Commission des affaires européennes

Réunion du jeudi 3 août 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Jeudi 3 août 2017

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 9 heures 30.

I. Communication sur le projet de règlement établissant des règles sur l'exercice du droit d'auteur et des droits voisins applicables à certaines diffusions en ligne d'organismes de radiodiffusion et retransmission d'émissions de télévision et de radio (COM(2016) 594 final- E 11551)

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Chers collègues, merci d'être présents, en cette matinée chargée. L'ordre du jour appelle deux communications. La première concerne la proposition de règlement « câble et satellite ».

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Madame la présidente, mes chers collègues,

La proposition de règlement dont je souhaite vous parler aujourd'hui fait partie intégrante de ce qu'on appelle le « paquet » droits d'auteur, un ensemble d'initiatives législatives que la Commission européenne a formalisé le 14 septembre dernier. Composé de deux propositions de règlement et de deux propositions de directives, ce paquet vise à adapter les règles en matière de droits d'auteur à l'univers numérique notamment, et ôter, selon les mots du président Juncker, les barrières superflues à la circulation des oeuvres. En l'occurrence, ce projet s'inscrit dans la stratégie de la Commission en faveur d'un marché unique du numérique, qui constitue l'une de ses priorités politiques. Par ailleurs, la présidence estonienne tournante a manifesté son envie de faire de la libre circulation des contenus en ligne l'un des axes de sa politique. Il était donc nécessaire de faire entendre la voix de notre Commission alors qu'un premier texte de compromis a émergé à la toute fin de la présidence maltaise.

La proposition de règlement s'appuie sur le constat suivant : trop peu d'internautes européens ont accès à des oeuvres originaires d'un autre État membre que celui de leur résidence. Si la consommation d'oeuvres culturelles en ligne a explosé ces dernières années, et que désormais 49 % des internautes européens déclarent avoir déjà eu accès à de la musique, du contenu audiovisuel ou des jeux en ligne, la Commission s'émeut de la faible disponibilité transfrontière des programmes intégrant sous diverses formes des contenus protégés.

Jusqu'à présent, les réglementations qui s'appliquent à la diffusion en ligne des contenus protégés diffèrent de ceux qui sont diffusés par voie satellitaire. Dans ce dernier cas, la directive dite « câble et satellite » s'applique et permet aux radiodiffuseurs d'acquérir les droits requis dans un seul État membre. Mais dans le cas présent, la proposition de règlement vise à promouvoir la fourniture transfrontière de services en ligne accessoires aux diffusions et à faciliter la retransmission numérique sur réseau fermé, dans tout État membre, d'émissions de TV et de radio provenant d'autres États membres.

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En quoi cette proposition nécessite-t-elle notre attention ? Derrière des aspects techniques et anodins, liés à la révision d'une directive en règlement, on touche en réalité à des principes extraordinairement importants, que nous n'hésitons pas à qualifier de fondateurs pour le financement de la création culturelle. À cet égard, quand on a à l'esprit ces principes à l'ère numérique et la nécessité de continuer à préserver un écosystème de la culture, très important pour l'identité européenne, il y a lieu de s'alarmer par rapport au règlement qui nous est présenté.

Vos rapporteurs ont eu l'occasion de discuter avec les parties prenantes de ce sujet, et les inquiétudes se cristallisent de manière précise sur l'état présent de ce projet de règlement, actuellement en discussion devant les différentes commissions du Parlement européen et devant le Conseil.

En premier lieu, le principe de territorialité des droits pourrait être remis en cause. Ce principe, absolument essentiel, en vertu duquel les droits sur des oeuvres s'acquièrent à un échelon territorial unique, constitue la clé de voûte de nombreux financements de la culture en France et ailleurs. Il est évident en effet qu'un film d'auteur, par exemple, a peu de chance de connaître une carrière européenne phénoménale, eu égard aux obstacles linguistiques, à la diversité culturelle ou aux choix effectués par les distributeurs. Ce principe de territorialité des droits assure donc par exemple le financement de la création cinématographique. Remettre en cause la territorialité des droits sur un territoire unique menace tout le principe de financement de la culture, de rémunération équitable des ayants droit, des créateurs et de toute la chaîne de valeur culturelle. En ébréchant ce principe, comme le fait incontestablement l'un des articles de cette proposition de règlement, il y a un vrai danger pour la diversité culturelle en Europe elle-même.

