La séance est ouverte à quatorze heures.
1. La commission procède tout d'abord à la nomination d'un rapporteur pour avis sur le projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord (n° 2344
Mes chers collègues, j'ai souhaité que la commission se saisisse pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord.
J'ai reçu la candidature de M. Philippe Folliot, qui est notamment vice-président de la délégation française à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (AP-OTAN). Il occupe par ailleurs, au sein de cette même assemblée, les fonctions de président du groupe « Méditerranée et Proche-Orient ». Il paraît par conséquent particulièrement qualifié pour exercer celles de rapporteur pour avis de ce projet de loi. Si sa candidature ne suscite aucune opposition, je propose donc sa nomination.
La commission nomme M. Philippe Folliot rapporteur pour avis.
2. La commission en vient ensuite à l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien.
Mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'horaire inhabituel de cette réunion : cet après-midi, en effet, sont examinés en séance publique, dans le cadre de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020, les crédits de la mission « Sécurités ». Notre rapporteure pour avis sur les crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale », Aude Bono-Vandorme, doit intervenir dans l'Hémicycle à cette occasion. Il m'est donc apparu totalement discourtois – pour ne pas dire plus – de réunir notre commission au moment où notre collègue y prendra la parole, ce qui nous aurait privés de la possibilité de l'entendre et de participer à ce débat.
Voilà pourquoi nous nous réunissons exceptionnellement aujourd'hui avant les Questions au Gouvernement, et non après.
Avant d'en venir au projet de loi, je voudrais exprimer l'émotion qui a été la nôtre samedi dernier à l'annonce du décès du brigadier Ronan Pointeau, âgé de vingt-quatre ans et membre du 1er régiment de Spahis. Il est mort pour la France au Mali, dans le cadre de l'opération Barkhane, après l'explosion d'un engin explosif improvisé au passage de son véhicule blindé léger. Sa mort est malheureusement pour nous l'occasion de saluer une nouvelle fois le courage et l'engagement de nos soldats qui peut aller jusqu'au sacrifice suprême. Elle nous rappelle également la nécessité de continuer, au Sahel, le combat contre les djihadistes afin d'assurer la paix et la sécurité dans cette région dont dépend également, faut-il le rappeler, la nôtre, de ce côté-ci de la Méditerranée. J'adresse, au nom de la commission, à la famille ainsi qu'aux amis du brigadier Ronan Pointeau nos respectueuses condoléances. J'adresse également une pensée fraternelle aux militaires maliens qui sont décédés ce week-end au cours d'une attaque terroriste attribuée, elle aussi, aux djihadistes.
À l'approche du 11 novembre, je voudrais par ailleurs, mes chers collègues, vous recommander de porter ce qu'il est convenu d'appeler le Bleuet de France, à savoir l'insigne du souvenir en l'honneur de tous les morts pour la France d'hier et d'aujourd'hui, mais également en celui des militaires blessés, des victimes d'actes de terrorisme et des pupilles de la Nation. Je crois en effet qu'il est de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de montrer l'exemple en arborant ce symbole : je vous rappelle, si tant est que cela soit nécessaire, l'importance de l'oeuvre nationale du Bleuet de France, qui complète les actions de solidarité mises en oeuvre par l'État en faveur des militaires d'active et des ressortissants de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).
Nous en venons maintenant à l'examen pour avis du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien. Cet accord a notamment pour objet de créer une unité binationale franco-allemande d'avions de transport tactique C130-J ainsi qu'un centre de formation et d'entraînement commun sur la base aérienne d'Évreux : c'est la raison pour laquelle nous avons choisi comme rapporteure pour avis sur ce projet de loi Mme Séverine Gipson.
Si le titre de ce projet de loi dit presque tout de son contenu, permettez-moi tout de même de le résumer de manière plus concrète : il s'agit de permettre l'implantation sur la base aérienne 105 d'Évreux-Fauville, à l'horizon de 2021, d'une unité franco-allemande d'avions de transport tactique C130-J et du centre de formation et d'entraînement commun qui lui sera attaché.
