Publié le 13 novembre 2019 par : M. Vallaud, Mme Pires Beaune, M. Jean-Louis Bricout, M. David Habib, Mme Rabault, M. Aviragnet, Mme Bareigts, Mme Battistel, Mme Biémouret, M. Bouillon, M. Carvounas, M. Alain David, Mme Laurence Dumont, M. Faure, M. Garot, M. Hutin, M. Juanico, Mme Karamanli, M. Jérôme Lambert, M. Letchimy, Mme Manin, Mme Pau-Langevin, M. Potier, M. Pueyo, M. Saulignac, Mme Tolmont, Mme Untermaier, Mme Vainqueur-Christophe, Mme Victory, les membres du groupe Socialistes apparentés.
Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section XXIII ainsi rédigée :
« Section XXIII – Taxe minimum anti-optimisation
« Art. 235terZG. – I. – Les sociétés mères des groupes dont le siège est établi en France sont redevables d’une taxe minimum anti-optimisation sur leur bénéfice mondial lorsque celui-ci fait l’objet d’une imposition anormalement basse.
« II. – Les sociétés mères au sens du I présent article sont les personnes contrôlant au sens de l’article L. 233‑16 du code de commerce de manière exclusive ou conjointe des entités juridiques, personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables, établies ou constituées en France ou hors de France.
« III. – La taxe minimum anti-optimisation est assise sur le résultat d’ensemble du groupe constitué par les entités juridiques, personnes morales, organismes, fiducies ou institutions comparables mentionnées au II.
« Ce résultat est déterminé en faisant la somme algébrique des bénéfices ou revenus positifs de chacune des entités du groupe dans les conditions prévues aux articles 223 A à 223 K du présent code. Il est tenu compte pour ce calcul de l’ensemble des résultats de leurs exploitations directes ou indirectes, qu’elles soient situées en France ou à l’étranger.
« IV. – La taxe minimum anti-optimisation est due au taux de 25 %.
« V. – L’impôt sur les sociétés acquitté en France ainsi que les impôts comparables acquittés localement par les entités mentionnées au II établies hors de France sont imputables sur la taxe minimum anti-optimisation, dans la limite de 25 % du résultat qu’ils taxent.
« VI. – La taxe minimum anti-optimisation est payée par les sociétés mères mentionnées au II dans les deux mois qui suivent le terme de chaque période de douze mois suivant l’entrée en vigueur du présent article
« VII. – La taxe minimum anti-optimisation est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.
« VIII. – Les dispositions du présent article entre en vigueur à la date constatée par décret à laquelle au moins trois États autres que la France membres du groupe des sept auront mis en place dans le droit interne une taxe comparable, et au plus tard le 1er janvier 2023.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à mettre en œuvre un impôt anti-optimisation, conçu sur la base des propositions de l’économiste Gabriel Zucman.
Notre système de taxation du résultat des multinationales repose sur le dispositif des prix de transfert inventé dans les années 20 à une époque où la part du résultat localisé en dehors du pays de siège s’élevait à environ 1 %. Autant dire qu’il est aujourd’hui totalement dépassé et laisse les États impuissants. Dans les années 80, la part du résultat d’une multinationale en dehors du pays où est situé son siège s’élevait à environ 4 % : aujourd’hui, elle approche les 20 %.
Les multinationales jouent à saute-moutons avec les systèmes fiscaux des États, localisant des bénéfices dans des États pratiquant le dumping fiscal et localisant leurs déficits dans des pays contraints de pratiquer des taux élevés, maximisant ainsi le résultat fiscal global, acculant même des actifs fiscaux grâce au report en avant des déficits. Le système et les dispositifs utilisés donnent des armes aux multinationales en désarmant les États.
Il s’agit de mettre un terme à cette situation !
Le résultat de ces pratiques est de priver les États et la collectivité de ressources précieuses pour financer des services publics qui en ont tant besoin.
Faute de coordination assez rapide entre les États, face à l’incapacité générale de dépasser l’écheveau de conventions fiscales qui seraient prétendument indépassables, nous restons impuissants alors que nous pouvons agir : dire qu’il est impossible d’agir et qu’il n’existe que des contraintes qui nous condamnent à l’impuissance est un discours inacceptable et mensonger.
Le dispositif que met en place le présent amendement porté par les députés Socialistes et apparentés transpose les idées d’un jeune économiste français qui rencontre un succès retentissant aux États-unis et dans le monde : il serait dommage que son nom et ses travaux ne soient pas prononcés et mobilisés dans cette Assemblée.
La mesure proposée instaure un système anti-optimisation, un impôt sui generis taxant le bénéfice mondial des groupes multinationaux dont le siège est en France. Cet impôt, dit « taxe minimum anti-optimisation », rattrapera le déficit de fiscalité de ces groupes s’ils sont sous-imposés, c’est-à-dire en considérant l’écart entre l’impôt effectivement payé dans chaque État et un impôt minimum à un taux pivot, proposé à 25 %.
Cette taxation n’a pas vocation à être établie par la France seule mais dans le cadre d’une démarche internationale visant à lutter contre les pratiques prédatrices de certains États dont profitent des grandes entreprises. La taxe sera donc applicable lorsqu’au moins quatre États du G7, dont la France, l’auront prévue. Les grands États coopérant ainsi agiront en quelque sorte dans un rôle de police fiscale internationale s’agissant de leurs multinationales. Ils s’assureront qu’aucune d’entre elles ne profite anormalement des règles fiscales internationales ; elles n’auront donc plus aucune incitation à chercher à déplacer leur bénéfice dans les juridictions taxant le moins pour échapper à l’impôt, celui-ci étant, de toute manière, en dernière analyse « rattrapé » par la taxe minimum anti-optimisation.
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