En effet, ce projet de règlement instaurerait une fiction juridique, et c'est la première fois que cela se produit dans un texte européen. Il effacerait le principe de pays émetteur du signal. Cette fiction prévoit que les services de TV de rattrapage et la retransmission simultanée en ligne sont réputés avoir lieu uniquement dans le pays d'établissement du radiodiffuseur pour ce qui est de l'exercice des droits et leur rétribution. La conséquence en est que, pour ces services auxiliaires, le radiodiffuseur ne sera pas tenu de requérir l'autorisation des titulaires de droits quant à la portée territoriale de la licence.

Derrière cette fiction juridique, qui s'en tient uniquement au pays d'établissement physique du radiodiffuseur, mais celui-ci pourra diffuser par-delà les frontières se cache donc une menace pour les artistes vivant de leurs droits d'auteur. Si on ébrèche, comme le prévoit le texte de la commission, le principe de territorialité et que celui du pays d'origine s'applique, on met à mal tout un système. Cela participerait à un projet sous-jacent général, que l'on peut voir dans d'autres projets de la Commission européenne, d'affaiblissement de la position des ayants droit, des artistes, ce qui est tout de même paradoxal et inquiétant, au moment où, par ailleurs, on nous parle de respect de la diversité culturelle et de promotion de la culture et de l'identité européenne. C'est notamment le cas pour la révision de la directive sur les droits d'auteur. Nous avons donc une vraie inquiétude sur ce texte, qui vient en contradiction totale avec la volonté politique de la Commission européenne de renforcer les droits d'auteur à l'ère numérique. Tout cela ne peut pas nous laisser indifférents.

Deuxièmement, il existe un risque de « forum shopping » de la part d'acteurs de la vidéo à la demande et de la vidéo à la demande par abonnement, alors même que des plateformes européennes susceptibles de concurrencer leurs homologues anglo-saxonnes peinent à émerger. Nous n'évoquons même pas le problème de la disparité fiscale qui se rappelle régulièrement à notre bon souvenir.

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Dans l'ensemble, il convient donc d'être extrêmement attentifs aux évolutions futures des négociations sur ce texte, comme sur l'ensemble du paquet « droits d'auteur ». A l'inverse, permettez à vos rapporteurs de saluer les progrès effectués sur la directive « services de médias audiovisuels », entre le texte initialement proposé en commission et celui sur lequel a été noué un accord politique lors du dernier Conseil. Il est désormais admis que les régulateurs nationaux des pays ciblés par des programmes ont leur mot à dire dans les problèmes liés à la transmission transfrontalière. De plus, nos partenaires européens ont accepté l'idée d'adopter des quotas minimaux de 30 % d'oeuvres européennes dans les catalogues des fournisseurs de service à la demande. Les États membres pourraient aussi, en l'état, exiger une contribution financière de la part des fournisseurs de services de médias, y compris ceux qui sont établis dans un autre État membre. Si le quota d'oeuvres européennes présentes sur le catalogue des services de vidéo à la demande demeure inférieur à ce qui se pratique en France, le principe en est acquis et il faut s'en féliciter.

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Le moment est choisi puisqu'il tient compte des évolutions en cours, tant au niveau du Parlement européen qu'au sein du Conseil. La prise en compte du risque réel lié à cette fiction juridique du pays d'origine est désormais le fait de nombreux groupes parlementaires européens. C'est le moment pour notre Commission de faire passer un message auprès des différentes parties prenantes dans ce domaine.

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Si l'on nous appelle à la vigilance, comment, de manière pratique va s'exercer notre vigilance ? Quels sont les minima attendus sur les travaux européens ? Quelle est notre ligne rouge ?

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Ce sujet est très intéressant. Quelle est la position de la France au Conseil ? Quel est le rapport de force, et quid de la position allemande ? La France est-elle seule dans ce combat ?

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Pour compléter ce que disait mon collègue M. Michels, où en est-on dans le processus d'examen par le Parlement et le Conseil ?

