Commission d'enquête Chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement
Mardi 26 octobre 2021
La séance est ouverte à dix-sept heures
Présidence de M. Meyer Habib, président
Je souhaiterais avoir une pensée pour Mireille Knoll et ses fils, Daniel et Alain, puisque s'ouvre aujourd'hui le procès des deux assassins qui l'ont poignardée et brûlée, parce que Juive, à Paris, à quelques centaines de mètres de la rue de Vaucouleurs où habitait Sarah Halimi. Mme Knoll a échappé à la rafle du Vél' d'Hiv', son mari à l'enfer d'Auschwitz, mais Mireille Knoll a hélas succombé à la barbarie islamiste, en 2018, comme Sarah Halimi, elle aussi massacrée et défenestrée.
Ces deux victimes ont eu un triste destin, tuées par leur voisin parce qu'elles étaient juives. La famille Knoll aura un procès et pourra peut-être faire son deuil. La famille Halimi ne verra sans doute jamais, hélas, l'assassin devant une cour d'assises de la République et je ne sais pas si elle pourra faire son deuil.
Pour cette raison, nous avons tous décidé de nous investir dans cette commission d'enquête. La semaine dernière, nous avons entendu la famille Diarra, après la famille Attal. Les deux auditions ont eu lieu à huis clos, ce que je regrette.
M. Sammy Ghozlan, vous êtes commissaire de police à la retraite. Vous êtes un spécialiste des banlieues criminogènes et de la police de proximité. En 1982, vous avez été mobilisé pour aider les enquêteurs dans l'affaire de l'attentat de la rue des Rosiers. Vous êtes chevalier de la Légion d'honneur. Au début des années 2000, alors que les biens et les personnes de la communauté juive de France sont la cible de violences répétées, agressions physiques, incendies de synagogues ou d'écoles juives, vous avez fondé le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme (BNVCA) pour accompagner les victimes, notamment dans leurs démarches judiciaires.
Le travail du BNVCA permet entre autres de recenser tous les actes antisémites et d'aider les pouvoirs publics à en évaluer le niveau en France.
Vous vous trouvez actuellement en Israël, c'est pourquoi l'audition se déroule par visioconférence et est retransmise par la plateforme de l'Assemblée nationale.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(M. Sammy Ghozlan prête serment).
J'ai créé l'association pour essayer d'identifier ce nouvel antisémitisme qui brûlait des synagogues, des écoles juives, agressait des rabbins et des Juifs dans la rue. Ni les institutions juives ni celles de la République ne connaissaient encore les auteurs. Quelques arrestations en flagrant délit et quelques témoignages ont permis de comprendre que cet antisémitisme n'était pas dû, comme pendant plusieurs années, à l'extrême droite, mais à des individus plutôt d'origine africaine ou nord-africaine et qui se recommandaient de l'Islam.
Nous avons créé une hotline. Le 4 avril 2017, vers 8 heures du matin, je reçois un appel. Mon interlocuteur m'annonce : « Une femme juive a été tuée. Elle a été jetée par la fenêtre de son appartement du 11e arrondissement de Paris. C'est un homme de couleur qui l'aurait assassinée. Certains disent qu'il criait “Allahou Akbar” . » Je raccroche. Je suis bouleversé. Je me mets immédiatement à vérifier cette information, comme nous le faisons régulièrement au BNVCA pour nous assurer que les faits sont avérés et, s'ils le sont, les examiner pour savoir s'ils relèvent du droit commun ou d'un acte antisémite caractérisé.
Je demande à mes collaborateurs de récolter le maximum de renseignements. Je contacte mes relations parmi les policiers, les journalistes, le parquet de Paris. Déjà, les organes de presse rapportent l'événement. La hotline du BNVCA est saturée. Je reçois personnellement plusieurs appels d'amis ou de requérants attristés, apeurés par la nouvelle et qui m'interrogent pour savoir s'il s'agit d'un crime antijuif. Dans leur voix, je ressens qu'ils préféreraient que tel ne soit pas le cas.
