Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du mardi 1er décembre 2020 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • discrimination
  • hexagone
  • martinique
  • mayotte
  • métropole
  • outre-mer
  • racisme
  • ultramarins
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La réunion

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La mission d'information procède à l'audition de M. Mikaël Quimbert, adjoint au sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer.

La séance est ouverte à 18 heures 10.

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Dans notre série d'auditions consacrées à l'outre-mer, nous avons le plaisir de recevoir M. Mikaël Quimbert, sous-directeur adjoint des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer.

Notre mission embrasse un champ très large pour traiter des questions liées au racisme, qu'il soit de formes connues ou nouvelles et souvent pernicieuses. Nous essayons de nous attacher aux questions d'histoire, de mémoire, d'éducation, de rapport aux institutions et notamment à l'institution policière. Nous traitons des discriminations susceptibles de porter atteinte à la promesse républicaine d'égalité. Dans cette perspective, nous portons aux questions relatives à l'outre-mer et aux relations entre l'outre-mer et la République une attention fondamentale.

Dans le cadre de notre mission, Mme la rapporteure a effectué un déplacement en Martinique. Nous avons également auditionné M. Jean-François Colombet, préfet de Mayotte. Nous considérons que le ministère des outre-mer est à la croisée des problématiques que je viens d'évoquer, notamment celles de l'éducation, de la sensibilisation, du travail de mémoire et des préjugés et actes racistes en outre-mer et dans l'Hexagone.

Votre regard, monsieur Quimbert, nous sera précieux dans le cadre de cette étude et de nos réflexions. Notre rapport a pour objectif de dresser un état des lieux et surtout de formuler des propositions les plus concrètes possibles pour lutter contre le racisme, les ressentiments et les affrontements, qui peuvent aussi avoir lieu au sein de la population française et dans ses relations avec les outre-mer.

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Effectivement, j'ai eu la possibilité d'effectuer quelques journées d'auditions très riches à la Martinique il y a quelques semaines. Cela m'a montré que l'éloignement géographique d'un Hexagone – et non « métropole », ce terme est très mal perçu à la Martinique –, un centre de décisions éloigné, une histoire coloniale de l'esclavage et des services publics qui ne sont pas à la hauteur des attentes des Martiniquais laissaient entendre à certains activistes martiniquais que nous étions encore dans un État colonial. De façon générale, les Martiniquais ont un sentiment de rémanence et de discriminations qui persistent, qui font des dégâts et que notre mission a à cœur d'examiner.

L'audition précédente a relativisé la situation des différents territoires d'outre-mer. Peut-être pouvez-vous nous aider à dresser les lignes communes à tous ces territoires d'outre-mer qui ont chacun des spécificités très précises.

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Mikael Quimbert, adjoint au sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer

. L'audition du préfet de Mayotte est très complémentaire à la mienne. Aussi, il est intéressant d'enchaîner ces deux interventions. Le préfet de Mayotte, fort de son expérience de terrain à Mayotte, à la Guadeloupe et à La Réunion, a pu vous faire toucher du doigt l'épaisseur de la problématique de la question mahoraise. Vous avez pu voir la réalité du terrain en Martinique. Nous évoquerons probablement d'autres situations très singulières comme celle de la Guyane.

Les outre-mer ont effectivement quelques points communs, mais beaucoup de spécificités. Le rôle du ministère des outre-mer est bien d'essayer de défendre ces spécificités au sein de l'appareil administratif français et celles du ministre au sein du gouvernement.

Je remercie le préfet Colombet pour son intervention utile, car proche des réalités du terrain, l'administration centrale pouvant avoir tendance à être stratosphérique.

En premier lieu, le ministère des outre-mer est une petite maison qui a une administration de mission et de coordination. Il n'a pas vocation à se substituer aux ministères chefs de file sur l'ensemble des politiques publiques. Sur celles qui nous intéressent, les ministères de la justice, de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche ont pleine vocation à définir et mettre en œuvre leurs politiques publiques en intégrant la dimension de lutte contre le racisme et les discriminations dans l'ensemble des territoires d'outre-mer. Dans certains territoires tels, que le Pacifique, les compétences sont transférées aux gouvernements locaux.

