Mardi 7 mai 2019
L'audition débute à dix-huit heures quarante.
Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête
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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de M. Franck Seurin, directeur général de Hanploi, Mme Véronique Bustreel, directrice Innovation, évaluation et stratégie de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), et M. Patrick Maigret, président de la Fédération nationale des associations régionales de centres de formation d'apprentis (FNADIR).
Nous achevons cette séquence d'auditions en abordant la thématique de l'insertion professionnelle des jeunes en situation de handicap et j'en suis particulièrement ravie parce que c'est le sujet que je connais le moins bien parmi ceux que nous devons étudier dans cette commission d'enquête. Pour nous en parler, nous recevons M. Franck Seurin, directeur général de Hanploi. Créée en 2005, cette association est aujourd'hui un acteur essentiel dans le recrutement des personnes en situation de handicap. Nous entendrons également M. Patrick Maigret, président de la Fédération nationale des associations régionales de directeurs de centres de formation d'apprentis (FNADIR) et Mme Véronique Bustreel, directrice Innovation, évaluation et stratégie de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH), qui finance des actions d'insertion de personnes en situation de handicap en milieu ordinaire de travail, notamment à travers les services d'appui régional à l'apprentissage des personnes en situation de handicap (SARAH).
Avant de vous donner la parole pour évoquer la question, décisive pour les jeunes en situation de handicap, de leur insertion professionnelle à l'issue de leur scolarité ou de leurs études supérieures, je dois, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Mme Bustreel, MM. Maigret et Seurin prêtent successivement serment.
Il peut sembler surprenant de prêter serment mais, au bout du compte, l'une des missions que nous nous sommes fixées consiste à approcher de la vérité quant au diagnostic à porter. Le fait de prêter serment consolide de manière symbolique notre volonté d'approcher la réalité du sujet qui nous réunit.
Je veux aussi vous dire le plaisir de vous accueillir, en insistant sur le fait que nous avons délibérément choisi que cette commission d'enquête sur l'inclusion des enfants en situation de handicap embrasse aussi le champ de l'insertion professionnelle. À défaut, nous aurions eu une part d'ombre préjudiciable.
Nous voulons donc vous entendre sur un diagnostic le plus précis possible, en particulier sur vos craintes, vos espoirs, vos attentes et vos recommandations.
Il est vrai que le sujet est vaste. En matière d'insertion professionnelle des jeunes, il est important de prendre en compte l'amont, c'est-à-dire la capacité à accéder à la scolarité et aux études supérieures.
Même si la loi de 2005 a eu des effets, un important chemin reste à parcourir. La formation est primordiale. On constate d'ailleurs, au regard des besoins des entreprises, la réelle volonté d'intégrer et d'insérer des personnes en situation de handicap – jeunes et moins jeunes, mais nous traitons aujourd'hui davantage des jeunes. Reste à savoir où trouver les personnes formées aux compétences demandées.
L'entreprise peut accompagner ces évolutions, notamment au travers de l'alternance et de l'apprentissage. La scolarité n'est pas toujours linéaire en raison d'une situation de handicap et d'un besoin de soins, et les parcours sont parfois hachés. L'alternance offre la possibilité de reconquérir un parcours plus ordinaire : c'est une évolution importante. En outre, en fonction de l'organisation, de la motivation et de la maturité des entreprises, les étapes peuvent être accompagnées avec des formations de remise à niveau ou un parcours adapté, pour arriver à une formation classique que l'on peut trouver sur le marché du travail.
Près de la moitié des personnes en situation de handicap abandonnent leurs études à l'issue de chaque cycle de scolarité, pour des raisons d'intégration, de rythme ou de moyens. Il faut donc réfléchir très en amont et trouver un cursus scolaire qui aboutira à un cursus professionnel en fonction des besoins des employeurs, y compris la fonction publique qui peut, depuis quelques années, accueillir des apprentis.