Un autre correspondant m'apprend que l'affaire vient d'être évoquée dans une brève sur Europe 1. Dans la rubrique Faits divers, le site de la radio titre : « Une femme meurt défenestrée à Paris. Un voisin interpelé est placé en psychiatrie ». Plusieurs médias parlent de cet événement, sans jamais préciser que la victime est juive et qui peut être l'auteur.
Je poursuis mes recherches et j'apprends que Mme Halimi, née Attal, était directrice d'une école juive, ce qui me permet de savoir qu'elle est juive. Je découvre également qu'elle habite rue de Vaucouleurs, que les faits se sont déroulés dans la nuit du 3 au 4 avril, qu'un individu est entré chez elle.
Dès le départ, j'étais en relation avec Me Alex Buchinger, désigné comme le premier avocat et qui avait réalisé un travail remarquable de précision. Il a rencontré la juge d'instruction et a été éconduit. Elle lui a déclaré qu'elle refuserait que les associations de lutte contre le racisme ou l'antisémitisme comme le BNVCA, la Licra ou SOS Racisme se portent parties civiles. J'ai donc d'emblée été inquiet de la procédure.
J'appelle M. Molins, le procureur de la République, pour lui demander d'être attentif. La juge d'instruction ne reconnaît pas le caractère antisémite. Il faut attendre le 9 novembre 2017 pour que le procureur fasse une réquisition pour l'y obliger. Selon moi, l'instruction était menée à décharge.
Nous savions que le premier équipage de policiers était arrivé sur les lieux trois minutes après avoir été appelé, alors que le tueur commençait à commettre son acte. La police était proche. Dix-huit policiers sont arrivés, plusieurs équipes de la BAC. Je ne comprends pas pourquoi l'instruction n'a pas procédé au relevé des communications avec le cabinet du préfet de permanence, le commissaire de permanence, présent toute la nuit, ou le substitut de permanence.
Une dame me téléphone. Elle souhaite rester anonyme. Elle me dit : « Mon beau-frère est handicapé. Sa femme est juive. Il a tout vu, tout entendu. Lorsque les policiers l'ont interrogé lors de l'enquête de voisinage, il n'a pas voulu parler et a dit qu'il dormait. Ce qu'il a vu et entendu est effrayant. » Pourquoi l'enquête de voisinage n'est-elle pas allée à son terme ?
À mon sens, il est grave que des policiers se soient trouvés derrière la porte. Un membre des Diarra, les voisins, chez qui Traoré s'était d'abord réfugié, a lancé le badge qui permettait d'entrer. Les policiers se trouvaient en situation de légitime défense. Ils ont entendu les cris. Un policier de la BAC dit dans son PV : « Pendant que nous étions derrière la porte, nous avons entendu parler en arabe. Nous ne comprenons pas cette langue, mais nous avons distinctement entendu plusieurs fois “Allahou Akbar” . Cela faisait penser à des prières. » Un autre policier, présent derrière la porte depuis 4 heures 25, dit également : « Alors que nous sommes devant la porte, nous percevons des hurlements incompréhensibles prononcés en langue arabe. » Ce sont des prières ainsi que des références au Coran qui laissent penser aux policiers que l'assaillant est peut-être armé. Est-ce ce qui les a effrayés ?
Je voudrais savoir qui a donné l'ordre aux policiers de ne pas intervenir. Il s'agit de non-assistance à personne en danger et j'aimerais savoir pourquoi l'instruction n'est pas allée en profondeur pour comprendre.
J'ai écrit au Premier ministre, au ministre de l'Intérieur et au préfet de police de Paris. Ils m'ont donné le déroulé des faits. Personne n'est entré pour sauver Mme Halimi. Cette femme n'aurait jamais dû mourir. Dans ma carrière, je n'ai jamais connu un policier qui, même hors service, n'est pas allé sauver un chat, perché sur un arbre, en danger. Là, une femme crie, des policiers sont derrière la porte, peuvent entrer, se trouvent en situation de légitime défense, mais ils n'interviennent pas. Nous en avons été profondément outrés.
