Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 17 septembre 2019 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • fiscal
  • nationalité
  • universel
  • États-unis
  • évasion

La réunion

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Présidence

La commission examine le rapport de la mission d'information sur l'impôt universel (MM. Éric Coquerel et Jean Paul Mattei, rapporteurs).

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À la fin de l'année 2018, a été créée une mission d'information sur l'impôt universel à la demande du groupe La France insoumise. Éric Coquerel et Jean-Paul Mattei en ont été les co-rapporteurs et Dominique David en a été la présidente. La mission a commencé ses travaux en février dernier. En huit mois, elle a pu auditionner près d'une trentaine de personnalités. Nous examinons aujourd'hui son rapport.

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Nous voici réunis, chers collègues, pour examiner le rapport de la mission d'information relative à l'impôt universel. Ce titre, d'ailleurs, me pose un problème et je n'ai cessé de contester sa pertinence, puisqu'il s'agit en réalité de l'impôt sur la nationalité, qui n'a rien d'universel puisqu'il n'est pratiqué que dans trois pays dans le monde : les États-Unis, l'Érythrée et l'Union du Myanmar, nouveau nom de la Birmanie. La mise en place de cette mission a été proposée par le groupe La France insoumise. C'est un sujet qui leur tient à coeur, nous le savons, puisqu'ils ont systématiquement déposé des amendements visant à sa création chaque fois que cela était possible depuis le début de la législature. Ces amendements n'ont pas été retenus, mais je voudrais saluer ici l'esprit d'ouverture du président et des membres du bureau de notre commission qui ont accepté de mettre en place cette mission pour tenter de faire, peut-être définitivement, le tour de la question.

Ce n'est pas un sujet neuf. Il figurait parmi les propositions de Dominique Strauss-Kahn lors de la campagne de 2007. Repris par Nicolas Sarkozy puis François Hollande en 2012, il fut l'un des piliers du programme du candidat Mélenchon en 2017. Souvent débattu sous des formes diverses, sans jamais, il est vrai, entrer dans le détail, ni même être retenu, c'est probablement ce que l'on appelle une fausse bonne idée : apparemment originale et séduisante, mais parfaitement irréalisable pour tout un ensemble de raisons complexes. La science-fiction est remplie de fausses bonnes idées. Nos amendements aussi parfois, il faut bien le reconnaître. Nous étions au sein de cette mission – et c'est une bonne nouvelle – tous d'accord sur l'objectif, celui de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale en général et l'expatriation en particulier. Je voudrais rappeler que, depuis le début de la législature, la lutte contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale est l'un des grands objectifs de ce quinquennat et l'un des grands enjeux de nos travaux au sein de la commission des finances. Je voudrais saluer le travail et l'expertise de nos collègues Émilie Cariou, Bénédicte Peyrol, Jean-François Parigi, Pierre Cordier, Éric Diard et Marc Le Fur.

De fait, beaucoup a été réalisé. En matière de fiscalité personnelle, la loi a permis l'aggravation des sanctions pour les fraudeurs comme pour leurs conseils. Nous avons aussi nettement amélioré les moyens au service de la justice fiscale. La notion d'abus de droit a été élargie l'année dernière, il a été créé une police fiscale et le verrou de Bercy est tombé. De nombreuses initiatives ont également permis de renforcer la lutte contre les agissements frauduleux en matière d'impôt sur les sociétés : la taxe sur les services numériques, la convention multilatérale avec l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le projet d'impôt minimum pour le G20. Bien sûr, il reste beaucoup à faire, mais nous ne le ferons pas par le biais d'un impôt sur la nationalité.

En substance, il existe trois obstacles majeurs. Ce système d'imposition, pleinement pratiqué par les États-Unis, ne peut exister sans le FACTA, dispositif qui contraint partout dans le monde les banques à déclarer au fisc américain les avoirs détenus par tous les contribuables présentant des indices d'« américanité ». Ce dispositif est évidemment très décrié et je vous invite, sur le sujet, à relire l'excellent rapport de nos collègues Marc Le Fur et Laurent Saint-Martin sur les Américains accidentels. Mais surtout, il fonctionne parce que les États-Unis sont les États-Unis et que leur monnaie est la monnaie mondiale, ce qui est un très bon argument pour convaincre les banques de coopérer. Même ainsi, lorsque nous apprenons que les États-Unis ont investi 380 millions de dollars dans l'exploitation de ces données brutes et très volumineuses, pour au final faire rentrer dans leur caisse moins de 1 % des recettes fiscales totales du pays, nous pouvons nous interroger sur l'efficacité réelle de l'impôt sur la nationalité. Même si nous étions plus intelligents que les Américains et en capacité de contourner tous les effets de bord du système, il nous faudrait quand même renégocier quelque 128 conventions bilatérales avec tous les risques que comporte l'ouverture de renégociations. Enfin, est-ce principalement pour échapper à l'impôt sur le revenu que l'on s'expatrie, en réalité ? Non, très probablement non, car l'impôt sur le revenu est relativement plus faible en France qu'ailleurs – même qu'aux États-Unis – et c'est plutôt pour échapper à la fiscalité sur le patrimoine et sur les sociétés que certains tournent leur regard au delà de nos frontières.

