Délégation aux outre-mer

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 18h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • cancer
  • chlordécone
  • connaissance
  • contamination
  • guadeloupe
  • martinique
  • population
  • scientifique

La réunion

Source

La séance débute à 18 heures 10.

Présidence de M. Olivier Serva, président.

La Délégation procède à l'audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

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Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir accepté de venir devant la Délégation aux outre-mer pour échanger avec ses membres sur les graves problématiques de santé publique auxquelles font face nos outre-mer et tout particulièrement sur les conséquences de la pollution par la chlordécone pour la santé de nos concitoyens de Guadeloupe et de Martinique.

Il y a deux semaines, la Délégation aux outre-mer a entendu M. Volatier, adjoint au directeur de l'évaluation des risques à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). M. Volatier a exposé, en toute liberté, les grandes lignes des travaux menés par l'Agence dans le cadre de ses compétences scientifiques. Mais il ne lui appartenait évidemment pas d'apporter des réponses aux questions politiques soulevées par l'affaire de la chlordécone.

Comme vous le savez, la Délégation a adopté, après avoir entendu l'ANSES une résolution qui aborde comme il se devait ces questions politiques. Elle y exprime son inquiétude quant à l'ampleur des effets de ce qu'il faut bien considérer comme une catastrophe de santé publique et son désir de voir poursuivre, reprendre ou amplifier les recherches de toute nature propres à cerner l'ampleur exacte du fléau et à en contrecarrer les effets nocifs pour la santé.

À la permanence redoutable des suites à long terme de la chlordécone doit en effet répondre une action multiforme et également à long terme des pouvoirs publics. Une action qui doit être, de plus, à l'abri de toute contingence financière. Je vous serais reconnaissant, Madame la ministre, de bien vouloir exposer à la Délégation comment vous entendez assurer la continuité et la force de l'action contre la pollution par la chlordécone et ses effets sanitaires et quels moyens le Gouvernement entend mobiliser pour y parvenir ?

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

C'est avec grand plaisir que je m'exprime devant vous sur ce sujet auquel j'ai eu l'occasion de m'intéresser lorsque je présidais l'Institut national du cancer (INCa) dans les années 2011 à 2016. L'INCa a d'ailleurs été très impliqué dans la recherche sur la chlordécone. C'est donc un sujet de préoccupation qui m'anime depuis plusieurs années.

J'ai par ailleurs la ferme volonté d'éviter aux départements d'outre-mer toute perte de chance dans le domaine de la santé publique. C'est aussi la raison pour laquelle, la stratégie nationale de santé comporte un chapitre consacré, non pas aux outre-mer, mais à chaque territoire, car chacun d'entre eux connaît des besoins particuliers. Je veux vous persuader de mon entière détermination à réduire les inégalités de santé dans ces territoires.

Le traitement de la crise de la chlordécone est compliqué par le fait que plusieurs autorités publiques sont impliquées. J'ai demandé que me soit communiqué l'ensemble des mesures prises dans le cadre du Plan National d'action chlordécone (PNAC) 1, 2, et 3 : la Direction générale de la santé (DGS), qui pilote la plupart de ces actions, a fait preuve de constance dans leur organisation telle que prévue par le plan. L'ensemble des registres des cancers a été récolé, toutes les études programmées ont été lancées et financées, certaines sont terminées. D'autres vont être prolongées comme l'étude Ti Moun, qui porte sur les enfants et va être prolongée jusqu'à la puberté afin de savoir si ce perturbateur endocrinien a des effets sur la puberté précoce.

Nous avons également adopté des mesures de suivi des travailleurs exposés, et mesuré l'intoxication des populations à la chlordécone. Par ailleurs, nous encourageons l'exploitation des jardins familiaux.

Notre premier axe de travail porte sur l'amélioration des connaissances des liens entre chlordécone et maladie, que ce soit des maladies hormonales parce qu'il s'agit d'un perturbateur endocrinien ou de maladies du développement neurologique, du fait de la toxicité sur les enfants, ou de cancers, particulièrement de la prostate.

Le deuxième axe concerne une meilleure information des populations vulnérables, singulièrement les femmes enceintes qui doivent absolument être préservées de la contamination.

Les moyens alloués jusqu'à présent par le ministère se sont élevés à 6,7 millions d'euros en dix ans. La seule étude demeurée inachevée est Madiprostate ; j'ai en l'occasion d'en parler ce matin aux parlementaires. Cette étude a été financée pendant trois ans, elle a fait l'objet de multiples avis scientifiques, et un certain nombre d'experts à, in fine, jugé irréalisable, non pas pour des raisons techniques, mais pour des raisons de méthodologie. C'est pourquoi elle a été arrêtée.

En revanche, d'autres études se poursuivent, sur lesquelles je reviendrai.

Nous avons, par ailleurs, la ferme volonté d'augmenter le nombre des messages de prévention, notamment de ceux portant sur l'alimentation, qui doit impérativement être sécurisée. Le moyen d'aboutir à une alimentation sans chlordécone est le développement des jardins familiaux, après évaluation de la contamination des sols chez les particuliers afin de le permettre de pratiquer une agriculture saine à leur propre usage.

Nous pensons être en mesure, dans les années qui viennent, d'organiser des circuits sans chlordécone à l'issue du nouveau zonage de la contamination, d'après le ministre de l'agriculture, sera achevé avant l'été prochain, ainsi que de l'évaluation individuelle des sols. Des registres sont donc en place, et des études en cours, dont l'étude d'imprégnation individuelle des personnes Kannari.