Il faut aussi penser l'intégration de ces personnes à travers des cursus adaptés en fonction de la problématique du handicap, sur le plan de la pédagogie, de l'environnement mais aussi du bon sens. Une sensibilisation à l'intégration et à l'accueil de personnes en situation de handicap est indispensable, dans le milieu scolaire comme dans le milieu professionnel, auprès de l'ensemble du collectif de travail et quel que soit le handicap, visible ou pas – souvent, d'ailleurs, les handicaps ne sont pas visibles.
La FNADIR est une fédération de 12 associations régionales présentes sur l'ensemble du territoire. Nous représentons 540 directeurs et directrices de centres de formation d'apprentis (CFA), sur un total de 960 CFA en France, et nous ne sommes pas loin de représenter 280 000 apprentis. Nous avons déjà beaucoup travaillé sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui, et de nombreuses actions et expériences ont déjà eu lieu dans différentes régions.
Conformément à la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, l'apprentissage reste inscrit au niveau de la formation initiale. Il nous semblait extrêmement important que ce soit inscrit dans la loi, compte tenu des spécificités du public accueilli et de l'ensemble des accompagnements que nous sommes amenés à mettre en place, notamment pour les jeunes ayant une reconnaissance de travailleur handicapé. En effet, nous serons amenés à travailler en amont de la signature du contrat d'apprentissage, ce qui est particulièrement important pour l'orientation professionnelle – puisque l'apprentissage présente cette spécificité d'être une formation sous contrat de travail. Dès lors qu'il ne peut pas y avoir de contrat d'apprentissage sans entreprise, un travail en amont doit identifier les entreprises qui seront en capacité d'accueillir ces jeunes, mais aussi confirmer le choix professionnel et les possibilités qui seront offertes à la fois en entreprise et dans les CFA. Ensuite, une fois signé le contrat d'apprentissage, les accompagnements se poursuivent pendant la formation ainsi qu'à la sortie, l'un des objectifs principaux de l'apprentissage étant l'insertion professionnelle.
Une réforme de la politique de l'emploi des personnes handicapées est en cours. Cinq groupes de travail ont été mis en place. Notre fédération nationale est associée à celui consacré à la mobilisation nationale sur la formation, piloté par le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Nous organisons régulièrement des contacts téléphoniques, des visioconférences et des réunions sur l'ensemble du dispositif selon deux axes. Le premier est celui de l'accessibilité physique : il faut que les établissements qui accueilleront ce public soient en capacité de le faire, dans une logique d'accessibilité universelle. Cela impose de travailler aussi sur les problématiques pédagogiques et sur les accompagnements spécifiques à mettre en place. Nous réfléchissons actuellement à un référentiel d'accessibilité des établissements, conformément à la loi qui prévoit une homogénéisation du dispositif. Jusqu'ici, les politiques d'accompagnement des jeunes reconnus handicapés variaient d'une région à l'autre. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Pays-de-la-Loire et Nouvelle-Aquitaine, par exemple, avaient mis en place des accompagnements spécifiques. Recentraliser l'apprentissage au niveau national en s'appuyant sur l'expérience de ces trois régions apportera une plus grande homogénéité. Par ailleurs, il faut noter qu'à partir du 1er janvier 2020, les conseils régionaux n'auront plus la compétence de l'apprentissage. Ils conserveront toutefois leurs compétences en matière d'orientation des jeunes et devraient donc rester des partenaires importants du dispositif.
Le deuxième axe de la démarche concerne l'identification des missions du référent handicap au sein des organismes de formation et des CFA.
Objectivement, non.
Lors de notre audition d'hier à Dieppe, la présidente a indiqué – avec la force de conviction que nous lui connaissons désormais – qu'il existe des référents handicap dans les CFA. Une mère de famille lui a alors répondu qu'elle n'en avait jamais entendu parler. Et pour cause, il me semble qu'il n'en existe pas dans mon département. Voilà. Cela va mieux en le disant !