Après quelques semaines d'audition, dont aucune n'a pu nous convaincre de l'intérêt d'un impôt sur la nationalité, nous avons donc réorienté les travaux de cette mission vers le renforcement des moyens de lutte contre la fraude et l'évasion fiscale par l'expatriation. Je dois souligner le grand intérêt des auditions et la pugnacité des rapporteurs. Onze propositions sont formulées. Il s'agit d'ailleurs plutôt de pistes et d'intentions qui réclament – vous ne me démentirez pas, messieurs les rapporteurs – un examen plus approfondi. Je ne les détaillerai pas – ce n'est pas mon rôle de présidente – et même si la qualité de nos échanges a permis de trouver une formulation de compromis, je voudrais exprimer quelques principes qui doivent guider nos réflexions à venir.

Le premier est de ne pas jouer aux apprentis sorciers et de ne pas négliger un vrai travail d'évaluation en amont des mesures qui seront prescrites. C'est un travail que nous n'avons pas fait dans cette mission. Le deuxième est de ne pas nous précipiter sur la remise en cause de votes récents sans en avoir évalué les effets. Je pense à l'exit tax, dont l'une des propositions réclame le rétablissement sous sa forme antérieure. Le troisième, enfin, est de garder en tête ce qui est pour moi une ligne rouge absolue, celle des limites imposées aux autorités administratives et de la garantie des libertés publiques, qui doit primer sur toutes les considérations politiques et budgétaires. Vous trouverez le détail de mes remarques en introduction du rapport.

Je salue la richesse de nos échanges, qui ont dépassé la seule technique fiscale, posant les sujets du consentement à l'impôt, de la citoyenneté et même de notre modèle social. Je serai très engagée dans les travaux à venir.

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Nous avons effectivement travaillé avec bonne intelligence et en essayant, au delà de ce que pouvaient être nos désaccords – madame la présidente vient d'en exprimer certains –, de poser aussi des jalons qui nous permettent d'ouvrir des pistes pour lutter contre l'évasion fiscale. Je remercie Jean-Paul Mattei du travail que nous avons fait ensemble.

Tout à l'heure, le président Woerth citait le nombre de personnes qui avaient été auditionnées. Les responsables de Total et Carrefour nous ont expliqué lors de leur audition comment ils pratiquent, au sein de l'entreprise, par un mécanisme interne, une sorte d'impôt différencié universel. Ainsi, pour ceux de leurs salariés qui partent à l'étranger, le fait qu'ils soient envoyés dans un pays à fiscalité privilégiée est sans incidence sur leur rémunération après impôt. Cela se pratique également dans d'autres grandes entreprises françaises.

Cela a été dit, la France insoumise n'est pas seule à porter la question de l'impôt universel. Cet impôt présente un intérêt pour deux raisons majeures, qui sont d'ailleurs les raisons pour lesquelles les États-Unis d'Amérique le pratiquent. La première est la nécessité de renforcer le lien, l'attachement national à une défense du civisme fiscal, qui va de pair avec la citoyenneté. Nous avons par exemple des députés qui représentent les Français de l'étranger. Ces députés votent le budget, alors même qu'une partie de leurs électeurs ne payent pas d'impôts en France, ce qui montre la rupture entre citoyenneté et fiscalité dans un pays qui a assis sa fiscalité sur la résidence fiscale et non pas, comme les États-Unis, sur la citoyenneté. La seconde raison est le contexte de mondialisation financière, de persistance des paradis fiscaux et de concurrence fiscale qui fait que le départ à l'étranger peut être synonyme d'optimisation fiscale.

Nous avons étudié le cas États-Unis et vu qu'il était difficile d'apprécier ce qui relève du rendement de l'impôt et ce qui relève d'un volet préventif. Mais, manifestement, c'est un système qui leur convient.

Avec Jean-Paul Mattei, nous avons souhaité faire des propositions communes. Nous n'avons pas souhaité terminer sur un échec. Il nous a semblé que nous partagions suffisamment de choses pour pouvoir formuler ensemble des propositions.

Il y a des difficultés objectives, qui ne me semblent pas définitivement obérer un système d'impôt universel mais qui sont à prendre en compte. La principale, c'est – comme madame la présidente l'a souligné – que nous n'avons pas la puissance des États-Unis. L'obligation de renégocier l'ensemble des accords bilatéraux démontre la difficulté que représente le passage un impôt universel. Pour autant, nous n'avons pas abandonné totalement l'idée d'un impôt universel ou, en tout cas, d'un impôt basé sur la nationalité. Nous proposons un impôt universel ciblé, que l'on pourrait aussi dénommer impôt différentiel. Selon la fiscalité du pays d'expatriation, il pourrait être institué un impôt auquel seraient assujettis, pendant un certain nombre d'années, les ressortissants français partant dans ce pays. Cet impôt serait à la fois ciblé sur la durée et ciblé selon la nature des pays d'expatriation. L'exil fiscal n'est pas motivé par l'impôt sur les revenus d'activité mais par l'impôt sur les revenus du patrimoine, ou celui sur les transmissions, et c'est la raison pour laquelle nous proposons que l'impôt différencié frappe certains types de revenus.

Si nous regardons la question de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), le nombre d'assujettis partant à l'étranger est faible, 0,14 % en 2016, mais ceux qui décident de le faire sont souvent parmi les plus riches. On observe ainsi que la France a perdu 4 578 assujettis à l'ISF représentant un actif net imposable de 23,8 milliards d'euros entre 2007 et 2016. Nous ne touchons pas seulement à des questions de principe, mais à des revenus qui manquent à l'État.