En outre, nous prévoyons de saisir les trois alliances scientifiques, ce qui est plus du ressort de la ministre chargée de la recherche, qui connaît parfaitement le dossier : l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan), l'Alliance thématique nationale des sciences humaines et sociales (Athéna) et l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi). Nous leur demandons de nous fournir une synthèse scientifique de toutes les connaissances acquises sur la chlordécone ; ensuite nous publierons un rapport complet portant sur tous les travaux menés depuis des années dans les territoires antillais.

Nous organisons un grand colloque scientifique pour le mois d'octobre prochain afin de réunir l'ensemble des scientifiques travaillant sur le sujet, notamment pour déterminer s'il y a lieu de lancer de nouvelles études que nous serons évidemment prêts à financer.

Le directeur général de la santé, qui est à mes côtés aujourd'hui, ainsi que le directeur de l'Agence « Santé publique France », agence sanitaire chargée de la santé publique et de la surveillance du territoire, François Bourdillon, se déplaceront en Martinique et en Guadeloupe, pour informer les populations en organisant des forums citoyens. Nous sommes en effet confrontés à un enjeu de transparence, et je demanderai aux deux Agences régionales de santé (ARS) de produire des documents d'information à l'intention des populations portant particulièrement sur les connaissances acquises et les moyens de se prémunir de toute contamination, particulièrement pour les personnes les plus vulnérables.

Par ailleurs, nous poursuivons l'accompagnement du développement des jardins familiaux, qui permettent aux familles d'utiliser leur propre sol, par des financements ad hoc, déjà disponibles à la DGS.

Voilà pour les actions en cours ; à ma connaissance, dans le cadre du plan chlordécone 1,2 et 3, la seule étude qui n'a pu être menée jusqu'à présent est Madiprostate, non pas pour des raisons financières, car le financement n'a pas fait défait, mais pour des raisons de robustesse scientifique qui n'était pas au rendez-vous.

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Merci, madame la ministre, pour cette présentation synthétique. Je prends note de ce que vous avez annoncé la mise en place, à terme, de circuits de production agricole sans chlordécone en testant les terrains des particuliers désireux de recourir à la production locale. J'ai encore pris acte de l'organisation d'un colloque qui favorisera l'approfondissement des études scientifiques. S'agissant de ces études, j'ai retenu que vous financez celles dont la robustesse scientifique était avérée, et que vous avez l'intention de lancer un grand plan d'information à l'intention des populations sur les risques que présente la chlordécone.

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Au cours des semaines passées, vous avez pu, madame la ministre mesurer le degré d'inquiétude et de colère régnant en Martinique et en Guadeloupe depuis la publication du rapport de l'ANSES sur la pollution par la chlordécone. Les populations antillaises les plus exposées à cette contamination ont ainsi pu être identifiées. Elles en commun d'avoir consommé des produits agricoles vendus hors des circuits contrôlés : on parle de jardins familiaux, de bords de route, etc.

Les chiffres indiqués par le rapport sont particulièrement éloquents, notamment sur les écarts importants de contamination des produits en cause selon qu'ils ont été soumis ou non à un contrôle sanitaire. Les personnes exposées souffrent d'une double injustice, sanitaire et sociale, dans la mesure où leur niveau de vie détermine en partie leur exposition à cette pollution. Si l'État devait se saisir de cet enjeu de santé publique, il ne devra pas oublier ceux qui, ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour adopter une alimentation saine, car contrôlée.

Vous avez certes déjà ébauché quelques solutions, mais pouvez-vous nous donner des exemples concrets d'actions susceptibles d'être conduites ?

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Nous avons eu ce matin la chance d'être reçus par trois ministres qui nous ont apporté quelques réponses. Toutefois, nous ne sommes toujours pas satisfaits : un communiqué émis aujourd'hui même ne correspond pas complètement à ce dont nous pensions être convenus ce matin.

Le non-achèvement de l'étude Madiprostate est source à la Martinique d'une sorte de contradiction entre les médecins, les agriculteurs, les politiques et même les administrations, notamment d'État, comme l'ARS. C'est pourquoi nous souhaiterions connaître les suites qu'il est envisagé de donner à cette recherche scientifique.

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Ce matin, madame la ministre, nous avons eu une discussion très intéressante avec le ministère de l'outre-mer. Je souhaiterais simplement vous relire une phrase du communiqué interministériel publié ce jour afin que puissions être d'accord sur son interprétation. En tout état de cause, je vous remercie d'avoir rappelé votre détermination à mettre en oeuvre tous les plans que vous avez mentionnés, non seulement dans le domaine de la limite maximale de résidus (LMR), mais aussi des dispositifs à mobiliser pour sortir de cette situation.

On peut donc lire que l'État n'a pas changé son dispositif de contrôle : « basé sur les LMR fixées en 2005. Les ministres vont saisir la Commission européenne afin de confirmer la stratégie française en matière de contrôle. » Cela signifie que c'est la réglementation européenne établie en 2005 et approuvée en 2008 qui est applicable, ce qui est une bonne chose, car nous avons ainsi notre moratoire.

Cependant, au mois de septembre 2017, le ministre de l'agriculture, M. Travert, a signé une instruction à son ministère prenant acte des modifications réglementaires portant sur le calcul du taux de tolérance. Il a en effet été constaté que, dans le poulet froid, le taux de chlordécone est de 330 microgrammes par kilo ; par ailleurs, en se fondant sur une base 100, on observe que la dose légale a été multipliée par 5 pour la viande, passant de 20 à 100 microgrammes par kilo et par 10 pour la volaille, passant de 20 à 200 microgrammes par kilo. On est donc fondé à juger que la mécanique a conduit à une augmentation des doses.

