Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 26 mai 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • annulation
  • consommé
  • exécution
  • procède à l'annulation
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La réunion

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La commission examine le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020 (n° 4090)

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Nous examinons ce matin le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020, inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée le mercredi 16 juin. Le calendrier est un peu particulier, puisque les ministres, Bruno Le Maire et Olivier Dussopt, sont venus nous le présenter le 14 avril et ont avancé son dépôt, pour nous permettre de préparer au mieux le Printemps de l'évaluation.

Ce projet de loi de règlement est historique, au sens fort du terme, l'écart par rapport à la loi de finances initiale étant de plus de 80 milliards d'euros – augmentation des dépenses et baisse des recettes confondues. La LFI n'est alors plus un repère ; et ce projet de loi devient l'histoire d'une crise.

Articles liminaire à 4

La commission adopte successivement les articles liminaire, 1er, 2, 3 et 4 sans modification.

Après l'article 4

La commission est saisie de l'amendement CF4 de M. Jean-Louis Bricout.

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Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport qui justifie l'annulation des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) non consommés en 2020 et non reportés de la mission Travail et emploi. En effet, l'article procède à l'annulation d'autorisations d'engagement non consommées et non reportées, concernant principalement le programme Accès et retour à l'emploi, à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Il procède, par ailleurs, à l'annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés, à hauteur de 41,6 millions d'euros.

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La sous-consommation des autorisations d'engagement de cette mission est particulièrement problématique. Sa rapporteure spéciale, Marie-Christine Verdier-Jouclas, l'a d'ailleurs noté de son côté. Vous avez raison : ces AE doivent être mieux gérées. En réalité, elles sont initialement sur-budgétisées, ce qui conduit, année après année, à les annuler, parce qu'elles sont devenues sans objet. Ce point fait partie des axes d'amélioration que nous devrons présenter à la ministre lors du Printemps de l'évaluation. En revanche, je ne pense pas qu'il y ait besoin d'un rapport sur le sujet. Avis défavorable.

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Nous avons le même débat tous les ans, notamment sur le financement des maisons de l'emploi et de la formation, dont l'action est assez remarquable. Même si elles sont certainement satisfaites de leur financement, il ne serait pas inutile qu'elles aient plus d'argent. Alors qu'il y a des besoins dans le domaine, des crédits sont annulés. C'est surprenant.

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La question se posera de nouveau cette année et ne doutez pas que nous ferons de nouveau le nécessaire pour accompagner les maisons de l'emploi, parce qu'une majorité d'entre elles fonctionnent et que celles qui ne fonctionnaient pas ont disparu. Je vous confirme que, dans le rapport que je présenterai en commission d'évaluation des politiques publiques (CEPP), je donnerai des explications claires concernant ces annulations d'AE.

La commission rejette l'amendement CF4.

La commission est saisie de l'amendement CF5 de M. Jean-Louis Bricout.

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Il vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport qui justifie l'annulation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement non consommés en 2020 et non reportés de la mission Action extérieure de l'État. L'article 4 procède à l'annulation d'autorisations d'engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 43,6 millions d'euros, qui portent principalement sur les programmes Français à l'étranger et affaires consulaires et Action de la France en Europe et dans le monde. Il procède, par ailleurs, à l'annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 42,8 millions d'euros.

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Une grande partie des annulations relatives au programme 151 s'explique par le fait que les crédits avaient été ouverts à hauteur de 50 millions d'euros en troisième loi de finances rectificative au titre d'une aide de secours occasionnel de solidarité à nos compatriotes de l'étranger. Or la consommation n'a été que de 4,7 millions d'euros d'aides allouées à un peu moins de 30 000 bénéficiaires en 2020. Quant à l'autre programme de la mission, son enveloppe a été sous-consommée en raison de la crise sanitaire et de la non-utilisation des bourses de mobilité de courte durée, des échanges d'experts et des dépenses de fonctionnement. Demande de retrait.

L'amendement CF5 est retiré.

La commission est saisie de l'amendement CF6 de M. Jean-Louis Bricout.

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C'est encore une demande de rapport, concernant cette fois la mission Administration générale et territoriale de l'État. L'article procède à l'annulation des autorisations d'engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 145,4 millions d'euros, qui portent principalement sur le programme Administration territoriale de l'État. Il procède, par ailleurs, à l'annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 33,7 millions d'euros.