Nous en avons tous entendu parler, notamment lors des auditions de la ministre des Armées et du chef d'état-major de l'armée de l'air : il s'agit d'un projet inédit, ambitieux et structurant, tant pour nos forces que pour l'approfondissement de la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense. C'est pourquoi il me semble important de commencer par un bref exposé de ses tenants et aboutissants, et tout d'abord par un rappel historique.
L'idée d'un escadron commun d'avions de transport tactique C130-J a vu le jour dès le printemps 2016. Elle s'est rapidement concrétisée par un échange de lettres d'intention entre le ministre français de la Défense d'alors, Jean-Yves le Drian, et son homologue allemande qui, comme chacun le sait, se trouve aujourd'hui à la tête de la Commission européenne. Je rappelle que la France venait alors de décider d'acquérir auprès de Lockheed Martin plusieurs avions C130-J afin de compenser les retards et les difficultés de la flotte d'A400 M, tandis que l'Allemagne était à la recherche d'une nouvelle capacité sur le segment du transport aérien tactique.
Dans ce contexte, c'est presque naturellement qu'un approfondissement de notre coopération bilatérale dans le domaine du transport tactique a été envisagé : en effet, la relation franco-allemande en la matière est aussi ancienne que continue. Je ne reviendrai pas ici sur la coopération quasi historique autour du C160 Transall, développée dans les années soixante. Plus proche de nous, il me paraît important de rappeler qu'au titre d'un accord technique franco-allemand portant sur les formations croisées des personnels affectés sur A400M, pilotes, soutiers et mécaniciens français effectuent leur formation initiale sur la base de Wunstorf, en Basse-Saxe, tandis que leurs homologues allemands en font de même, pour leur formation avancée sur le volet tactique, sur la base aérienne 123 d'Orléans. Si le renforcement de notre coopération dans le domaine du transport aérien tactique est le fruit de cette histoire partagée, elle atteindra, avec le C130-J, un niveau inédit.
Concrètement, la future unité franco-allemande sera composée de dix avions C130-J : quatre avions français et six avions allemands. La France a d'ores et déjà reçu ses deux premiers appareils, stationnés et mis en oeuvre sur la base aérienne d'Orléans, et tous les appareils français devraient rejoindre celle d'Évreux à l'été 2021. Le dernier appareil français devrait être livré au printemps 2021, tandis que le premier des six appareils allemands rejoindra la base d'Évreux la même année, au mois de décembre.
Sur cette flotte de dix appareils, cinq seront dotés d'une capacité de ravitaillement en vol, ce qui constitue un atout tactique majeur, notamment au profit des hélicoptères. Environ 260 personnels rejoindront la base aérienne à terme, dont la moitié d'Allemands, pour la mise en oeuvre de cette flotte. Si des personnels allemands sont d'ores et déjà installés sur la base aérienne d'Orléans afin de travailler à la préfiguration de cette future unité binationale, ce n'est qu'en avril 2021 qu'un premier détachement allemand pourrait s'installer à Évreux. L'été 2021 devrait voir l'arrivée d'un contingent plus conséquent, avant une montée en puissance progressive, au fur et à mesure de l'arrivée des aéronefs allemands, à compter de décembre 2021, et jusqu'en 2024.
Le C130-J est un avion polyvalent qui, pour la France, vient combler un trou capacitaire lié, notamment, au retrait progressif des Transall. Sur les théâtres, il permettra de remplir un large panel de missions, allant du simple transport à des missions plus tactiques, comme le largage de personnels ou de fret, la recherche et le sauvetage, l'évacuation sanitaire, l'extraction de personnels en zones de menace ou, comme je l'ai dit, le ravitaillement des hélicoptères comme des chasseurs.
La constitution d'un tel escadron binational permettra à la France de bénéficier d'une nouvelle capacité performante et de partager le fardeau, tant d'un point de vue financier qu'opérationnel. D'un point de vue opérationnel, l'objectif est d'associer encore davantage les forces allemandes aux opérations que nous menons actuellement, notamment dans la bande sahélo-saharienne.
Afin de s'affranchir des contraintes d'emploi susceptibles de survenir du fait des règles propres à chaque pays, les états-majors des deux pays travaillent actuellement à l'élaboration de normes d'emplois partagées. Je ne vous cache pas cependant que l'objectif est d'être en mesure de mettre davantage nos partenaires à contribution, y compris dès le début d'une intervention.