Il y a plusieurs pays européens qui pratiquent déjà un impôt différencié à des échelles plus ou moins importantes : l'Allemagne, la Finlande, la Suède, l'Italie. C'est une piste que nous avons mise dans notre rapport.

La deuxième piste, c'est un retour à l'exit tax originelle, comme vous en parlera Jean-Paul Mattéi.

Enfin, il faut engager un programme de renégociation ciblée des conventions fiscales avec les pays dits à fiscalité privilégiée.

Nous proposons également deux autres mesures à plus long terme. La première serait une contribution républicaine pour le citoyen français dont la résidence fiscale est située dans un pays étranger et dont les revenus excèdent 200 000 euros. Cette taxe pourrait être modulable en fonction du pays de destination, selon qu'il s'agit ou non d'un pays à fiscalité privilégiée. La seconde serait le recours à des formes de prêts à remboursement contingent, au delà d'un certain seuil de revenus, par exemple de 100 000 euros.

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La mission d'information nous a permis, au delà de nos différences politiques, d'approfondir, tant philosophiquement que juridiquement, la question de l'impôt universel et la notion de citoyenneté.

Ce travail s'inscrit – cela a été dit plusieurs fois, notamment par la présidente – dans un contexte national marqué par les réformes fiscales de ces dernières années visant à lutter contre la fraude fiscale et l'évasion fiscale et marqué aussi par un contexte international que l'on pourrait qualifier de dumping fiscal. L'assujettissement à la fiscalité américaine des Français nés aux États-Unis a aussi marqué l'actualité fiscale et a suscité une précédente mission d'information de notre commission. La question de l'opportunité d'instaurer en France un impôt universel avait déjà été évoquée à cette occasion par les rapporteurs Marc Le Fur et Laurent Saint-Martin. Nous avions déjà vu la limite de cette forme de taxation.

Je voudrais vous faire part des difficultés que nous avons rencontrées. Au niveau de notre droit interne, tout d'abord, retenir la nationalité comme critère d'éligibilité à l'impôt sur le revenu pose des difficultés d'articulation avec le droit général de la nationalité française et le fait que notre pays admette la binationalité. En effet, les binationaux pourraient, en cas de résidence dans le second pays de nationalité, éviter l'impôt français, ce qui créerait des inégalités de traitement que notre droit n'admet pas. De plus, remplacer la résidence fiscale par la nationalité aurait des conséquences sur d'autres prélèvements obligatoires, tels que l'impôt sur les successions. Penser à l'impôt universel implique ainsi de clarifier quel revenu serait concerné et nécessiterait donc une étude d'impact exhaustive. Au niveau du droit existant dans les autres pays ensuite, les principales dispositions fiscales étrangères qui permettent l'optimisation fiscale concernent principalement les entreprises et non les particuliers. Celles qui concernent les particuliers portent essentiellement sur les revenus du capital, dividendes ou plus-values, et les successions, et beaucoup moins sur les revenus du travail. Penser un impôt universel afin que chacun paye sa juste part d'impôts impliquerait ainsi une réforme globale.

Au niveau de l'architecture juridique internationale, vous savez que la France a conclu avec un grand nombre de pays des conventions fiscales qui, en cas de conflit entre deux droits nationaux, détermine le pays qui se verra attribuer le droit d'imposer. Instaurer un impôt universel entraînerait de manière immédiate un risque de double imposition. Or, les conventions fiscales telles qu'elles existent aujourd'hui, fondées sur le modèle de l'OCDE, retiennent la plupart du temps des critères similaires à ceux existant actuellement en France. Nous savons bien que, dans les conventions fiscales, nous avons de grands principes relatifs au taux effectif, à l'absence de double imposition. L'instauration d'un critère de nationalité en droit français aurait un effet très limité puisqu'en cas de conflit de normes, il est plus que probable que la convention fiscale attribue le droit d'imposer à l'autre État. Renégocier les conventions fiscales est donc une condition sine qua non pour que la mise en oeuvre d'une imposition universelle en droit français soit un succès. Or cette renégociation prendrait plusieurs années et, pour certaines conventions, ne serait pas de l'intérêt de notre pays. Au vu de ces difficultés techniques, nous avons écarté l'idée d'un impôt universel. Nous avons préféré explorer d'autres pistes et donc d'autres solutions pour éviter ou décourager l'évasion fiscale.

Décourager l'évasion fiscale est un objectif qui nécessite une approche pragmatique. Cela passe d'abord par le renforcement des moyens de contrôle fiscal de nos administrations. Nous devons également nous donner des armes juridiques plus adaptées en redéfinissant clairement des notions comme l'exil fiscal ou les pays à fiscalité privilégiée. Un mécanisme d'obligation fiscale étendue, pour les nationaux partant dans des pays à fiscalité privilégiée, pour une durée à définir par le législateur, qui pourrait se situer entre cinq et dix ans, tel qu'il existe notamment chez nos voisins allemands, permettrait de prolonger les obligations fiscales du citoyen qui décide de changer de résidence fiscale. Nous pourrions aller au delà du rétablissement du système antérieur à 2019 pour l'exit tax sur les plus-values, en supprimant l'extinction du sursis d'imposition.