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Le niveau d'exécution de cette mission est très satisfaisant, à 97,5 %. Nous l'avons vu hier en CEPP : le périmètre a été modifié, ce qui explique qu'un milliard d'euros aient été attribués à la mission. S'ils sont facialement importants, ils représentent en fait davantage des modifications de périmètre des missions que de l'argent frais supplémentaire. La gestion de la crise a conduit à quelques retards d'investissement, ce qui explique le léger décalage. Notre rapporteure spéciale, Jennifer de Temmerman, en a parlé en présentant son rapport d'évaluation pour la mission Administration générale et territoriale de l'État. Demande de retrait.

L'amendement CF6 est retiré.

La commission en vient à l'amendement CF7 de M. Jean-Louis Bricout.

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Il y est question de la mission Défense. L'article procède à l'annulation des autorisations d'engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 728,3 millions d'euros, qui portent principalement sur les programmes Équipement des forces, à hauteur de 319,3 millions d'euros, Soutien de la politique de la défense, pour 195,8 millions d'euros, et Préparation et emploi des forces, pour 186,6 millions d'euros. Il procède, par ailleurs, à l'annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 166,4 millions d'euros.

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Rappelons que plus de 3,4 milliards d'euros supplémentaires ont été exécutés entre 2018 et 2020 dans le cadre de la mission Défense. Le taux d'exécution est aussi très satisfaisant, puisqu'il s'élève à 98,6 % pour les autorisations d'engagement et à 99,6 % pour les crédits de paiement. Demande de retrait.

L'amendement est retiré.

La commission en vient à l'amendement CF8 de M. Jean-Louis Bricout.

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La demande de rapport concerne la mission Enseignement scolaire. L'article procède à l'annulation des autorisations d'engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 179,5 millions d'euros, qui portent principalement sur le programme Enseignement scolaire public du second degré. Il procède, par ailleurs, à l'annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 172,8 millions d'euros.

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Ces 172,8 millions d'euros ne représentent que 0,3 % des crédits de la mission. Aussi peut-on considérer que le taux d'exécution est extrêmement satisfaisant. Je rappelle que l'on vote des plafonds de crédits et qu'il est donc normal que la gestion ne corresponde pas à l'euro près à notre autorisation initiale. Ce qui compte, c'est que les taux d'exécution dépassent les 95 ou 96 %, ce qui est nettement le cas en l'espèce. Demande de retrait.

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On peut effectivement se satisfaire de la bonne exécution de ces crédits. Mais il y a sur le terrain des tensions en ce qui concerne les moyens du second degré. 172,8 millions d'euros ne sont pas rien, même si c'est peu par rapport à l'ensemble. Vous comprendrez que l'on puisse s'étonner que ces crédits n'aient pas été utilisés.

L'amendement CF8 est retiré.

La commission examine l'amendement CF9 de M. Jean-Louis Bricout.

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La demande de rapport concerne cette fois la mission Sécurités. L'article procède à l'annulation des autorisations d'engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 302,2 millions d'euros, qui portent principalement sur les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale, alors que de nombreux besoins ont été identifiés dans les territoires. Il procède, par ailleurs, à l'annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 99,3 millions d'euros.

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Nous votons à l'automne des crédits spécialisés, que nous ne pouvons pas transférer ailleurs selon le principe des vases communicants. Cela dit, cette mission dans son ensemble a un niveau d'exécution satisfaisant : 98,6 % en AE et 99,3 % en CP. L'exécution peut être considérée comme conforme à notre vote. Demande de retrait.

L'amendement CF9 est retiré.

La commission est saisie de l'amendement CF10 de M. Jean-Louis Bricout.

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Même punition, avec la mission Justice. L'article procède à l'annulation des autorisations d'engagement non consommées et non reportées pour cette mission, à hauteur de 149 millions d'euros, qui portent principalement sur le programme Administration pénitentiaire et Conduite et pilotage de la politique de la justice. Il procède, par ailleurs, à l'annulation de crédits de paiement non consommés et non reportés pour cette mission, à hauteur de 60 millions d'euros.