Or, M. Travert dit clairement qu'il va appliquer, sur la base de l'instruction du mois de septembre dernier, un LMR de 100 microgrammes par kilo pour le poulet froid et la graisse mammifère, et de 200 microgrammes par kilo pour la viande de volaille.

Ma question donc la suivante : pourriez-vous intervenir auprès de M. Travert afin qu'il annule cette instruction ? Ce qui serait cohérent avec votre décision de ce matin, que j'approuve.

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Merci, madame la ministre de venir devant notre délégation.

J'ai découvert le sujet de la chlordécone lors de notre précédente réunion, et j'avoue avoir été surpris par le faible retentissement de cette question en métropole. Député alsacien, je me suis simplement dit que si le même problème s'était posé en Bretagne ou en Normandie, les médias en auraient plus parlé en métropole ; et cela m'a semblé surprenant. Il ne s'agit pas de critiquer la ministre, mais de livrer une réflexion d'ordre général.

Par ailleurs, madame la ministre : sommes-nous assurés que toutes les données sont connues ? Les études épidémiologiques réalisées sont-elles récentes ? Portent-elles sur un spectre large ? Le niveau de connaissance est-il suffisant ? Toutes les études ont-elles été synthétisées et mises à jour ?

En tant que député, devant une telle question de santé publique, je souhaite savoir quelles sont les conséquences dans le domaine des cancers, et des naissances prématurées. La connaissance est-elle suffisante ? Car elle constitue l'élément premier de toute bonne politique publique.

Ensuite, sachez que je ne tiens pas à porter la polémique à un sujet qui transcende par sa gravité tous les clivages partisans : vous avez indiqué que deux hauts fonctionnaires sont prêts à se rendre sur place et s'expliquer. Il me semble qu'il faut faire preuve de transversalité, car les questions de la prévention, de l'alimentation, de l'eau, mais aussi de l'urbanisme sont posées.

Il faut que des acteurs compétents, connus et reconnus soient présents dans les territoires à travers une mission qui ne peut qu'être transversale, car elle concerne autant la gestion des collectivités locales que des questions de santé publique. Je me demande donc s'il ne faudrait pas dépêcher quelqu'un qui incarnât une mission dans un territoire afin de travailler avec les élus et les médecins pour conduire une action efficace. Car il me semble qu'incarner une politique publique c'est lui donner une chance d'exister.

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Notre collègue Hugette Bello a demandé la constitution d'une commission d'enquête dont les investigations porteraient sur la leucose bovine à La Réunion.

Il s'agit aujourd'hui de se tourner vers l'avenir et d'aller vers une sortie de crise. L'abattage systématique des bêtes atteintes est la règle en métropole, en termes de santé publique, il est inconcevable que l'on ne puisse aboutir à une solution identique à La Réunion.

Toutefois, et cela se comprend, les éleveurs s'opposent à une telle mesure s'ils ne sont pas indemnisés en proportion de leurs pertes. Il conviendrait en outre de permettre à terme la réintroduction de ruminants à La Réunion ; ce qui est interdit aujourd'hui.

Une solution transitoire suffisamment financée doit venir régler ce problème afin de retrouver une situation normalisée. Je vous demande donc, madame la ministre, dans quelle mesure l'État peut nous accompagner dans la définition des modalités de cette solution transitoire.

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Merci, madame Bassire ; sans préjuger de la réponse de la ministre, il me semblait que le thème de notre réunion était la chlordécone…

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

À madame Bassire, je dois faire part de ma confusion, car je suis incapable de répondre à une question purement agricole, qui doit être adressée à mon collègue Stéphane Travert.

Par ailleurs, vous avez raison, madame Josso, d'évoquer une double injustice sanitaire et sociale. Vous m'interrogez sur les éléments concrets pouvant être apportés à la population. Il s'agit pour nous d'accompagner cette population dans la création de jardins familiaux propres au développement de circuits courts exempts de chlordécone. Le but est d'éviter des circuits non contrôlés pour lesquels nous n'avons aucune visibilité en matière de contamination, et au sujet desquels nous ne pouvons pas aider la population à se repérer.

Il est donc impérieux à nos yeux de poursuivre cette politique à laquelle le nouveau zonage ne manquera pas de concourir, car il permettra une meilleure connaissance des sols contaminés. Ce zonage, dont Stéphane Travert a la responsabilité, devrait être achevé prochainement. L'idée est d'être au plus près des populations afin de proposer des lieux de culture sans chlordécone et des circuits courts, non contrôlés par l'État certes, mais placés au sein d'un dispositif garantissant l'absence de contamination.

Comme je l'ai indiqué, la Direction générale de la santé dispose de financements destinés à aider à la création de ces jardins familiaux. À cette fin, les intéressés doivent demander un contrôle de leur sol auprès de la Direction générale de l'alimentation (DGAL), qui peut réaliser le contrôle du sol individuel et ensuite rassurer la famille sur le fait que la culture est saine et peut être consommée par elle, voire vendue au voisinage.

Ce dispositif est encore mal connu, ce qui nous impose un devoir d'information et de développement de ces jardins familiaux.

Madame Manin m'a interrogé ce matin et cette après-midi sur l'étude Madiprostate. Il s'agissait d'une étude scientifique financée hors appel à projets, en plus des appels à projets portant sur le cancer, spécifiquement consacrée à la recherche du lien entre cancer de la prostate et chlordécone en Martinique.

Cette étude était mal construite. Comme je tenais absolument qu'elle réussisse, j'ai fait travailler un groupe d'experts la première année pour accompagner les chercheurs en rendant l'étude plus robuste sur le plan scientifique afin qu'elle puisse répondre à la question posée. Nous n'avons pas obtenu les résultats espérés.

