Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Réunion du jeudi 26 novembre 2020 à 16h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • magistrat
  • manifestation
  • parquet
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem  

La réunion

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La séance est ouverte à 16 heures 05.

Présidence de M. Jean-Michel Fauvergue, président.

La Commission d'enquête entend en audition Mme Cécile Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats, et M. Jacky Coulon, secrétaire général.

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Chers collègues, nous poursuivons nos travaux, en auditionnant Mme Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats, et M. Jacky Coulon, secrétaire général, qui n'étaient pas disponibles lorsque nous avons reçu les deux autres syndicats représentatifs des magistrats, il y a quelques semaines. C'est ce qui explique cette audition décalée.

Madame, monsieur, avant de vous donner la parole pour une brève intervention liminaire, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Céline Parisot et M. Jacky Coulon prêtent successivement serment.)

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Jacky Coulon, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats

Nous représentons l'Union syndicale des magistrats, le syndicat majoritaire chez les magistrats. Apolitique et pluraliste, il réunit un quart des magistrats français et a recueilli 64 % des voix aux dernières élections professionnelles. Je souhaitais nous présenter rapidement, parce que, si nous avons l'habitude d'intervenir devant la commission des Lois, certains députés de cette commission d'enquête nous connaissent moins.

Le contexte juridique dans lequel intervient votre commission est tout à fait particulier. Plusieurs textes de nature différente ont été récemment publiés – ainsi le schéma national de maintien de l'ordre (SNMO) au mois de septembre – ou sont en discussion : la proposition de loi pour la sécurité globale a été adoptée par l'Assemblée nationale cette semaine ; d'autres sont annoncés, comme le projet de loi confortant les principes républicains. Ce contexte donne lieu à des débats dans la société, ainsi que l'illustre une chronique de maître Spinosi, avocat au Conseil d'État, parue hier dans Le Monde sous le titre : « Avec toutes ces lois sécuritaires, nous construisons les outils de notre asservissement de demain ». Voilà qui est de nature à tous nous interpeller sur des débats d'une actualité brûlante.

L'Union syndicale des magistrats est attachée à l'État de droit et au respect des libertés fondamentales auxquelles participe la séparation des pouvoirs. À ce titre, elle met en garde contre toute remise en cause de la distinction entre police administrative et police judiciaire. Au premier rang des libertés fondamentales se trouve la liberté de manifester publiquement son opinion : il serait inconcevable en démocratie que soit instauré un régime d'autorisation administrative de manifester. Seule l'autorité judiciaire doit pouvoir limiter cette liberté ; pourtant, alors même qu'elle découle de la Déclaration des droits de l'Homme, cette liberté n'est reconnue par aucun texte législatif. Le législateur a manqué l'occasion de le faire dans le cadre de la loi du 10 avril 2019, sur laquelle je reviendrai.

La liberté fondamentale de manifester doit être conciliée avec la nécessaire préservation de l'ordre public, qui garantit la sûreté des personnes impliquées ou non dans les manifestations, à quelque titre que ce soit : les manifestants, les membres des forces de l'ordre et les tiers, qu'ils se soient introduits dans la manifestation ou qu'ils aient été de simples passants. La sûreté des biens est également reconnue par la Déclaration des droits de l'homme et doit évidemment être prise en compte dans la conciliation des libertés fondamentales. Tant qu'aucune infraction n'est commise, on se trouve dans le domaine de la police administrative : l'autorité judiciaire n'intervient que pour autoriser ou requérir des atteintes aux libertés, comme les réquisitions de contrôle d'identité, qui sont prévues aux articles 78-2 et suivants du code de procédure pénale ; mais, en principe, elle n'a pas à s'immiscer dans ce qui relève de la police administrative.

Il en va tout autrement dès qu'une infraction est commise ou qu'une personne se plaint d'en être la victime. C'est alors à l'autorité judiciaire, et à elle seule, d'avoir le monopole des investigations pénales, quelle que soit la qualité du plaignant. Certains, y compris devant vous, je crois, ont dénoncé une différence de traitement selon que le plaignant était un manifestant ou un membre des forces de l'ordre. C'est oublier que ces deux types d'enquête relèvent de deux situations tout à fait différentes : mis à part les militaires en opération, seul un membre des forces de sécurité intérieure peut légitimement faire usage de la force, à la double condition qu'elle soit proportionnée et absolument nécessaire à l'exercice de ses missions. Pour savoir si cette condition est remplie, il faudra une enquête approfondie, qui prendra nécessairement du temps – c'est ce que l'on appelle le temps judiciaire. Il est impératif qu'elle soit menée par une autorité judiciaire indépendante, pour éviter tout soupçon d'une justice qui couvrirait l'action du pouvoir exécutif caractérisée, en l'occurrence, par l'action de la police.

Dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre, les blessures occasionnées aux manifestants sont, le plus souvent, le fait de fonctionnaires d'unités de sécurité publique qui sont amenés à intervenir alors que ce n'est pas leur métier habituel et qu'ils sont parfois insuffisamment formés et équipés : c'est toute la question de l'intervention des brigades anti-criminalité (BAC) au sein des unités de maintien de l'ordre. L'usage d'armes dites intermédiaires comme le lanceur de balles de défense (LBD) est délicat : s'il permet de viser plus précisément que son ancêtre, le flash-ball, et qu'il est interdit de viser au niveau du visage, la cible est mouvante, elle peut se baisser ou être subitement cachée par quelqu'un qui passe ; c'est ainsi que peuvent se produire des accidents, surtout lorsque le fonctionnaire de police n'est pas suffisamment formé à l'usage de cette arme dans les circonstances très difficiles du maintien de l'ordre. On peut concevoir l'usage du LBD dans une intervention de police judiciaire, lors d'une émeute urbaine, par exemple, mais dans le cadre du maintien de l'ordre, dans une manifestation avec beaucoup de personnes, c'est beaucoup plus difficile.

Néanmoins, compte tenu de la mission des forces de l'ordre et de l'augmentation de la violence qu'elles rencontrent de la part des manifestants ou de ceux qui se sont introduits dans les manifestations, il ne paraît pas envisageable de les priver de l'usage de ces armes intermédiaires. Mais il faut que l'usage en soit réservé à des fonctionnaires formés, spécialisés et qui agissent sur les instructions d'un supérieur. De ce point de vue, l'USM approuve les préconisations du schéma national de maintien de l'ordre, qui prévoit explicitement l'intervention d'un superviseur.

Certains dénoncent un prétendu laxisme des juges pour les faits commis en marge des manifestations, soit par des manifestants, soit par des individus s'étant introduits dans la manifestation, en invoquant, d'une part, le faible nombre de condamnations et, d'autre part, leur indulgence injustifiée. Il est vrai que le nombre de classements sans suite et de relaxes est plus important que ce que l'on rencontre d'habitude. Il se justifie en fait par un manque de preuves, en raison de l'insuffisance des procédures établies en cette matière. L'expérience montre que la qualité d'enquêteur de police judiciaire est peu compatible avec la participation aux opérations de maintien de l'ordre et la qualité des procédures s'en ressent : comment concevoir qu'un fonctionnaire de police qui procéderait à une interpellation, dans le cadre du maintien de l'ordre, puisse, sans abandonner sa mission, mener les investigations de police judiciaire ?

Dans ces conditions, on a assisté à un certain nombre de remises en liberté et de classements sans suite des procédures, à la suite d'interpellations manifestement irrégulières au regard de la loi, dans la mesure où elles n'avaient pas été suivies d'une notification des droits des gardés à vue. Qui plus est, les preuves permettant d'incriminer la personne interpellée sont souvent insuffisantes pour justifier des poursuites ou une condamnation : c'est tout le problème de l'identification de la personne auteure de l'infraction. C'est pourquoi l'USM est favorable à l'usage de moyens tels que les drones, à condition qu'ils soient limités à la surveillance de l'espace public dans un cadre juridique déterminé par la loi. Le Conseil d'État avait d'ailleurs eu l'occasion de dire que l'on ne pouvait utiliser les drones sans cadre juridique législatif.

Le second élément qui pourrait permettre d'améliorer les preuves pour exercer des poursuites et obtenir la condamnation des auteurs d'infraction, c'est l'utilisation de produits de marquage ciblé – de l'ADN synthétique – sur la peau ou les vêtements de la personne visée. C'est aussi l'usage des caméras-piétons qui peuvent servir de preuve à la condition que l'on ait l'absolue certitude que la vidéo n'ait pas été manipulée. Mais, pour que ces éléments de preuve soient utiles, encore faut-il que la justice soit dotée de moyens matériels et humains pour les exploiter.