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La mission est exécutée à 90 % en AE et à 98,6 % en CP. Pour ce qui est des crédits de paiement, la sous-consommation est essentiellement due à une moindre utilisation de l'aide juridictionnelle, notamment du fait du ralentissement de l'activité des juridictions lors du premier confinement. Je vous renvoie à l'échange que nous avons eu avec la Cour des comptes la semaine dernière à ce sujet. Pour les autorisations d'engagement, le taux de 90 % peut paraître encore un peu faible. Il faut rappeler qu'il était de 80 % en 2019 et de 77 % en 2018, donc nous sommes en forte progression. C'est une mission qui est toujours compliquée, en particulier à cause de la construction des centres pénitentiaires qui pose souvent problème en matière d'exécution des AE. Demande de retrait.

L'amendement CF10 est retiré.

Articles 5 à 8

La commission adopte successivement les articles 5, 6, 7 et 8 sans modification.

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Qui souhaite prendre la parole avant le vote sur l'ensemble du projet de loi de règlement ?

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L'année 2020 restera hélas dans les annales comme celle de la pire récession du XXIe siècle et, par conséquent, comme une année noire pour nos finances publiques : le déficit atteint 9,2 % du PIB et la dette explose, à 115,7 %, tandis que le PIB se contracte de plus de 8 %.

Mais tout ne peut pas être attribué à la pandémie. Nous, Les Républicains, avons partagé l'impératif du « quoi qu'il en coûte » et avons toujours défendu les mesures de soutien à l'activité économique pendant la crise, comme les dépenses de relance par l'investissement. Nous regrettons toutefois que le Gouvernement laisse autant déraper les dépenses de fonctionnement, sans lien avec la crise. La Cour des comptes est d'ailleurs très critique au sujet des dépenses hors covid : à ses yeux, la hausse inédite des dépenses publiques ne s'explique pas uniquement par la crise sanitaire ; les dépenses ordinaires ont même augmenté de 6,7 milliards d'euros en 2020. Cela confirme le peu de maîtrise des dépenses publiques de la part du Gouvernement actuel.

Un exemple : Bercy a annoncé la création de plus de 5 000 postes de fonctionnaires de l'État pour 2020, alors que le Président de la République avait promis, pendant sa campagne, de réduire de 50 000 le nombre de ces postes au cours du quinquennat. C'est incompréhensible.

Dans le même temps, la Cour des comptes estime que l'exécutif a gonflé exagérément les montants des aides économiques allouées lors de la crise, afin de rassurer les Français et de mettre en avant son propre volontarisme politique. En effet, la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, dotée de 69,7 milliards d'euros de crédits, n'en a consommé que 41,8, ce qui représente une sous-exécution de près de 29 milliards.

Contrairement à l'Allemagne, la France a été incapable, ces dernières années, d'engager des réformes structurelles et d'entreprendre des efforts pour équilibrer ses comptes publics ou tenter de se désendetter. En 2019, vingt-trois des vingt-huit pays de l'Union européenne se sont désendettés, tandis que la France faisait partie des cinq dont la dette continuait d'augmenter. C'est cela, la réalité ! Et, inévitablement, ce sont les générations à venir qui vont payer. Le groupe Les Républicains ne peut cautionner une telle gestion des finances publiques au cours des trois premières années du quinquennat, d'autant moins qu'entre 2017 et 2019, la conjoncture aurait permis de désendetter notre pays.

Enfin, nous sommes catégoriquement opposés à toute perspective de hausse d'impôts, notre taux de prélèvements obligatoires battant déjà un record parmi les pays européens en 2020. Or, s'il affirme ne pas modifier la pression fiscale, le Gouvernement augmente néanmoins de manière mécanique les impôts des Français en prolongeant la durée de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au moins jusqu'en 2033, au lieu de 2024 comme initialement prévu.

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Mon analyse sera évidemment un peu différente, même si tout n'est pas à jeter dans ce qui vient d'être dit : on a raison de réclamer des efforts – mais c'est par tous qu'ils auraient dû être faits, depuis au moins une vingtaine d'années !

Concernant la loi de règlement, plusieurs aspects sont exceptionnels. D'abord, la période : nous en avons subi les conséquences et nous ne sommes pas responsables de l'ensemble des mesures dont nous avons eu besoin pour remédier aux difficultés de nos concitoyens, notamment en matière économique. Le rebond que nous connaissons prouve qu'il était nécessaire d'injecter de l'argent public dans l'économie, peut-être même au-delà de ce que nous devions faire : les effets économiques et sociaux sont là en 2021.