D'un point de vue plus financier, un escadron commun nous permet de mutualiser les coûts d'installation, d'entretien et d'exploitation d'une flotte que nous n'aurions pas pu assumer seuls. Quant à se contenter d'une micro-flotte, chacun connaît ici les inconvénients d'une telle solution.
Enfin, alors que la France a été à l'origine de l'Initiative européenne d'intervention (IEI), un tel projet témoigne concrètement de notre rôle moteur dans la construction de l'Europe de la défense. J'estime pour ma part que l'approfondissement de notre coopération opérationnelle pourrait également contribuer à l'apaisement de certaines discussions dans le domaine capacitaire. S'il n'est pas ici question des programmes SCAF – système de combat aérien du futur – ou MGCS – Main Ground Combat System –, il me semblait important de le noter. Par ailleurs, le projet d'unité binationale prévoit également l'implantation d'un centre de formation et d'entraînement partagé, également sur la base aérienne d'Évreux.
La construction de ce centre nous garantira une totale autonomie, grâce notamment à l'installation de simulateurs et d'autres outils de formation théorique et pratique. Là aussi, la mutualisation est source d'économies. Elle témoigne également de la reconnaissance du savoir-faire de nos militaires, les Allemands comptant bien bénéficier de l'expertise française en matière d'exploitation d'appareils de type C130.
J'en viens à présent au texte de l'accord qui nous occupe aujourd'hui. Les neuf articles qui le composent fixent les principes et les conditions du financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation nécessaires au fonctionnement de cette unité bilatérale. Il prévoit ainsi un partage à parts égales des coûts, à hauteur de 110 millions d'euros maximum pour chaque État. La contribution de chaque pays comporte une part dédiée au financement des opérations de construction et de rénovation, à hauteur de 60 millions d'euros, et une autre affectée à l'acquisition des outils de formation, à hauteur de 50 millions d'euros. L'approbation de cet accord permettra donc, en premier lieu, de lancer les travaux correspondant aux infrastructures utilisées en commun, comme le bâtiment réservé à l'unité franco-allemande, les hangars du service technique ou le centre de formation, et, en second lieu, d'acquérir les matériels et les prestations utilisés en commun au sein du centre de formation et d'entraînement, comme le simulateur de vol et le simulateur de soute.
Comme vous le voyez, il s'agit d'un accord essentiellement technique, mais dont l'approbation est nécessaire à la concrétisation de cet ambitieux projet. Il nous faut donc aller vite si nous souhaitons que sa mise en oeuvre ne soit pas retardée. Certes, les choses ont d'ores et déjà, heureusement, avancé. Les ministères français et allemands des Armées ont ainsi mis en place un comité de pilotage conjoint se réunissant tous les trimestres, alternativement en France et en Allemagne. Douze groupes de travail permettent de balayer l'ensemble des besoins – emploi des équipages, simulation, infrastructures, réglementation, etc. – afin de respecter les échéances de 2021 et 2024, date retenue pour l'achèvement du projet et pour la mise en oeuvre de la pleine capacité opérationnelle.
Concernant plus précisément la construction des infrastructures technico-opérationnelles, comme le hangar et les locaux de l'unité binationales, les étapes habituelles ont été franchies. La situation est plus tendue s'agissant du centre de formation. En effet, la notification par la direction générale de l'armement (DGA) du contrat pour l'acquisition des outils de formation devait, afin de tenir les délais, intervenir au cours du dernier trimestre de l'année 2019. Or celle-ci ne peut intervenir tant que l'accord n'est pas approuvé, et il ne fait guère de doute, en l'état actuel des choses, que tel ne sera pas le cas d'ici à la fin de l'année.
