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Chacun sait qu'une « fausse nouvelle » n'est fausse bien souvent qu'au regard de ceux qu'elle gêne, au regard des intérêts installés qu'elle dérange. Vous objecterez que, dans le cas d'une fausse nouvelle avérée, il faut pouvoir, lors d'une campagne électorale, agir très vite. J'entends cet argument, dès lors que l'honneur de quelqu'un est mis en cause. Pourquoi, dans ce cas, ne pas alléger et accélérer la gestion des procédures en diffamation plutôt que de bricoler à la va-vite une interdiction judiciaire visant de manière large les prétendues « fausses nouvelles » ? En réalité, vous comptez sur l'effet dissuasif de ces textes et vous instaurez une in...
...e juridique français permettant de poursuivre et de sanctionner la propagation de fausses informations existe depuis la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Pourtant, mes chers collègues, lequel d'entre nous oserait dire qu'il protège aujourd'hui encore les candidats et leurs soutiens ? La campagne présidentielle s'est-elle déroulée sans confusion ? En a-t-il été de même lors de vos campagnes électorales ? Assurément ! – du moins, tel est l'avis de nos collègues sénateurs, qui n'ont pas souhaité enrichir les textes et qui, plutôt que de débattre, ont préféré adopter des motions tendant à opposer la question préalable aux deux propositions de loi. Alors que celles-ci ne touchent pas au délit de fausse nouvelle, qui est déjà pénalement réprimé, ni à la notion et qualification de « fausse nouvelle...
...timents. Je n'ai plus entendu dire que ces deux textes sont les chevaux de Troie d'une dictature en marche, et je me réjouis de ne plus entendre de tels propos ce soir – en tout cas pour le moment. Pour autant, le débat sur la défense de la liberté d'expression est toujours, par essence, légitime. À ce stade, le dispositif que nous proposons comporte trois blocs. Le premier concerne les périodes électorales, dont j'ai souligné la sensibilité. L'intervention du juge des référés, juge de l'évidence, n'est ni anodine, ni exagérée. Elle n'est pas anodine, car ce juge peut faire cesser la diffusion d'une information manifestement fausse et non exagérée, parce que son indépendance et son discernement font de lui, précisément, le juge de l'évidence. Sur ce point, nous avons nourri notre réflexion de nos p...
... le problème. Dans la mesure où ce juge n'aura pas les moyens de se prononcer sur des situations complexes en si peu de temps, le dispositif pourrait même se révéler contreproductif en ce qu'il pourra renforcer, non seulement la publicité donnée à la « fausse information » dont on veut obtenir le déréférencement, mais aussi le caractère vraisemblable qu'on lui prête. Dans le cadre d'une campagne électorale, la décision du juge de ne pas se prononcer risque en effet d'être instrumentalisée et, paradoxalement, d'altérer bien davantage la sincérité du scrutin. Le groupe UDI, Agir et indépendants souhaitait défendre un amendement pour introduire une clause de revoyure, mais il n'était malheureusement pas recevable. Nous souhaitons donc vous demander, madame la ministre, si vous pourriez malgré tout vou...
...bien vu les effets des fausses nouvelles, mais soyons concrets. À l'occasion de cette élection, un candidat, l'un de mes adversaires politiques, je veux le nommer, François Fillon, était au plus haut dans les sondages. Il a subi une campagne de presse affirmant qu'il avait embauché son épouse comme assistante parlementaire et qu'il s'agissait d'un emploi fictif. Dix-huit mois après cette campagne électorale, la justice ne s'est toujours pas prononcée à ce sujet. J'affirme que nombre d'électeurs ont modifié leur vote, influencés par cette affirmation répétée par de nombreux médias.
Nous en sommes à un point où il faut protéger le débat public, en particulier en période électorale. Je ne dis pas que c'est aisé. J'affirme au contraire que si cela est nécessaire, ce n'est pas sans risque, au départ. Sauf que nous avons dosé ce que nous avons fait : nous avons pris toutes les précautions en matière de respect des libertés publiques. Par exemple lorsque l'on me demande comment faire la différence entre ce qui est vrai et ce qui est faux, je réponds que nous avons choisi le ju...
... qui sont des contre-exemples. Je ne dis pas que le juge des référés répondra à toutes les situations – monsieur Corbière, vous avez cité un cas précis – , mais il y a des situations dans lesquelles il sera parfaitement utile : il jouera tout son rôle. Je prends un exemple un peu caricatural pour que tout le monde se sente concerné : imaginons une fausse information diffusée pendant une campagne électorale consistant à expliquer qu'un candidat veut régulariser 100 000 sans-papiers. Ce ne serait pas une fausse nouvelle, parce que ce serait diffusé de manière massive et que nous ne réussirions pas à détecter la première diffusion. Ce n'est pas diffamatoire car, objectivement, la régularisation de sans-papiers ne constitue pas une atteinte à l'honneur et à la considération. En revanche il s'agit d'une...
La proposition de loi vise les périodes électorales…
Il s'agit de pointer une contradiction : pourquoi l'obligation de transparence des plateformes que vous réclamez – après tout, pourquoi pas ? – devrait-elle être circonscrite aux périodes électorales ? L'opinion publique, l'opinion des citoyens ne se forge pas uniquement dans ces moments-là. Le moment électoral, souvent, est l'aboutissement d'une réflexion. Limiter une telle exigence démocratique donne l'impression désagréable que, lorsque des postes sont en jeu, le droit serait en quelque sorte différent de ce qu'il est hors période électorale. Nous demandons quant à nous que cette obligat...
