégalité. Dans quelle société serions-nous si nous disions demain à ces femmes : « vous avez accès à une pratique médicale, mais uniquement si votre portefeuille le permet » ? J'aimerais vous entendre sur cette question.
En France, nous avons pour réflexe de hiérarchiser les différents types de famille. Pour la politique familiale et fiscale, le modèle roi est celui du couple hétérosexuel avec deux enfants ; plus vous vous éloignez de ce modèle, moins l'État vous soutient dans votre quotidien – c'est le cas des familles LGBT ou monoparentales.
Enfin, je réfute absolument le fait que l'on puisse affirmer que le désir d'enfant est plus ou moins fort selon l'orientation sexuelle ou le statut matrimonial, selon que l'on est une femme hétérosexuelle, en couple lesbien ou célibataire. Le désir d'enfant est exactement le même. C'est à ce titre qu'il est absolument indispensable et urgent d'ouvrir l'accès de la PMA à toutes les femmes.
Ma première question porte sur la PMA post-mortem : votre mouvement a-t-il réfléchi à cette thématique ?
Sur son site, le Planning familial se définit comme s'inscrivant dans une démarche « féministe et d'éducation populaire ». Votre qualité et vos missions font de vous des interlocuteurs privilégiés pour celles et ceux qui souhaitent bénéficier d'une meilleure connaissance de leurs droits. Comment, dans cette perspective, envisagez-vous avec vos interlocuteurs la question de l'accès aux origines ? Pour ma part, je considère que pouvoir accéder à ses origines est un droit fondamental.
La PMA ne vient pas guérir une infertilité, mais répondre à une situation basée sur l'infertilité. Nous sommes d'accord sur le fait que les différents types de famille ne doivent pas être hiérarchisés, car nous ne sommes plus dans un modèle hétérosexuel majoritaire. C'est la raison pour laquelle le Planning est favorable à l'ouverture de la PMA à toutes les femmes, mais aussi aux hommes transsexuels.
Pour nous, il ne s'agit plus d'une question d'éthique, mais d'égalité des droits. À partir du moment où l'on donne accès à la PMA à toutes les femmes, cela doit être dans les mêmes conditions, sans différence entre les familles, les modes de vie étant complètement différents. Il ne doit exister aucune discrimination fondée sur le coût. Aujourd'hui, les familles qui ont les moyens peuvent se rendre à l'étranger, tandis que les autres se débrouillent en bricolant et en prenant des risques. C'est une chose que nous ne pouvons pas accepter.
Nous avons beaucoup travaillé sur la question de l'accès aux origines personnelles, notamment lorsque l'accouchement sous X a été remis en cause. Nous avons interrogé des enfants adoptés : que recherchent-ils au juste ? Que signifie pour eux l'accès aux origines personnelles ? Je ne suis pas certaine que la demande soit vraiment de connaître le parent biologique. Il faut accompagner les familles dans ce domaine ; la façon dont on y évoque la question est essentielle. Et puis la réalité veut que, dans les familles hétérosexuelles normales, le troisième enfant n'est pas forcément issu du père ! De quoi a-t-on besoin pour se construire ? Comment accompagne-t-on les parents ? Et surtout, comment combattre la stigmatisation des familles et favoriser, effectivement, l'acceptation de toutes les formes de familles et de parentalité, sans discrimination ?
Le respect de la vie privée, y compris post-mortem, est absolument fondamental. Ce débat très compliqué interdit toute réponse simpliste, et il doit se poursuivre. Mais il me paraît absolument indispensable de respecter la vie privée des donneurs de gamètes.
Le Planning, représenté par Mme Danielle Gaudry, est également membre du Conseil national d'accès aux origines personnelles (CNAOP), que peuvent saisir les enfants adoptés, notamment nés sous X, quand ils atteignent l'âge de 18 ans. Or on sait que les quelque 2 400 enfants adoptés chaque année ne demandent pas tous l'accès à leurs origines.
L'audition s'achève à douze heures quarante.
Membres présents ou excusés
Mission d'information de la conférence des présidents sur la révision de la loi relative à la bioéthique
Réunion du mardi 16 octobre 2018 à 11h 45
Présents. – M. Xavier Breton, M. Guillaume Chiche, Mme Élise Fajgeles, M. Patrick Hetzel, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Louis Touraine
Excusé. – Mme Bérengère Poletti