Dans ma carrière, je n'ai jamais vu un crime pour lequel l'instruction n'a pas ordonné de reconstitution. Pourquoi tous les éléments qui auraient pu prouver la préméditation n'ont-ils pas été recherchés ? Cet individu s'est préparé. J'ai conclu qu'il avait décidé dès le départ de commettre un acte antisémite. Il est musulman. Il était allé dans une mosquée salafiste quelques jours avant, alors qu'il n'y allait pas auparavant. Il est vrai qu'il se drogue, mais la drogue n'est pas une excuse. Cet individu, qui faisait ses prières chez Mme Halimi, qui savait qui elle était, a probablement voulu se comparer à Fofana, qui est de couleur comme lui et a tué Ilan Halimi. Quand j'ai parlé avec le gendre de Mme Halimi, qui est entré dans l'appartement, invité par les policiers, dès le matin, il m'a raconté le carnage. Je lui ai demandé : « Y avait-il des inscriptions antisémites, des objets religieux ? » Il m'a répondu par la négative. En revanche, elle s'appelait Mme Halimi et l'auteur des faits a voulu commettre un acte violent, antisémite.
Je ne comprends pas pourquoi la préméditation n'a pas été recherchée. Ces carences ont provoqué un grand malaise dans la communauté juive. Dans une récente enquête, tous les Juifs interrogés ont regretté l'absence de jugement.
J'étais en relation avec M. Molins, que je connais depuis 1993, puisque j'étais président du Conseil des communautés juives de Seine-Saint-Denis. J'ai confiance en lui. Je lui ai demandé de dessaisir cette juge d'instruction. J'ai écrit aux deux ministres de la Justice qui se sont succédé. On m'a répondu qu'il n'était pas possible de dessaisir un juge d'instruction d'un dossier, ce qui est faux. Il est possible de le faire en lui accordant une promotion ou une mutation. Si on avait vraiment voulu que l'affaire Sarah Halimi soit réglée comme il le fallait, on aurait adopté ces positions.
Lorsque les trois premiers policiers arrivent, Thiéman Diarra nous a confié leur avoir jeté un trousseau de clés avec lequel se trouvait un pass pour accéder à l'immeuble et une clé correspondant à celle de son domicile. Pourquoi à votre avis les policiers n'utilisent-ils pas cette clé pour entrer dans l'appartement ?
Les policiers auraient dû casser la serrure, forcer la porte ou entrer par un autre moyen, une fenêtre. Il n'est pas normal qu'ils ne soient pas entrés pour sauver la vie de cette dame qui était menacée. Ils étaient en situation de légitime défense. Ils pouvaient même tirer sur cet individu et le mettre hors d'état de nuire. À mon avis, ils ne l'ont pas fait, car ils ont reçu des ordres. De qui ? Était-ce du commissaire de police de permanence ? Était-ce du cabinet du préfet de police, qui est informé de tout ce qui se passe et le note sur son registre ? Était-ce du substitut de permanence ? Il faut rechercher cette information.
Les policiers, au péril de leur vie, sauvent des gens. Ils plongent dans une rivière pour sauver un individu qui se noie, ils empêchent une femme de sauter d'un pont ou, pendant un braquage, se placent devant les otages pour les protéger. Là, ils avaient le droit légal d'entrer et le devoir de sauver cette femme et ils ne l'ont pas fait, ce qui me désole et m'interpelle.
Dans le dossier, nous constatons que divers témoins appellent en indiquant que M. Traoré n'est pas armé. À la décharge des policiers, ils pouvaient imaginer que l'individu l'était. Nous avons entendu parler de ceinture d'explosifs, bien qu'aucun témoin ne l'évoque. Il est aussi surprenant qu'à un moment, les communications entre la ligne d'urgence et les témoins aient été interrompues, alors qu'ils étaient en direct, décrivant la scène.
Dans les affaires d'antisémitisme que vous traitez, arrive-t-il fréquemment qu'un juge d'instruction éconduise un avocat ? Pour quelle raison ? En avez-vous parlé au procureur Molins ?
Oui, il m'a dit de ne pas m'inquiéter. Or, la juge d'instruction a tout fait pour que cette affaire soit un échec.