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Il est toujours difficile de répondre précisément sur la date d'aboutissement d'un texte au Parlement européen. Plusieurs commissions parlementaires se sont saisies de ce texte, notamment la commission des affaires juridiques et la commission de la culture et de l'éduction. Nous déplorons également un certain allongement des délais au Parlement européen, du fait d'un changement du rapporteur pour avis au sein de la Commission des affaires juridiques. Ce processus nous amènera sans doute jusqu'à la fin de l'année, le temps que des commissions diverses et variées se mettent d'accord. Au Conseil, je n'ai pas le calendrier en tête, mais de mon expérience récente de parlementaire européenne, les négociations sont laborieuses.

La France a une position très hostile à l'article 2 de ce projet de règlement. Cet article applique clairement le principe du pays d'origine. Il est en l'état, pour les autorités françaises, parfaitement inacceptable. Cette position affirmée de la France transcende les clivages partisans et les changements de gouvernement. La France ne veut pas que le principe de territorialité des droits soit remis en cause, même au nom de la circulation des oeuvres ou de l'accès de tous et toutes à la culture. Il semble à la France, et c'est un combat reconnu et partagé par d'autres pays, tels que l'Espagne ou l'Italie, qu'un certain nombre de principes ne doivent pas être remis en cause. Les Allemands ont beaucoup évolué sur ce sujet. Le rapport de force évolue toujours, et si nous n'en sommes pas à la minorité de blocage au Conseil, nous l'avons frôlée.

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Le programme présidentiel, que, pour ma part, j'ai défendu – et plusieurs d'entre nous ici l'ont fait – proposait un Erasmus européen des oeuvres d'art et des personnes en rapport avec la culture. Par rapport à ce que vous nous dites, cet Erasmus en lien avec le culturel serait difficilement mis en place ?

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Le texte concerne directement les droits d'auteur et le financement des oeuvres culturelles. Je ne suis pas certain que le lien avec un Erasmus culturel soit direct…

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L'Erasmus culturel n'est pas en lien avec les étudiants, il concerne des oeuvres matérielles et immatérielles, ainsi que des responsables de collection. Aujourd'hui, on a de plus en plus de culture qui passe aussi par de l'immatériel. L'idée de mutualiser les moyens européens pour faire rayonner la culture européenne au sein de pays où la culture n'est pas une grande force, telle était l'idée du programme. Peut-on aujourd'hui être bloqués dans cette démarche ? Cela rejoint des problématiques que vous avez énoncées.

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Le point que vous soulevez, soutenu récemment par l'Italie, à savoir le passeport culturel proposé par le Président de la République, risque de se voir diffusé à l'échelle européenne. Nous n'en sommes qu'au début.

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Je n'ai pas spécialement défendu le programme de M. Macron. Nous sommes ici sur des sujets voisins, mais très connectés. Nous sommes pour la libre circulation des oeuvres culturelles, à 250 %. L'Europe, ce n'est que cela, depuis les origines, bien avant 1958 et les créations politico-administratives que nous avons à l'esprit. L'Europe n'est qu'échanges, circulation des personnes et des biens matériels et immatériels, accès de la culture pour tous. Défendre le principe de la territorialité du droit, soubassement du système de droit d'auteurs, défendre une rémunération juste et équitable des créateurs, défendre le principe du partage de la valeur ajoutée dans la chaîne de création et de diffusion culturelles ne vient en rien s'opposer à la circulation des oeuvres en Europe et à l'accès de tous à la culture européenne. Au contraire, c'est en étant parfaitement lucides sur la manière dont fonctionne un écosystème extraordinairement délicat, subtil, fragile à bien des égards, celui de la création culturelle européenne, qui repose sur un certain nombre de règles et de principes, que nous pourrons voir comment le transformer, l'adapter à l'ère numérique. Il y a eu des avancées majeures, faites récemment en matière réglementaire, avec le règlement « portabilité », voté il y a peu au sein des instances européennes. Il permet de dépasser les barrières et garantit une circulation aux oeuvres culturelles par-delà les frontières.

Si l'on veut maintenir la culture européenne, il ne faut pas fragiliser les fondations sur lesquelles elle repose. Elle ne naît pas sui generis, mais repose sur un certain nombre de règles telles que la rémunération juste et équitable des auteurs. On appelle cela le droit d'auteurs.