Cette lutte contre l'évasion fiscale doit s'inscrire dans une volonté plus large de contribuer à établir un système fiscal international plus juste. C'est pourquoi nous suggérons une renégociation ciblée des conventions fiscales internationales avec les pays dans lesquels les revenus d'activité, les plus-values, et les successions sont taxés à un niveau inférieur de plus de 50 % à l'impôt français. Nous recommandons la poursuite de la dynamique de progression de la transparence financière internationale, permise par l'OCDE ou encore l'Union européenne, et nous recommandons la création d'un registre mondial des titres financiers, qui serait un outil permettant d'identifier les véritables détenteurs de ces titres.

En conclusion, je tiens à relever la qualité du travail que nous avons pu mener collectivement et qui nous a permis de proposer, malgré les difficultés évoquées quant à la mise en place d'un impôt universel, des solutions alternatives qui vont dans le sens de plus de justice fiscale.

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Le sujet est évidemment très intéressant et assez ancien, comme l'a dit d'ailleurs la présidente, mais c'est un vrai sujet. Quand on est en train de réfléchir à un impôt plus international pour les entreprises, c'est une question qui se pose, au fond un peu comme le droit du sol et le droit du sang dans d'autres domaines, mais parfois à rebours. C'est le même problème, mais nous n'y répondons pas de la même manière.

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Nous sommes ici dans un cadre un peu particulier puisque, depuis 2017, le sujet est évoqué à l'occasion de chaque projet de loi de finances. Le président Éric Woerth et moi-même avions dit à M. Coquerel qu'il serait utile de faire le point sur cette problématique de l'impôt universel. Nous en avions pris l'engagement en séance et le bureau de la commission en a tiré les conséquences. Je rappelle d'ailleurs qu'un engagement en séance sur le verrou de Bercy a abouti à sa quasi-suppression. Il arrive que les engagements en séance et les rapports d'information conduisent à des résultats intéressants…

Nous sommes dans un contexte un peu différent. Pour autant, au lieu de constater un désaccord sur un sujet « universel », vous avez préféré travailler sur les voies et les moyens d'améliorer la lutte contre la fraude fiscale. Je voulais souligner ce caractère constructif de votre démarche, qui démontre un esprit d'ouverture sur un sujet sensible. Au delà, il y a des côtés techniques qui sont d'une complexité telle que les choses sont délicates.

Vous avez évoqué la renégociation des conventions fiscales bilatérales. La France en a signé un grand nombre. Un programme de renégociation ciblée des conventions fiscales pourrait-il être envisagé en prenant quelques conventions fiscales correspondant vraiment à ce qui vous semble le plus poser problème en matière de fraude ?

Vous avez également évoqué les exemples étrangers. Pourriez-vous apporter un éclairage complémentaire sur l'expérience américaine depuis l'adoption du FACTA ?

Une de vos propositions porte sur l'exemple des obligations fiscales étendues en vigueur dans plusieurs de nos voisins européens qui consistent, pour ces pays, à continuer à imposer leurs ressortissants plusieurs années après leur départ. Cela vous semble être une piste intéressante. Cela me semble effectivement aussi intéressant à étudier. Pourriez-vous être un peu plus précis sur ce point et nous dire, selon vous, ce que serait une obligation fiscale limitée étendue en France et quels pourraient être les modalités et le calendrier de mise en oeuvre d'un tel dispositif ?

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Je suis député des Français de l'étranger donc je suis concerné au plus haut point par la question de l'impôt universel. Je regrette que votre propos donne le sentiment que, pour beaucoup d'entre eux, les Français de l'étranger sont des exilés fiscaux. Aujourd'hui, il y a trois millions et demi de Français qui résident à l'étranger, dont à peu près deux millions et demi qui sont enregistrés dans nos consulats. Sur ces trois millions et demi de personnes, près de 70 % sont des binationaux. Il y a là un sujet de non double imposition.

Notre collègue, Anne Genetet, a rendu un rapport dans lequel elle a évoqué l'idée d'un statut des Français de l'étranger. On ne peut pas leur demander de payer des impôts en France et ne pas les faire bénéficier de services. Aujourd'hui, les Français de l'étranger qui perçoivent des revenus en France y payent des impôts. Quand ils vivent hors de l'Union européenne, ils payent même la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), alors qu'ils n'ont pas accès au régime de sécurité sociale. C'est une injustice qui a été relevée et condamnée par la Cour de Justice européenne – dans son arrêt de Ruyter – qui a mis fin à cette imposition pour les Français résidant dans l'Union européenne. Si vous soulevez la question de l'impôt universel, on ne pourra pas éviter des questions de ce type.

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Je rappelle d'abord que notre impôt sur le revenu est un impôt mondial, c'est-à-dire que dès lors que l'on est domicilié en France, on doit déclarer ses revenus mondiaux. C'est le jeu des conventions internationales qui fait que, pour éviter les doubles impositions, on n'acquitte pas d'impôt en France sur un certain nombre de revenus. Aujourd'hui, notre impôt repose sur la notion de domiciliation fiscale. C'est à partir de là qu'il faut essayer de voir les solutions pour éviter l'évitement fiscal lié à la domiciliation en dehors de France. Il est vrai que nous polarisons beaucoup trop le sujet sur l'impôt sur le revenu.