J'ai donc demandé à un autre groupe d'experts appartenant à l'ITMO Santé publique, c'est-à-dire l'institut thématique de l'Alliance Aviesan, qui regroupe ponctuellement tous les chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et d'autres institutions comme l'Institut Pasteur, etc., de travailler à améliorer cette étude. Il s'est avéré que cette étude n'était pas réalisable méthodologiquement, alors que l'argent était disponible et que je l'ai financée plusieurs années de suite.

Ce financement a été interrompu au bout de trois ans, car pratiquement aucun malade n'était inclus, mais surtout parce que nous savions que, in fine, nous n'obtiendrions pas de résultats scientifiques. Je comprends l'attente des populations et des élus qui réclament leur étude. Mais il ne suffit pas de mener une étude : il faut qu'elle produise des résultats. Si pendant dix ans nous effectuons des dizaines de milliers de prélèvements sans obtenir de réponse, nous n'aurons pas fait correctement notre travail.

Nous sommes prêts à financer la démarche de tout scientifique qui proposerait de monter une nouvelle étude, la difficulté que présente la chlordécone, c'est de faire le départ entre la surincidence, liée à des facteurs génétiques, du cancer de la prostate aux Antilles et des cancers de la prostate éventuellement dus à la chlordécone.

Cette surincidence des cancers de la prostate due à des facteurs génétiques était connue depuis les années 1980, avant même l'utilisation de la chlordécone. C'est aussi le cas des populations afro-américaines aux États-Unis. L'ensemble de la population antillaise étant exposé à la chlordécone, nous ne pouvons pas établir de comparaison entre des gens exposés et des gens non exposés ; c'est là que réside la difficulté scientifique de l'étude.

Encore une fois : si d'autres chercheurs sont prêts à nous aider à résoudre ce problème, ils seront les bienvenus, et nous sommes tout à fait disposés à lancer des appels à projets pour tenter de susciter des recherches. C'est une question complexe, purement scientifique.

Nous n'en avons pas moins créé des choses qui manquaient : les registres des cancers aux Antilles, qui vont permettre de comparer l'incidence des cancers aux Antilles avec d'autres populations métropolitaines, mais aussi afro-américaines de même origine. Car la question demeure celle de l'incidence de l'origine génétique de ces cancers.

J'ai rappelé ce matin que lorsque je travaillais à l'INCa, j'ai été en contact avec un professeur d'urologie sénégalais qui souhaitait s'investir et procéder à des études communes dans ce domaine à cause d'une surincidence constatée en Afrique. Nous avions même imaginé de conduire des études comparatives entre une population africaine et une population antillaise. Nous avons échoué à la mettre en place parce que l'Afrique n'est pas tout à fait équipée à l'époque pour la recherche scientifique.

Nous avons tout tenté à l'époque pour améliorer la connaissance sur ce sujet, et mon ministère s'engagera auprès de tout chercheur souhaitant le reprendre. Nous avons travaillé pendant trois ans dans le but de rendre cette étude Madiprostate réalisable.

M. Letchimy a posé la question de la limite maximale de résidus. Il s'agit là encore d'un sujet mieux connu par le ministre de l'agriculture ; aussi ne voudrais-je pas dire de bêtises.

Je sais, en revanche, que l'État n'a pas modifié sa façon de contrôler, et que les résultats obtenus malgré le changement de la norme européenne sont totalement conformes aux taux que nous utilisions auparavant comme seuils maximums tolérés. Ainsi, nonobstant cette directive européenne, aucune évolution n'est intervenue dans les seuils de résidus tolérés dans les viandes en France.

Je m'étais engagée, ce dont j'ai fait part au Parlement, à demander la modification de cette directive ou à tout le moins d'en débattre. Mais je préférerais que Stéphane Travert réponde précisément sur la circulaire de son ministère, car je ne la connais pas.

Ma seule certitude est que la modification du seuil de tolérance décidée à l'échelon européen a été sans incidence sur la réglementation française.

Vous posez, monsieur Furst, une excellente question et vous faites part de votre étonnement devant le peu d'attention accordée à ce sujet en métropole. J'ai éprouvé le même sentiment lors de l'incendie du Centre hospitalier universitaire (CHU) de la Guadeloupe, qui a constitué un drame absolu. L'île de Guadeloupe n'a plus d'hôpital, des centaines de lits ont été évacuées, et il n'y a plus de malade. Or les médias métropolitains sont pratiquement restés muets ; je pense que si le CHU de Nice ou de Tours avait brûlé, cela aurait fait la une des journaux télévisés métropolitains.

Il est vrai qu'il y a un problème d'intérêt de la Métropole pour les sujets ultramarins. C'est à nous, élus et politiques, qu'il revient de rappeler que ces territoires sont des territoires français. Ce n'est toutefois pas parce que la contamination par la chlordécone n'est pas un sujet pour le public Métropolitain qu'elle n'en est pas moins un pour la ministre de la santé.

Vous demandez par ailleurs si nous sommes sûrs que toutes les données sont connues : bien sûr que non ! Car la France est le seul pays à essayer d'obtenir des données sur la chlordécone. Ce produit a été utilisé dans d'autres pays européens, comme, me semble-t-il, la Pologne, mais le sujet n'a pas soulevé l'intérêt et les études sont rares, et sont quasi exclusivement françaises.