Je ne le sais pas. La raison peut se trouver dans sa propre idéologie. J'ai entendu dire qu'elle vivait beaucoup en Afrique, qu'elle aimait beaucoup les gens de couleur. Je ne sais pas si cette information est vraie, je ne l'ai pas vérifiée. Ou alors, elle ne voulait pas que le caractère antisémite soit révélé. Elle a pu en vouloir à M. Molins de l'y avoir obligée et à Me Buchinger d'être venu dans son cabinet au démarrage de l'instruction, ce qu'elle lui a reproché. Il était mandaté par les enfants de la victime.
Elle n'a pas organisé de reconstitution et n'a pas mené l'instruction comme un juge aurait dû le faire. J'ai d'ailleurs reçu un appel d'un juge d'instruction de province qui a démissionné et nous a indiqué qu'il y avait une volonté de faire échouer l'affaire.
Pourquoi le procureur n'a-t-il pas saisi les enquêteurs en charge de l'antiterrorisme, ce qui est souvent le cas lorsque les termes « Allahou Akbar » sont prononcés, d'autant que l'assassin avait fréquenté une mosquée salafiste à plusieurs reprises ?
Je pense que des informations sont cachées dans cette affaire, y compris dans la procédure policière. Je crois que les policiers présents sur place ont craint d'être face à quelqu'un avec une ceinture d'explosifs et ont prévenu l'antiterrorisme. Il est nécessaire d'obtenir les conversations avec le cabinet du préfet de police.
Nous les demanderons.
En mai 2021, le BNVCA a porté plainte pour apologie de crime après la création sur les réseaux sociaux d'un groupe intitulé « Comité de soutien à Kobili Traoré ». Pouvez-vous nous éclairer sur le contenu de ce groupe et les échanges qui s'y déroulaient ?
Ce groupe soutenait Kobili Traoré et trouvait qu'il était anormal qu'il soit poursuivi. Je ne me souviens plus exactement des termes échangés dans les tweets et les WhatsApp. Je pourrai vous les envoyer ultérieurement.
Pensez-vous que la période électorale de l'époque ait pu avoir une quelconque influence sur le déroulement de l'enquête ?
Oui. Même les dirigeants des institutions juives ont au départ déclaré qu'il ne fallait pas se précipiter, que l'acte n'était pas forcément prémédité et qu'il ne fallait pas embêter la police.
Plusieurs mois avant l'assassinat de Mme Halimi, Traoré fréquente assidûment la mosquée salafiste Omar, située à proximité de son domicile, ce qu'il ne faisait pas auparavant. Ce fait est avéré. Il s'y rend plusieurs fois par jour et manifestement, sa pratique religieuse se radicalise. Il ne tient plus la porte aux femmes, il ne les salue plus. Avez-vous eu connaissance d'actes, d'agressions ou de propos antisémites de la part de fidèles de cette mosquée ?
Confirmez-vous devant la commission d'enquête que vous avez personnellement appelé la juge d'instruction ? Si tel est le cas, à quelle date précise l'avez-vous fait ?
Non, je ne l'ai jamais appelée personnellement.
Ils viennent de l'observation de la manière de mener l'instruction.
J'ai noté que vous aviez reçu, à votre demande, des courriers du Premier ministre, du ministre de l'Intérieur et du préfet de police. Est-ce exact ?
J'ai écrit au Premier ministre et j'ai reçu un courrier du préfet de police qui avait été chargé par le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur de me répondre.
Certainement.
Le préfet de police de l'époque était Michel Delpuech.
Sur quoi repose selon vous ce que nous pourrions assez facilement appeler un désastre judiciaire ? La juge d'instruction n'est pas seule, elle fait partie d'une chaîne. Des décisions ont été prises. Plus de quatre mois ont été nécessaires pour obtenir un réquisitoire introductif ouvrant sur l'antisémitisme, plus de dix mois pour que Kobili Traoré soit mis en examen de ce chef. Avez-vous une explication globale sur cette situation ? Pourquoi l'assassinat a-t-il été écarté pour retenir le meurtre ? Pourquoi la préméditation a-t-elle été écartée, tout comme l'antisémitisme ? Quelle est votre analyse ?
