Publié le 3 mars 2021 par : M. Le Bohec, M. Studer, M. Anato, M. Bouyx, Mme Bureau-Bonnard, Mme Calvez, Mme Cattelot, M. Claireaux, M. Colas-Roy, Mme Gomez-Bassac, M. Gouttefarde, Mme Granjus, Mme Krimi, Mme Le Feur, Mme Marsaud, Mme Osson, M. Perea, M. Perrot, M. Raphan, Mme Rilhac, Mme Riotton, M. Testé, Mme Thourot, Mme Vanceunebrock.
Dans le cadre de l’expérimentation mentionnée au présent article, il est veillé à ce que les tarifs de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l’enseignement public puissent être modulés sur la base d’un barème progressif, dont les tranches résultent de l’application des dispositions du décret mentionné au troisième alinéa de l’article L. 521‑1 du code de la sécurité sociale pour le calcul des prestations et aides sociales assurées par les organismes visés à l’article L. 212‑2 du même code. Le barème est révisé conformément à l’évolution annuelle de l’indice des prix à la consommation, hors tabac.
Le prix acquitté au titre des services de restauration est fixé en considération des revenus assujettis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques figurant sur le dernier avis d’imposition de la personne ou du ménage qui assume la charge effective et permanente des élèves inscrits.
Toutefois les tarifs mentionnés à alinéa précédent ne peuvent, y compris lorsqu’une modulation est appliquée, être supérieurs au coût par usager résultant des charges supportées au titre du service de restauration, y compris après déduction des subventions et concours de toute nature perçus pour son financement.
La collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale auquel la compétence a été transférée peut décider de la gratuité des services de la restauration scolaire pour les élèves rattachés à un foyer fiscal dont les revenus n’excèdent pas le plafond de la première tranche du barème mentionné au présent article.
Un décret pris en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.
L’article 59 du présent projet de loi vise à ce que les collectivités territoriales qui le choisissent proposent quotidiennement un menu végétarien dans leur service de restauration scolaire. Cette expérimentation est étroitement liée au « [respect] des conditions fixées par voie réglementaire garantissant l’équilibre nutritionnel des repas servis et le respect d’exigences adaptées aux besoins des usagers, et notamment à l’âge des enfants ».
Une telle expérimentation, dès lors qu’elle est mise en place, doit pouvoir bénéficier à tous les enfants du territoire concerné, quels que soient les moyens financiers de leur famille. Cette préoccupation est d’autant plus nécessaire que certaines collectivités territoriales pourraient faire évoluer la tarification de leur service de restauration scolaire du fait de l’ambition portée par l’article 59 dans sa rédaction actuelle. Or, les enfants des familles les plus fragiles ne sauraient être écartés de facto des avancées prévues par cet article.
Le mécanisme proposé par le présent amendement est le même que celui qui s’applique pour les activités extrascolaires, à savoir qu’il repose sur la prise en compte, par les collectivités territoriales, du quotient familial de la Caisse d’allocations familiales. Ce mécanisme est par conséquent déjà connu des collectivités territoriales, et ce dans un souci de lisibilité et de simplicité de mise en œuvre.
Grâce à ce mécanisme, les familles pourront, de façon harmonisée, dès lors que l’expérimentation aura été décidée par la collectivité territoriale, bénéficier d’une véritable progressivité de la tarification des cantines en fonction de leur quotient familial.
Il apparaît en effet que notre pays souffre de disparités territoriales particulièrement criantes. Les chiffres sont édifiants. Ainsi, si environ 12,5 % des enfants ne fréquentent pas la cantine dans notre pays, parfois par choix réel des familles, les enfants défavorisés sont deux fois plus nombreux que les enfants favorisés et très favorisés à ne pas aller à la cantine le midi. Surtout, plus les enfants défavorisés vivent dans des zones elles-mêmes défavorisées et moins ils vont à la cantine : ainsi, 30 % ne vont pas à la cantine quand ils vivent dans des zones favorisées, 58 % (près de deux fois plus) quand ils vivent dans une REP, et 75 % en REP+. ([1])
De surcroît, à la lumière de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et en particulier lors du premier confinement de mars à mai 2020, la tarification sociale de la restauration scolaire est apparue comme un système particulièrement efficace de lutte contre la pauvreté, dès lors que les collectivités territoriales permettaient aux familles les plus précaires de faire manger leurs enfants à la cantine pour une somme modique – voire de façon gratuite. La crise sanitaire a en effet plongé de nombreuses familles dans une précarité encore plus grande, les obligeant de facto à assurer le repas du midi de leurs enfants et donc à sacrifier leurs économies pour les nourrir. Cette situation a mis au jour le fait que le service de restauration scolaire représente un levier certain de lutte contre la pauvreté qu’il importe pour le moins d’expérimenter.
Pour mémoire, avant la crise de la Covid-19, la France comptait 3 millions d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté, soit un enfant sur cinq pour lesquels le seul vrai repas de la journée est souvent celui pris à la cantine scolaire. Cette réalité s’est malheureusement aggravée et cette tendance est appelée à s’accentuer dans les mois à venir. Le déploiement d’une tarification sociale et solidaire dans le cadre de l’expérimentation prévue par l’article 59 s’inscrit par conséquent pleinement dans la résilience nécessaire que nos institutions doivent inscrire au cœur de leurs actions.
L’amendement vise à poser un cadre législatif sur l’objectif de progressivité de la tarification de la restauration scolaire tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales prévu à l’article 72, alinéa 3 de la Constitution : « Dans les conditions prévues par la loi, [les] collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. » En effet, le présent amendement dispose que la tarification « peut être modulée sur la base d’un barème progressif ». En conséquence, les collectivités conservent leur liberté tarifaire et donc la faculté de déterminer elles-mêmes les tarifs des tranches supérieures afin de compenser celui de la première tranche. Concernant cette première tranche, les collectivités territoriales disposent d’une marge de manœuvre certaine, à la fois sur la détermination de son montant et sur la population éligible.
Enfin, il importe de souligner que l’ensemble des pouvoirs publics doit pouvoir contribuer, à son niveau d’intervention, à l’effort collectif en faveur des enfants les plus pauvres et, notamment dont les familles vivent sous le seuil de pauvreté. Ainsi, les territoires ont un rôle certain à jouer, sachant que le rapport annuel 2020 de la Cour des Comptes a souligné que le service public de la restauration collective constitue « une charge financière importante mais souvent mal appréhendée par les collectivités locales ». Sur ce point, le rapport souligne que plusieurs solutions existent, qu’il s’agisse de la maîtrise du gaspillage alimentaire ou encore, par exemple, de la formation des agents de la restauration collective. De son côté, l’État dispose de la faculté de soutenir les collectivités comme il a pu le faire, depuis avril 2019, avec le dispositif « Cantine à 1 € ».
([1]) « La qualité de vie à l’école : L’école française propose-t-elle un cadre de vie favorable aux apprentissages et au bien-être des élèves ? », CNESCO, octobre 2017
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