Comme pour toute recherche scientifique, la connaissance évolue, elle s'accumule avec le temps, et si nous disposions de toutes les connaissances nécessaires sur la chlordécone, j'en serais ravie. Mais tel n'est pas le cas, ainsi ne connaissons-nous pas les effets à long terme. C'est pourquoi nous posions la question du risque de cancer, notamment hormonaux dépendant, puisqu'il s'agit d'un perturbateur endocrinien. Nous connaissons bien, en revanche, les effets à court terme, dus à des expositions massives de travailleurs qui ont développé des troubles neurologiques aigus régressifs, notamment aux États-Unis.

Nous disposons de données portant sur les petits enfants qui peuvent développer des troubles neurologiques régressifs.

Aussi, toutes les études financées aujourd'hui portent-elles sur les effets à long terme afin d'accumuler de la donnée et des connaissances.

Vous demandez encore s'il serait possible d'établir une synthèse des études, c'est ce que j'ai évoqué dans mon propos liminaire, en proposant de réunir les trois grandes alliances de recherche scientifique, qui sont constituées de l'ensemble des organismes de recherche français. Nous allons leur demander la rédaction d'une synthèse de l'état des connaissances nationales et internationales actuelles sur la chlordécone, de façon à les rendre publiques.

Il est préférable que ce travail soit réalisé par les alliances qui sont constituées de chercheurs plutôt que par le ministère, et on peut espérer que les intéressés auront soin de rendre la synthèse compréhensible par le grand public.

Vous évoquez ensuite une politique ancrée dans les territoires et le fait que des hauts fonctionnaires se rendant sur place ne régleront pas le problème, et vous avez raison. En effet, en dix ans j'ai pu mesurer l'incongruité qu'il peut y avoir à envoyer un directeur général de la santé faire des conférences.

Il n'en demeure pas moins que la volonté de transparence existe, et que la population a besoin qu'on lui montre que nous sommes prêts à répondre aux questions, et que nous sommes là pour rendre compte, pas pour cacher des choses.

À cet effet, il me semble qu'envoyer le directeur de la santé ou d'autres responsables publics à une population inquiète constitue un moyen de montrer que l'État est présent, et ne se défile pas.

Certes, cela ne règle pas le sujet de long terme, qui relève d'une politique interministérielle ancrée dont la responsabilité revient au préfet. Les deux préfets de la Martinique et de la Guadeloupe sont en responsabilité des plans chlordécone. Il me semble que ce pilotage doit être redynamisé, et un exercice de pédagogie reste à mener au sujet de l'action de l'État sur place et en métropole afin de rassurer la population.

Les divers ministres concernés pourraient demander à ces préfets un plan d'action local susceptible de rendre compte de cette politique interministérielle ancrée dans les territoires.

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C'est la troisième fois que nous nous rencontrons dans la journée, madame la ministre, nous ne nous sommes jamais autant vus que le jour où vous étiez venu à cause du cyclone Irma. Nous nous sommes rencontrés souvent…

Lorsque notre collègue Furst dit qu'il s'agit d'un réel problème national de santé, je frémis, car je suis guadeloupéen, et cela fait très longtemps que nous nous battons – je dirais presque tout seuls – avec lui. Tout seuls parce qu'il y a une double responsabilité de ce qui ont, alors que ce produit a été fabriqué en 1958 aux États-Unis, qu'une catastrophe est survenue dans une usine, et que ce pays a cessé la fabrication dans les années 1960, continué à le produire au Brésil à l'usage de la France, et selon un dosage métropolitain.

Nous avons pourtant le sentiment de nous battre tout seuls comme si nous étions confinés dans les deux îles de la Guadeloupe et de la Martinique avec ce problème. À telle enseigne que les Guadeloupéens ont dû s'organiser en collectif, et l'affaire est pendante devant les tribunaux depuis déjà douze ans.

Il me semble que nous progressons, comme nous l'avons fait aujourd'hui, car je note que vous annoncez la tenue d'un grand colloque scientifique au mois d'octobre prochain. Cette innovation constitue un énorme progrès, nous allons pouvoir discuter en toute transparence. Car la scientifique que vous êtes connaît la dangerosité de cette molécule, composée d'éléments extrêmement solides, qui ne se détériorent pas, s'attaquent à la terre, aux agents organiques et à l'homme.

Je souhaite simplement vous demander si, entre aujourd'hui et la tenue de ce colloque, les scientifiques vont pouvoir définir une meilleure méthodologie afin d'achever l'étude Madiprostate.

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Madame la ministre, je ne parlerai pas de la chlordécone, et je m'en excuse.

Je souhaite seulement vous rappeler qu'en Guyane un enfant sur cinq est contaminé au plomb. C'est également le cas de 40 % des adultes vivant dans les communes isolées de l'intérieur. C'est ce que révèlent deux enquêtes épidémiologiques réalisées par la cellule interrégionale d'épidémiologie (CIRE), publiées à Cayenne, et qui font état, d'une nouvelle contamination au plomb dans l'ensemble de la Guyane ainsi que des progrès d'une intoxication au mercure dans les villages autochtones de l'intérieur.

Ces études ont été menées entre 2015 et 2017 sur près de 600 jeunes Guyanais âgés de moins de six ans. En définitive, on observe qu'avec 22 microgrammes de plomb par litre de sang en Guyane, la moyenne géométrique relevée est deux fois plus élevée que la moyenne nationale.

Plusieurs cas de saturnisme ont d'ailleurs été observés, autant à l'est qu'à l'ouest du territoire, et 16 enfants prélevés sur 20 connaissent une plombémie supérieure au seuil de signalement obligatoire.

