Publié le 16 juillet 2021 par : M. Charles de Courson, Mme Dubié, M. Pancher, M. Castellani, Mme De Temmerman, M. François-Michel Lambert, M. Clément, Mme Frédérique Dumas, M. Falorni, M. Lassalle, M. Nadot, M. Simian, Mme Pinel.
Les dispositions relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature ne disposent que pour l’avenir.
Constitue une disposition rétroactive celle qui s’applique à un fait générateur de l’impôt antérieur à la date de son entrée en vigueur. Pour les opérations dont la réalisation donne lieu à déclaration et paiement immédiats de l’impôt, le fait générateur de l’impôt est la date de réalisation de l’opération.
À titre exceptionnel, des dispositions modifiant l’assiette, le taux ou les modalités de recouvrement des impositions de toute nature peuvent s’appliquer de manière rétroactive en considération d’un motif impérieux d’intérêt général, et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. Ces dispositions ne sauraient ni fonder de sanction pour des agissements antérieurs à leur entrée en vigueur, ni justifier l’application d’un intérêt de retard pour les contribuables. Elles ne peuvent pas porter atteinte à une décision de justice passée en force de chose jugée ni s’appliquer aux instances en cours. Elles ne sauraient davantage porter atteinte aux situations légalement acquises ou aux effets qui peuvent être légitimement attendus de telles situations. L’adoption de ces dispositions doit être motivée par un exposé justifiant leur caractère rétroactif et par une évaluation des conséquences financières pour les contribuables. Les dispositions présentant un caractère plus favorable peuvent s’appliquer rétroactivement.
Les contrats soumis à un régime fiscal spécial dont l’exécution s’étend sur plus d’une année et moins de quinze ans se poursuivent, jusqu’à leur terme, sous le régime fiscal en vigueur à la date de leur conclusion, sans considération des dispositions modifiant l’assiette, le taux ou les modalités de recouvrement des impositions de toute nature intervenues après cette date, lorsque l’application de ces dispositions porte une atteinte sensible à leur équilibre financier.
Les dispositions créant un avantage fiscal pour une durée maximale de cinq ans ne peuvent être modifiées avec effet avant le terme prévu, sauf à les rendre plus favorables. Les régimes fiscaux applicables sur option ou agrément ne peuvent être remis en cause avant l’expiration de l’option ou de l’agrément, dans la limite de cinq ans.
Les règlements des assemblées parlementaires déterminent les conditions dans lesquelles les amendements non conformes aux dispositions du présent article sont irrecevables.
Inspiré de la proposition de loi organique limitant le recours aux dispositions fiscales de portée rétroactive examinée par la commission des Lois le 31 mars 2021, le présent amendement vise à consacrer au niveau organique les règles encadrant la rétroactivité fiscale.
Le deuxième alinéa élève ainsi au niveau organique le principe prévu par l’article 2 du code civil s’agissant de l’application dans le temps des dispositions fiscales.
Le troisième alinéa définit la notion de disposition fiscale à caractère rétroactif : il s’agit d’une disposition qui s’applique à un fait générateur de l’impôt survenu avant l’entrée en vigueur de cette disposition. Il précise que le fait générateur de l’impôt applicable aux opérations dont la réalisation donne lieu à déclaration et paiement immédiats de l’impôt, tels que les prélèvements forfaitaires obligatoires, correspond à la date de réalisation de l’opération.
Le quatrième alinéa clarifie les exceptions au principe de non-rétroactivité des dispositions fiscales.
D’une part, il intègre les solutions dégagées par les jurisprudences européenne, constitutionnelle et administrative s’agissant de la protection des garanties légales découlant des exigences constitutionnelles, des situations légalement acquises et des effets pouvant être légitimement attendus de telles situations. Le but est ici d’encadrer les conséquences de la « rétroactivité économique » des dispositions fiscales par laquelle celles-ci, bien que non-rétroactives sur le plan strictement juridique, aboutissent à remettre en cause les bases de calcul microéconomiques sur lesquelles les contribuables ont fondé leurs décisions d’épargne ou d’investissement.
D’autre part, il renforce considérablement le contrôle déjà opéré par la jurisprudence des dispositions fiscales entraînant une véritable « rétroactivité juridique ». Il précise que ces dispositions ne sauraient justifier l’application d’un intérêt de retard aux contribuables ni s’appliquer aux procédures contentieuses en cours. En l’état actuel de la jurisprudence, il est simplement exigé que ces dispositions fiscales rétroactives ne portent pas atteinte aux seules décisions de justice passées en force de chose jugée, ce qui est inéquitable au regard des contentieux en cours.
Enfin, le quatrième alinéa prévoit la justification du caractère rétroactif de ces dispositions et l’évaluation de leurs conséquences financières pour les contribuables.
Le cinquième alinéa garantit l’intangibilité des régimes fiscaux auxquels sont soumis les contrats d’une durée comprise entre un et quinze ans dès lors que leur modification porterait une atteinte sensible à leur équilibre financier. Cet article renforce ainsi la stabilité des règles fiscales et réduit les risques de la « rétroactivité économique » en protégeant le principe d’espérance légitime des contribuables consacré par la jurisprudence.
Le sixième alinéa fixe à cinq ans la durée maximale en dessous de laquelle un avantage fiscal créé pour une durée égale ou inférieure à celle-ci ne peut être modifié avant son terme, sauf dans un sens plus favorable aux contribuables. Ce plafond de cinq ans, raisonnable au regard de la périodicité du consentement parlementaire, serait de nature à conforter la confiance des particuliers et des entreprises dans la stabilité des régimes fiscaux incitatifs ayant pour objectif d’orienter leurs choix d’épargne et d’investissement. Cette exigence de stabilité quinquennale des règles applicables aux avantages fiscaux est étendue aux régimes fiscaux applicables sur option ou agrément, avant l’expiration de l’option ou de l’agrément. Cette disposition entérine la solution dégagée par le Conseil d’État dans sa décision dite « Vivendi » en octobre 2017 relative aux conditions d’application du régime du bénéfice mondial consolidé. Il s’agit de garantir le maintien des règles fiscales applicables pendant la période couverte par l’agrément, sans que celui-ci ne puisse être remis en cause avant son terme, dans la limite de cinq ans.
Enfin, le dernier alinéa garantit l’effectivité du contrôle parlementaire afin d’assurer le respect des dispositions prévues par le présent amendement.
Suivant les règles de recevabilité des amendements prévues par l’article 47 de la loi organique n° 2001‑692 du 1 août 2001 et par l’article 13 de la loi organique n° 2009‑403 du 15 avril 2009, cette disposition constituerait la base organique sur laquelle les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat pourraient être complétés afin de déterminer la procédure applicable au contrôle, dès l’examen en commission, de la recevabilité des amendements créant ou modifiant des dispositions fiscales au regard des règles fixées par le présent amendement.
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