Publié le 25 septembre 2018 par : M. Potier, Mme Battistel, M. Juanico, M. Vallaud, Mme Rabault, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Biémouret, M. Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. David Habib, M. Hutin, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Letchimy, Mme Manin, Mme Pau-Langevin, Mme Pires Beaune, M. Pueyo, M. Pupponi, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, Mme Victory.
Après l'alinéa 18, insérer les cinq alinéas suivants :
« 3° Après le IV, il est inséré un IVbis ainsi rédigé :
« IVbis. – Peut également prétendre à cet agrément une entreprise, établie dans un pays bénéficiaire de l'aide publique au développement, qui se donne pour mission principale de contribuer à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, conformément aux objectifs du développement durable des Nations unies.
« Les actionnaires majoritaires de l'entreprise s'obligent à consacrer la majorité des bénéfices qu'ils pourraient retirer de leur entreprise au maintien et au développement de l'entreprise et à l'approfondissement de son impact social.
« La demande d'agrément est présentée à l'autorité compétente conjointement par l'entreprise candidate et par une ou plusieurs entreprises ou organisations non-gouvernementales, établies dans un État membre de l'Union européenne, qui s'engagent dans un partenariat de long terme avec l'entreprise candidate.
« Sont assimilés à ces entreprises les fonds et organismes de financement dont l'actif est composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises agrées en application du I. ». »
L'épargne salariale constitue en France un outil puissant de mobilisation de l'épargne à long terme des salariés au service du financement des entreprises au travers d'un ensemble de dispositifs (intéressement, participation, versement libre, abondement des entreprises) auxquels s'applique un régime fiscal favorable en contrepartie d'une indisponibilité de 5 ans des sommes placées par les salariés soit en Fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), soit en SICAV d'actionnariat salarié (SICAVAS).
Au 31 décembre 2017, 315.000 entreprises sont équipées d'un dispositif d'épargne salariale et l'encours d'épargne salariale en France s'élève à € 131,5 milliards[1].
Depuis 2008, la loi[2] fait obligation aux entreprises qui ont mis en place un Plan d'Epargne Entreprise, de proposer à leurs salariés au moins un Fonds Commun de Placement d'Entreprise Solidaire (FCPES). Pour être qualifié de solidaire, un FCPE doit investir entre 5 et 10 % de ses actifs en titres émis par des entreprises solidaires d'utilité sociale, répondant à l'une des définitions énoncées à l'article L3332‑17‑1 du Code du travail et agréées par arrêté préfectoral. Une obligation similaire existe pour les PERCO[3].
Au 31 décembre 2017, l'encours de l'épargne salariale solidaire s'élève à € 7,4 milliards. Elle représente près des deux tiers de l'épargne solidaire en France[4].
Si la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a permis d'élargir les catégories d'entreprises solidaires d'utilité sociale éligibles à des investissements par les FCPES au delà des entreprises relevant traditionnellement de l'économie sociale et solidaire, les définitions, critères et procédures édictés par l'article 11 pour l'agrément ESUS ont pour effet d'exclure les entreprises solidaires établies dans des pays en développement de l'accès à un financement par les FCPE Solidaires.
A titre d'illustration :
- les catégories « entreprise d'insertion », « entreprises adaptées » ne sont pas juridiquement transposables à des entreprises établies hors de France,
- la référence à la durée légale du travail, au salaire minimum de croissance, ou au salaire minimum de branche n'est pas davantage applicable en dehors de nos frontières.
- La procédure d'agrément par arrêté préfectoral est par elle même une clause d'exclusion des entreprises établies en dehors du territoire national.
Or la poursuite des Objectifs du Développement Durable, et notamment les Objectifs 1 (lutte contre la pauvreté), 2 (Lutte contre la faim et la malnutrition), 3 (bonne santé et bien-être), 6 (eau propre et assainissement) et 7 (énergie propre), passe notamment par la création et le développement dans les pays en développement d'entreprises solidaires locales, dont la raison d'être est de contribuer à donner accès aux plus pauvres à des biens et services essentiels, et dont les actionnaires s'engagent à réinvestir la plus grande partie des profits éventuels dans l'entreprise elle-même pour en consolider le développement ou en accentuer la mission sociale.
De telles entreprises ont vu le jour dans de nombreux pays en développement, parfois avec le soutien et la participation en capital d'entreprises françaises, agissant dans le cadre d'une conception exigeante de leur responsabilité sociale dans le monde.