Vous le voyez, madame la ministre, la situation est gravissime puisque, dans la zone du parc amazonien de Guyane, sur 300 femmes enceintes 87 % présentent un risque de malformations définitives du foetus. Nous sommes confrontés à un véritable scandale sanitaire, qui s'ajoute à celui du mercure, et appelle des réponses fortes et immédiates. Je vous ai d'ailleurs adressé un courrier à ce sujet à la fin du mois de janvier.

Madame la ministre, les Guyanais attendent que vous sensibilisiez vos collègues du Gouvernement en vue d'apporter collectivement au territoire les réponses pérennes attendues.

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Madame la ministre, je tiens moi aussi à saluer votre présence et votre participation à cet échange. Mais si vous le permettez, j'arrêterai là mes louanges. En effet, j'ai le sentiment que jusqu'à présent, l'État n'a pas pris la mesure de sa responsabilité dans ce scandale. Quand je parle de responsabilité de l'État, je ne vous vise pas personnellement, pas plus que les ministres qui sont en place aujourd'hui. Mais il y a bien une continuité dans la responsabilité de l'État, qu'il convient de ne pas fuir. Je ne dis pas que vous fuyez vous-même, mais il me semble déceler une certaine volonté de limiter cette responsabilité de l'État.

L'augmentation annoncée des limites maximales de résidus était un très mauvais signal, compte tenu de l'émotion déjà immense dans nos pays. Cela a eu toutefois le mérite de réveiller les gens. D'une certaine façon, on a répondu à un désastre sanitaire par un désastre communicationnel.

Certes, la chlordécone n'a pas été utilisée que dans nos territoires. Mais les dérogations ont permis que cette substance y soit utilisée plus longtemps, alors même qu'elle était interdite ailleurs sur le sol français. En outre, on ne peut pas comparer les effets d'une telle substance dans un pays continental étendu et dans un espace micro-insulaire : chez nous, ils sont encore plus dévastateurs. C'est cela, la réalité.

Les plans se succèdent, sans que nous en voyions concrètement les résultats. Et en vous disant cela, je me fais le porte-parole des Martiniquais et des Guadeloupéens de base.

En tant que député, en avril 2015, j'ai posé une question sur la chlordécone. La ministre de l'époque m'a répondu en juillet 2016, plus d'un an après, en évoquant les deux premiers plans chlordécone. Je cite ses propos : « Au travers de ces deux plans, l'action de l'État et de ses opérateurs s'est principalement déployée dans cinq directions : l'amélioration des connaissances sur les caractéristiques de la chlordécone et la pollution, la protection des populations à travers des points de contrôle du respect des normes de contamination des denrées alimentaires, le développement et le renforcement de moyens régionaux de mesure (laboratoires d'analyse), la sensibilisation de la population à travers des actions de communication et à travers le programme JAFA (Jardins Familiaux) et le soutien aux agriculteurs impactés (programme de diagnostic d'exploitations et développement d'outils d'aide à la décision… » Je remarque que c'est le même discours qui nous est servi aujourd'hui.

Le lien entre le cancer de la prostate et la chlordécone…

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Monsieur le président, je pense que le collègue Serville qui s'est exprimé de manière très brève va me passer quelques secondes de son temps de parole. Je précise que j'accepterai la même chose des autres collègues. En effet, je parle, au nom de tous, d'un sujet d'importance, et il faut que Mme la ministre entende certaines choses.

Le lien avec le cancer de la prostate et la chlordécone, que nous ressentons dans notre chair, dans nos vies, dans nos familles, doit être établi de manière formelle. Cela suppose que l'on engage des études. Mais il ne faut pas adopter une attitude passive, en conditionnant ces études à la volonté des chercheurs. Il faut passer à l'offensive, provoquer ces études. J'ai noté que vous parliez d'appel à projets. Ainsi, on n'aura plus à se réfugier derrière une surincidence d'origine génétique ou je ne sais quoi d'autre, comme on l'a fait pour expliquer les taux de sucre qui provoquent des diabètes chez nous – nous aurions une appétence particulière pour le sucre, pour des raisons génétiques.

Le financement du troisième plan chlordécone pose également problème, il faut avoir le courage de le dire : le premier (2008-2010) était de 33 millions ; le deuxième (2011-2013) de 31 millions, mais il était financé et par des fonds de l'État, et par des fonds européens ; le troisième baisse également, puisqu'il avoisine 30 millions, peut-être moins, et que les financements européens risquent de faire défaut.

Nous ne voulons pas que l'on fasse endosser la responsabilité de cette situation aux collectivités régionales, qui ont en charge la gestion des fonds européens, dans la mesure où ce n'est pas avec les impôts des Martiniquais et des Guadeloupéens que l'on doit financer ce fonds. Déjà, nous sommes les victimes ! L'État n'a qu'à en prendre l'entière responsabilité et financer à 100 % le prochain plan.

Par ailleurs, les explications qui nous ont été fournies nous donnent l'impression qu'on veut stigmatiser le secteur informel, au risque de favoriser encore une fois les importations au détriment des productions locales. C'est parce que nous consommons les produits au bord des routes que nous nous sur empoisonnerions ? Il faut savoir raison garder et ne pas oublier que si la chlordécone a été utilisée de façon dérogatoire chez nous, c'est parce que le secteur conventionnel, parce que les lobbies l'ont imposé. Pas le secteur informel.

Enfin, madame la ministre, le principe de précaution doit être appliqué jusqu'au bout. Voilà pourquoi j'appelle votre attention sur un autre scandale qui se profile aujourd'hui : celui de l'Azulox, une substance particulièrement toxique utilisée aujourd'hui, par voie de dérogation, dans les champs de canne à sucre. Ce n'est même pas un pesticide, ce n'est qu'un herbicide, mais celui-ci est particulièrement toxique en milieu aquatique.