Les chiffres sont eux aussi exceptionnels. Le déficit est conséquent, comme cela vient d'être dit ; nous devrons l'assumer ensemble et trouver les solutions permettant d'aborder les prochaines années, en comblant les besoins de financement, mais aussi, peut-être, en procédant aux réformes nécessaires qui n'ont pas été faites pendant vingt ans – nous en sommes probablement responsables, mais tout le monde l'est.

Enfin, l'action publique nécessite des efforts. En commission comme dans l'hémicycle, quand on touche à une politique publique, tous s'y opposent ; il va pourtant falloir s'asseoir autour de la table pour réformer les politiques publiques à long terme, et non à court terme comme nous avons l'habitude de le faire.

Évidemment, le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés votera pour le projet de loi de règlement et approuve toutes les mesures qui ont été prises pour faire face à la crise.

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Il est certain que 2020 restera dans les annales, tant l'exécution du budget a été affectée par la crise sanitaire et par la crise économique sans commune mesure qui en découle. Le quasi-doublement du déficit du budget de l'État reflète une mobilisation totale et sans précédent pour protéger les Français et soutenir les ménages et les entreprises – c'est le message principal du présent texte de loi. Près de 42 milliards d'euros ont été mobilisés dans le cadre de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire pour le Fonds de solidarité, l'activité partielle, la compensation des allégements de cotisations de sécurité sociale ; ces mesures exceptionnelles ont contribué à la résilience de l'économie. Lorsque nous avons voté le quatrième projet de loi de finances rectificative, les projections concernant le PIB étaient beaucoup plus négatives que ce qui apparaît dans la loi de règlement ; de ce point de vue, celle-ci est une bonne nouvelle. De plus, la relance se passe plutôt mieux en France que chez certains de nos voisins européens, notamment celui qui a été cité…

Le texte témoigne de la rapidité, de l'efficacité et du caractère massif du plan de relance. Ce sont 10 milliards en autorisations d'engagement et environ 9 en crédits de paiement, soit 10 % du montant de ce plan, qui ont été consommés dès 2020. Notre engagement à déployer rapidement les crédits de la mission Plan de relance est donc respecté. Et les mesures touchent tous les territoires. Par exemple, selon les derniers chiffres, actualisés en avril, en Île-de-France, ce sont 4 669 TPE et PME qui ont bénéficié de l'aide à la numérisation, 84 000 contrats d'apprentissage qui ont été signés et ouvrent droit à l'aide exceptionnelle, environ 54 000 primes qui ont été versées pour l'embauche d'un jeune, 42 000 bonus écologiques et primes à la conversion qui ont été octroyés. Voilà le signe d'un Gouvernement pleinement mobilisé pour protéger nos concitoyens face à la crise économique produite par une crise sanitaire inédite. Nous devrions tous nous en réjouir.

Le groupe La République en marche votera pour le projet de loi de règlement.

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On connaît la phrase d'Alphonse Allais : « Une fois qu'on a passé les bornes, il n'y a plus de limites. » Ce projet de loi de règlement montre précisément que vous avez aboli toutes les limites, au point que l'on se demande à quoi peut bien servir un ministre chargé des comptes publics.

Je ferai trois remarques. La première concerne la politique d' open bar budgétaire. Je ne la critique pas : nous avons voté plusieurs des collectifs de l'année dernière. Le problème, c'est que l'on a renoncé à toute politique d'économie, alors que les deux étaient parfaitement conciliables. Le rapport de la Cour des comptes le souligne, d'ailleurs : il n'y a plus aucun effort d'économie. C'est fini : open bar !

Mais l' open bar n'a qu'un temps. Il durera, bien entendu, jusqu'à la présidentielle : j'attends avec impatience le projet de loi de finances pour 2022, qui continuera évidemment cette politique. Pour la suite, je souhaite bien du plaisir au ministre des finances qui sera désigné après les élections présidentielle et législatives, et si je suis encore parmi vous à ce moment-là, je lui présenterai dès sa nomination mes condoléances.