Aux termes de l'article 53 de la Constitution, l'approbation d'un accord international qui engage les finances publiques de l'État ne peut en effet être autorisée qu'en vertu d'une loi. L'Assemblée nationale étant la première assemblée saisie, et le présent projet de loi n'étant pas encore inscrit à l'ordre du jour de la séance publique, il est à craindre que tant l'encombrement du calendrier législatif jusqu'en décembre que les aléas de la navette parlementaire renvoient l'approbation de l'accord en question au premier trimestre de l'année 2020. Ce n'est pas encore les calendes grecques mais, pour la mise en oeuvre du projet, c'est déjà bien tard ! Ajoutons à cela qu'il faudra, selon les informations qui m'ont été transmises, compter au minimum dix-huit mois pour la réalisation des travaux d'infrastructures et autour de trente mois pour l'achèvement du centre de formation et d'entraînement. Je crains donc qu'à la fin de l'année 2021 nous disposions bien des avions et des personnels, mais pas du hangar, des bureaux ni du centre de formation.
J'ai rencontré l'attaché de défense de l'ambassade d'Allemagne en France, des représentants de l'état-major de l'armée de l'air ainsi que le commandant de la BA 105 d'Évreux-Fauville : tous assurent cependant que la capacité d'adaptation aux conditions de rusticité propre aux militaires leur permettra de s'adapter aux conditions qu'ils rencontreront le moment venu. Une telle situation ne me paraîtrait néanmoins pas refléter l'ambition d'un projet présenté comme phare pour l'approfondissement de la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense. Du reste, ce projet me semble par ailleurs porteur de plus larges promesses. Il contribuera tout d'abord, plus largement, à renforcer l'amitié franco-allemande. Il ne faut pas oublier en effet qu'au-delà des militaires, près de 130 familles s'installeront autour d'Évreux, la plupart pour une dizaine d'années.
De ce point de vue, pour les personnels allemands, une affectation à Évreux ne sera pas qu'une étape dans un plan de carrière : elle constituera bel et bien un véritable projet de vie. De nombreuses initiatives ont d'ailleurs déjà été lancées afin de préparer leur arrivée.
Un tel projet pourrait en outre préfigurer le lancement d'autres coopérations opérationnelles : le général Philippe Lavigne a ainsi évoqué ainsi devant nous le scénario d'un « Évreux inversé » dans le domaine des hélicoptères de transport lourd. Pour toutes ces raisons, il me semble que notre commission devrait faire preuve d'une certaine vigilance, voire ne pas s'interdire d'exercer d'amicales pressions en vue d'accélérer le calendrier d'examen de ce projet de loi. D'ici là, je vous invite à émettre un avis favorable à son adoption.
Je vous remercie, Madame la rapporteure, chère Séverine, pour ce propos liminaire. Je me réjouis bien évidemment de l'examen de ce texte par notre commission, et j'espère qu'il passera très vite en séance publique.
Cet accord est en effet extrêmement important tant pour la concrétisation de la coopération franco-allemande que pour la pérennité et le renforcement de la base aérienne 105 sur son territoire, que pour le dynamisme d'Évreux et de son environnement, avec l'installation de 130 familles. Si vous répondez favorablement à l'invitation qui vous a été lancée pour le 4 décembre prochain par l'armée de l'air, vous vous rendrez compte, chers collègues, que la base aérienne d'Évreux a d'ores et déjà commencé sa transformation, en prévision de l'accueil de nos amis allemands. Mes anciennes affectations au ministère de la Défense m'amènent à poser une question technique. Lorsque des militaires s'installent durablement à l'étranger, ils bénéficient en général d'un accord juridique appelé Status of Forces Agreement (SOFA), qui leur permet de jouir d'un privilège de juridiction. Par exemple, un soldat français qui commettrait un délit à Djibouti, serait jugé par un juge français et non pas djiboutien. Ce même accord juridique leur garantit certains droits liés notamment au permis de conduire ou, en matière fiscale, à certaines taxes comme la TVA. Nos amis allemands ont-ils prévu un SOFA ? Ou, par défaut, est-ce le SOFA OTAN, qui régit en temps normal les relations avec les pays membres de cette organisation, qui s'appliquera ?