Cette mesure est incluse dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Certains CFA ont déjà des référents handicap. J'ai la chance de diriger un grand CFA, qui accueille environ 1 100 jeunes apprentis ou en contrat de professionnalisation. Tous les ans, 20 à 30 ont une reconnaissance de travailleur handicapé. Nous avons mis en place un dispositif mais, une fois encore, il s'agit d'un grand CFA. J'ai donc une expérience personnelle de l'accompagnement de ce public. Nous travaillons en amont, avec un certain nombre de partenaires, dont l'AGEFIPH. Il existe différents dispositifs, selon les régions. Pour notre part, nous travaillons avec la chambre de métiers sur la prestation d'accompagnement vers l'apprentissage (PAVA). La PAVA n'existe pas dans toutes les régions. On la trouve par exemple dans l'ex-région Franche-Comté. Elle est très intéressante pour le travail en amont que j'évoquais tout à l'heure, relatif à l'identification des parcours possibles et des entreprises en capacité d'accueillir ces jeunes.
Notre deuxième axe de réflexion concerne donc les missions du référent handicap dans un CFA. Celui-ci ne doit pas être un spécialiste du handicap. Toutes les réunions que nous avons tenues jusqu'à maintenant nous amènent à considérer que le référent handicap doit faire travailler ensemble un certain nombre de partenaires. Dans mon CFA, trois personnes sont référentes handicap : une assistante administrative qui assure l'interface avec l'environnement extérieur et deux enseignantes qui font le lien avec les équipes pédagogiques. L'une d'elles est également chargée du centre de documentation de son établissement et peut accueillir de manière individuelle les jeunes qui en ont besoin.
Vous l'aurez compris, chaque CFA peut avoir des particularités, puisque sa mise en place lui est propre. Je considère aussi qu'il est extrêmement intéressant de mobiliser la sensibilité des personnes. À cet égard, je n'ai pas désigné les référents handicap : j'en ai parlé, et c'est la sensibilité de ces deux enseignantes et de l'assistante administrative qui ont fait qu'elles ont pris en charge cette mission.
Nous sommes tous très intéressés par cette mission d'insertion. Je vous remercie donc de l'avoir inscrite au coeur de votre commission d'enquête. En effet, ainsi que vous le soulignez dans la lettre que vous nous avez adressée, cela fait maintenant quatorze ans que la loi de 2005 a été votée. Que s'est-il passé depuis ? Un plus grand nombre d'enfants et de jeunes sont scolarisés dans l'école de la République, dans les universités, dans les grandes écoles. Ce sont aussi plus de jeunes que l'on retrouve dans la société, plus de jeunes qui ont des aspirations à être dans la société, comme tout le monde, dans une société inclusive qui ouvre aussi les portes de l'emploi aux personnes en situation de handicap. Tel est, depuis trente ans, le leitmotiv de l'AGEFIPH qui a été créée par la loi de 1987 et qui a vocation, à partir d'une gouvernance paritaire élargie – avec des partenaires sociaux et des associations – à faire en sorte que la question de l'emploi des personnes en situation de handicap occupe une place centrale dans les politiques publiques.
Depuis maintenant trente ans, nous soulevons cette question de la place des jeunes dans la société et de la place qui peut leur être donnée dans le travail, à la fois au niveau national et au niveau territorial avec l'Éducation nationale, notamment dans le cadre des plans régionaux d'insertion des travailleurs handicapés (PRITH). L'objectif est de décloisonner le fonctionnement des acteurs locaux, pour enfin pouvoir travailler à des transitions et à des articulations entre l'Éducation nationale, l'enseignement supérieur et le secteur médico-social. Cela permettrait aux jeunes qui ont des aspirations bien affirmées, en phase avec la convention internationale des droits des personnes handicapées, d'accéder à un emploi rémunéré en milieu ordinaire de travail.
Nous avons traité cette question sous différents aspects. Mais il est indispensable de réinventer le modèle. En effet, nous sommes face à une nouvelle génération et à de nouveaux types de handicaps reconnus et identifiés – c'est aussi l'un des effets de la loi de 2005 que de conduire des personnes qui n'étaient pas toujours reconnues comme étant en situation de handicap à l'être aujourd'hui. Il nous faut donc aménager et proposer une politique qui leur permette de trouver leur place dans la société.