La contribution de ces entreprises solidaires de développement ou « social business » , dont le concept a été élaboré et diffusé par le Professeur M. Yunus, Prix Nobel de la Paix 2006, est d'ailleurs reconnue par l'Agence Française de Développement qui y voit un nouveau modèle de développement durable[5] : « le social business se situe à l'intersection des logiques de l'entreprise, du marché, du social, du service public, et peut s'appliquer dans presque tous les secteurs (inclusion financière, nutrition et sécurité alimentaire, santé, éducation, logement, eau, assainissement, énergie, etc.). »
Il est regrettable que les problématiques « de lutte contre la pauvreté extrême, la faim et l'insécurité alimentaire et de réduction des inégalités sociales et territoriales »[6] dans les pays en développement soient hors du champ d'un dispositif de financement par l'épargne salariale solidaire, qui se développe de façon dynamique (+ 20 % en 2017) et auquel adhère un million de salariés.
On peut d'ailleurs escompter qu'un plus grand nombre de salariés d'entreprises ou de grands groupe tournés vers l'international placeront leur épargne salariale dans des Fonds solidaires, dès lors que ces fonds pourront financer des entreprises solidaires dans les pays en développement. On peut mentionner à cet égard l'exemple du FCPR danone.communities, dédié à des entreprises de social business dans les pays du Sud, dans lequel les salariés de Danone ont investi en masse, mais paradoxalement, ce fonds ne bénéficie pas de la reconnaissance de Fonds d'épargne salariale solidaire, car les entreprises dans lesquelles il investit ne répondent pas aux critères français.
Du fait de ses caractéristiques propres (épargne indisponible pendant 5 ans, investie partiellement en titres d'entreprises, gestion prudente dans le cadre d'un FCPE), et de son potentiel important de développement, sans coût fiscal additionnel pour l'État, l'épargne salariale solidaire pourrait contribuer très utilement à la politique française de développement et de solidarité internationale et encourager les entreprises dans leurs initiatives de social business dans les pays en développement.
L'objet du présent amendement est d'élargir le champ des entreprises éligibles à un financement par des Fonds Communs d'Epargne d'Entreprise Solidaire aux entreprises, localisées dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement, répondant à des critères exigeants d'impact social et de lucrativité limitée, et agréées suivant une procédure spécifique.
Les principaux critères seraient :
1. L'entreprise est établie dans un pays bénéficiaire de l'aide publique au développement, conformément aux lois du pays d'établissement,
2. L'entreprise s'est fixée, dans ses statuts ou par une Charte annexée à un pacte d'actionnaires majoritaire, la mission de lutter contre la pauvreté et l'exclusion en donnant aux plus pauvres accès aux produits et services essentiels, dont ils sont privés,
3. L'entreprise s'oblige à rendre compte au moins une fois par an de son impact social, sur la base d'une méthodologie de mesure d'impact et des indicateurs robustes d'impact préalablement agréés par l'autorité compétente,
4. Les actionnaires s'obligent à consacrer la majorité des bénéfices au maintien et au développement de l'entreprise et à l'approfondissement de son impact social.
Pour prévenir un afflux massif de demandes d'agrément qui satureraient les services administratifs chargés de leur instruction, alors même qu'elles auraient peu de chance d'obtenir un financement d'un fonds d'épargne salariale solidaire, il est proposé que la demande d'agrément soit introduite conjointement par l'entreprise candidate et par une entreprise ou une ONG établie dans un État-Membre de l'Union Européenne qui s'engagerait comme actionnaire /partenaire de long terme de l'entreprise candidate à l'agrément.
L'autorité compétente pour délivrer l'agrément sera déterminée par décret en Conseil d'État. En 1ère analyse, il pourrait être délivré par l'ambassade française dans le pays considéré, après instruction du dossier par les services régionaux de l'AFD.
La création par la loi PACTE de ce dispositif s'inscrit dans sa double ambition d'encourager le développement de l'épargne salariale d'une part, et dans la prise en compte par les entreprises des enjeux sociaux et environnementaux.
[1] Source AFG : http ://www.afg.asso.fr/solutions-depargne/lepargne-salariale/chiffres-cles-3/ [2] Loi n° 2008‑776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) [3] Article L. 3334‑13 du code du travail [4] Source : baromètre de l'épargne solidaire https ://www.finansol.org/_dwl/barometre-finance-solidaire.pdf [5] https ://www.afd.fr/sites/afd/files/imported-files/22-question-developpement.pdf [6] Article 1er de la Loi n° 2014‑773 du 7 juillet 2014 d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale
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