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Merci à tous deux. Vous êtes référents de la Commission des Affaires culturelles. Vous pourrez suivre cette problématique pour nous, et l'on pourra dans les mois à venir, tenir une audition commune de la ministre de la Culture et de la Communication.

II. Communication sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à préserver la concurrence dans le domaine du transport aérien et abrogeant le règlement (CE) no 8682004 (COM(2017) 289 final - E 12152)

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Mes chers collègues, je donne maintenant la parole à notre référent pour la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour une communication sur le transport aérien.

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Lors du Conseil européen des 22 et 23 juin dernier, le Président de la République a appelé l'Union européenne à mieux protéger les Européens.

Cette protection ne passera pas sans la recherche, au niveau international, d'une concurrence équitable, car c'est une des clés d'une croissance durable. Outre le dossier emblématique de la révision de la directive sur les travailleurs détachés, cette question concerne d'autres aspects : l'ouverture réciproque des marchés publics, le contrôle des investissements stratégiques, mais aussi la mise en place d'armes européennes efficaces face aux pratiques concurrentielles déloyales.

Tel est l'objet, pour le transport aérien, de cette proposition de règlement visant à mieux protéger l'Europe de pratiques concurrentielles déloyales. C'est, dans ce secteur, une des deux priorités de la Présidence estonienne.

Le transport aérien est un vecteur essentiel de compétitivité et de souveraineté qui opère dans un environnement extrêmement concurrentiel et sans régulateur.

En effet, le secteur de l'aviation apporte une contribution essentielle à la connectivité de l'Union européenne, à son développement économique, ainsi qu'à sa cohésion régionale et sociale.

Or la libéralisation et la déréglementation du transport aérien international à la fin des années 1990 ont engendré une concurrence sans précédent sur le marché de l'Union et à l'échelon mondial, sans qu'aucun cadre international ne vienne régir cette concurrence : en effet, les services de transport aérien ont été, dans une large mesure, exclus des accords de l'Organisation mondiale du commerce et l'Organisation de l'aviation civile internationale n'a édicté aucune réglementation multilatérale sectorielle spécifique.

Aujourd'hui, en dépit d'une situation géographique particulièrement favorable, qui place l'Europe au coeur des flux de trafic internationaux, les capitales européennes sont de moins en moins connectées par des vols directs à leurs destinations finales. Les compagnies du Golfe ont capté une part massive du trafic entre l'Europe et l'Asie ou bien l'Afrique, mais leur stratégie est également efficace sur le marché européen, alors même que sont régulièrement rapportées des conditions de concurrence et des pratiques sociales contraires au droit communautaire.

Face à cette situation, l'outil dont est aujourd'hui dotée l'Union européenne est inopérant.

La crise du secteur aérien à la fin de 2001 a poussé certains gouvernements de pays tiers à subventionner leurs compagnies aériennes. Les compagnies communautaires doivent, elles, respecter une réglementation stricte concernant les aides d'État. Or en vertu des règles européennes, tous les transporteurs – européens et non européens – bénéficient des mêmes droits et des mêmes possibilités d'accès aux services liés au transport aérien.

Afin de garantir une concurrence loyale entre les transporteurs aériens de l'Union et ceux des pays tiers, l'Union européenne s'est alors dotée d'un instrument unilatéral répressif, avec le règlement (CE) no 8682004 sur la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales.

En treize ans, cet instrument a surtout fait la preuve… de son inefficacité ! Il n'a jamais pu être utilisé contre les pratiques déloyales auxquelles recourent des transporteurs de pays tiers, et il est très improbable qu'il soit jamais appliqué concrètement.

En effet, il s'applique exclusivement aux « pratiques tarifaires déloyales ». Or non seulement ces pratiques sont difficiles à prouver dans un secteur qui applique le « yield management », mais de surcroît le transporteur en cause doit en parallèle avoir bénéficié d'un avantage non commercial. De plus, les règles relatives à l'ouverture d'une enquête sont très restrictives. Enfin, ce règlement ne prévoit aucune procédure en cas de non-respect des obligations visant à garantir une concurrence loyale incluses dans des accords aériens conclus par l'Union.