Nous savons que les jeunes représentent une part relativement limitée des stratégies et des engagements politiques. Actuellement, la majorité des personnes en situation de handicap sont des adultes, souvent en deuxième partie de carrière, qui ont rencontré une situation de handicap au fil de leur vie. Pour les populations relativement jeunes, l'existence d'un déficit d'informations statistiques fait l'objet d'un large consensus. Or ces données permettraient de mieux anticiper leurs besoins et de mieux accompagner, durablement, leur intégration et leur inclusion dans la société. Certes, on dispose de quelques éléments, parfois parcellaires, parfois plus complets, mais toujours insatisfaisants.
Nous sommes des acteurs de la phase d'après, de l'accès à l'emploi, de l'insertion professionnelle et du maintien en emploi ; mais nous pouvons aussi être acteurs du parcours et de la transition qui permettent de sécuriser les parcours professionnels. Nous avons identifié un premier levier : garantir une interaction précoce avec l'entreprise dès la scolarisation à l'école, à l'université ou dans une grande école. À cet égard, nous avons travaillé avec la gouvernance de l'AGEFIPH à ouvrir nos aides et nos prestations afin de garantir une aide à la compensation de la situation de handicap lors des stages en entreprise – y compris pour les stagiaires et les étudiants.
C'est très bien, mais ce n'est pas connu. En tout cas pas par moi, et à mon avis pas non plus par les habitants et les entreprises de mon territoire.
Nous réfléchissons aussi depuis deux ans à renforcer la visibilité des aides que nous apportons aux acteurs sur les territoires, dans le cadre de la définition d'un nouveau plan stratégique. Il est indispensable de faire connaître les outils qui existent.
Dans les relations que nous entretenons avec les grandes écoles et les universités, cette information est normalement diffusée. En outre, depuis la loi de 2005 et les suites de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le temps durant lequel le jeune effectue un stage dans l'entreprise est comptabilisé dans l'obligation d'emploi. Pour l'entreprise, c'est donc un sujet très intéressant. Elle peut même y compter un jeune stagiaire de 3e qui vient découvrir les métiers ou un jeune qui effectue un stage obligatoire plus long dans le cadre de ses études. C'est aussi une mise en visibilité de l'action offensive de l'entreprise pour recruter, pour découvrir et pour sensibiliser le collectif de travail à la diversité, à la différence et au handicap. Pour le jeune, c'est l'occasion de découvrir le monde de l'entreprise, mais aussi la diversité des métiers. Or l'une des questions qui se posent aujourd'hui, ainsi que l'a indiqué M. Maigret, est celle de l'orientation. Comment travailler le sujet de l'orientation, puis celui de l'accès à la formation et à la qualification, comme l'évoquait M. Seurin ? En l'occurrence, les personnes en situation de handicap pâtissent d'un vrai déficit de qualification et de formation. Si l'on n'arrive pas à être performant pendant la formation initiale, on leur donne moins de chances d'intégrer ensuite un emploi dans des délais courts et qui permettent de sécuriser des parcours professionnels. Il nous appartient donc de travailler ce sujet avec tous les acteurs.
Comme vous le souligniez précédemment sur les référents, il faut aussi travailler à la professionnalisation, à la sensibilisation et à l'information des acteurs. Des référents émergent dans les entreprises de 250 salariés et au sein des CFA, des pratiques se généralisent ; il est nécessaire d'identifier des acteurs pivot, de les former et de les professionnaliser. L'AGEFIPH est un vecteur de cette professionnalisation, puisqu'elle a mis en place des dispositifs qui permettent de sensibiliser et d'accompagner ces sujets à travers son réseau Handicap Formation et à travers son réseau de référents handicap.