Certains regrettent que les peines d'emprisonnement ne soient ni systématiques ni d'assez longue durée. À ceux-là, il convient de rappeler que le code pénal prévoit bien d'autres peines et que l'emprisonnement ne peut être prononcé que lorsque toute autre peine paraît manifestement inadaptée à la personnalité des prévenus – les profils des personnes interpellées sont extrêmement variables et s'apparentent assez peu souvent à celui de délinquants et casseurs « professionnels », si je puis dire – et aux circonstances des faits. Il arrive aussi que les peines prononcées soient jugées exagérément sévères par d'autres : à l'occasion de débats, on m'a cité des cas de condamnations manifestement disproportionnées au regard des faits commis. Une telle constatation est de nature à relativiser la critique précédente d'une insuffisante sévérité à l'égard des personnes poursuivies à l'occasion de tels événements.

Sur le plan juridique, la dernière loi promulguée dans cette matière est celle du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public dans les manifestations. Cette loi a complété le dispositif législatif antérieur, notamment en permettant d'utiliser les procédures rapides, comme la comparution immédiate ou la convocation par procès-verbal, pour les infractions commises à l'occasion d'attroupements. Elle a aussi prévu la peine complémentaire d'interdiction de manifester. C'était là, à notre sens, l'occasion – manquée – pour le législateur d'ériger, dans un premier temps, la liberté de manifester en principe, avant de présenter, dans un second, ses exceptions. L'USM avait déjà eu l'occasion de souligner que la situation la préoccupait, bien avant les manifestations des Gilets jaunes, à la suite de la réintégration dans le droit commun de mesures auparavant réservées à la lutte contre le terrorisme ou de l'accumulation de nouveaux délits, souvent aux seules fins d'ouvrir la possibilité de placer des personnes en garde à vue – ainsi la création du délit de dissimulation du visage à l'occasion d'une manifestation.

Nous avons également fait savoir que les nombreuses interpellations réalisées à l'occasion de ces manifestations avaient mis la justice en difficulté pour répondre à l'afflux de procédures. Ce problème est à la fois celui des moyens nécessaires à leur traitement – les milliers de gardes à vue à gérer en particulier le week-end – et celui du statut du parquet. En effet, l'insuffisante indépendance du parquet, cautionnée par le Gouvernement et le Conseil constitutionnel, ne permet pas de mettre fin au doute sur la manière dont les procédures sont conduites, et les accusations de complaisance envers les policiers mis en cause peuvent y trouver un fondement. Nous continuons donc à plaider pour une réforme constitutionnelle permettant d'établir la séparation des pouvoirs en France et à penser qu'en l'état de ce statut de plus nombreuses ouvertures d'informations judiciaires seraient nécessaires. Le juge d'instruction est le magistrat indépendant : il doit pouvoir, de façon privilégiée, être chargé de gérer ces affaires particulièrement sensibles. À défaut, il sera très difficile de restaurer le lien de confiance entre le citoyen et les institutions.

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Si je ne suis actuellement pas membre de la commission des Lois, j'y ai siégé pendant cinq législatures. Je connais donc bien votre organisation et je la respecte infiniment. Après plusieurs mois d'auditions, nous avons recueilli beaucoup d'informations, et il est toujours intéressant d'avoir des retours qui se confortent les uns les autres. Le procureur de la République de Paris nous a communiqué hier plusieurs éléments identiques à ceux dont vous venez de faire état.

Au cours de certaines manifestations, énormément de gardes à vue ont été signifiées par les officiers de police judiciaire. M. le procureur a même évoqué le nombre de 1 000 pour une seule journée, pour une quinzaine de parquetiers de permanence, finalement renforcés, dans l'extrême urgence, par quelques autres : manifestement, les effectifs n'étaient pas à la hauteur des besoins. Que pensez-vous de cette façon de procéder qui consiste à mettre en garde à vue un manifestant, moins dans l'intention de le poursuivre devant la justice que pour l'écarter de la manifestation durant douze ou vingt-quatre heures ? Cela peut paraître choquant : on va en garde à vue quand il y a un problème. Mais lorsque 90 % de ces gardés à vue sont libérés au bout de quelques heures, on se demande où étaient les problèmes…

Le Défenseur des droits, que nous avons auditionné, nous a fait part du recours aux contrôles d'identité délocalisés, à la technique de l'encerclement et aux fouilles systématiques en amont des manifestations. Aux yeux de votre organisation, ces pratiques sont-elles de nature à poser difficulté au regard du droit de circuler et d'avoir, si l'on est maçon ou électricien, un tournevis dans sa poche ou dans sa mallette ?