Une fois n'est pas coutume, je suis mille fois d'accord avec la rapporteure. Lors de la présentation de mon avis budgétaire, la semaine dernière, je n'ai pas manqué d'ailleurs d'alerter notre présidente et la ministre, sur l'urgence qu'il y avait à approuver cet accord. Il serait plus que fâcheux en effet que les crédits qui ont été alloués en la matière ne soient pas consommés – je n'ose l'imaginer. Je me suis même demandé s'il ne fallait pas avoir recours à la procédure d'examen simplifié. Quoi qu'il en soit, tout ce qu'a dit la rapporteure nous convient. Le groupe Les Républicains soutient cette démarche. J'ai également apprécié qu'elle évoque l'hypothèse d'un escadron franco-allemand d'hélicoptères de transport lourd : je note que l'idée fait son chemin. La meilleure façon de soutenir cette éventualité est par conséquent de faire en sorte que l'escadron franco-allemand d'Évreux voie le jour et fonctionne de la meilleure façon possible.
J'étais favorable à cet accord signé par la France et l'Allemagne à Berlin le 10 avril 2017. J'ai par conséquent apprécié les propos tenus par la rapporteure. Tout d'abord, je suis pour le renforcement de l'Europe de la défense. Certes, il s'agit en l'occurrence d'un accord bilatéral. Mais j'ai toujours en point de mire cette Europe de la défense même si les Battle groups, créés voilà dix ans n'ont encore jamais été déployés sur les théâtres d'opération. Ce texte pourrait précisément être de nature à permettre par la suite le déploiement de troupes dans un temps très court et sous l'égide de l'Union européenne. Il a souvent été question de coopération européenne et de formation : cet accord amorce une telle logique puisqu'il prévoit également l'implantation d'un centre de formation. Je suis favorable à l'ensemble de ces dispositions, compte tenu des menaces qui pèsent sur les démocraties européennes. L'Union européenne est une grande démocratie – et il y en a très peu au monde ! Si l'on peut donc renforcer l'Europe de la défense à travers des accords bilatéraux – nous en avons d'ores et déjà passé avec l'Angleterre et avec l'Espagne, et ils fonctionnent très bien –, une telle évolution va dans le bon sens.
La France insoumise se réjouit que notre commission se soit saisie pour avis de ce texte. Pour le reste, mes propos seront peut-être un peu discordants. Ce projet n'est pas le premier du genre : la coopération avec l'Allemagne est déjà ancienne et relativement profonde. De ce fait, l'accord que nous examinons ne suscite pas une grande inquiétude. Je voudrais néanmoins le remettre dans son contexte. Contrairement à ce qui a été dit, il n'est pas question pour l'Allemagne d'avancer sérieusement dans la coopération militaire. Après trente ans d'existence, la brigade franco-allemande se cherche encore – chacun le sait et d'aucuns le disent publiquement. Il n'y a, d'ailleurs, pas vraiment lieu de regretter cette situation : une remontée en puissance de l'Allemagne dans le domaine militaire ne serait pas de nature à nous réjouir. L'hégémonie économique que ce pays a conquise sur l'Europe ces dernières années ne doit pas se doubler de la reprise de son statut de puissance militaire. Je le dis sans volonté polémique ni agressivité, cela va de soi. Il faut simplement veiller à ce qu'il y ait un équilibre des puissances sur le continent.
Certaines velléités outre-Rhin et une forme de désinvolture chez nous doivent nous inciter à la prudence. La paix est un bien trop précieux pour qu'on puisse se contenter de le considérer comme acquis. La bonne volonté n'est pas une garantie ultime contre les dynamiques profondes qui sont susceptibles de travailler le continent européen. On me répondra que cette coopération en matière de transport tactique est un moyen d'assurer une nouvelle interdépendance qui est garante de paix et servira à rendre effective la souveraineté européenne. Nous n'en croyons rien. Tout d'abord, l'idée de la souveraineté européenne est une chimère : la souveraineté appartient au peuple, et il n'y a pas un peuple européen, mais des peuples. En outre, les motivations de cet accord sont bien plus prosaïques : il s'agit seulement de mutualiser les dépenses et de réduire les coûts. C'est la stratégie préconisée par l'OTAN sous l'appellation de Smart Defence. Sa mise en oeuvre profite d'ailleurs très opportunément à l'industriel américain Lockheed Martin, qui fournit les avions de transport. Les intérêts économiques et stratégiques des États-Unis ne sont guère ébranlés : la coopération européenne n'est nullement une alternative. Pour conclure, je voudrais souligner que nous n'avons évidemment pas d'hostilité de principe à la coopération bilatérale. Mais encore faut-il qu'elle soit sincère et qu'elle n'obère pas notre souveraineté.
