Publié le 27 septembre 2018 par : M. Christophe, M. Charles de Courson, Mme Auconie, M. Becht, M. Benoit, M. Bournazel, M. Guy Bricout, Mme de La Raudière, M. Demilly, Mme Frédérique Dumas, M. Dunoyer, M. Favennec Becot, Mme Firmin Le Bodo, M. Gomès, M. Meyer Habib, M. Herth, M. Lagarde, M. Ledoux, M. Leroy, Mme Magnier, M. Morel-À-L'Huissier, M. Naegelen, Mme Sage, Mme Sanquer, M. Philippe Vigier, M. Zumkeller.
I. – Le second alinéa de l'article 2066 du code civil est supprimé.
II. – L'article L. 1454‑1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bureau de conciliation et d'orientation informe les parties de la possibilité de conclure un accord de sécurisation tel que prévu par le titre VIII du présent livre. »
III. – Le livre IV de la première partie du code du travail est complété par un titre VIII ainsi rédigé :
« Titre VIII : Accord de sécurisation de la rupture du contrat de travail
« Art. L. 1481. – Après la rupture du contrat de travail, et quelle que soit la forme prise pour la signification de cette rupture, l'employeur et le salarié peuvent conclure un accord de sécurisation par lequel ils mettent fin à une contestation née ou préviennent une contestation à naître relativement à cette rupture.
« L'accord de sécurisation est consenti librement par les deux parties. Il n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 1231‑4 du présent code. Il n'est pas soumis aux dispositions du titre XV du livre III du code civil.
« Art. L. 1482. – L'accord de sécurisation est conclu par acte sous signature privée contresigné par avocat tel que prévu par les articles 1374 et suivants du code civil. Il doit notamment mentionner :
« 1° Le libre consentement des parties à l'accord ;
« 2° Les éléments faisant l'objet d'un différend ou le litige auquel il entend mettre fin ;
« 3° L'existence éventuelle de discussions entre les parties avant la rupture du contrat de travail ;
« 4° La façon dont il est mis fin au différend ou au litige ; »
« Art. L. 1483. – L'accord de sécurisation ne règle que les différends ou les litiges qui s'y trouvent compris. »
« Art. L. 1484. – L'accord de sécurisation se renferme dans son objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que de ce qui est relatif au différend ou au litige qui y a donné lieu. »
« Art. L. 1485. – L'accord de sécurisation peut être conclu à tout moment, y compris au cours de l'instance judiciaire devant le bureau de conciliation et d'orientation ou le bureau du conseil de prud'hommes.
« Lorsqu'une instance judiciaire est engagée devant le conseil de prud'hommes, les parties sont immédiatement informées de la possibilité de conclure un accord de sécurisation.
« Art. L. 1486. – Le bureau de conciliation et d'orientation homologue l'accord de sécurisation. Si une instance judiciaire a été engagée et que l'affaire a été portée devant le bureau de jugement, celui-ci homologue l'accord de sécurisation.
« Art. L. 1487. – L'accord de sécurisation a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Il est exécutoire dès la date de l'homologation prévue par l'article L. 1486.
« Art. L 1488. – Toute action portant sur la validité de l'accord de sécurisation se prescrit par six mois à compter du jour de son homologation. »
Cet amendement reprend les dispositions contenues dans la proposition de loi n°566 du 17 janvier 2018.
Louis Prugnon, député de l'Assemblée Constituante, déclarait le 7 juillet 1790 : « Rendre la justice n'est que la seconde dette de la société. Empêcher les procès, c'est la première. Il faut que la société dise aux parties : pour arriver au temple de la justice, passez par celui de la concorde. J'espère qu'en passant vous transigerez. ».
Ce constat de bon sens ne se retrouve pourtant pas en matière de droit du travail. Selon les statistiques, il y aurait plus de 150 000 dossiers déposés chaque année devant les conseils de prud'hommes. Dans ces conditions, comment s'étonner que la juridiction prud'homale, de plus en plus sollicitée, fasse l'objet de critiques ? Le rapport d'Alain Lacabarats, remis à la Garde des Sceaux en juillet 2014, l'avait d'ailleurs souligné : « La juridiction du travail ne fonctionne pas dans des conditions conformes aux exigences des standards européens et connaît de graves carences. ».
Il convient de mieux sécuriser et pacifier les relations de travail. Nul ne peut se satisfaire de contentieux longs et aléatoires. La « concorde » doit donc être recherchée et incitée !