Ma deuxième observation porte sur un sujet qui n'intéresse personne tant il est important : le bilan de l'État. On ne le commente jamais. Un Premier ministre avait déclaré, peut-être imprudemment, qu'il était à la tête d'un État en faillite. Dans une entreprise privée, qu'est-ce qu'une faillite ? C'est le fait que l'actif net soit négatif. Or voici les chiffres : la situation nette de l'État est négative de 1 536 milliards d'euros. Les actifs de l'État représentent 1 168 milliards ; son passif, 2 705 milliards. Et encore, je suis gentil : je ne tiens pas compte des engagements hors bilan, notamment en matière de retraites – 2 000 milliards supplémentaires d'après l'ordre de grandeur inscrit dans la loi de règlement. Nous sommes donc en faillite.

Or les déficits accumulés, bien avant 2020, sont massivement des déficits de fonctionnement. Je me tue à dire, année après année, que, dans le budget de l'État, il n'y a plus que 5 % d'investissement. Il y a encore quelques élus locaux parmi nous : que serait le budget de notre commune, de notre département, de notre région si nous n'investissions plus que 5 % de son montant ? C'est simple : cela voudrait dire que tout fout le camp !

Troisième observation, assez inquiétante : les 30 milliards de report de 2020 sur 2021. On n'a jamais vu ça ! La LOLF dispose que de tels reports doivent être limités au niveau des programmes et plafonnés à 3 %. Ici, on est bien au-delà – le Gouvernement peut lever ce plafond de 3 %. Ne nous y trompons pas : pourquoi le Gouvernement a-t-il fait cela ? Pour donner l'illusion, dans la loi de finances pour 2021, d'un déficit inférieur à ce qu'il allait être. J'attends donc également avec impatience la loi de règlement 2021, en espérant que nous en discuterons avant les élections présidentielle et législatives…

Voilà les trois raisons pour lesquelles le groupe Libertés et territoires votera contre le projet de loi de règlement.

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Je commencerai par un propos plus politique sur l'année écoulée, une année inédite par l'ampleur du choc économique auquel notre pays a fait face, subissant une récession de 8,2 %. En réaction à cette crise, le Gouvernement a recouru à différents dispositifs de soutien, essentiellement tournés vers les entreprises, en permettant à celles-ci de mettre une partie de leurs salariés en chômage partiel et de disposer d'une indemnisation grâce au Fonds de solidarité. Nous l'avions dit au début – nous n'étions d'ailleurs pas les seuls : le soutien apporté par ce dernier était insuffisant dans sa version initiale. Il a évolué dans le bon sens.

Mais, pour nous, ces mesures n'ont pas assez protégé les ménages et des pans entiers de la population ont été oubliés – intermittents, étudiants, intérimaires, auto‑entrepreneurs… Bien que les Français aient beaucoup épargné en 2020, n'oublions pas que les 20 % les plus modestes d'entre eux se sont endettés, que le nombre de pauvres a augmenté de près d'un million de personnes. De ce point de vue, vous avez échoué et votre tropisme en faveur des entreprises a été confirmé par la crise sanitaire.

Je ne reviens pas sur les aspects techniques relatifs à la sous-consommation, à propos desquels quelques réponses ont été apportées.

Enfin, malgré nos demandes réitérées, les mesures de relance et de soutien n'ont pas fait appel aux plus aisés, aux grandes fortunes, aux très grosses entreprises, qui ont continué de distribuer des dividendes. Pour nous, plus encore qu'une erreur, c'est véritablement une faute, d'autant que plane maintenant le spectre de la baisse des dépenses publiques. Car il faut bien financer tout cela ; et c'est à celles et ceux qui ont le moins – toujours aux mêmes – que l'addition sera finalement présentée.

Compte tenu de cette situation, vous comprendrez que nous ne votions pas le projet de loi de règlement.

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L'exécution du budget 2020 a laissé des traces profondes dans les finances publiques. J'attendrai le débat dans l'hémicycle pour aborder les désaccords politiques concernant les orientations budgétaires, le plan de relance ou l'équilibre entre les politiques de l'offre et de la demande. Je veux en revanche vous poser des questions techniques pour tenter d'y voir plus clair dans l'exécution budgétaire.

Quel est le montant de l'augmentation mécanique des dépenses publiques, hors mesures d'économie et dépenses imprévues, consécutive aux projets de loi de finances rectificative ? Quel est le montant des économies imposées par la crise – achats reportés, chantiers mis en pause, dispositifs annulés ?