Je salue, comme beaucoup d'autres collègues, ce nouvel accord de coopération franco-allemand. Il s'inscrit dans la continuité : c'est une pierre apportée à l'édifice, si je puis m'exprimer ainsi, des coopérations franco-allemandes et de l'Europe de la défense. Vous avez utilisé le conditionnel à propos de nombreux éléments. Vous avez notamment dit que vous n'étiez pas sûre que cet accord se mettrait en place aussi rapidement qu'on pourrait le souhaiter. Avons-nous des moyens pour accélérer la procédure ?
Merci pour votre présentation, Madame la rapporteure. Cet accord vise à créer une unité aérienne franco-allemande opérationnelle. Quel en sera le commandement ? Dans le cas de la brigade franco-allemande, il y a un commandement du côté allemand et un autre du côté français. Y aura-t-il cette fois un commandement intégré ? J'aimerais également vous interroger sur les 130 familles qui vont rejoindre Évreux. A-t-on prévu quelque chose de particulier pour leur installation ?
Je voudrais saluer le travail de notre rapporteure à propos de ce projet de loi qui va permettre de concrétiser un accord de coopération militaire franco-allemande dans un domaine, le transport tactique aérien, qui est plus décisif pour les opérations extérieures qu'on le pense souvent. Mme Gipson nous a parlé de C130-J répartis entre la France et l'Allemagne, mais elle aussi évoqué la question des hélicoptères lourds. Nous manquons, semble-t-il, d'appareils de ce type : ils sont très précieux dans le cadre des opérations extérieures et ils pourraient alléger les contrats opérationnels en ce qui concerne les C130-J. On utilise notamment des hélicoptères britanniques de type Chinook dans le cadre du dispositif Barkhane. Avez-vous identifié des pistes de coopération avec l'Allemagne ou avec d'autres partenaires européens, comme le Royaume-Uni, pour l'exploitation éventuelle d'hélicoptères lourds en matière de transport tactique ?
On était loin d'imaginer le 5 novembre 1989, il y a exactement trente ans, ce qui allait se produire quatre jours plus tard, et on ne se doutait pas que l'on discuterait un jour d'un tel accord de coopération avec une Allemagne réunifiée. Ce texte est un beau symbole.On ne peut que se féliciter de cet accord. Néanmoins, si l'objectif est de faire en sorte que la France et l'Allemagne soient davantage à même de conduire conjointement des opérations, les contraintes qui existent en Allemagne en matière d'engagement extérieur, notamment la nécessité d'avoir l'accord préalable de nos collègues du Bundestag, ne risquent-elles pas de limiter la fluidité de l'application, sur le plan opérationnel, de cet accord ?
Je me réjouis de la montée en puissance prévue pour les C130-J. Ce sera une véritable bouffée d'air qui nous aidera à compenser les insuffisances en matière de transport aérien tactique. Nous sommes en effet pris en étau : malgré le vieillissement de la flotte actuelle, nous attendons la pleine montée en puissance de l'A400M. Je salue également le renforcement de la coopération franco-allemande. Il a été question des infrastructures dans la base aérienne d'Évreux, mais qu'est-il de celles qui pourraient être projetées dans le cadre des opérations extérieures ?
C'est une initiative forte. Je partage les inquiétudes de Jean-Jacques Ferrara en ce qui concerne les moyens de transport. Les dix appareils dont il est question correspondent à ce qui est nécessaire pour projeter un régiment. À défaut de déployer des hommes sur certains théâtres, à proximité d'endroits où il faudrait se projeter, nous avons besoin d'une flotte de transport, notamment d'hélicoptères lourds. Je voudrais revenir sur l'installation des familles. On a décidé en 1994 d'implanter l'école des équipages du Tigre, l'hélicoptère de combat franco-allemand, en France, dans la base du Cannet-des-Maures. Avez-vous eu connaissance d'un retour d'expérience ? On sait qu'il y a eu beaucoup de problèmes, qui ne concernaient pas du tout l'hélicoptère ou l'instruction délivrée, mais l'intégration des familles et le logement – l'intendance et le casernement, si je puis dire.