Sous la pression des États membres, la Commission Juncker a fait de cette question de la concurrence déloyale un des axes principaux de sa « Stratégie de l'aviation pour l'Europe », dont cette proposition de règlement est un des éléments.

En effet, alors que l'accent était précédemment mis au niveau européen sur une ouverture non conditionnelle des marchés, les conclusions du Conseil du 20 décembre 2012 ont donné pour objectif prioritaire à la politique extérieure de l'Union européenne dans le domaine du transport aérien d'assurer les conditions d'une concurrence équitable.

Il faut ici noter la forte contribution de l'axe franco-allemand, qui a poussé à ce que l'Union européenne se dote d'un outil réellement efficace et dissuasif. Le Conseil franco-allemand du 13 juillet dernier a de nouveau mis en évidence l'importance de cette coordination entre nos deux pays sur les sujets économiques.

Annoncée dans la Stratégie de l'aviation pour l'Europe présentée par la Commission européenne en décembre 2015, cette proposition de règlement me semble devoir être accueillie positivement. Elle étend la liste des potentiels plaignants, auparavant limitée à la seule « industrie communautaire », elle assouplit les procédures d'enquête et elle durcit les sanctions ; elle retient – et c'est essentiel – une définition adéquate des pratiques affectant la concurrence en incluant dorénavant non seulement les subventions affectant la concurrence mais aussi les discriminations ; elle s'articule enfin avec l'action préventive que représente l'insertion d'une clause de concurrence loyale dans les accords aériens.

Certes, la Commission peut refuser l'ouverture d'une enquête et cette dernière peut durer plusieurs années, néanmoins, ce texte représente une nette avancée, attendue depuis longtemps par les compagnies aériennes notamment françaises !

La France et l'Allemagne, qui soutiennent fortement cette proposition de règlement, se heurtent toutefois à la vive opposition d'autres États membres. Certains s'inquiètent de l'impact de ce texte sur leur connectivité ; d'autres s'opposent par principe à toute mesure pouvant être perçue comme protectionniste. Ils considèrent que seul l'intérêt du consommateur doit primer, l'intérêt de ce dernier étant des billets d'avion à bas prix, quelle que soit la compagnie qui assure la desserte

Il me semble que ce raisonnement ne peut pas être retenu.

D'abord au nom de la solidarité européenne : des États membres ne devraient pas rester indifférents au risque de faillite de compagnies aériennes européennes même si elles ne battent pas leur pavillon national, car ce sont des compagnies européennes qui assurent, je le rappelle, l'essentiel de la connectivité intra-européenne.

Ensuite dans l'intérêt même de ces États membres : casser des prix pour faire sortir des concurrents du marché, et ensuite disposer d'une position de force, c'est un grand classique dont je m'étonne que ces États membres n'aient pas conscience…

Enfin, dans l'intérêt de l'Union même : voulons-nous être en bout de chaîne ou bien au centre, en « hub », puisque c'est le terme consacré ? Il en va à long terme de notre attractivité.

Je pense de surcroît que la définition du préjudice répond en partie aux attentes de ces États membres, puisque la Commission européenne devra tenir compte de la situation générale sur le ou les marchés de services de transport aériens concernés, et non pas seulement la situation d'un ou des transporteurs aériens. La Commission devra donc prendre en compte également les questions de connectivité ou les aspects positifs pour les passagers.

Sur ce sujet, les parlementaires ont déjà exprimé de fortes attentes, qu'il s'agisse du Parlement européen, qui a adopté le 16 février 2017 une résolution saluant la proposition de la Commission de réviser le règlement 8682004 ou notre Assemblée, avec l'adoption en juillet 2016 d'une résolution par la Commission des affaires européennes, à l'unanimité. Il nous appartient de continuer à exercer toute la vigilance nécessaire.

Pour conclure, mes chers collègues, les commissaires Bulc et Thyssen ont réitéré le 19 juillet dernier leur engagement de s'attaquer aux problématiques sociales dans le secteur de l'aviation, en publiant un « paquet » de propositions législatives au printemps prochain.