Parallèlement, quel est le montant de la diminution mécanique des recettes, hors mesures adoptées en PLFR ? Ce serait une façon de mesurer l'impact du covid-19. Pourriez-vous chiffrer les recettes dont vous avez choisi de vous priver à l'occasion des PLFR ? Je pense par exemple au report et à l'annulation de cotisations destinés à donner de l'air aux entreprises.

Combien la crise a-t-elle coûté aux finances publiques en 2020 ? Vous avez reporté environ 30 milliards de crédits de 2020 à 2021, préférant prévoir trop en 2020 plutôt que trop peu – cela peut s'entendre. J'aimerais tout de même savoir quels dispositifs ont été créés afin d'évaluer si les publics cibles des aides ont effectivement pu y avoir accès et, si ce n'est pas le cas, pour quelles raisons – je pense notamment aux étudiants. Je ne reviendrai pas sur les mesures d'annulation de crédits, qui ont été abordées pendant l'examen des amendements.

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Je serai bref car beaucoup de ces questions ont déjà été débattues, soit lors de l'audition des ministres sur ce projet de loi, soit pendant l'examen du décret d'avance, qui a permis de donner des explications sur le report des crédits de l'année 2020.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, il faut entrer dans le détail : financer des recrutements et du matériel pour les policiers et les gendarmes, ou pour une justice de proximité plus efficace, cela relève de la dépense de fonctionnement. On ne peut pas considérer que nos enseignants ne sont pas assez rémunérés et leur consacrer un effort budgétaire de 400 millions d'euros, inédit et nécessaire, pour ensuite laisser dénoncer un dérapage des dépenses de fonctionnement : il faut être cohérent. Les dépenses de fonctionnement n'augmentent que pour les politiques publiques que nous estimons prioritaires, à savoir la sécurité, l'éducation, la justice, la transition écologique, etc. Nous aurons l'occasion de tenir à nouveau ce discours de cohérence lors de l'examen des prochains projets de loi de finances.

Concernant la sous-exécution de la mission Plan d'urgence face à la crise sanitaire, je rappelle que c'est le Parlement qui a voté l'autorisation du report des crédits non consommés. L'ouverture de crédits initiale était très large et, pour éviter une sous-exécution en 2020, nous avons adopté un amendement du Gouvernement à l'article 102 du projet de loi de finances pour 2021 autorisant le report de ces crédits sur l'exercice suivant. Cela a ensuite permis au Gouvernement de présenter un projet de décret d'avance dûment. Tout cela a naturellement été fait sous le contrôle du Parlement.

La dette publique de notre pays a considérablement augmenté, à la fois en pourcentage de PIB et en valeur – elle avait déjà très fortement augmenté, de quarante points, lors de la crise précédente, en 2008. C'est une des conséquences de la gestion de la crise. Le financement massif pour sauver notre économie et les salariés, et pour aider les plus fragiles d'entre nous, coûte beaucoup d'argent et impose de recourir à l'endettement public. Il est nécessaire de définir les trajectoires de stabilisation puis de réduction de la dette, mais celle-ci est indispensable pour faire face à la situation. Je partage en outre l'idée qu'il ne faut surtout pas augmenter les impôts en réponse à la crise.

Par ailleurs, l'actif net de l'État est négatif par construction : un État n'est pas une entreprise ! L'État ne peut pas inscrire à l'actif certaines immobilisations en regard de ses dépenses, comme le ferait une entreprise, car il a des services publics à gérer et des fonctionnaires à payer. La situation n'est pas tout à fait comparable. C'est d'ailleurs pour cela qu'on nous prête alors que la situation financière nette de l'État est négative.

Financer des entreprises, c'est d'abord sauver des emplois, monsieur Dufrègne, et je suis sûr qu'au fond, vous êtes d'accord avec cela. Nous devons faire attention à ne pas répandre l'idée qu'au nom du « quoi qu'il en coûte », tous les crédits votés en 2020 auraient été alloués à « l'entreprise », comme si celle-ci était un objet flottant, sans vie à l'intérieur. L'activité partielle ne consiste pas à sauver des entreprises, mais avant tout à permettre à notre économie de maintenir les niveaux de salaire alors que les activités économiques sont à l'arrêt. On évoque souvent la « politique de l'offre » ou la « politique de l'entreprise » : s'il est important de maintenir en vie notre économie, ce sont d'abord les emplois qui ont été sauvés pendant la crise grâce au maintien de la trésorerie des structures qui les accueillent, c'est-à-dire, pour beaucoup d'entre elles, des entreprises. Je veux vraiment que l'on prenne garde à ce discours : l'on n'oppose pas le sauvetage des entreprises à la vie des gens ; sauver les entreprises, c'est d'abord préserver les emplois, donc éviter aux ménages de sombrer dans la précarité.