Merci à notre rapporteure pour le travail qu'elle a réalisé sur ce projet extrêmement déterminant pour l'avenir. S'il a pu y avoir quelques problèmes en ce qui concerne l'intégration des familles, on peut dire que l'écosystème global du Cannet-des-Maures et du Luc est aujourd'hui tout à fait positif pour les familles allemandes. Il y a notamment des classes internationales qui permettent d'apprendre certaines matières en allemand et en français du CP jusqu'au lycée. Je pense que les problèmes sont résolus et qu'il faudrait surtout regarder notre propre manière de préparer les familles qui partent en Allemagne dans le cadre de la brigade franco-allemande : il y a notamment la question des cours de langue, qui ne sont pas ouverts, actuellement, aux familles. On me l'a beaucoup signalé dans le cadre de mes permanences. À l'inverse, les familles allemandes parlent extrêmement bien le français, des fêtes allemandes sont organisées deux fois par an au sein de la base, et le commandement est assuré une année par un Français et l'année suivante par un Allemand. Je crois qu'il existe une très bonne gouvernance.
Merci pour ce rappel, chère collègue. On voit bien à quel point nous avons besoin, avant tout, de renforcer le lien bilatéral.
Ce projet est en effet important pour la base d'Évreux, la ville et les communes alentour, Monsieur Gouttefarde. On sent qu'il y a une dynamique qui se crée depuis deux ans grâce aux services qui se mettent en place et aux rencontres qui ont déjà eu lieu avec les Allemands – ils sont venus à Évreux pour visiter les lieux. Il n'y a pas de dispositions spéciales de type SOFA dans l'accord, mais je pense que la question des conditions d'accueil des militaires allemands sera examinée dans le cadre des groupes de travail qui ont été créés. Il est probable que le SOFA OTAN s'appliquera, mais je ne peux pas le confirmer complètement à l'heure actuelle.
Merci, Monsieur Ferrara, pour votre intervention et votre soutien. Je n'ai qu'un souhait : que nous puissions continuer à oeuvrer ensemble pour accélérer la mise en oeuvre de ce projet. Il faut le réaliser à temps et donner ainsi un bon exemple en matière de projets européens. Nous devrons assurer un bon accueil et veiller à l'image de la France.
Monsieur Pueyo, puisque tout le monde semble d'accord, nous pouvons aller plus vite. Je veux être optimiste sur ce plan. Je partage totalement votre avis sur ce beau projet : bien qu'il soit bilatéral, je pense qu'il contribue à l'affermissement de la défense européenne.
Ce n'est pas la première fois que nous ne partageons pas la même analyse, Monsieur Lachaud, et je ne crois pas que ce sera la dernière (Sourires). Ce partenariat avec l'Allemagne est ambitieux : il permettra de répondre à un réel besoin opérationnel et d'associer toujours davantage nos alliés à la conduite de nos opérations. Cet accord va contribuer à l'affermissement de la relation bilatérale dans le domaine de la défense à un moment où il existe des incertitudes liées au Brexit, à la remise en cause de l'OTAN par un nombre croissant d'acteurs et à l'attitude des États-Unis. Nous avons plus que jamais besoin de renforcer la défense européenne – nous pouvons au moins nous accorder sur le fait que nous ne sommes pas d'accord sur ce point.
Compte tenu de l'encombrement du calendrier législatif jusqu'à la fin de l'année, Madame Bureau-Bonnard, l'idéal aurait été que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire du mois de juillet ou que la conférence des présidents décide de recourir à la procédure d'examen simplifiée – cela supposerait qu'aucun des présidents de groupe ne s'y oppose, mais c'est évidemment leur droit. J'inviterai demain matin Mme de Sarnez, lorsque la commission des affaires étrangères examinera ce projet de loi, à étudier l'opportunité de défendre le recours à cette procédure. À défaut, il restera deux possibilités : soit une inscription rapide du texte à l'ordre du jour dans un créneau qui serait libre, soit le dépôt, par le Gouvernement, d'un amendement au projet de loi de finances qui reprendrait les dispositions du projet de loi. Le commandant de la nouvelle unité sera français, Madame Thillaye, et le commandant en second allemand. À l'inverse de ce qui est prévu dans le cadre de la brigade franco-allemande, cette unité sera totalement intégrée.