Dans ce contexte, la politique de lutte contre le racisme se met en œuvre en outre-mer comme en métropole. Le ministère d'outre-mer participe en amont à la conception des politiques publiques pour faire en sorte que l'ensemble des spécificités ultramarines soient prises en compte dès leur origine. Ensuite, il appartient aux préfets, qu'ils soient ultramarins ou métropolitains, de mettre en œuvre ces politiques.

L'ensemble des départements et régions d'outre-mer disposent d'un comité opérationnel de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres). Tous les plans nationaux ont vocation à se développer outre-mer et nous avons un regard attentif sur cette mise en œuvre. Nous travaillons très étroitement avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) en charge de la conception et de la mise en œuvre de cette politique. Le délégué interministériel actuel connaît très bien la question de l'outre-mer. J'insiste sur la fluidité de nos relations avec cette délégation interministérielle et sur son excellente prise en compte de nos préoccupations.

Dans le cadre d'une immigration importante telle qu'à Mayotte ou en Guyane, la question des langues est majeure lorsqu'il s'agit de s'adresser à un service public ou d'être scolarisé. La DILCRAH veille à ce que nos politiques, qui visent à répondre à vos préoccupations, s'adaptent aussi à ces publics.

En second lieu, le rôle premier du ministère des outre-mer est de lutter contre les fractures territoriales et de contribuer au développement économique des territoires d'outre‑mer. Les fractures territoriales sont nombreuses, liées à la géographie, à l'insularité ou double insularité, à l'isolement de certaines populations ou à l'éloignement de la métropole. L'étroitesse des marchés quant à elle complique le développement économique, ce qui a des conséquences en matière de taux de pauvreté, de pathologies de santé (obésité, diabète), de difficulté d'accès aux soins ou d'immigration.

Comme l'a dit le préfet Colombet, c'est d'abord par la politique du logement, de l'éducation ou de la santé que nous faisons progresser ces territoires et que nous en donnons une image plus positive. C'est à la fois une réponse au racisme dans les territoires qui est lié à l'opposition entre populations et un enjeu pour améliorer l'image des Ultramarins dans l'Hexagone.

Le ministère des outre-mer intervient selon trois dimensions :

La première dimension est la situation des Ultramarins en métropole. Depuis 2019, un délégué interministériel à l'égalité des chances et à la visibilité des Français d'outre-mer est placé auprès du ministre des outre-mer pour accompagner les Ultramarins en métropole. Il mène une action déterminée et déterminante sur trois axes principaux :

– le sport pour accompagner les sportifs ultramarins de haut niveau et leur permettre de rayonner, notamment dans la perspective des JO 2024 ;

– le logement : selon les rapports de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, les discriminations à l'encontre des Ultramarins dans l'Hexagone sont les plus évidentes dans ce domaine. Un travail est effectué auprès des bailleurs sociaux et des interlocuteurs socioprofessionnels compétents pour éviter par exemple qu'une caution domiciliée dans une banque ultramarine soit refusée à l'entrée dans un logement ;

– la visibilité des Français, d'outre-mer par la création d'une chaire autour de l'étude des outre-mer dans l'institut d'études politiques Sciences Po – ce projet aboutira début 2021 – ou par l'adresse internet Stop discri pour aider les Ultramarins qui peuvent se sentir isolés en métropole ou se trouver dans des situations de discrimination.

Quel que soit leur âge, les Ultramarins en métropole peuvent être considérés comme des étrangers dans leur propre pays. Ce n'est pas acceptable et nous luttons de toutes forces contre ces situations.

La deuxième dimension est la situation en outre-mer avec l'existence de minorités dans les territoires. La Guyane par exemple, par les populations présentes et leurs langues, se retrouve parfois écartée de l'accès aux services publics de santé ou d'éducation. Des réponses appropriées doivent être apportées.

Cela peut paraître un paradoxe, mais il existe une forme d'invisibilité du racisme outre-mer, notamment en matière d'outils. Les statistiques, telles que les dépôts de plaintes ou les poursuites pénales, ne font pas ressortir les injures publiques pour racisme ou les faits de violences comme c'est le cas en métropole. Pourtant, nous sommes presque sûrs qu'ils existent. Il existe donc un problème d'accès aux services publics, en l'occurrence de la justice, pour des raisons sociales, de pauvreté ou de capacité linguistique notamment.