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Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

Il y a bien un déséquilibre total des forces entre les effectifs policiers sur le terrain et les effectifs du ministère public, qui ne sont, quoi qu'il en soit, pas vraiment comparables : il y a à peine 2 000 magistrats du parquet dans toute la France. Quinze parquetiers, cela revient presque à 10 % des magistrats du parquet non spécialisé à Paris.

Les excès de contrôles qui ont été constatés en amont des manifestations des Gilets jaunes ont malheureusement pu être cautionnés par des notes internes au ministère de la Justice, notamment une note d'Olivier Christen, du cabinet du garde des Sceaux, et une autre du procureur, qui indiquait que certains individus pouvaient être retenus un peu plus longtemps en garde à vue pour éviter de les remettre sur le terrain parmi les manifestants. Ces pratiques me paraissent liées à la difficulté extrême de gérer une telle masse de manifestations, tant pour les forces de l'ordre que pour le ministère de la Justice, et un afflux de procédures tout à fait exceptionnel pendant des semaines. Cela a pu conduire à certains excès. La réponse à votre question était un peu comprise dedans…

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Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

Non : il y a eu ces notes, notamment celle du procureur de Paris qui a fait scandale à l'époque – je ne révèle rien de secret. Nous avions trouvé le procédé tout à fait choquant.

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Le Défenseur des droits nous a alertés sur les possibles dérives des contrôles d'identité délocalisés et des fouilles systématiques. Quel regard portez-vous sur ces pratiques ? Les magistrats peuvent-ils vraiment les contrôler ?

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Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

Ces contrôles en amont s'inscrivent dans le cadre de la police administrative : ils ne donnent lieu à aucun compte rendu aux magistrats du parquet. Jacky Coulon pourra compléter ma réponse, puisqu'il a été magistrat du parquet contrairement à moi.

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Jacky Coulon, secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats

Il y a effectivement eu et il y a encore des réquisitions pour des contrôles d'identité ordonnés par le procureur pour éviter des attroupements en vue de commettre des violences. Ces réquisitions sont justifiées par le fait qu'un certain nombre de personnes pouvaient vouloir venir à une manifestation avec des boules de pétanque, alors qu'elles n'avaient pas forcément l'intention de jouer aux boules, ou avec des armes. Le contrôle, dans ces cas-là, est justifié, tout comme le placement en garde à vue. En revanche, lorsqu'une personne a simplement des lunettes de piscine, parce qu'elle a peur de recevoir des gaz lacrymogènes, et qu'elle se fait interpeller, l'interpellation est alors abusive, tout comme le placement en garde à vue, qui est alors levé par le parquet et peut être traité dans le cadre du retour d'expérience, en faisant savoir aux forces de police que telle ou telle interpellation n'était pas justifiée. Cela étant, le principe du contrôle d'identité et des fouilles, sur réquisition du procureur, n'est pas critiquable en soi. Mais son application peut l'être quelquefois.

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Ma prochaine question est un peu en marge du maintien de l'ordre. Le législateur a créé une amende forfaitaire délictuelle pour l'usage de stupéfiants, qui a été mise en application il y a quelques mois. Or la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), dans une circulaire du 31 août 2020, limite sa portée et, partant, l'action du législateur, ce qui me semble assez choquant. À la page 8 de la circulaire, on lit ainsi que l'article L. 3421-1 du code de la santé publique permet de mettre en œuvre la procédure d'amende forfaitaire pour le droit d'usage des stupéfiants sans opérer de distinction entre les produits stupéfiants, puis, juste en dessous, qu'il convient toutefois de réserver le recours à cette procédure à certains produits stupéfiants et uniquement lorsque de petites quantités sont découvertes sur le mis en cause ! L'administration limite ainsi dans deux domaines – la quantité et la nature du produit – l'action du législateur. N'est-ce pas une ingérence énorme ?

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Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