Enfin, nous sommes très engagés dans le domaine de l'innovation. C'est un sujet qui me tient à coeur puisque j'en suis la directrice, mais il a aussi cela d'intéressant qu'il réinterroge les pratiques et permet des expérimentations au travers desquelles il est possible de formaliser des bonnes pratiques. C'est le cas par exemple de l'emploi accompagné, expérimenté avec des fonds AGEFIPH depuis 2013 et saisi en 2016 par la loi El Khomri pour permettre une expérimentation grandeur nature. Ce dispositif est largement soutenu par l'AGEFIPH. Il permet aussi de penser des prestations d'appui spécifique pour des pathologies ou des problématiques de santé et de mieux accompagner les personnes. Il permet également de penser l'innovation pédagogique – c'est un partenariat que nous avons notamment développé avec Sciences Po Paris. Il permet encore de travailler toutes les questions d'accompagnement des parcours avec différents acteurs – je pense à Osons l'égalité avec qui nous travaillons, en Bretagne, sur la question de l'accès aux contrats en alternance et à la découverte des métiers.
Voilà donc un premier aperçu de nos actions. Nous avons ouvert des chantiers très variés pour accompagner au mieux les personnes en situation de handicap et répondre aux besoins des entreprises – les deux bénéficiaires principaux de l'AGEFIPH. Nous voulons faire se rencontrer ces personnes et les employeurs, parce que les uns cherchent du travail et que les autres proposent de l'emploi. En définitive, il faut arriver à faire se rencontrer l'offre et la demande.
Je vous remercie pour ce témoignage et cet enthousiasme que nous sentons. Nous avons auditionné, la semaine dernière, des associations d'étudiants et des personnes qui accompagnent les étudiants en les mettant en relation avec des entreprises. Elles nous ont indiqué qu'il était important de commencer très tôt à faire ce couplage et ces expériences, pour donner envie de poursuivre la formation. Hier, en Seine-Maritime, une mère de famille nous faisait savoir qu'il n'y avait pas de référent handicap dans les CFA de ce département. Aussi suggérait-elle la création de CFA adaptés – ce qui irait un peu à l'encontre de la loi. Comment peut-on imaginer apporter rapidement des réponses à l'échelle du territoire français ? Comment démultiplier votre expérience ?
Par ailleurs, comment l'AGEFIPH travaille-t-elle avec les missions locales ? Y a-t-il parfois une confusion des actions, ou s'agit-il d'une démultiplication de l'efficacité ?
Monsieur Seurin, je n'ai pas bien compris si Hanploi est une association d'entrepreneurs ou une association indépendante qui met en relation des entrepreneurs et des jeunes en aspiration d'emploi.
Je vous remercie pour votre contribution. L'AGEFIPH nous a transmis une note. J'invite les autres intervenants à faire de même s'ils en ont la possibilité. Cela pourrait nous être utile pour approfondir notre connaissance de vos missions et des enjeux.
Notre commission entend faire en sorte qu'une situation de handicap reconnue ouvre un droit fondamental que nous avons la responsabilité de mettre en oeuvre, ou dont nous devons faire en sorte que sa mise en oeuvre soit la meilleure possible, dans une République une et indivisible. Par définition, un droit fondamental est le même pour tout le monde.
Les expérimentations sont riches. Les innovations sont stimulantes et enthousiasmantes. Je ne vous ferai pas le couplet de mon avis sur la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle – la commission n'y suffirait pas ! Toutefois, mes préoccupations concernent l'inégalité territoriale, le risque de métropolisation des réponses et le risque accru d'orientation subie pour les personnes en situation de handicap. Les témoignages que nous avons entendus à Dieppe hier allaient dans ce sens. Une femme a indiqué qu'elle était maman d'un jeune adulte ou d'un « adulescent » ayant choisi la voie du CFA mais qui ne souhaite pas être maçon, charcutier ou jardinier : il est épileptique et c'est dans le sport qu'il trouve son équilibre et son épanouissement. Or le droit à l'inclusion est affirmé, il est fondamental. La question de l'orientation choisie et non pas subie est donc posée pour les personnes en situation de handicap.
Je suis heureux de votre enthousiasme, qui nous en donne un peu aussi. C'est bien car sans espoir, on ne fait pas bouger les choses. J'ai aussi en tête un témoignage selon lequel le stage de découverte professionnelle en classe de troisième est plus ou moins intéressant selon le patrimoine culturel, social et relationnel de l'enfant. Pour les enfants en situation de handicap, on me dit que trouver un stage en entreprise est encore plus compliqué. Quel est votre point de vue ? Cette réalité est-elle confirmée ? Comment peut-on y remédier ? Au bout du compte, notre commission a aussi cette fonction.