... avions songé à la généralisation de cette obligation à toutes les plateformes mais nous avons écarté cette possibilité car je ne vois pas sur quel fondement il serait possible à la fois d'articuler une obligation aussi générale avec la directive sur le commerce électronique, c'est-à-dire avec la liberté de commercer, et avec la libre prestation de services. Nous l'avons donc limitée à la période électorale.
… quant à la portée, à l'efficacité et même à la praticabilité de ce dispositif. Je ne sais pas à combien de campagnes électorales vous avez participé en tant que militante ou candidate…
Je vous remercie pour votre délicatesse et votre insinuation sur l'âge. Bravo ! Vous vous sentez accusé, en permanence, dès qu'il est question de campagne électorale, que l'on y ait participé ou non, plusieurs fois ou une seule. Enfin… Ce n'est absolument pas le problème, on s'en fiche !
... la ministre : lorsqu'une personne aura saisi le juge des référés à propos d'une « infox », d'une fausse information, j'imagine qu'il lui sera notifié que le juge en a bien été saisi avant que la décision ne soit rendue sous quarante-huit heures. En l'occurrence, ce ne sont pas les juges qui sont en cause mais plutôt les candidats et candidates, les militants et militantes, pendant les campagnes électorales. Ce n'est pas votre ancien métier que je visais, madame la rapporteure pour avis, je suis désolée que vous l'ayez cru ! Imaginez que, pendant ces campagnes, sur les réseaux sociaux et sur les plateformes, tous les papiers prouvant que vous avez saisi le juge soient affichés en permanence. La judiciarisation, l'offense aux candidats d'en face seront encore plus fortes. C'est seulement cela que n...
..., madame la rapporteure pour avis, que le Conseil d'État lui-même, dans son avis du 19 avril 2018, a admis que les faits constituant de fausses informations sont difficiles à qualifier juridiquement. C'est pourquoi il me semble qu'un juge unique, quand il doit prendre une décision rapide, ne peut pas efficacement travailler sur de pareils dossiers, en des périodes aussi sensibles que les périodes électorales. Je vous propose donc que ce ne soit pas un juge unique, mais un collège de trois juges, qui statue dans les mêmes délais – j'y insiste, car c'est important – et à la majorité de deux juges sur trois, afin d'assurer la qualité de leur délibéré.
...tre rendue en première instance. Je veux d'abord rappeler ici que je ne crée pas de voie d'appel, puisque celle-ci existe déjà en droit. Ce que je propose, avec cet amendement, c'est la création d'une procédure d'appel rapide : je propose qu'il soit possible de faire appel dans un délai de vingt-quatre heures et que le juge d'appel se prononce dans les quarante-huit heures. En période de campagne électorale, quand les échéances approchent, il faut aller vite : c'est la même logique que pour le juge de première instance et il n'y a pas de raison que le temps d'appel soit plus long.
Cet échange ubuesque entre la rapporteure et la ministre était très intéressant en ce qu'il révèle ce que le texte porte en germe d'ingérable pour les futures échéances électorales. Imaginez-vous que, dans chaque circonscription où des candidats sentent la situation leur échapper, ils multiplient les recours. Comment pouvez-vous croire que ces affaires seront jugées en quarante-huit heures ? Qui plus est, les appels formés après les scrutins auront pour conséquence de jeter l'opprobre sur les candidats et les potentiels vainqueurs, et de multiplier à l'infini les contentie...
Le présent article accentue le rôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel pour lutter contre la diffusion de fausses informations en période électorale. Ainsi, le CSA pourrait rejeter la demande de convention d'un service de radio ou de télévision dans le cas où leur diffusion serait problématique, par exemple en comportant « un risque grave d'atteinte à la dignité de la personne humaine ». Permettez-moi d'appeler votre attention sur une des conditions pouvant justifier un tel refus : en cas de « risque grave » d'atteinte « à la sauvegarde de l...
L'article 4 ne concerne pas seulement la période électorale. De plus, je vois mal comment le fait de reprendre une jurisprudence du Conseil d'État – ce que fait l'article 4 – pourrait mettre à mal la liberté d'expression. Avis défavorable.
Dans la droite ligne de l'article 4, l'article 5 étend à nouveau les prérogatives du CSA. Par souci de cohérence, je ne peux évidemment que m'y opposer. C'est bien la liberté d'expression elle-même qui est attaquée ici. Le CSA pourrait suspendre, en période électorale, un service de radio ou de télévision contrôlé ou sous influence d'un État étranger qui diffuserait de fausses informations. Le problème, c'est que rien ne nous garantit la neutralité du CSA – bien au contraire, surtout lorsqu'on connaît la composition de cette instance ! Les personnes mises en cause auront quarante-huit heures pour lui présenter leurs observations, mais l'article 5 ne prévoit pa...
... a été dit, ne promet d'être ni efficace ni utile au bon fonctionnement de notre démocratie. En rétrécissant la définition de la fausse information, renvoyée essentiellement à l'appréciation du juge des référés, vous ne diminuez en rien le malaise qu'elle suscite. Au contraire, vous risquez d'engendrer des mécanismes pernicieux qui conduiront au mieux à une judiciarisation accrue de nos campagnes électorales, au pire à l'affaissement de la liberté d'expression et d'opinion.