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Madame la ministre, pour paraphraser un auteur bien connu de chez nous, Guy Tirolien, je dirai que dans ce bouquet de silence, le Gouvernement a entendu nos cris et nos voix. En effet, je n'aurais jamais cru que trois ministres recevraient les parlementaires de la Martinique et de la Guadeloupe pour parler d'un sujet ô combien important de santé publique. Je vous en remercie, comme je l'ai fait pour Annick Girardin, et comme je le ferai pour Stéphane Travert.

J'ai entendu vos interventions, et la réponse que vous avez adressée à notre collègue M. Furst. Oui, très souvent, monsieur Furst, l'éloignement a fait que la République nous a oubliés. Ainsi, nous avons eu le sentiment du désengagement permanent de l'État, s'agissant d'un problème qui affecte la santé de nos populations.

Madame la ministre, votre réponse prouve votre détermination. J'espère bien qu'au-delà des mots, au-delà de l'engagement que je peux percevoir chez vous, le Gouvernement posera des actes très forts. J'espère qu'il demandera aux autorités européennes de réviser la LMR. J'espère aussi que la conférence que vous voulez initier sur cette affaire ô combien sérieuse verra le jour.

Comme vous le savez, en Guadeloupe, nous rencontrons de nombreuses difficultés, avec l'incendie du CHU et la désorganisation médicale, ou la contamination des sols. Nous sommes une terre archipélagique, et l'étude Karuprostate a prédit que cette contamination serait plus grave en Basse-Terre qu'en Grande-Terre. Une psychose s'est développée au sein de la population, et il va falloir agir. Madame la ministre, je veux vous faire confiance pour les actions que le Gouvernement mènera prochainement : des actions fortes pour nos agriculteurs, nos maraîchers, nos enfants, nos femmes enceintes ; davantage de communication, d'information ; des études claires, sans approximation. Il faudra surtout que le Gouvernement ose reconnaître qu'il a failli.

Vous l'avez dit ce matin, mais j'aurais aimé retrouver dans le communiqué de presse le même niveau d'engagement. Quoi qu'il en soit, je souhaite que vous posiez des actes forts pour les populations de la Guadeloupe et de la Martinique. Sachez que je serai vigilante.

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Je suis ici aujourd'hui en tant que députée de la Réunion. Nous n'avons pas de chlordécone, mais il m'a semblé important de venir exprimer notre solidarité avec les populations de la Martinique et de la Guadeloupe.

Je voudrais saluer le travail collectif de mes collègues. Je voudrais également, madame la ministre, saluer votre qualité d'écoute et la qualité de vos réponses. Tout n'a pas encore été fait, et mes collègues ont raison d'être très attentifs à ce qui va se passer. Mais je crois que les mots que vous avez utilisés, et les engagements précis que vous avez pris méritent d'être soulignés.

Comme le disait tout à l'heure un de nos collègues, il est arrivé que dans nos territoires, on défende des causes injustes, qu'on ait des comportements injustes qui ont laissé des traces énormes, qui ont abouti à des morts et qui ont fait beaucoup de mal très loin de l'hexagone. Nous ne sommes pas là en pleureurs et en pleureuses. Nous essayons de prendre nos responsabilités et d'avancer, mais pour cela, nous avons besoin d'avoir à nos côtés des personnes déterminées.

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Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

Monsieur Mathiasin, vous dites que vous vous battez tout seul contre la chlordécone. Je comprends parfaitement le sentiment des élus et de la population, qui ne voient pas l'État prendre à bras le corps un problème qui est très anxiogène – on sait qu'il y a une contamination, sans savoir où, ni ce que l'on mange.

La réalité est sans doute un peu différente, car nous avons fait beaucoup. Le ministère de la santé a tenu tous ses engagements – mise en place de cohortes, de suivi épidémiologique ; mesures de la contamination chez les habitants. Le ministère de l'agriculture a réalisé un nouveau zonage de la chlordécone. Bref, le plan chlordécone avance. Mais en fait, il avance de façon souterraine.

Nous n'avons pas su – ni moi ni mes prédécesseurs – communiquer sur ce plan. Force est de constater qu'il est inconnu en Guadeloupe et en Martinique, et qu'aujourd'hui pas un Guadeloupéen, pas un Martiniquais ne sait dire ce que l'État a fait. C'est tout de même dommage, puisque 30 millions d'euros ont été dégagés entre 2014 et 2016 pour son financement. Tout n'a pas été consommé, mais un certain nombre d'actions, dont nous avions la responsabilité, ont été mises en oeuvre.

Certes, vous avez le sentiment de vous battre seuls, mais vous n'êtes pas seuls, car des mesures ont été prises. Il convient maintenant de les rendre transparentes et de les faire connaître. Bien sûr, on n'a pas complètement évalué l'impact sanitaire de l'utilisation de la chlordécone. Reste que l'on s'est donné les moyens d'accumuler les connaissances sur la chlordécone et son impact sanitaire, et que le rapport que nous avons demandé aux trois alliances – qui nous sera remis, je l'espère, d'ici le colloque – sera rendu public.

Pour illustrer la bonne foi de l'État, je reviendrai à ce qu'a dit M. Serville sur la contamination par le mercure et le plomb en Guyane. C'est effectivement un vrai problème, dont l'État a rendu compte – plus précisément, il s'agissait de la CIRE, une équipe territoriale dédiée à la surveillance de la santé dans les territoires, qui dépend de l'Agence publique France, une agence du ministère de la santé.