L'expérimentation du dispositif nous a conduits à solliciter les retours de nos collègues, pour savoir ce qu'ils en avaient pensé et la manière dont il était appliqué chez eux. Tous les parquets n'ont pas la même vision du dispositif : plusieurs l'ont limité à certains stupéfiants ; d'autres à une certaine quantité, qui n'est pas non plus la même partout. Nous avons fait valoir que ce n'était pas forcément très cohérent. Je n'avais pas connaissance de la circulaire que vous citez. Mais quand nous avons constaté, au vu des retours des collègues, les différences parfois importantes entre ressorts proches – nous avons d'ailleurs été entendus récemment à ce sujet par la représentation nationale –, nous avons fait savoir que ce type de distinctions de la part de la DACG ne nous semblait pas bienvenu. Nous avons fait valoir que les différences d'application entre les parquets ne nous paraissaient pas liées à des circonstances locales qui auraient justifié une politique pénale différente, dans la mesure où chaque procureur peut appliquer de manière différente le texte. Cela ne nous paraissait pas logique. Dans l'ensemble, il apparaît que l'amende est peu appliquée. Notamment à Marseille, qui l'expérimente depuis septembre, nos collègues constatent qu'il y a très peu de procédures et qu'elles concernent des personnes qui n'auraient peut-être pas fait l'objet d'une procédure antérieurement : le policier se serait probablement contenté d'écraser le joint… Désormais, pour les gens relativement conciliants, à défaut d'écraser le joint, il délivre cette amende. Néanmoins, on a plus l'impression qu'il s'agit d'une politique du chiffre de la part de la préfecture de police que d'une véritable politique pénale cohérente.

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Dans la mesure où c'est une amende forfaitaire délictuelle, basée sur l'acceptation et qui est immédiatement transmise, de manière électronique, au service de Rennes, elle peut échapper aux parquets locaux, ce qui expliquerait qu'ils n'en aient qu'une vue partielle. Nous n'avons en effet pas les mêmes chiffres. Si l'on réintègre toutes ces amendes électroniques, on s'aperçoit que le dispositif fonctionne plutôt bien.

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Votre organisation a-t-elle été, de près ou de loin, concernée par la réflexion sur le nouveau schéma du maintien de l'ordre ?

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Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

Absolument pas. Nous avons des syndicats partenaires dans d'autres professions. L'un d'entre eux, dans la police, nous a prévenus quand ce nouveau schéma a été annoncé, puis quand il est sorti, mais c'est tout.

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Auriez-vous souhaité être sollicités ? L'évolution du schéma va-t-elle dans le bon sens pour vous ou relevez-vous des sources de difficultés à venir ?

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Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

Certains points ne nous semblent forcément pas très clairs, notamment sur le lien avec le judiciaire. La manière d'utiliser les moyens du maintien de l'ordre en manifestation ne nous regarde que de très loin – plus comme citoyens que comme magistrats, en réalité. Nous avons discuté entre nous de ce que pouvaient recouvrir exactement ces liens avec le judiciaire ; nous n'en savons rien, puisque nous n'avons pas été associés et que nous n'avons pas reçu d'explications de notre ministère. La mention de journalistes titulaires d'une carte presse, accrédités auprès des autorités, a également retenu notre attention. Mais c'est surtout ce lien avec le judiciaire qui nous intrigue : il est fait mention d'une plus grande intégration du judiciaire au dispositif, mais nous ne voyons pas très bien ce que cela recouvre exactement.

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Peut-être s'agit-il de la présence d'un magistrat dans les salles de commandement pour vérifier comment les choses s'organisent sur le terrain ?

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Céline Parisot, présidente de l'Union syndicale des magistrats

Si c'est de cela qu'il s'agit, nous y sommes clairement opposés. Une intégration directe du parquet dans le dispositif de maintien de l'ordre nous paraît tout à fait inadaptée : chacun son rôle. Pour nous, le parquet doit rester physiquement et symboliquement distinct des forces de l'ordre. La réponse judiciaire doit se faire avec un minimum de recul. Même si elle a désormais lieu en temps réel avec la permanence pénale, elle n'est pas non plus faite à chaud sur place. Le préfet est responsable du maintien de l'ordre et le procureur de la réponse judiciaire : ce sont deux choses différentes. Il nous semble que la présence d'un parquetier sur place lui ferait courir un risque d'instrumentalisation très important, d'autant qu'il serait dans l'impossibilité matérielle de contrôler directement chaque interpellation, ce qui n'est de toute façon pas son rôle : il y a des procédures pour cela. S'il est indispensable d'améliorer la prise en compte de la dimension judiciaire des débordements liés au maintien de l'ordre, cela relève, d'après nous, de la responsabilité des services de police et de gendarmerie : c'est à eux qu'il revient de mobiliser préventivement sur le terrain, à cette fin, des équipes d'officiers de police judiciaire et d'agents de police judiciaire, en plus des effectifs de maintien de l'ordre, pour offrir de meilleures conditions de judiciarisation et, comme le disait Jacky Coulon tout à l'heure, faciliter l'établissement de la preuve.

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Je vous remercie d'être venus jusqu'à nous numériquement pour cette audition très intéressante.

La séance est levée à 16 heures 45.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Jérôme Lambert