Comme l'a souligné le Président de la République lors du dernier Conseil européen, nous devons dire en même temps « oui à une Europe ouverte » et « oui à une meilleure protection de ses citoyens et de ses entreprises face aux pratiques déloyales » ; l'Europe ne doit pas être naïve !

Pour autant, tous les enjeux de compétitivité ne relèvent pas de la régulation. Je salue à cet égard l'annonce par la Ministre chargée des transports, Mme Elisabeth Borne, de prochaines Assises du transport aérien. Nombre de rapports, y compris parlementaires, ont mis en évidence les facteurs négatifs pour la compétitivité du pavillon français, il est aujourd'hui grand temps de passer aux actes.

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Pouvez-vous nous préciser en quoi consistent l'assouplissement des mesures d'enquêtes, d'une part, et les négociations en matière de concurrence sociale, d'autre part ?

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Les enquêtes seront facilitées parce que les plaignants possibles seront plus nombreux, parce que plus d'éléments seront pris en compte et que le niveau de preuve demandé pour ouvrir une enquête sera moins strict qu'aujourd'hui. Sur les pratiques sociales, une consultation est engagée, la Commission étant en phase d'évaluation du règlement sur l'exploitation de services aériens dans l'Union européenne, en vue du « paquet social » annoncé pour l'année prochaine.

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C'est un sujet qui pose aussi la question du trafic aérien intérieur, européen voire international à partir de nos aéroports régionaux, trafic parfois délaissé par Air France, pour des raisons qui lui appartiennent. L'impact de tout renforcement de la lutte contre une concurrence vue comme déloyale de la part des compagnies à bas coût doit donc être évalué avec discernement et trouver le bon équilibre est impératif pour nos territoires. Je suis de Touraine, comme notre Présidente, et la vallée de la Loire bénéficie d'un flux important de visiteurs grâce à ces compagnies !

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Je partage votre souci de trouver un équilibre, il n'est pas question de supprimer toute concurrence, cette dernière est bonne pour nos territoires puisqu'elle permet aussi d'assurer des dessertes qui, pour une raison ou pour une autre, ne le sont pas par Air France, mais cette concurrence doit être loyale.

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Cette question de l'équilibre du texte est essentielle. De quoi parlons-nous finalement ? De la concurrence subie par Air France et Lufthansa de la part des compagnies du Golfe. Or ces compagnies utilisent des avions européens : elles achètent des Airbus. Des mesures de protection trop poussées pourraient avoir des effets négatifs sur le constructeur européen, au moment où pointe la concurrence chinoise alors que le concurrent américain est toujours aussi affûté.

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Ce sujet du curseur à trouver entre plusieurs intérêts légitimes est finalement un point commun entre les deux communications d'aujourd'hui !

Je vous propose donc d'acter ce texte en saluant les avancées indéniables qu'il contient et de lever la réserve parlementaire.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application des articles 88-4 et 88-6 de la Constitution

Sur le rapport de M. Damien Pichereau, référent de la Commission des affaires européennes pour la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, la Commission a approuvé le texte suivant :

l Communication

Ø TRANSPORTS

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil visant à préserver la concurrence dans le domaine du transport aérien et abrogeant le règlement (CE) no 8682004 (COM(2017) 289 final - E 12152).

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné les autres textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Textes « actés »

Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

Ø ESPACE LIBERTÉ SÉCURITÉ JUSTICE

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi nécessitant des compétences élevées (COM(2016) 378 final – E 11272).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'un système centralisé permettant d'identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides, qui vise à compléter et à soutenir le système européen d'information sur les casiers judiciaires (système ECRIS-TCN), et modifiant le règlement (UE) no 10772011 (COM(2017) 344 final - E 12226).

Ø PÊCHE

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un plan pluriannuel applicable aux stocks de petits pélagiques de la mer Adriatique et aux pêcheries exploitant ces stocks (COM(2017) 97 final - E 11892).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des mesures de gestion, de conservation et de contrôle applicables dans la zone de la convention de l'Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud (ORGPPS) (COM(2017) 128 final - E 12010).

Ø POLITIQUE INDUSTRIELLE

- Règlement (UE) de la Commission établissant la "liste Prodcom" des produits industriels prévue par le règlement (CEE) nº 392491 du Conseil (D05183202 - E 12249).