Notre association trouve son origine dans la volonté de mettre en place des services et des outils favorisant la rencontre du monde du handicap et de celui de l'entreprise. Nous ne proposons pas un système d'accompagnement de personnes comme peut l'être le réseau des Cap Emploi, dont c'est la mission première. Ces structures sont des acteurs primordiaux pour l'organisation de l'insertion professionnelle et le maillage du territoire. Il existe un Cap Emploi dans chaque département. Ces structures ont des méthodes à la fois communes et adaptées à chaque département et à ses initiatives.
À l'origine, Hanploi partait davantage des problématiques des entreprises désireuses de recruter des personnes en situation de handicap mais qui ne savaient pas où trouver ces compétences. Notre réflexion a donc visé, en premier lieu, à mettre en place un outil dédié pour les personnes en situation de handicap : hanploi.com. L'objectif était d'une part de permettre aux entreprises aujourd'hui qualifiées de « handi-accueillantes » – ce terme n'existait pas à l'époque –, donc vraiment volontaires pour intégrer et insérer des personnes handicapées, de déposer leurs offres d'emploi et, d'autre part, de permettre aux personnes en situation de handicap de déposer leur candidature. Au-delà de l'outil, nous effectuons un important travail d'information, de sensibilisation et de formation. Il est très important de démythifier le sujet auprès des recruteurs et des managers. Le plus souvent, les parcours des personnes en situation de handicap sont atypiques, et nous sommes face à des recruteurs qui ont leurs propres normes, en fonction des écoles qu'ils ont faites.
Depuis 2008, notre programme « Hanploi and School » est soutenu par les entreprises qui souhaitent dynamiser leur visibilité. Même si une partie de la motivation tient à l'image de marque, la volonté d'insérer et d'intégrer des personnes en situation de handicap est réelle. Il s'agit d'un programme de formation supérieure, notamment en partenariat avec la Conférence des grandes écoles.
Au-delà des étudiants en situation de handicap intégrés dans les écoles, c'est tout le collectif qui profite de cette possibilité d'information et de sensibilisation. Il est important que ces étudiants qui seront demain managers et recruteurs portent un regard différent sur le handicap.
L'autre partie du programme concerne la formation des référents. Nous parlions tout à l'heure des référents CFA qui se mettent plus ou moins en place en fonction des régions. Dans les écoles et les universités, c'est la même chose. Il est important que ces référents soient formés pour mieux intégrer les personnes en situation de handicap et être porteurs auprès de la partie pédagogique, d'autant qu'il existe encore de nombreux freins au sein du corps professoral.
Je dois vous interrompre car le temps nous est compté, mais votre intervention est passionnante. Nous aimerions d'ailleurs avoir plus de temps.
Pour répondre à votre question, je confirme qu'il n'existe pas encore de référents handicap dans l'ensemble des CFA. En l'occurrence, la FNADIR a vocation à informer les directeurs de CFA sur leurs obligations. La loi est le point de départ. Le travail d'élaboration d'un référentiel permettra d'identifier les CFA handi-accueillants sur l'ensemble du territoire.
Il est très important de professionnaliser les équipes et de favoriser les échanges de bonnes pratiques – c'est aussi l'une des vocations de notre fédération nationale. Comme je le disais tout à l'heure, je situe ce travail au niveau régional. Aujourd'hui même, une formation de l'AGEFIPH se déroulait dans mon CFA, avec quatorze participants parmi lesquels plusieurs représentants de CFA, du groupement d'établissements (GRETA), de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ou encore de la chambre des métiers. Permettre à ces acteurs de se réunir est très important, dans un périmètre restreint que je situe au niveau régional dans la mesure où l'orientation sera très prochainement pilotée par la région et où nos associations de directeurs de CFA sont elles aussi régionales. Par l'intermédiaire de la FNADIR et de ces associations régionales, on peut mettre en place un dispositif de professionnalisation. Tout à l'heure, je parlais de processus. Nous n'allons évidemment pas révolutionner les choses du jour au lendemain, mais il est extrêmement important d'engager ce processus ensemble pour construire ou coconstruire localement les réponses à apporter pour l'accueil de ce public.
