Mercredi 3 octobre 2018
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 14 h 05.
I. Présentation du rapport d'information de Mme Coralie Dubost et M. Vincent Bru et examen de la proposition de résolution européenne sur le respect de l'État de droit au sein de l'Union européenne
J'ai été saisie d'une demande de parole de notre collègue, Michel Herbillon sur le déroulement de nos travaux.
Je vous remercie, Madame la Présidente. Je voudrais m'exprimer au nom de l'ensemble des députés Les Républicains de la commission des affaires européennes. Les pratiques, les habitudes, la jurisprudence de la commission des affaires européennes, de longue date, veillent à ce qu'il y ait une recherche du consensus, à ce qu'il y ait une association de la majorité et de l'opposition sur les missions et les rapports d'information. C'est une longue tradition de la commission des affaires européennes. Je tiens d'ailleurs à dire, Madame la Présidente, que vous-même, depuis le début de la mandature, vous veillez à cet équilibre. Je vous en donne tout à fait acte.
Dans le compte-rendu de la réunion du bureau du mercredi 24 janvier, qui a institué ce rapport d'information dont s'occupent nos deux collègues, Coralie Dubost et Vincent Bru, il est indiqué que « la formule du binôme pour les rapports d'information serait reconduite », ce qui indique bien votre intention. Il peut y avoir bien sûr des exceptions, mais je voudrais vous dire que point trop n'en faut et que cela dépend du sujet.
Point trop n'en faut d'abord. J'ai regardé ce qui s'est passé dans la précédente législature. En cinq ans, il n'y a eu que quatre rapports d'information où la majorité se parle à elle-même, entre la majorité et la majorité, et en vérité trois, puisque l'un de ceux-là concernait l'application de l'article 88-4 de la Constitution. Deux sur ces trois rapports concernaient la Présidente, votre prédécesseur, Mme Auroi. L'un de ces rapports d'information n'était pas assorti d'une résolution. Deux seulement de ces trois rapports ont fait l'objet d'une résolution. Vous voyez donc : cinq ans, trois rapports, deux résolutions. Là, en un an, il y a déjà eu deux rapports d'information où la majorité se parle à elle-même et le précédent rapport, de MM. Patrice Anato et Vincent Bru, n'était pas assorti d'une résolution. Nous sommes donc là, aujourd'hui, dans une procédure relativement rare, même si elle n'est pas totalement inédite, et sur un sujet dont j'ajoute qu'il serait plus que nécessaire d'associer l'opposition, ce qui n'est pas le cas.
J'ajoute, mais c'est vraiment un détail, je vous le concède, que dans le compte-rendu de la réunion du bureau, le libellé était légèrement différent de celui qui a été retenu ici. C'était « l'État de droit en Europe » et là c'est « le respect de l'État de droit au sein de l'Union européenne. » Je vous dis ça simplement pour la précision des faits, et non pas pour en faire un argument. Le sujet méritait que l'opposition soit associée, à l'évidence, puisqu'il se trouve que le contexte n'est plus le même. Le contexte dans lequel nous sommes saisis aujourd'hui par nos deux collègues de la majorité d'un rapport d'information et d'une proposition de résolution n'est pas du tout le même que celui qu'il était au début de l'année quand ce rapport a été décidé. Beaucoup d'éléments l'indiquent, je vais faire court.
Le Conseil a déclenché le 20 décembre 2017 une procédure sans précédent contre la Pologne, en mettant en oeuvre l'article 7-1 du Traité. Depuis cette date, depuis la décision du bureau, il y a eu voilà quelques semaines, début septembre, un vote au Parlement européen – ce n'est pas la même procédure, vous l'accorderez, que celle du Conseil concernant la Pologne – demandant à la Commission de déclencher l'article 7-1 du Traité contre la Hongrie… Donc nous ne sommes absolument pas dans le même contexte qu'au début de l'année quand ce rapport d'information a été décidé, et, alors que nous n'avons été informés qu'il y a quelques jours de cette proposition de résolution, le sujet est suffisamment important, au point que le Parlement européen a fait son devoir ; nous sommes en présence d'un vote politique d'une instance politique démocratiquement élue concernant la Hongrie .