De même, jusqu'à l'année dernière, le baromètre annuel sur le racisme piloté par le service d'information du gouvernement (SIG) excluait les territoires d'outre-mer de son champ d'application. Il faut probablement travailler sur ce baromètre qui utilise des critères qualitatifs pour mesurer l'expression du racisme, outre-mer.

S'agissant du logement, une politique extrêmement ambitieuse est mise en œuvre par le ministère des outre-mer. En ce qui concerne l'école, des crédits très importants visent à répondre au dynamisme démographique de Mayotte et de la Guyane. Contrairement à la Martinique qui est un département vieillissant, la population est extrêmement croissante dans ces deux départements, du fait à la fois de l'immigration et de l'accroissement naturel de la population. Le gouvernement est pleinement investi dans le rattrapage pour l'accès à l'école de tous les enfants.

La responsabilité de la lutte contre cette discrimination dans l'accès aux services publics n'est pas seulement celle de l'État, qu'il soit central ou déconcentré. Un travail est à mener avec les élus locaux. Ils doivent par exemple recenser les populations autochtones ou issues de l'immigration éloignées de l'école primaire pour permettre les inscriptions à tous. Les préfets mènent ce travail auprès des collectivités locales, y compris dans les territoires d'outre-mer.

La troisième dimension, plus transversale, concerne l'héritage, l'histoire et la question mémorielle. Nous sommes bien conscients de la nécessité d'agir dans ce domaine. En collaboration étroite avec le ministère de la culture, le ministère des outre-mer mène une politique en direction de l'émergence et du soutien de la culture en outre-mer sous toutes ses formes.

Une enveloppe réservée au Centre national du cinéma permet de financer des projets cinématographiques issus des outre-mer sur les outre-mer. Une deuxième enveloppe cofinancée avec le ministère de la culture permet de faire émerger des projets de documentaires ou de téléfilms. D'autres dispositifs interviennent dans le cadre du spectacle vivant pour financer certaines actions emblématiques telles que le concours Voix d'or. Il permet de valoriser des talents nouveaux qui accèderaient sinon difficilement aux grandes salles de spectacle, aux studios d'enregistrement ou aux formations d'élite pour exprimer leurs talents lyriques ou de musique contemporaine.

S'agissant de la visibilité des outre-mer à la télévision, nous assumons totalement la fermeture de l'antenne France Ô, car elle avait des écoutes très faibles en métropole. Ce n'est pas le cas des chaînes premières telles que Martinique Première ou Mayotte Première qui sont très suivies dans les territoires et qui produisent toujours des contenus. Nous avons choisi de limiter le nombre d'heures de programmes pour nous axer sur les Ultramarins, les cultures ultramarines, la biodiversité et les problèmes de l'outre-mer.

Des engagements très forts ont été pris par France Télévisions dans le cadre du pacte de visibilité des Français d'outre-mer au sein de toutes les chaînes audiovisuelles publiques (France 24, France Médiamonde, médias radio). Le ministère des outre-mer discute actuellement des contrats d'objectifs et de moyens entre l'État et ces chaînes de télévision ou de radio.

Après quelques mois de recul, nous en voyons déjà les résultats dans les journaux d'information, documentaires, grands spectacles, émissions de variété, jeux ou météo. Ces « détails » rendent beaucoup plus présente dans la vie quotidienne des Français l'existence des outre-mer dans leur diversité. Les premiers résultats en termes d'audience et de perception qualitative auprès des téléspectateurs semblent nous montrer que nous sommes sur le bon chemin. Cette action s'est effectuée à moyens constants, voire en augmentation pour la production des contenus documentaires ou de fiction pour les outre-mer.

Enfin, au cœur des questions mémorielles, la Fondation pour la mémoire de l'esclavage est hébergée chez nous. Au même titre que les ministères de l'éducation nationale, de la recherche, de l'intérieur ou de la défense, nous voulons cette politique interministérielle. Le ministère des outre-mer n'est pas le dépositaire unique de cette mémoire.