Enfin, en 2020, nous avons accordé à deux reprises des aides exceptionnelles aux publics les plus fragiles, notamment par le versement d'une aide de 150 euros plus 100 euros par enfant. La collectivité a consacré beaucoup d'argent au soutien des plus précaires, au maintien de notre économie, de la trésorerie des entreprises et donc des emplois en 2020 : nous pouvons nous en satisfaire collectivement. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines, lors de l'examen du prochain PLFR, et de poursuivre en 2021 le soutien à notre pays.

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Il ne faut pas confondre l'opportunité de la dépense avec les règles budgétaires qui la conditionnent. Nous pourrions discuter de la manière dont vous avez dépensé l'argent, mais c'est un autre sujet. Ce qui me frappe dans vos réponses, c'est que vous n'avez à aucun moment explicité la raison pour laquelle l'essentiel des sommes finance le déficit de fonctionnement plutôt que l'investissement, ni fixé un point d'atterrissage. Après un an de « quoi qu'il en coûte », quelle trajectoire souhaitez-vous adopter ?

Vous faites un peu comme si vous n'étiez pas certains d'être réélus en 2022 : la situation financière de la France risque alors d'être catastrophique et on dirait que vous ne vous en préoccupez pas, considérant que ce sera à d'autres de la gérer. Nous avions déposé avec quelques collègues une proposition de résolution invitant le Gouvernement à présenter un plan quinquennal de désendettement public ; nous devrions en débattre aujourd'hui. Je comprends vos arguments sur l'actif – je ne vous demanderai pas comment vous valorisez des actifs tels que La Joconde ou l'Obélisque de la place de la Concorde –, mais vous n'avez pas été très disert sur la trajectoire de la dette ni sur le point d'atterrissage de votre politique.

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Un projet de loi de règlement raconte une histoire, qui obéit en général à une norme. Celui-là ne se situe pas dans la norme : il témoigne d'une crise, et il en ira vraisemblablement de même en 2021.

Je partage l'avis de Julien Aubert sur la trajectoire des dépenses publiques. Le programme de stabilité a été envoyé à la Commission européenne, mais le Gouvernement n'a pas annoncé de programmation des finances publiques. On peut le comprendre car elle serait probablement fausse le jour où elle serait publiée, mais l'annonce, à un moment donné, d'une volonté de maîtriser la dépense publique me semble indispensable.

Le déficit public de l'État a été majoré de 84 milliards d'euros, ce qui est considérable. Il est vrai que c'est la conséquence d'un manque de réformes ces vingt dernières années, même s'il n'y a jamais eu d'absence de réformes – il y a eu beaucoup de réformes, mais jamais celle qu'on attendait. C'est le propre de notre pays.

La vraie question est de savoir comment rebondir, comment écrire l'histoire de demain, grâce au projet de loi de finances rectificative qui nous sera présenté bientôt. Cela met en jeu notre capacité à créer une phase de transition entre l'urgence et la relance, qui ne dure pas au-delà de la crise et permette d'obtenir des contreparties aux éventuelles dépenses de fonctionnement supplémentaires. L' open bar de Charles de Courson est le seul qui soit resté ouvert ! Il faudra bien non pas le fermer, mais montrer qu'on a utilisé la relance pour améliorer nos capacités de production et rattraper le temps perdu. Tout cela reste à écrire, et notre commission aura vocation à y participer dans les mois qui viennent, même si ces mois seront de plus en plus politiques, et donc de plus en plus difficiles à décrypter.

La Cour des comptes a chiffré les dépenses supplémentaires hors covid-19 en 2020 à environ 6 à 7 milliards d'euros – nous les avions évaluées à peu près au même niveau. Cette somme, loin d'être négligeable, va bien au-delà de la moyenne des cinq ou six dernières années. Méfions-nous de l'impression de facilité engendrée par cette crise.