Publié le 23 juillet 2020 par : Mme Thill, M. Meyer Habib, M. Zumkeller, M. Lagarde.
Supprimer cet article.
L’article 1er du présent projet de loi élargit l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées.
Cet article, tel qu’associé à l’article 4 qui réalise une réforme du droit de la filiation dont la portée n’est pas maîtrisée, rompt en profondeur avec le droit jusqu’alors applicable à l’assistance médicale à la procréation.
En effet, depuis l’adoption des premières lois de bioéthique, en 1994, le droit français se caractérise par une constante recherche d’équilibre entre les nécessités du progrès scientifique et technique et la préservation des valeurs humaines et sociales fondamentales.
Cette recherche d’équilibre repose sur l’idée que tout ce qui est techniquement possible n’est pas toujours socialement ou éthiquement souhaitable.
C’est ainsi qu’en matière d’assistance médicale à la procréation, les législateurs successifs ont fait le choix d’encadrer strictement ses conditions d’accès, fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, et d’interdire rigoureusement les techniques susceptibles de porter atteinte aux valeurs sociales fondamentales.
Aussi, l’article L. 2141-2 du Code de la santé publique réserve le recours à l’assistance médicale à la procréation à un couple, formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer.
Dès lors, en ouvrant l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, l’article 1er du projet de loi rompt l’équilibre fragile qui a été trouvé.
S’il convient de reconnaître que la notion d’égalité se trouve au fondement de cette disposition, en donnant la possibilité à tous les couples, hétérosexuels comme homosexuels, de satisfaire un désir d’enfant, cette dernière se heurte néanmoins à plusieurs limites.
En effet, si l’on permet aux femmes homosexuelles de recourir à la médecine pour procréer sur le fondement de l’égalité, il paraît nécessaire d’en faire autant pour les hommes. De cette question se profile alors la question de la gestation pour autrui, interdite en France au nom du principe d’indisponibilité du corps humain.
En outre, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes remet en question tout notre droit de la filiation, en le détachant de toute référence à l’engendrement de l’enfant pour conduire à la parentalité. Actuellement, il existe deux types de filiations, la filiation de droit commun, fondée sur une réalité biologique ou vraisemblable, et la filiation adoptive. Dès lors, l’inscription, sur l’acte de naissance de l’enfant de l’existence de deux mères bouleverserait le sens de la filiation d’origine en rompant non seulement avec le principe, hérité du droit romain, « mater semper certa est » (la mère est celle qui a accouché de l’enfant), mais également avec le principe de la vraisemblance incontournable qui gouverne l’organisation de la filiation de notre pays, soulevant, à plus ou moins long terme, la question du régime de la filiation des enfants issus de conventions de mères porteuses.
Cela risque, en effet, de semer un certain trouble dans le délicat équilibre trouvé par la Cour de cassation en matière de gestation pour autrui. En l’état de la jurisprudence, faisant application de la règle « Mater semper certa est », la convention de mère porteuse fait obstacle à la transcription de l’acte de naissance en ce qui concerne la mère d’intention désignée comme mère légale. Dès lors, sur le fondement de la vérité biologique ou vraisemblable, la Cour de cassation n’admet ainsi qu’une transcription partielle de l’acte étranger, seulement en ce qu’il désigne le père biologique comme père légal (Cass. Ass. plén., 3 juill. 2015, nos 14-21323 et 15-50002 ; Cass., civ. 1ère, 5 juill. 2017, nos 16-16901 et 16-16455).
Si la Cour européenne des droits de l’homme, suite à la demande d’avis consultatif de la Cour de cassation, transmis par un arrêt du 5 octobre 2018, impose à l’État, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, de permettre la reconnaissance en droit interne de la filiation entre l’enfant issu d’une gestation pour autrui et la mère d’intention, elle admet néanmoins que, compte tenu de l’état du droit interne du pays concerné, cette reconnaissance puisse se faire par une autre voie que celle de la transcription, telle que l’adoption de l’enfant par ladite mère d’intention (CEDH, Gr. ch., 10 avr. 2019, n° P16-2018-001, faisant suite à l’avis consultatif, Cass. Ass. plén. 5 oct. 2018, n° 10-19053).
Enfin, en créant un tel régime de filiation, l’égal accès à la maternité reviendrait à priver l’enfant d’une partie de ses origines biologiques, rompant ainsi l’égalité entre les enfants, dont certains seront privés de fait et en droit d’ascendance paternelle.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement propose de supprimer cet article.
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