Il faut aborder la question de l'accueil des familles sous plusieurs angles. Des moyens sont prévus pour améliorer le vivre-ensemble, comme la construction de « City Stades » pour accueillir des rencontres sportives et renforcer la cohésion. La piscine sera également remise en état afin de créer une dynamique et de permettre à nos militaires de garder leur condition physique. Par ailleurs, l'hébergement sera rénové. Un bâtiment sera dédié aux célibataires géographiques : on est en train de réorganiser la base pour assurer l'accueil des Allemands. En dehors de la base, il y a tout un travail portant sur le logement des familles, sur la scolarité des enfants – il s'agit de voir quels établissements peuvent les recevoir et dans quelles conditions – et sur l'emploi des conjoints – il faut voir si on ne peut pas créer une unité d'accueil visant à faciliter leur intégration. Une personne sera chargée d'assurer un accueil des nouveaux arrivants, de les orienter et de les aider dans leur installation. Il y aura également un soutien administratif dans le cadre du pôle Atlas : un guichet sera créé pour les Allemands. Tout va se mettre en place progressivement.
Je vous remercie, Monsieur Lejeune, pour ce que vous avez dit à propos de l'Allemagne et de la France. Pour éviter les pertes de temps procédurales, l'objectif est de parvenir à définir un cadre d'emploi recouvrant une liste de missions susceptibles d'être conduites sans qu'un accord complémentaire soit nécessaire, notamment de la part de nos homologues au Bundestag. Par ailleurs, l'Allemagne et la France pourront toujours agir seules, sur le plan national et d'une manière autonome, dans le cadre de missions sensibles.
En ce qui concerne les hélicoptères de transport lourd, Monsieur Marilossian, je dois dire que je me suis surtout intéressée à l'opportunité d'un rapprochement avec l'Allemagne : elle dispose de nombreux CH-53 et doit assurer un renouvellement de sa flotte l'an prochain. Il y a un « créneau » pour avancer mais nous pourrions également envisager un partenariat avec d'autres pays. S'agissant du Royaume-Uni, en particulier, il convient de saluer l'engagement de CH-47 au Sahel, qui va se prolonger jusqu'à l'été 2020. Je ne suis pas en mesure de vous donner des éléments plus précis, mais il me semble que l'état-major de l'armée de l'air a étudié la possibilité d'un partenariat avec le Royaume-Uni, voire avec le Canada. C'est donc une affaire à suivre…
Bien que la base aérienne d'Évreux accueille une unité de projection de moyens de communication, Monsieur Jacques, il n'est pas prévu de réaliser des projections d'infrastructures dans le cadre de l'unité binationale dont nous parlons. Les avions, les équipages et les mécaniciens pourront, en revanche, être projetés en OPEX.
Je n'ai pas de retour particulier en ce qui concerne la situation de l'École de l'aviation légère de l'armée de terre du Luc, Monsieur Michel-Kleisbauer et Madame Mauborgne, mais je vous garantis que tout le monde est en ordre de bataille à Évreux et aux alentours pour accueillir les personnels et leurs familles dans les meilleures conditions possibles.
Merci encore pour votre travail, Madame la rapporteure. Je crois que nous pouvons tous partager la volonté d'approfondir et de renforcer nos relations avec les Allemands, mais aussi d'accélérer la concrétisation de ce projet.
La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi sans modification.
La séance est levée à quatorze heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Philippe Chalumeau, Mme Françoise Dumas, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Joaquim Pueyo, Mme Sabine Thillaye, M. Pierre Venteau
Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Xavier Batut, M. Sylvain Brial, M. Jean-Jacques Bridey, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Gilles Le Gendre, M. Franck Marlin, M. Gwendal Rouillard, M. Joachim Son-Forget