L'antisémitisme dérange. J'ai toujours demandé à mes collègues policiers, quand ils commençaient à enquêter, d'envisager qu'il pouvait s'agir d'un acte antisémite et d'apporter la preuve que tel n'était pas le cas. Les citoyens juifs de France ressentent un grand malaise. L'affaire Mireille Knoll a été l'objet d'un simple entrefilet dans Le Parisien. J'ai envoyé des collaborateurs dans l'immeuble pour savoir qui était Mme Knoll, ce qui m'a permis de savoir qu'elle était juive, qu'elle avait été épargnée...
Ce n'était pas ma question. Vous êtes un grand spécialiste des questions d'antisémitisme, doublé d'un ancien professionnel de police. Votre regard est plus précis que la moyenne. Pourquoi en arrivons-nous à cette situation ?
Toute la France est dérangée par l'antisémitisme. J'ai entendu que dans cette période préélectorale, cette qualification aurait pu faire monter le parti d'extrême droite.
Selon les récits dont nous disposons, les policiers ne sont pas intervenus pendant environ quarante minutes. Nous avons déjà auditionné un avocat connu des parties civiles qui, contrairement à vous, pense que, en l'absence de connaissance des lieux, de l'assaillant, avec un risque terroriste, il était normal d'attendre une force d'intervention équipée spécifiquement. J'aimerais connaître votre point de vue.
Les policiers auraient dû intervenir. Ils interviennent toujours, même au risque de leur vie. Les dix-huit policiers étaient armés.
Au départ, ils n'étaient pas dix-huit. Une première brigade compte six fonctionnaires de police. Trois restent derrière la porte et trois redescendent en bas de l'immeuble. À la fin, ils sont effectivement vingt-six.
Même un seul policier aurait dû intervenir, après avoir demandé des renforts.
Pensez-vous que, quels que soient leur qualification, leur équipement, la dangerosité qu'ils peuvent percevoir, ils auraient dû intervenir immédiatement ?
En Israël, la doctrine d'intervention est plus massive et immédiate. En France, elle a depuis changé. Pensez-vous qu'en 2017, la doctrine française consistait à ne pas intervenir tant que la force habilitée n'était pas présente ou les policiers ont-ils commis une faute dans le contexte qui était le leur à l'époque ?
Je considère que les policiers ont commis une faute. Ils étaient en état de légitime défense.
Après le Bataclan, j'avais demandé au ministre de l'Intérieur de changer la doctrine pour s'inspirer de celle d'Israël. Il n'y était pas opposé. Quelques mois plus tard, avant 2017, il m'a invité à la préfecture de police en présence de tous les services d'intervention pour changer cette doctrine.
Quels sont les éléments objectifs qui vous permettent d'affirmer qu'il y a eu faute, de la police ou de la justice ? J'ai été choquée de vos propos concernant la juge d'instruction, indiquant que « elle se rend régulièrement en Afrique, elle aime les gens de couleur ». Je ne vois pas le rapport.
Le premier équipage est arrivé à 4 heures 22, le deuxième à 4 heures 25, un autre à 4 heures 41, un à 4 heures 48. Pendant ce temps, aucun policier n'est entré chez Mme Halimi pour lui porter secours.
La juge d'instruction est libre de ses actes, mais l'instruction n'a pas été menée comme elle aurait dû l'être. Je n'ai jamais vu qu'un assassinat n'entraîne pas une reconstitution.
En tant que commissaire de police, dans toutes vos affaires, êtes-vous de façon systématique intervenu immédiatement ? Pour certaines, compte tenu des éléments objectifs dont vous disposiez, avez-vous été contraint d'attendre l'arrivée des renforts, des explications, une information indiquant qu'un potentiel terroriste était armé d'explosifs ? Considérez-vous que quelle que soit la qualification potentielle des faits, un policier a l'obligation d'intervenir, quitte à mettre plus en danger la vie des personnes ou des riverains ?
Le policier a la mission de sauver la vie des autres, au risque de se mettre en danger.
Il existe des procédures voire une doctrine qui peuvent évoluer. Pourriez-vous faire des propositions pour que les forces de l'ordre qui se retrouveraient dans une situation identique puissent intervenir pour sauver une vie, en se protégeant elles-mêmes et en évitant une autre tragédie ?
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de la commission ?