Le ministère des outre-mer intervient sur la mise en œuvre d'un engagement du président de la République, à savoir l'édification d'un monument en commémoration des victimes de l'esclavage aux Tuileries. Le calendrier a évolué du fait de la crise sanitaire, mais ce projet répond à un besoin important manifesté par les associations de familles d'Ultramarins ou de descendants d'esclaves. Jusqu'à maintenant, que ce soit dans l'Hexagone ou dans les DOM, la France n'avait pas de monument aux victimes de l'esclavage.

Pour terminer, vous connaissez le concours national de la résistance et de la déportation qui est très ancré dans l'institution scolaire, suivi par les enseignants et par les classes et qui participe de façon efficace à la transmission de cette mémoire. Depuis 2015, un équivalent existe sur le sujet de l'esclavage. Le concours Flamme de l'égalité est piloté dans sa mise en œuvre par la DILCRAH, avec l'appui du ministère de l'éducation nationale et du ministère des outre-mer. Il vise à faire réfléchir les élèves, du CM1 au lycée, sur le sujet de l'esclavage selon trois valeurs fondatrices de la République : la liberté, l'égalité entre tous les Français sans distinction de naissance ou de race, la dignité humaine dans la République.

Cette initiative est trop récente pour nous permettre de juger de son ancrage et de son effet sur les scolaires, mais il convient de la soutenir et de la faire prospérer. Cette année, ce concours a probablement été perturbé par le confinement et les difficultés d'enseigner en présence physique ; les professeurs se sont concentrés sur les programmes scolaires.

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Concernant la représentation des outre-mer à la télévision, le CSA pourrait probablement la prendre en compte dans ses objectifs pour l'augmenter.

Vous avez évoqué l'obésité. J'ai été choquée de voir que, encore aujourd'hui, les sodas sont plus sucrés en Martinique qu'en métropole. Il existe un sujet d'égalité dans la santé, sur lequel nous devons être plus offensifs.

S'agissant de la vision pour l'avenir, le préfet de Mayotte évoquait la nécessité de renforcer les structures et les établissements de l'éducation nationale pour « garder les élites » sur le territoire. Selon moi, il n'y aurait rien de pire que, malgré sa croissance économique actuelle, Mayotte soit assaillie dans deux ou trois décennies par des métropolitains, qui viendraient faire fortune à Mayotte, au détriment des Mahorais. Il faudrait leur permettre de maîtriser rapidement leur propre croissance économique, peut-être via des écoles de management.

Par ailleurs, qu'en est-il de l'accueil des Ultramarins dans les universités ? Souvent, leur premier voyage dans l'Hexagone vise à terminer un cursus universitaire. Une structure de tutorat, de mentorat ou de référent pourrait-elle les accompagner à leur arrivée ?

Enfin, que pouvons-nous faire concernant la fonction publique ? Le préfet de Mayotte indiquait que le procureur de couleur noire était victime de racisme à Mayotte. En Martinique, la majorité écrasante des cadres de la fonction publique et des hauts fonctionnaires sont métropolitains et très mal perçus par la population locale, notamment dans la justice.

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Mikael Quimbert, adjoint au sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer

. Le CSA a d'ores et déjà un baromètre d'observation sur les minorités visibles. Certes, il est compliqué de différencier un présentateur de télévision originaire de Martinique d'un autre descendant lointain d'un ressortissant d'un pays d'Asie ou d'Afrique. En la matière, nous nous appuyons sur le pacte de visibilité de France Télévisions qui ne se limite pas à la couleur de peau ou à la question minoritaire, car la richesse des outre‑mer est bien plus large, provient par exemple également des populations installées depuis plusieurs siècles lors de la colonisation.

Le réflexe de l'outre-mer s'ancre progressivement dans l'information nationale. Par exemple, les journaux d'information sont passés de 48 reportages durant la période entre janvier et août 2018 à 86 entre janvier et août 2020 sur France 2 et de 71 à 129 sur France 3, soit une augmentation de 80 % de sujets d'information sur les outre-mer sur deux ans et de 25 % sur l'année en cours. L'actualité nous aide probablement, mais les chaînes de télévision ont beaucoup plus le réflexe d'intégrer les outre-mer dans certains sujets, tels que la rentrée scolaire après le confinement ou la crise de la Covid vécue par les personnes dans leur territoire.