Ø RELATIONS EXTÉRIEURES

- Proposition de décision du Conseil concernant l'adhésion de l'UE au Groupe international d'études du caoutchouc (GIEC) (COM(2017) 378 final – E 12243).

- Proposition de décision du Conseil établissant la position de l'Union européenne en vue de l'adoption d'une décision du comité APE institué par l'accord intérimaire établissant un cadre pour un accord de partenariat économique entre les États d'Afrique orientale et australe, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, relative à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne et à la modification de la liste des pays et territoires associés à l'Union européenne (COM(2017) 382 final – E 12244).

l Textes « actés » de manière tacite

Accords tacites de la Commission, du fait de la nature du texte

En application de la procédure d'approbation tacite, dite procédure 72 heures, adoptée par la Commission, celle-ci a approuvé tacitement le document suivant :

Ø INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES

- Comité consultatif pour la sécurité et la santé sur le lieu du travail Nomination de Mme Yvonne MULLOOLY, membre titulaire pour l'Irlande, en remplacement de Mme Paula GOUGH, membre démissionnaire (1128617 - E 12251).

l Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø POLITIQUE ÉTRANGÈRE ET DE SÉCURITÉ COMMUNE (PESC)

- Décision du Conseil concernant une action de stabilisation de l'Union européenne à Mopti et Ségou (1085617 LIMITE - E 12258).

- Décision du Conseil à l'appui des activités de l'OSCE visant à réduire le risque de trafic illicite et d'accumulation excessive d'armes légères et de petit calibre et de munitions conventionnelles dans l'ancienne République yougoslave de Macédoine et en Géorgie (1075317 LIMITE - E 12261).

- Décision du Conseil modifiant la décision 2010788PESC concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo (1083617 LIMITE - E 12262).

- Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 11832005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre des personnes agissant en violation de l'embargo sur les armes imposé à la République démocratique du Congo (1084117 LIMITE - E 12263).

- Décision du Conseil portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s'appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001931PESC relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2017154 (1092717 LIMITE - E 12264).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 25802001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d'exécution (UE) 2017150 (1092817 LIMITE - E 12265).

- Décision du Conseil modifiant la décision 2014145PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (1095217 LIMITE - E 12266).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) no 2692014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (1095317 LIMITE - E 12267).

- Décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2013255PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie (1101417 LIMITE - E 12268).

- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) no 362012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (1101717 LIMITE - E 12269).

- Décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision 2013233PESC relative à la mission d'assistance de l'Union européenne pour une gestion intégrée des frontières en Libye (EUBAM Libya) (1105017 LIMITE - E 12270).

- Décision (PESC) 20151333 du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et Règlement (UE) 201644 du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye - Réexamen des mesures autonomes de l'UE (1114917 LIMITE - E 12271).

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a déclaré conforme au principe de subsidiarité les textes suivants transmis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-6 de la Constitution :

Ø ESPACE LIBERTÉ SÉCURITÉ JUSTICE

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'un système centralisé permettant d'identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides, qui vise à compléter et à soutenir le système européen d'information sur les casiers judiciaires (système ECRIS-TCN), et modifiant le règlement (UE) no 10772011 (COM(2017) 344 final - E 12226).

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, modifiant le règlement (CE) nº 19872006 et la décision 2007533JAI du Conseil et abrogeant le règlement (UE) nº 10772011(COM(2017) 352 final - E 12259).

La séance est levée à 10 heures 15.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Patrice Anato, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Sophie Auconie, M. Éric Bothorel, Mme Typhanie Degois, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Benjamin Dirx, M. Pierre-Henri Dumont, M. Alexandre Freschi, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Christine Hennion, M. Alexandre Holroyd, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Ludovic Mendes, M. Thierry Michels, M. Christophe Naegelen, Mme Danièle Obono, M. Damien Pichereau, M. Didier Quentin, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, M. André Chassaigne, M. Bruno Fuchs, M. Michel Herbillon, Mme Marietta Karamanli, Mme Valérie Petit, M. Jean-Pierre Pont, M. Joaquim Pueyo

Assistaient également à la réunion. – Mme Patricia Lalonde, M. Denis Masséglia.