Vous proposez d'élaborer un registre financier. J'aurais souhaité avoir un peu plus de détails sur les éléments que vous souhaiteriez faire figurer dans ce registre financier. L'OCDE fait des propositions aujourd'hui en matière de transparence bancaire et d'échange de données bancaires. Cela serait une manne d'informations que de savoir que telle personne détient des hôtels de luxe sur la Côte d'Azur, par exemple. Comment voyez-vous votre registre par rapport à ce type de proposition de l'OCDE, et qu'en pensez-vous ?

Sur l'exit tax, nous n'étions pas favorables à un assouplissement trop large de ce dispositif. Nous avons quand même maintenu des garde-fous. Pour l'instant, je pense qu'il privilégier la stabilité fiscale.

Je pense qu'il peut être intéressant de pratiquer aussi des renégociations de certaines conventions fiscales qui posent le plus de problèmes. Nous avons déjà fait cela ces dernières années avec certains pays.

Je retiens la notion d'impôt différencié. Avez-vous testé la constitutionnalité d'une telle mesure ?

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Ce rapport vérifie une loi très importante, qui veut que les rapports les plus stimulants intellectuellement sont en règle générale les moins praticables. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce qu'a dit la présidente sur les difficultés pratiques d'exécution. Je crois qu'il ne faut pas trop s'inquiéter de cela. En revanche, je trouve que les obstacles théoriques à la création d'un impôt universel sont quand même très forts.

D'abord, se pose le problème de réciprocité. En principe, avec un mécanisme d'impôt différencié, le trésor français prendrait le complément de ce qui ne serait pas payé au trésor du pays local. Il reste que dans l'Union européenne, avoir deux systèmes aussi différents – un système qui serait territorial d'un côté et un système qui serait fondé sur la nationalité de l'autre – créerait une différence profonde d'organisation du système. Nous devons essayer de tendre vers une harmonisation, au moins au niveau européen.

Deuxièmement, vous estimez que nous pouvons appliquer un système d'impôt différencié à l'encontre de citoyens qui seraient expatriés dans des pays particulièrement intéressants sur le plan fiscal. Je pense que nous nous heurtons dans ce cas à un problème d'égalité, parce que l'appréciation du seuil à partir duquel cet impôt s'applique créera des différences de traitement difficilement justifiables.

Le troisième problème est global : avons-nous un système assis nationalement ou assis territorialement ? Nous ne pouvons pas le séparer du système du droit social, du régime de protection sociale. Cela pose le problème des travailleurs détachés. Pouvons-nous isoler les impôts et à l'intérieur des impôts, l'impôt sur le revenu, afin d'appliquer, d'une manière ou d'une autre, un principe qui aurait un caractère dérogatoire par rapport à l'ensemble de la fiscalité ? Je crois que nous avons un devoir de cohérence.

En somme, tout cela va mettre autant de temps que la fin des contributions...

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Il est toujours intéressant d'examiner concrètement des idées brillantes, mais il manque à mon avis plusieurs volets.

Le premier volet, ce sont les étrangers résidant en France. Quelle est la balance, du point de vue des intérêts financiers de l'État français, entre l'éventuel surcroît de recettes provenant de la taxation des Français résidant à l'étranger et ce que serait la perte de recettes résultant des revenus non taxés d'étrangers en France ?

Si nous levons des impôts et des cotisations sociales, c'est pour financer des services publics et des prestations sociales. Sur ce point, je rejoins ce qu'a dit Jean-Louis Bourlanges sur notre devoir de cohérence.

Deuxièmement, les États-Unis ont créé cette règle dans le cadre de leur guerre civile, comme un impôt exceptionnel pour taxer des gens qui ne venaient pas sous les drapeaux,. Comme c'est le seul pays important qui l'a instauré, nous avons un énorme problème d'articulation.

Vous vous rabattez sur ce que vous appelez un mécanisme d'obligation fiscale limitée. Mais on se heurte à la difficile définition de l'exilé fiscal. Vous dites que c'est quelqu'un qui va dans un pays où la pression fiscale est inférieure, mais cette pression varie impôt par impôt. On peut gagner aux droits de succession mais pas à l'impôt sur le revenu. Quelle est la balance globale pour définir ce qu'est un exilé fiscal ?

Quant aux motivations pour définir un exilé fiscal, rien n'est plus difficile que de déterminer les motivations d'un départ de France.

L'idée est de faire contribuer des Français qui ont quitté la France au financement des services publics français. A cet égard, je suis très sceptique. Je pense qu'il faut avoir une logique. Soit on est dans une logique territoriale, soit on retient une logique de nationalité, mais nous ne pouvons pas avoir les deux dans un monde qui a massivement choisi le critère de la territorialité et pas celui de la nationalité.

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Le rapport évoque des questions de philosophie fiscale. Or, la fiscalité n'est pas une philosophie, c'est un élément essentiel d'une démocratie. Les techniques d'aujourd'hui pour échapper à la fiscalité ont un temps d'avance sur le législateur, nous le reconnaissons.

Les fiscalistes disent souvent qu'il faut créer son entreprise à Londres – en tout cas avant le Brexit –, qu'il faut la transmettre ensuite à Bruxelles et, ensuite, qu'il faut venir mourir à Paris. Pourquoi un contribuable quitte-t-il son pays pour des raisons fiscales ? Dans une économie mondialisée où le siège d'une entreprise peut être situé n'importe où, la question est essentielle.

Aujourd'hui, ne faut-il pas travailler à une réforme d'ensemble de la fiscalité mondiale plutôt que de renégocier au cas par cas chacune des 128 conventions bilatérales qui ont été conclues par notre pays ?