Je remercie tous ceux qui ont mis en place cette commission d'enquête, qui pourra apaiser le malaise, en l'absence de procès.
Les policiers sont agressés, leurs familles sont menacées. Des règles sont déjà inscrites, notamment l'état de légitime défense, avec une proportionnalité de la riposte, à condition de ne pas donner des instructions contraires, comme je pense que ce fut le cas dans l'affaire Sarah Halimi. Ces règles sont enseignées dans toutes les écoles de police. Nous savons parfaitement que nous ne devons pas tirer sur quelqu'un qui fuit. Je ne vois pas quels éléments y ajouter,
Vous avez parlé de témoignages déterminants parmi les voisins et les témoins. Dans les semaines à venir, nous en auditionnerons certains. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ceux que vous évoquez ?
Je ne dispose pas du nom de la personne, qui habite juste en face de chez Mme Halimi.
Non. La belle-sœur de ce témoin m'a indiqué qu'il aurait entendu les policiers interdire aux riverains de venir au secours de Mme Halimi, car ils pensaient être face à un terroriste surarmé.
Il s'agit peut-être de la raison pour laquelle ils ne sont pas intervenus, même si ceux qui appellent disent que l'individu n'est pas armé.
Le volet de la prise de stupéfiants a été longuement abordé par Me Szpiner devant notre commission. La juge aurait mandaté d'autres experts après que le premier, M. Zagury, a tranché en faveur d'une altération partielle du discernement, qui aurait renvoyé l'assassin devant la cour d'assises. De même, il est avéré que l'assassin a dit : « Elle va se suicider » et qu'il voyait des objets juifs. J'aimerais vous entendre sur ce domaine médical.
De mon point de vue, il était sain d'esprit. J'ai reçu l'appel d'un garagiste qui avait eu un accident matériel avec Traoré, qui était en vélomoteur alors que le garagiste était en voiture. Ils se sont parlé. Traoré est reparti, mais il est revenu au garage, rue des Pyrénées. Le garagiste savait qu'il était surnommé « BB », ce qui montre qu'il s'agissait bien de la même personne, mais les caméras de vidéosurveillance n'ont pas fonctionné. Traoré lui a réclamé de l'argent. Il lui a dit : « À cause de l'accident, j'ai perdu du temps. Les policiers m'ont arrêté et ils m'ont confisqué le sac de drogue que j'avais et maintenant, je dois de l'argent à ceux qui me l'ont donné. » Cet élément est accessoire, mais montre qu'il était tout à fait sain de corps et d'esprit. Le considérer comme mentalement atteint est une vue de l'esprit.
La préméditation est un élément fondamental dans nos travaux. Sur quels éléments vous basez-vous pour affirmer que Traoré avait prémédité le meurtre ?
Il savait où elle habitait. De tous les locataires, il est allé chez Mme Halimi, la Juive. De plus, il savait comment pénétrer par le balcon chez elle. Il habitait l'immeuble. Chaque fois que les enfants et petits-enfants de Mme Halimi lui rendaient visite, ils étaient insultés quand ils rencontraient Traoré ou ses sœurs.
Me Goldnadel nous a déclaré qu'il avait demandé à plusieurs reprises à être auditionné par la juge d'instruction, ce qu'elle a refusé. Dans les affaires d'antisémitisme et de racisme, arrive-t-il fréquemment que le juge refuse d'écouter un avocat ?
Jamais. Le juge d'instruction se met toujours à la disposition des avocats ou des parties civiles. Je ne connais pas de juge qui rejette les requêtes de nos avocats.
Nous savons qu'une loi sera votée pour modifier ce genre de carence de l'instruction. Malheureusement, justice n'aura jamais été rendue pour Sarah Halimi, ce qui restera comme une cicatrice profonde pour les Français épris de justice.
La réunion se termine à dix-neuf heures trente-cinq Membres présents ou excusés
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite Sarah Halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement
Présents. - Mme Aurore Bergé, Mme Sandra Boëlle, M. Meyer Habib, M. Brahim Hammouche, Mme Constance Le Grip, M. Sylvain Maillard, M. Didier Paris, M. François Pupponi, M. Julien Ravier
Excusé. - Mme Camille Galliard-Minier