Concernant la question de la santé, cette problématique va probablement générer des discriminations, bien qu'elle soit moins prégnante en Martinique qu'à Mayotte, en Guyane ou dans le Pacifique. Ces questions compliquées ont été longuement débattues lors de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, dite loi « Lurel », il y a quelques années à propos des yaourts. Un travail est mené avec les industriels, mais ces derniers disent fabriquer ce que les personnes veulent acheter et le sucre est probablement un moyen pour cacher la mauvaise qualité d'un produit.

C'est l'une des politiques prioritaires du ministère des outre-mer, notamment avec le ministère de la santé dans le cadre du Plan national nutrition santé qui vient d'être adopté. La situation a progressé sur les produits laitiers, mais le chemin reste long. La crise de la Covid qui frappe particulièrement les personnes atteintes de ces pathologies nous rappelle à cette obligation.

S'agissant de l'éducation et de la formation des cadres, des progrès doivent encore être faits. Des universités ultramarines existent et fonctionnent aux Antilles, à La Réunion, en Guyane et dans le Pacifique. Il faut être vigilant sur les classements de réussite aux examens, car l'année scolaire a parfois un décalage dans le temps. C'est le cas en Nouvelle-Calédonie où certains étudiants quittaient leur année universitaire sans diplôme pour faire leur rentrée en métropole. Les étudiants sont aussi bien formés qu'en métropole. La difficulté porte sur l'accès à l'emploi des jeunes.

Dans des territoires spécifiques tels que Mayotte, dont la taille ne permet pas d'avoir des universités de plein exercice jusqu'au master, il existe des programmes spécifiques tels que « 400 cadres ». Ils visent à identifier de jeunes talents ou futurs cadres pour les accompagner, les « tutorer », leur trouver un logement et payer leurs études pour qu'ils puissent ensuite revenir dans leur territoire et participer au développement local. Ces programmes sont probablement à renforcer.

Pour les étudiants ultramarins en métropole, j'ai évoqué le rôle très important de la délégation interministérielle pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer (DIECVI FOM). Cette petite structure n'accueille pas elle-même les étudiants, mais les collectivités ultramarines sont présentes à Paris via les maisons pour les DOM. Outre leur mission en faveur du tourisme, ces maisons accueillent les étudiants ultramarins pour les accompagner et leur servir d'interlocuteurs. La délégation joue aussi ce rôle en s'appuyant sur les associations telles que le Comité d'action sociale en faveur des originaires des départements d'outre-mer en métropole, appelé Casodom, qui accompagne les étudiants ultramarins en métropole et qui fait un travail formidable. Nous participons au financement de ses activités via la DIECVI. Dans le cadre de la crise de la Covid, il a été un relais très important. D'autres associations plus petites interviennent également auprès des étudiants sur des problématiques plus ciblées, par exemple pour des personnes LGBT.

En ce qui concerne l'accueil dans la fonction publique, nous ne disposons d'aucune statistique, puisque la loi française l'interdit. Néanmoins, les Ultramarins existent dans la fonction publique et sont affectés outre-mer, ni plus ni moins que les autres. Le principe d'égalité dans la fonction publique est fort.

Toutefois, il existe des systèmes ciblés de dérogation qui permettent de répondre à des besoins ponctuels. Ils servent par exemple à inciter les professeurs des écoles à rejoindre certains territoires qui ne paraissent pas attractifs pour les candidats à l'affectation dans les fonctions publiques. C'est le cas à Mayotte où, pour faire face au manque de candidats pour le premier degré, le concours de professeur des écoles, qui est organisé sur une base académique, est accessible à partir de bac+3 au lieu de bac+4 ailleurs. Ce cas est très ponctuel.