J'ai participé aux olympiades de Bézier au mois de novembre et je viendrai en Normandie. Qui plus est, l'un des vice-présidents de la FNADIR représente un CFA normand. J'aurai l'occasion de m'entretenir avec lui des CFA de Normandie.
Vous avez posé la question des CFA spécialisés. Leur développement n'était pas souhaité, mais la nature ayant horreur du vide, lorsqu'il n'y a pas de place dans des organisations de droit commun, on met en place de nouvelles organisations. Or il est vrai que si l'on pense l'inclusion comme le droit des personnes en situation de handicap à faire valoir leur présence dans des outils qui sont conçus pour tous, dans une approche inclusive et avec une accessibilité aux services, il convient de concevoir ces derniers comme étant inclusifs eux-mêmes plutôt que de produire des services à part. En effet, des services à part créent une situation à part et laissent les personnes concernées à part de la société. Néanmoins, une approche spécialisée et spécifique, y compris par le médico-social, est nécessaire. Je pense notamment qu'un soutien pourrait être apporté aux CFA dans le cadre de la rénovation des centres de rééducation professionnelle et de l'action des centres de réadaptation professionnelle (CRP). Ces acteurs ont une expertise particulière vis-à-vis des publics handicapés et pourraient utilement partager leurs compétences avec d'autres acteurs de la formation. C'est tout l'intérêt de pouvoir travailler ensemble sur des territoires.
J'en viens à la question de l'égalité territoriale. Je suis pour l'équité de traitement et l'égalité territoriale. Ce sujet tient à coeur à l'AGEFIPH, parce que nous sommes présents sur l'ensemble du territoire et parce que notre organisation en délégations régionales permet une offre de services absolument identique sur tous les points du territoire, en dehors de nos innovations et de nos actions expérimentales. Il faut toutefois conserver une capacité de pilotage au plus près du terrain. En effet, tous les territoires n'ont pas les mêmes dynamiques ou les mêmes réseaux d'employeurs, et ne fonctionnent pas de la même manière. Il en va de même pour les écoles et les universités. Comment faire en sorte d'avoir un socle commun, qui garantisse au moins qu'à l'école de la République, à l'université, dans les grandes écoles ou dans les CFA, les parcours des personnes en situation de handicap bénéficient d'un accompagnement de qualité ? Il nous faut, à l'échelle régionale et parfois infrarégionale, développer des actions qui permettent de tricoter du sur-mesure. Il ne faut pas s'empêcher de penser local tout en pensant national.
Vous m'interrogiez également sur nos interactions avec les missions locales. Nous avons une interaction générale et naturelle avec l'ensemble du service public de l'emploi. D'abord parce que nous sommes pilotes et commanditaires du service Cap Emploi sur tout le territoire national. Ensuite, parce que nous sommes partenaires de Pôle Emploi depuis très longtemps, et parce que nous essayons de travailler au plus près du terrain avec l'ensemble des acteurs. Les missions locales en font évidemment partie.
Dans certaines régions, une coopération extrêmement dynamique permet des actions très avancées. Je pense à l'Occitanie, où une coopération se développe avec l'ensemble des missions locales. Il existe une vraie dynamique et un réel engagement des missions locales, qui font comme elles peuvent avec un certain nombre de situations de handicap. Nous sommes là pour les accompagner et leur proposer une offre d'intervention ou d'appui – je pense en particulier à nos prestations d'appui spécifique qui peuvent être mobilisées par tous les acteurs du service public de l'emploi, y compris les missions locales, et qui leur permettent d'accompagner les personnes en situation de handicap au plus près de l'évaluation de leur besoin de compensation ou de diagnostic, mais aussi dans l'emploi. Nous accompagnons également l'Association pour l'emploi des cadres (APEC). Vous le voyez, nous essayons de couvrir tous les champs. L'égalité est au coeur de notre action, ce qui se traduit dans nos prestations, dans nos aides et dans la gouvernance territoriale que nous essayons de mettre en place avec les autres acteurs du territoire.