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Ce rapport, c'est un peu l'arrivée d'une mode américaine. Théoriquement, les Américains ont adopté cette formule lors de la guerre de Sécession. De fait, elle n'était pas appliquée, ou très peu, et ce n'est que depuis une réforme intervenue du temps de la présidence Obama qu'elle produit des effets importants.

En deuxième lieu, les définitions de la nationalité sont très variables d'un pays à l'autre. Cela peut compliquer l'exercice.

Par ailleurs, seul un pays très puissant peut appliquer une imposition universelle, puisqu'il faut se donner les moyens de suivre l'ensemble de ses concitoyens, alors même qu'ils ne sont pas sur le territoire. L'une des raisons de la fiscalité territoriale est la présence des personnes sur le sol national. Il y a peut-être maintenant des moyens électroniques qui le permettent, mais c'est objectivement très compliqué.

Aujourd'hui – nous l'avons vu avec Monsieur Saint-Martin dans notre rapport – nous avons affaire à des banques françaises qui sont très disciplinées à l'égard des injonctions américaines, très zélées même, pourrait-on dire. Est-ce que les banques américaines seraient aussi zélées demain à l'égard du fisc français ou à l'égard de je ne sais quel autre pays ?

Cela a été dit, nous avons un sujet de service public. Les Français qui vivent à l'étranger, à part la protection diplomatique, ne bénéficient pas des services publics. Pas même pour la scolarisation de leurs enfants. Pourquoi paieraient-ils des impôts alors qu'ils ne bénéficient pas des services publics, contrepartie logique de l'impôt.

Pour ma part, j'étais hostile à la création des sièges de députés des Français de l'étranger pour cette raison. C'est l'un des principes de base du vote. Le vote est donné à ceux qui, d'une manière ou d'une autre, participent à la recette.

Au delà des questions de fraude, il faut évoquer un problème de fond. Une grande partie de nos jeunes les plus qualifiés quittent le territoire français, de manière définitive, et emportent avec eux leurs compétences mais aussi les sommes qui ont été investies pour leur éducation. Ce sont souvent les plus favorisés qui partent. Ce n'est pas de la fraude fiscale, mais leur départ emporte des conséquences fiscales et crée de fait une injustice à l'égard d'un public peut-être moins favorisé, qui reste sur le sol français et qui, lui, va payer l'impôt.

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Nul doute que l'impôt universel mérite certainement d'être mieux connu, en tous les cas d'être plus approfondi. D'ailleurs, M. Mélenchon ne s'est jamais privé de mettre ce principe de fiscalisation dans son programme, en proposant qu'un expatrié, une fois réglés les impôts dus à son pays d'accueil, doive s'acquitter de la différence auprès du fisc français en se basant sur les modes de calcul de l'impôt français. Évidemment, dans un pays où le droit fiscal ne connaît pas de citoyens, mais des résidents fiscaux, le sujet fait un peu peur. Ces débats ont souvent tourné court sous prétexte que le sujet et ses conséquences n'avaient pas été suffisamment appréhendés, suffisamment étudiés. Je crois qu'avec ce rapport, grâce au travail réalisé et aux propositions qui en découlent, les débats pourront être plus approfondis.

C'est aussi une vraie nécessité dans une mondialisation quelque peu effrénée. La concurrence fiscale s'est installée. Aujourd'hui, les techniques bancaires d'évitement fiscal ne manquent pas et viennent éroder nos rentrées fiscales aux dépens de la justice sociale. Une solution pour remédier à ce problème épineux, qui a parfois motivé les gilets jaunes dans leur combat, serait d'empêcher l'évasion fiscale, et l'impôt universel fait partie des outils possibles. Dans les débats, on parle souvent du modèle américain, presque unique en son genre. S'il devait être transposé en droit français, ce dispositif présente effectivement un certain nombre d'avantages en dehors du fait de rendre moins intéressante l'expatriation pour raisons fiscales. Il permet de maintenir un lien contributif entre membres d'une même nation. Par contre, il pose quelques problèmes, d'abord pour le traitement des binationaux ou des couples dont la nationalité est différente. Le principe peut également poser un problème d'inégalité puisqu'à imposition similaire, les services en matière d'éducation, de santé, peuvent être de niveau différent. Surtout, la révision des nombreuses conventions fiscales pose problème. Nous ne sommes évidemment pas dans le même rapport de force que les Américains pour négocier ces conventions.

Dans votre rapport, vous proposez des solutions quelque peu innovantes pour lever un certain nombre de barrières. Vous avez même parlé d'un impôt universel dégradé. Ma question est simple : quelles suites pourraient être données à vos propositions ? Certes notre gouvernement s'est bien engagé dans la lutte contre la fraude fiscale, a mis fin au verrou de Bercy par exemple, mais le pensez-vous enclin à se saisir du sujet pour aller plus loin dans la mise en place de cet impôt universel et remettre un peu d'ordre dans la mondialisation ?

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Je rappelle qu'un contribuable transférant son domicile fiscal hors de France doit conserver ses actions pendant deux ans et non plus quinze pour échapper à l'exit tax. Cette mesure n'est en réalité qu'un faux-semblant, car réduire ce délai à deux ans revient à supprimer la taxe. J'avais pour ma part déposé une proposition de loi pour revenir au régime initial de l'exit tax. Je pense que c'est un sujet qui reviendra à l'occasion de l'examen du PLF, parce que l'on voit bien que c'est un débat qui est encore prégnant et qui n'est pas totalement tranché.