En la matière, la loi n° 2008‑596 du 25 juin 2008 a fait un grand pas en avant, en inventant un mode autonome de rupture pour le contrat à durée indéterminée : la rupture conventionnelle. Le système fonctionne bien puisqu'environ 30 000 ruptures conventionnelles seraient formalisées chaque mois. Ce mode de rupture est intéressant car il allie la volonté des parties de se séparer, la sécurité juridique de l'employeur, la protection du salarié et la garantie pour ce dernier de toucher les prestations de chômage.
Cependant, aucune disposition novatrice n'a été proposée afin d'inciter les parties à résoudre leurs différends suite à une rupture du contrat de travail. Une telle démarche permettrait pourtant d'éviter les encombrements actuels devant les tribunaux.
Certains instruments existent déjà, avec tout d'abord la conciliation devant le conseil de prud'hommes. Malheureusement, force est de constater que cette procédure n'a pas les résultats escomptés. Alors que la recherche de la conciliation était l'un des piliers de la justice prud'homale depuis sa création en 1806, elle ne rencontre aujourd'hui qu'un succès très limité. En 2013, 6 % des affaires portées devant les conseils de prud'hommes se sont achevées par un procès-verbal de conciliation (contre 8,8 % en 2000).
La transaction, inscrite à l'article 2044 du code civil depuis 1804, est un autre instrument permettant de conclure un différend. La Cour de cassation a adapté sa jurisprudence pour le cas spécifique du droit du travail. L'accord n'intervient qu'après la rupture du contrat de travail afin que les parties soient sur un pied d'égalité, ce qui n'est pas le cas tant que le salarié est sous la subordination de l'employeur. Il convient, en outre, qu'existe une situation contentieuse ou précontentieuse. Enfin, il faut qu'apparaissent des concessions réciproques. Moyennant le strict respect de ces conditions, la transaction aura « entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ». Cependant, la jurisprudence est parfois loin de la réalité. Dans la pratique, les parties « inventent » souvent un contentieux afin de répondre à la définition de la transaction. Qui plus est, l'obligation de ne conclure une transaction qu'après une lettre de licenciement en LRAR réceptionnée par le salarié (et non une lettre remise en main propre contre décharge), crée un formalisme supplémentaire pour les parties. Enfin, on notera que le fait qu'un simplet projet de transaction ait été reçu par un salarié, invalide la convention dès lors que les parties se sont mises d'accord avant la rupture du contrat de travail. Alors même que la transaction devrait être simple dans sa mise en œuvre, elle se révèle compliquée et parfois source d'insécurité.
De même, existe la procédure d'arbitrage. Toutefois, par deux arrêts du 30 novembre 2011 (pourvois n°11‑12905 et n°11‑12906), la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé qu'une telle clause n'était pas opposable même s'il s'était engagé, dans son contrat de travail ou par avenant, à soumettre tout litige éventuel à un arbitrage. En revanche, rien n'interdit aux parties, une fois le licenciement consommé, par exemple, de recourir à un arbitrage privé.
Il faut également noter que la loi n°2015‑990 du 6 août 2015 a créé deux modes supplémentaires de règlement des litiges : le recours à la médiation conventionnelle (tout litige entre employeur et salarié pourra faire l'objet d'une médiation avant la saisine du conseil de prud'hommes ; cette procédure permet de faire appel à un tiers en vue de parvenir à une résolution amiable du litige) et la conclusion d'une convention de procédure participative (une telle convention peut être conclue tant qu'aucun juge n'est saisi ; les parties s'engagent, pour une durée déterminée, à chercher une solution amiable à leur différend et à ne pas saisir le juge pendant la durée de la convention).
Le bilan est donc simple : la conciliation ne fonctionne pas comme elle le devrait, la transaction n'est pas suffisamment adaptée aux besoins des entreprises, quant à l'arbitrage, la médiation ou la convention de rupture participative, ils constituent des systèmes largement méconnus par les entreprises et les salariés.
Tout en conservant l'esprit de la transaction, il convient donc d'inscrire ce mode de règlement des litiges dans le code du travail en le rendant simple, efficace, moderne et sécurisant pour les parties.
Cet instrument a pour nom « accord de sécurisation de la rupture du contrat de travail ». Cet accord termine une contestation née ou prévient une contestation à naître. Il exclut la transaction prévue par le code civil qui n'est pas suffisamment adaptée aux relations de travail. L'accord doit être écrit (avec des mentions obligatoires) et formalisé par acte d'avocat. Par souci de souplesse, il est prévu que cet accord puisse être formalisé au cours de l'instance judiciaire ou en dehors.
Tel est l'objet du présent amendement.
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