Dans le cas des concours, certaines grandes écoles ont dirigé leur recrutement vers les zones d'éducation prioritaire. Des classes préparatoires permettent aussi aux personnes de milieux sociaux plus défavorisés d'avoir accès à ces concours. Il ne s'agit pas de critères d'origine géographique, mais de lycées situés dans des zones d'éducation prioritaire. Cela a néanmoins profité aux territoires d'outre-mer puisque la Guyane et Mayotte ainsi qu'une grande partie des territoires des Antilles et de La Réunion sont classés en zone d'éducation prioritaire. Un certain nombre d'écoles vont aussi dans les territoires d'outre-mer pour s'y présenter, briser des tabous et pousser vers les études les jeunes qui ont de bons résultats scolaires et un potentiel. Certaines de ces études les mèneront à passer des concours de la fonction publique.

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La question des discriminations autour des territoires ultramarins et des Ultramarins eux-mêmes se reflète dans de nombreux préjugés et représentations. Les outre-mer sont souvent évoqués en termes de coûts et non d'apport et de richesses pour notre pays. Étant moi-même née dans l'Hexagone d'un père polynésien du Pacifique et d'une mère martiniquaise, j'ai vécu cela tout au long de mon parcours avec ces cultures que je ne connaissais pas forcément. Selon moi, la lutte contre la discrimination commence par l'éducation et la force des rencontres et échanges partagés, indifféremment du lieu où nous grandissons.

Ma question est la suivante : comment développer un ensemble de programmes scolaires qui soient égaux face à l'ensemble des histoires qui composent notre pays, qu'il s'agisse de l'histoire de l'Hexagone, des Ultramarins, de l'esclavage ou de la mémoire sur les anciens combattants (je pense par exemple aux bataillons des Antilles et du Pacifique) ? Comment faire pour que toutes ces histoires se rencontrent et puissent s'apprendre ?

Enfin, qu'en est-il du projet de la maison des outre-mer ?

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Mikael Quimbert, adjoint au sous-directeur des politiques publiques à la direction générale des outre-mer du ministère des outre-mer

. La question concernant les programmes scolaires relève d'abord du ministère de l'éducation nationale.

La question qui préoccupe le plus le ministère des outre-mer et qui conditionne l'accès aux études supérieures et aux concours est celle de l'efficacité. De façon paradoxale, les résultats au baccalauréat sont au même niveau dans les différents outre-mer que dans l'Hexagone, mais le niveau constaté chez les jeunes lors de leur journée défense et citoyenneté (JDC) est en décrochage par rapport au niveau attendu en fin de scolarité (baccalauréat, enseignement professionnel, brevet).

Pourtant, un effort d'environ 4 milliards d'euros est porté sur l'ensemble des départements et régions d'outre-mer (DROM) pour l'éducation nationale, c'est-à-dire 30 % de plus que pour tous les élèves de la métropole. Ce n'est pas dû à la surrémunération des professeurs, mais à un classement important en réseau d'éducation prioritaire (REP). Finalement, l'augmentation des moyens n'est pas la réponse adaptée. La question porte sur l'environnement global de l'école : sa dimension, son chauffage, son accès, les logements, etc. Aussi motivés soient-ils, la communauté scolaire et les professeurs ne peuvent pas répondre à l'ensemble des problématiques sociales dans lesquelles les enfants sont plongés. Ainsi, nous revenons aux questions initiales : comment développer les infrastructures, la santé, le logement, l'accès à l'eau ? Comment produire un développement économique qui sera la meilleure réponse aux difficultés ?

Je ne répondrai pas à votre deuxième question, car c'est un projet porté par la Mairie de Paris. Le ministère des outre-mer n'étant pas partie prenante à ce stade, je ne pourrai pas vous dire où il en est.

Mme Atger rappelle à juste titre les travaux du comité de suivi du pacte de visibilité de France Télévisions, outil essentiel auquel siègent des parlementaires dont Mme Stéphanie Atger fait partie. Nous suivons ces travaux avec beaucoup d'attention. C'est un outil essentiel pour le suivi de la mise en œuvre de ce plan.

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Merci, monsieur Quimbert, d'avoir accordé du temps à la mission et de nous avoir répondu de manière aussi précise, détaillée et enrichissante pour nos travaux.

La séance est levée à 19 heures 10.