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Je félicite les co-rapporteurs qui ont mis en évidence que le travail contre la fraude fiscale, contre l'évasion est essentiel.

Comment serait-il possible de définir précisément le départ motivé par des raisons essentiellement fiscales ?

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Ce fameux impôt universel semble compliqué à mettre en oeuvre, même si cette difficulté ne doit pas conduire à renoncer à une meilleure imposition et à une fiscalité plus juste pour l'ensemble de nos concitoyens, y compris pour ceux qui s'exilent. Jean-Louis Bricout y faisait allusion tout à l'heure, certains mouvements comme celui des gilets jaunes ont aussi dénoncé les injustices fiscales dans notre pays et cela n'a pas été une question anodine. On a longtemps ironisé sur notre souhait, sur notre exigence, sur notre engagement à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et je me félicite aujourd'hui que, finalement, cette question qui était un peu mise de côté pendant longtemps redevienne d'actualité et que cette mission permette d'évoquer un certain nombre de questions. Nous souscrivons aux propositions qui sont faites, qui ne sont pas forcément consensuelles mais de compromis pour un certain nombre d'entre elles, parce que nous en avons porté déjà un certain nombre. Nous nous étions opposés à la réforme de l'exit tax et nous saluons la proposition portant sur cette taxe, de même que celle qui invite à mieux définir les paradis fiscaux et à élargir la liste des paradis fiscaux. Les paradis fiscaux ne sont pas toujours ceux que l'on montre du doigt.

La proposition numéro dix encourage la mise en place d'un registre financier unique au niveau mondial et je la soutiens.

La proposition numéro onze est pleine de bon sens. Nous affirmons toujours notre volonté de lutter contre l'évasion fiscale et, finalement, nous diminuons très régulièrement les moyens qui y sont consacrés, notamment au niveau de la DGFIP, dont les effectifs ont diminué de 17 % entre 2009 et 2016, soit une baisse 2 % par an.

Je salue la proposition numéro quatre qui invite à réfléchir aux modalités d'instauration d'une contribution au pacte républicain pour le citoyen français dont la résidence fiscale est située dans un pays étranger et dont les revenus excèdent un certain niveau, qui serait de 200 000 euros.

Tant mieux si ce rapport et cette mission ont permis de renforcer l'utilité indispensable de combattre encore l'évasion fiscale pour plus de justice !

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L'impôt universel fondé sur la nationalité paraît être une réponse convaincante face au problème de l'injustice fiscale et face au problème de l'évasion fiscale. Je voudrais simplement souligner qu'il faudrait s'assurer que le dispositif ne puisse pas être contourné, comme d'autres dispositifs sont presque systématiquement contournés. Ma question est la suivante : avez-vous identifié clairement les moyens de débusquer des situations de fausse expatriation ?

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Charles de Courson nous demande si le jeu en vaut la chandelle. Je crois qu'il n'est pas compliqué de démontrer que l'évasion et l'optimisation fiscales coûtent plusieurs dizaines de milliards d'euros à la France par an. Si nous avons réfléchi à cela, c'est qu'il y a un problème.

Émilie Cariou parlait de ce qui s'est passé dans le cadre de l'OCDE. Effectivement, il y a des échanges automatiques d'information entre établissements bancaires qui permettent de regrouper des informations et qui constituent un atout précieux de lutte contre la fraude fiscale, mais cela demeure inopérant contre l'optimisation fiscale parce que celle-ci est légale.

Comme le relève notre proposition numéro deux, il nous appartient – et c'est ce que nous souhaitons que le Parlement puisse faire – de définir juridiquement l'exil fiscal. C'est un chantier ouvert. En aurons-nous les capacités ? Je pense que oui.

Nous avons rencontré l'administration fiscale. Elle est incapable de nous dire combien de Français vivent à l'étranger. Nous invitons le législateur à trouver des moyens pour permettre à l'administration fiscale française d'identifier les Français établis fiscalement à l'étranger, notamment par des obligations déclaratives. C'est au législateur qu'il conviendra de voir comment améliorer cela, mais cette amélioration est nécessaire.

Pour répondre à Jean-Louis Bourlanges, étendre un impôt fondé sur la nationalité à des gens qui partent dans des pays privilégiés pendant un certain nombre d'années est à mon sens compatible avec le droit européen. L'Allemagne le fait pendant les dix ans qui suivent le départ du contribuable, la Finlande pendant trois ans, la Suède pendant cinq ans. Ce n'est pas incompatible avec le droit européen d'avoir un complément d'impôt sur ce fondement.

Ce que nous proposons pourrait être décidé dès le prochain PLF. Cela dépend de la volonté politique. Un mécanisme de fiscalité limitée étendue peut être étendu très rapidement en droit positif, si nous le voulons. Nous l'indiquons dans le rapport, une telle disposition vise à faire en sorte que le droit de taxer ne s'éteigne pas immédiatement avec un changement de résidence fiscale. Certains dispositifs spécialisés permettent aujourd'hui de récupérer des revenus situés à l'étranger, par exemple l'article 123 bis du code général des impôts (CGI) sur les cessions de parts d'entreprises ou l'article 155 A sur la rémunération des services. Il s'agirait d'ajouter un principe général qui aurait vocation à s'appliquer à tous les impôts portant sur le revenu des personnes, y compris pour les revenus gagnés dans un autre pays que la France. Cela ouvrirait la possibilité d'engager des négociations pour modifier les conventions avec les pays à fiscalité privilégiée. C'est quelque chose qui pourrait être fait relativement rapidement. C'est un problème de volonté politique.