Ainsi, l'État surveille, l'État rend compte, l'État est transparent. En Guyane, ce n'est pas une équipe indépendante qui a révélé le problème de contamination au mercure et au plomb. Je me rendrai d'ailleurs en Guyane dans quinze jours ou trois semaines, et nous en discuterons avec les autorités sanitaires. Aujourd'hui, l'ARS et l'AP-HP sont mobilisées. Cette contamination est liée à l'orpaillage, contre lequel nous devons impérativement lutter.

L'État ne garde pas secrets les « scandales sanitaires », il rend compte. Et nous devons aujourd'hui rendre compte à la Guadeloupe et à la Martinique de tout ce que nous faisons, et de tout ce que nous savons. À mon sens, c'est une urgence. Voilà pourquoi nous allons demander au directeur de l'ARS et au préfet d'engager une campagne d'information, de communication, et de faire de la pédagogie.

M. Nilor a prononcé un réquisitoire à charge. Je suis un peu embêtée. En fait, je n'ai pas envie de faire de politique autour de la chlordécone. Si la situation traîne depuis des années, d'une certaine manière nous en sommes tous responsables – élus de la Nation, élus locaux, État. Au lieu de chercher un responsable unique, mieux vaut dire qu'il est temps d'agir. C'est ce que nous faisons. Nous avons pris des engagements – Annick Girardin ce matin, mais aussi Stéphane Travert et moi-même.

Monsieur Nilor, vous demandez qu'on lance en Martinique une étude complémentaire sur le cancer de la prostate, par voie d'appel à projets. Cela ne peut pas dépendre de mon ministère, mais je vais solliciter ma collègue de la recherche. Peut-être faudra-t-il passer par l'Inca ? Nous verrons.

Ce n'est pas que nous ne souhaitions pas mener cette étude. Simplement, l'administration de l'État, en l'occurrence la Direction générale de la santé, ne sait pas écrire une étude scientifique. L'argent est là, mais il faut impérativement que des chercheurs s'engagent. En revanche, nous pouvons dire que l'étude Madiprostate menée en Guadeloupe pose la même question. Et l'on peut imaginer que les résultats que l'on tirera de cette étude – nous devrions les avoir en 2020 – pourront être extrapolés, au moins en partie, sur la Martinique.

Madame Benin, vous posez la question de la révision des LMR par le Gouvernement. Je crois savoir que le ministre Stéphane Travert s'est engagé à mener une action au niveau de l'Europe. Nous avons prévu une clause de revoyure avec les élus de la Martinique et de la Guadeloupe dans un mois, afin de lancer un plan d'action très précis de communication, de présence sur place, de sollicitation des préfets et des directeurs généraux d'ARS. Tout cela aboutira à une forte mobilisation, aussi bien au niveau national qu'au niveau territorial, que la population pourra interpréter comme une manifestation de la ferme volonté de transparence du Gouvernement. Voilà à quoi je m'engage aujourd'hui devant vous.

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Madame la ministre, au terme de cette audition, il me reste à vous remercier très chaleureusement de votre présence. Nous avons pu constater que la douceur de votre voix contrastait sérieusement avec la robustesse et la force des annonces que vous nous avez faites.

Ainsi, avec la ministre de la recherche, vous seriez toute disposée à lancer un appel à projets pour définir un protocole scientifique robuste, susceptible d'apaiser la situation en Martinique et en Guadeloupe. C'est une réponse importante.

Vous avez l'ambition de mettre en place une labellisation « sans chlordécone » des jardins familiaux. Elle serait remise aux producteurs qui s'assureraient que leur terrain, et donc leur culture, sont sains. C'est important également, étant donné la place prise chez nous par le secteur informel.

Vous nous avez indiqué que se tiendrait en octobre un colloque scientifique qui permettra d'y voir plus clair, en insistant sur votre volonté d'informer et de communiquer avec les publics concernés par cette problématique.

Le Gouvernement a annoncé que la cartographie en Martinique serait disponible au premier semestre 2018, et qu'en Guadeloupe elle le serait au premier trimestre 2018. C'est une information importante.

Vous avez dit, avec le ministre de l'agriculture, que nonobstant la nouvelle position de l'Europe sur les LMR, l'État avait décidé d'être plus restrictif en conservant les anciens critères de taux de matière grasse.

Enfin, vous avez annoncé que vous alliez solliciter les trois grandes alliances de recherche scientifique pour disposer d'une synthèse, et connaître l'état de la situation actuelle s'agissant de la contamination par la chlordécone.

Madame la ministre, je tiens à vous dire, en mon nom personnel, toute la satisfaction que m'ont procurée ces différentes annonces, qui augurent d'une volonté ferme et définitive de l'État français d'avancer avec nous. Je vous en remercie.

La séance est levée à 19 heures 25.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Ericka Bareigts, Mme Nathalie Bassire, Mme Justine Benin, M. Stéphane Claireaux, M. Laurent Furst, M. Raphaël Gérard, Mme Sandrine Josso, M. Rodrigue Kokouendo, M. Serge Letchimy, M. David Lorion, Mme Josette Manin, M. Max Mathiasin, Mme Monica Michel, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Maud Petit, M. Alain Ramadier, Mme Nadia Ramassamy, M. Pierre-Alain Raphan, M. Hugues Renson, Mme Cécile Rilhac, M. Olivier Serva, M. Gabriel Serville, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

Excusés. - M. Moetai Brotherson, Mme Françoise Dumas, Mme Sophie Errante, M. Philippe Gomès, M. Philippe Gosselin, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Charlotte Lecocq, M. Didier Quentin, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Maina Sage