Si je comprends bien, on est passé d'une expertise qui était l'accueil des jeunes en situation de handicap à un nouveau challenge qui est la transmission de cette expertise à l'ensemble des professionnels qui sont amenés à rencontrer ces jeunes en formation, que ce soit les entrepreneurs ou les centres de formation.
C'est le défi de l'inclusion.
Je pense que c'est le défi de l'inclusion que de faire en sorte que ce sujet d'ultra-spécialistes, à l'origine, devienne un sujet de généralistes. Les généralistes n'ont pas vocation à devenir des ultra-spécialistes. Néanmoins, ils ont vocation à maîtriser leur environnement et à pouvoir mobiliser en tant que de besoin les outils spécialisés. C'est cela, le pari de l'inclusion : faire en sorte que tous les acteurs puissent maîtriser leur environnement pour s'en saisir et accompagner au mieux les parcours.
Je veux vous remercier, simplement, pour votre contribution qui va nourrir notre réflexion. Vous m'avez donné de nombreuses idées, y compris pour enclencher, accélérer ou accentuer des dynamiques territoriales, donc merci à vous !
Je ne voudrais pas terminer sur une note négative, mais qu'est-ce qui ne va pas, finalement ? Vous avez parlé de cette jolie dynamique, mais qu'est-ce qui ne va pas ?
Les rôles sont inversés ! D'ordinaire, c'est moi qui pose cette question, mais j'ai laissé la présidente le faire. Votre enthousiasme et votre optimisme font plaisir à entendre, mais il y a quand même des obstacles. Vous avez 2 minutes pour répondre.
On parle d'inclusion, mais on est encore dans des environnements spécifiques, avec des obligations et des lois. Ce qui ne va pas, au sens large et sociétal, c'est que nous sommes encore dans ce cadre-là, depuis longtemps. Il faut aussi tenir compte des organisations et des spécificités qui se sont créées « en réaction », comme bien souvent en France. Attention donc à ne pas casser trop rapidement ces dynamiques et ces spécificités en optimisant les organisations et en professionnalisant les acteurs. Le local a toute son importance également. Les choses doivent se faire dans la durée. L'inclusion doit vraiment être intégrée par la société, pas uniquement par des orientations qui seraient prises rapidement.
Le contrat d'apprentissage est un contrat de travail. La problématique sous-jacente est donc celle du croisement de l'offre et de la demande. Chaque année, tous les CFA se retrouvent avec des offres d'apprentissage non pourvues. Il faut donc certainement travailler davantage en amont la problématique du croisement de l'offre et de la demande, y compris avec des phases d'essai, pour déclencher la signature du contrat d'apprentissage.
En effet. Cela dépend aussi des métiers et de l'attractivité des branches professionnelles. Le sujet de l'orientation est très complexe.
Ce qui ne va pas bien, c'est peut-être qu'il n'y a pas vraiment d'inclusion, mais des preuves d'inclusion à donner. Et il nous reste à les donner. Pour nous, le challenge consiste à nouer plus de partenariats, à « dé-siloter » le travail des territoires et à faire mieux connaître ce qui existe déjà. Souvent, c'est la méconnaissance de l'existant qui nuit au parcours des personnes. Si nous remportons ce challenge, nous aurons beaucoup de preuves et donc plus d'inclusion.
L'audition s'achève à dix-neuf heures trente.
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Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 7 mai 2019 à 18 heures 30
Présents. – Mme Géraldine Bannier, Mme Blandine Brocard, Mme Béatrice Descamps, Mme Marianne Dubois, M. Olivier Gaillard, M. Sébastien Jumel, Mme Cécile Rilhac, Mme Sabine Rubin
Excusés. – M. Bertrand Bouyx, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel