Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de Mme Stéphanie Do (Logement) et de Mme Annaïg Le Meur (Ville), les crédits de la mission « Cohésion des territoires » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 27 octobre 2017, sur le site internet de l'Assemblée nationale) (1).
À l'issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
La commission, conformément aux avis favorables de Mme Stéphanie Do et de Mme Annaïg Le Meur, donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
La commission donne un avis favorable à l'adoption de l'article 52.
La commission examine ensuite l'amendement II-CE51.
Nous contestons le prétendu effet inflationniste du versement des APL. Nous notons que M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, argumentait, le 25 juillet, à l'antenne de RTL : « Quand on met un euro de plus sur l'APL, ça fait 78 centimes de hausse des loyers », s'appuyant, sans la citer, sur une étude ancienne de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), datant de 2005. Comme l'explique le journal Le Monde, une très récente note de travail du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), cellule de recherche du Gouvernement, remet ce lien sérieusement en cause. Le document n'a pas été publié malheureusement, mais une version provisoire, que ce journal a consulté explique : « Les aides personnalisées au logement n'ont pas engendré de surinflation du loyer des logements de leurs bénéficiaires par rapport à celui de l'ensemble du parc locatif privé ». Bref, quand on veut tuer le cheval, on dit qu'il est malade. Je pense que c'est ce que nous sommes en train de faire avec les APL.
Avis défavorable. Ce type de demande de rapport n'a pas sa place dans une loi de finances. De nombreuses études ont d'ailleurs déjà été publiées sur l'effet inflationniste des APL. La plus récente date de 2014 et a été réalisée par l'INSEE. Elle fait suite à d'autres études comme celle du Conseil général de l'environnement et du développement durable, publiée en 2012, et celle de l'économiste Gabrielle Fack, publiée en 2006. Il est vrai qu'un débat existe entre les économistes pour quantifier avec précision cet effet inflationniste. Mais laissons ce débat académique vivre par lui-même, sans que la loi intervienne.
J'ai remis un rapport sur les APL et nous avions constaté tout le contraire de ce que vient de dire la rapporteure. Les études montrent que s'il existe un effet inflationniste, celui-ci concerne surtout les APL pour les étudiants dans le parc privé. Dans le parc social, il ne peut pas y avoir d'effet inflationniste puisque les loyers sont encadrés. Ce que propose le Gouvernement consiste à réduire les APL dans le seul secteur où elles ne sont pas inflationnistes. Si on voulait lutter contre les effets inflationnistes des APL, il fallait encadrer les loyers pour les étudiants et dans le parc privé.
L'amendement II-CE 51 est rejeté.
La commission examine ensuite l'amendement II-CE 53.
Cet amendement vise à demander un rapport d'information sur l'effectivité de la mise en oeuvre de la loi sur le droit au logement opposable (DALO). Nous savons tous dans quelles difficultés se retrouvent aujourd'hui des millions de personnes. La loi DALO a dix ans. Elle a été obtenue de haute lutte par les associations et, en dix ans, 123 596 ménages ont été relogés grâce à ce texte, selon le ministère du logement. Pour autant, les procédures restent très longues et complexes. 57 000 ménages reconnus comme prioritaires sont toujours en attente d'une proposition de logement depuis un à sept ans, dont 45 000 en Île-de-France. Au regard de ces chiffres, nous demandons un rapport d'information sur l'application de la loi DALO et sur les entraves à l'accès à ce droit.
Avis défavorable. Une nouvelle fois, ce type de demande de rapport n'a pas sa place dans une loi de finances. Une instance est, par ailleurs, déjà chargée d'évaluer périodiquement la mise en oeuvre de la loi DALO : il s'agit du comité de suivi de la loi DALO, placé auprès du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. Cette instance est composée de parlementaires, de représentants des associations de lutte contre l'exclusion et de représentants des associations de locataires. Elle élabore chaque année un rapport public. Le dernier en date a été publié en décembre 2016 et concerne justement l'effectivité du droit au logement opposable.
L'amendement II-CE 53 est rejeté.
La commission examine ensuite l'amendement II-CE 54.
Nous demandons au Gouvernement la remise d'un rapport d'information, dans un délai de six mois, sur l'accessibilité des services et lieux publics aux personnes handicapées portant notamment sur l'adéquation entre les moyens budgétaires alloués à cette thématique et les besoins réels. Nous savons que toutes les associations qui travaillent sur ce dossier protestent régulièrement, année après année, sur la politique en matière de handicap, malgré les lois qui ont été votées, notamment celle de 2005 qui n'est toujours pas réellement appliquée. Il nous semble nécessaire qu'un comité se mette en place. Je voudrais aussi répondre sur l'idée que d'autres commissions existeraient. Ce n'est pas la même chose. Une commission mise en place par le Gouvernement a plus de moyens financiers et humains qu'une commission du Parlement pour faire un tel rapport. Je vous rappelle que les droits de l'opposition au Parlement sont très affaiblis dans les commissions parlementaires.
Avis défavorable. Certes, ce sujet est important mais ce type de demande de rapport n'a pas sa place dans une loi de finances et ne fait pas avancer les choses. S'il le souhaite, le Parlement peut procéder à ce travail d'évaluation lui-même via des missions d'information ou des commissions d'enquête sans avoir besoin de passer par la loi et une demande au Gouvernement. Un rapport du CGEDD, de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Contrôle général économique et financier (CGEFi) sur les « modalités d'application des règles d'accessibilité du cadre bâti pour les personnes handicapées » a, par ailleurs, déjà été rendu public en 2015.
Je vous rappelle que ces amendements ont été considérés comme recevables par les services de l'Assemblée nationale. Ne nous répondez pas à chaque fois qu'ils n'ont pas lieu d'être examinés par cette commission.
Je voudrais rappeler à tout le monde que les services se contentent de vérifier la recevabilité constitutionnelle des amendements. On est ensuite libre de juger de la pertinence de ces amendements. C'est une autre histoire.
L'amendement II-CE 54 est rejeté.
La commission examine ensuite l'amendement II-CE 62.
Cet amendement concerne les emplois francs. À niveau de diplôme égal, les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) connaissent un taux de chômage deux fois et demi supérieur à la moyenne nationale. Afin de lutter efficacement contre la pauvreté et les discriminations territoriales dont sont victimes une partie de nos concitoyens, il est donc urgent d'agir. Lors de sa campagne, le Président de la République s'était engagé à mettre en place un « dispositif d'emplois francs », destiné à inciter les entreprises à embaucher des habitants des QPV grâce à une prime de 15 000 euros pour les CDI et de 5 000 euros pour les CDD. A l'inverse de l'expérimentation tentée en 2013, tous les habitants des QPV, quel que soit leur âge ou leur situation, pourraient bénéficier de ce dispositif. Cet amendement propose donc de concrétiser cet engagement en l'expérimentant dès 2018 dans certains départements selon des modalités définies par décret. A l'issue de cette expérimentation de deux ans, un bilan serait réalisé avant son éventuel élargissement à tout le territoire national.
C'est un excellent amendement. J'ai remis un rapport par le passé en faveur de la création des emplois francs. J'ai juste un conseil. Si cela n'a pas donné des résultats en 2013, c'est parce que systématiquement, les services de Pôle Emploi ne jouent pas le jeu sur ce type de dispositif. Ils ne veulent pas de mesure dérogatoire pour les habitants de ces territoires. C'est un débat culturel et historique que nous avons avec eux. Ils ne vendent pas la mesure auprès des entreprises. Ça ne marche pas parce que le service qui est censé porter le projet ne le porte pas. Ils ont tué dans l'oeuf l'expérimentation de 2013. Nous l'avons donc abandonnée. Mais si nous n'y prenons pas garde, cela recommencera de la même manière parce que le pouvoir de nuisance de certains services est assez impressionnant.
Si cela n'a pas marché en 2013, ce n'est pas seulement de la faute de Pôle Emploi. C'est aussi parce que le dispositif n'était pas bien calibré. Ce que nous proposons est différent. Je veux saluer le travail de nos rapporteures pour avis, à la fois Mme Annaïg Le Meur et Mme Stéphanie Do. Cette proposition fait partie des engagements de campagne du Président de la République. En tant que député de la Haute-Garonne, j'émets le souhait que ce département et la ville de Toulouse fassent parties des territoires d'expérimentation.
L'amendement II-CE 62 est accepté.
La commission examine ensuite l'amendement II-CE 61.
Cet amendement concerne le doublement des moyens de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Le Gouvernement a annoncé que les moyens du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) seraient doublés pour atteindre 10 milliards d'euros sur la période 2014-2024 et que l'État contribuerait à cette hausse à hauteur de 1 milliard d'euros. Cet engagement est confirmé dans le projet annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires », annexé au présent projet de loi de finances. Il a également été rappelé par M. Gérald Darmanin en séance publique ainsi que par MM. Jacques Mézard et Julien Denormandie devant notre commission. Cette hausse des moyens du NPNRU est attendue par les acteurs locaux. Le travail de préfiguration des projets a, en effet, montré que les besoins étaient importants et que l'enveloppe initiale de 5 milliards d'euros était très insuffisante pour procéder à une amélioration complète du cadre de vie des habitants des quartiers populaires, qui ne se limite pas à la rénovation de l'habitat. Afin que cet engagement ait une traduction juridique contraignante qui donne de la lisibilité et de la sécurité aux acteurs locaux, cet amendement vise à l'inscrire dans la loi de 2003 qui régit les missions et les moyens de l'ANRU.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement. Mais il y avait un premier amendement dans la loi dite « Borloo » qui disait que sur les 12 milliards du premier programme, l'État devait mettre 6 milliards d'euros. Or il n'a mis que 300 millions d'euros. Il faut faire cet amendement mais en sachant bien que cela n'a aucun caractère contraignant. Ce qui serait bien c'est que la majorité inscrive également des autorisations d'engagement de dépenses et des crédits de paiement. C'est cela qui manque dans le projet de loi de finances. J'ai donc déposé des amendements pour que nous mettions 100 millions d'euros par an dans la loi de finances. On peut voter tous les voeux que l'on veut. Mais si les crédits ne sont pas inscrits, cela ne se fera jamais.
Il y a toujours un risque quand des décisions politiques et budgétaires sont prises avec l'argent des autres. Sur les 5 milliards, il y a 1 milliard de l'État mais aussi 2 milliards qui devraient être apportés par Action Logement et 2 milliards qui devaient théoriquement venir du mouvement HLM, avant que l'article 52 du PLF vienne tout remettre en cause. Pour l'instant, nous ne pouvons pas afficher ces 5 milliards. Nous pouvons juste afficher le milliard de l'État. Ce n'est que 20 % de la côte à gravir.
L'amendement II-CE 61 est accepté.
La commission examine ensuite l'amendement II-CE 52.
Cet amendement vise à réfléchir à la création d'un indicateur sur les services publics et parapublics dans les quartiers populaires. Je travaillais moi-même dans les quartiers populaires de Grigny où vous n'avez plus de bureau de Poste, plus de médecins et plus d'hôpitaux à proximité. Il est urgent d'avancer sur cette question.
Avis défavorable. Je tiens à dire que vous évoquez un sujet auquel je suis très sensible. Cependant, ce travail a vocation à être réalisé au niveau local dans le cadre des contrats de ville. La loi Lamy de 2014 précise déjà que les différents signataires des contrats de ville, dont l'État et les collectivités locales, doivent indiquer les moyens humains et financiers mis en oeuvre dans les QPV, en distinguant les moyens de droit commun et ceux relevant de la politique de la ville. Pour concrétiser ce travail, des annexes d'engagements de service public sont en cours d'élaboration dans tous les territoires de la politique de la ville, conformément à une instruction du Premier ministre du 10 mars 2017. Nous considérons que ce type de demande de rapport n'a pas de pertinence dans une loi de finances.
L'amendement II-CE 52 est rejeté.
Membres présents ou excusés
Réunion du vendredi 27 octobre 2017 à 11 h 45
Présents. - M. Patrice Anato, M. Nicolas Démoulin, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Véronique Hammerer, Mme Marie Lebec, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Mickaël Nogal
Excusé. - Mme Sophie Errante
1 () http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/