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Pour répondre à notre collègue député représentant les Français de l'étranger, il n'est pas question de stigmatiser les personnes qui partent à l'étranger. Nous voulons éviter une forme de nomadisme fiscale ou d'itinérance consistant à rechercher les pays les plus attractifs pour payer le moins d'impôts possible.

L'impôt sur la nationalité nous est revenu dans la figure à travers la question des Américains accidentels. Mais nous ne souhaitons pas faire la même chose que les États-Unis. Nous voulons éviter que des gens, par opportunité fiscale, quittent le territoire et ne contribuent pas normalement à l'impôt. Simplement, quels sont les moyens aujourd'hui pour rattraper ces contribuables qui passent à travers les mailles, afin qu'ils puissent payer l'impôt normalement ? Nous avons essayé de faire des propositions qui sont de plusieurs ordres. D'abord, réfléchir sur la notion de résident fiscal. Ensuite, redéfinir l'exil fiscal et les pays privilégiés. Nous nous trouvons confrontés à la difficulté des conventions internationales en matière fiscale. Nous savons bien que les conventions sont multiples et variées et qu'elles retiennent en général plusieurs critères. Il est nécessaire, à mon avis, de réfléchir à une renégociation des conventions fiscales aussi bien dans leur contenu que dans leur périmètre. Cela ne concerne pas seulement l'impôt sur le revenu mais également d'autres impôts.

On nous a posé des questions sur la mise en place concrète de nos propositions. À mon avis, il y a des mesures qui peuvent tout à fait être intégrées dans un PLF.

La proposition numéro trois ne nous fait pas basculer sur une obligation de déclaration mais progresser dans le sens d'une transparence accrue. Nous avons les outils aujourd'hui. Il faut les encadrer de manière ordonnée et par la loi pour protéger le contribuable.

Monsieur le rapporteur général Joël Giraud, vous évoquiez le FACTA. Il faut reconnaître que les États-Unis n'appliquent pas le principe de réciprocité pour les informations qu'ils délivrent aux pays. Paradoxalement, nous l'avons vu à travers nos travaux, ils deviennent un territoire particulièrement attractif pour certains fraudeurs. Il faudrait beaucoup plus de transparence, beaucoup plus d'échanges de manière équilibrée.

Je pense que nous sommes arrivés à un compromis. J'insiste sur notre prudence : nous parlons d'inviter, d'encourager, de renforcer. Cela invite à la réflexion. Personnellement, j'espère que ce sera une réflexion active et qui se traduira dans les textes examinés à l'Assemblée nationale.

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La fonction de député représentant les Français de l'étranger est constitutionnelle. Je ne savais pas que nous aurions un débat constitutionnel sur les Français de l'étranger. Si les Français qui ne payent pas d'impôt n'ont pas le droit d'avoir de représentants, il n'y a que 40 % des Français, même en métropole, qui payent l'impôt sur le revenu. Par ailleurs, les Français de l'étranger payent des impôts, et même l'impôt sur le revenu parfois. Le centre des impôts des non-résidents collecte chaque année plus de 800 millions d'euros d'impôts.

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Je rejoins mon collègue M'jid El Guerrab : les Français de l'étranger payent des impôts sur tous leurs revenus de source française. Il faudrait aussi avoir conscience que, si nous imposions les Français sur leurs revenus à l'étranger, nous pourrions aussi avoir des étrangers qui résident en France soumis à des obligations équivalentes dans leur pays d'origine, sachant que la différence de fiscalité peut se jouer sur beaucoup de tableaux différents. Il y a des pays qui choisissent d'avoir plus de fiscalité sur les individus, moins sur les sociétés, et inversement.

Je trouve cela très amusant que nous revenions à un débat sur le vote censitaire, qui est un peu la source de cette proposition originale. Je trouve cela remarquable que la France insoumise propose – ou ne propose plus dans le rapport – le rétablissement de ce qui avait été aboli en 1848.

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Je vais interroger la commission, en application de l'article 145 du règlement, sur l'autorisation de publier ce rapport d'information. S'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.

L'article L. 351-3 du code des juridictions financières dispose que le Conseil des prélèvements obligatoires peut être chargé, à la demande, soit du Premier ministre, soit des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargé des finances, de réaliser des études. J'ai évoqué cette question avec le président Éric Woerth et, si vous en êtes d'accord, nous pourrions proposer comme thème d'étude « les prélèvements obligatoires sur les entreprises dans une économie mondialisée et numérisée ». Cela nous permettrait d'avoir une analyse portant d'abord sur la taxe des services numériques, que nous avons créée par la loi du 24 juillet 2019, sur les travaux internationaux qui sont menés au sein de l'OCDE en la matière et également sur la question des différentiels de taxation au sein de l'Union européenne. S'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé. Je vous remercie.

Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 17 septembre 2019 à 17 heures

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, Mme Sophie Errante, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, M. Alexandre Holroyd, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, Mme Sabine Rubin, M. Jacques Savatier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. François André, M. Christophe Jerretie, Mme Véronique Louwagie, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, M. Philippe Vigier

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