Je remarque d'ailleurs que, le 4 juillet dernier, la réponse qu'a faite Mme Loiseau à la question au Gouvernement posée par notre collègue Coralie Dubost concernait principalement – pas exclusivement mais principalement – la situation en Pologne et les procédures d'infractions lancées contre la Pologne. J'ajoute, toujours sur le plan de la procédure, que selon le calendrier prévisionnel, vous envisagez, le 18 octobre, une audition des ambassadeurs de Hongrie et de Pologne en France – même si ces derniers n'ont pas encore confirmé leur présence. Je crois savoir que l'ambassadeur de Pologne n'a pas été préalablement auditionné par nos collègues pendant la préparation de ce rapport, et que l'ambassadeur de Hongrie a été entendu par M. Vincent Bru seul, dans le cadre d'un déjeuner, au retour de la mission des deux rapporteurs en Hongrie, à l'invitation de l'ambassadeur de Hongrie lui-même, ce qui n'est pas exactement le cadre habituel d'une audition parlementaire.
Enfin, des procédures sont en cours au niveau de l'Union, dans le cadre du droit européen, dans le respect des institutions européennes, et, je veux le préciser, nous sommes tous attachés au respect de l'État de droit et à sa défense, quels que soient les bancs sur lesquels nous sommes assis.
Pour toutes ces raisons de procédure, et compte tenu du sujet et des éléments que je viens de rappeler, nous vous demandons donc solennellement, Madame la Présidente, de différer l'examen de ce rapport d'information et de cette proposition de résolution européenne, afin, ensemble, de trouver les modalités d'association appropriées de l'opposition à ce travail. Ma proposition, Madame la Présidente, faite au nom de mes collègues du groupe Les Républicains, va dans le sens du dialogue constructif que nous souhaitons entre la majorité et l'opposition, notamment sur le sujet des questions européennes, puisque c'est toujours cette règle qui a présidé aux réunions de la commission et aux rapports depuis que vous êtres présidente et avant que vous le soyez.
J'entends très bien vos arguments. Nous avons en effet reconduit la procédure des binômes depuis le début de la législature. Lorsque nous avons lancé ce rapport sur l'État de droit, aucun des commissaires Les Républicains ne s'est porté volontaire pour être rapporteur sur ce sujet. C'est la raison pour laquelle le binôme a été constitué avec le Modem, à travers la candidature de M. Vincent Bru.
Je ne peux pas parler au nom de mon collègue Bernard Deflesselles, je n'étais pas présent lors du bureau de la commission, je ne sais pas quelle a été la nature de vos débats. Mais, quelles que soient les décisions qui ont pu être prises par hypothèse à l'époque par le groupe Les Républicains – que j'ignore - le contexte aujourd'hui n'est plus le même, vous en conviendrez, après le vote politique du Parlement européen, une procédure assez inédite, et cela justifie de notre point de vue que l'opposition, que le groupe LR soit maintenant associé à ces travaux, de manière tout-à-fait constructive. C'est la raison pour laquelle je vous demande que l'examen de ce rapport et de cette proposition soit différé. C'est une proposition constructive et qui n'a pas d'objet polémique.
Je m'associe à la démarche de mon collègue Michel Herbillon, et ces propos peuvent être partagés par l'ensemble des oppositions, et nous défendons nous aussi le pluralisme dans les rapports. Ce rapport établi par deux collègues de la majorité uniquement – il faudra vérifier cette question du refus du groupe LR de s'en saisir – démontre aussi le dysfonctionnement des règles que vous avez établies pour la répartition des rapports, dont le résultat est d'exclure les oppositions. En ce qui concerne le groupe Socialistes et apparentés, nous sommes 30 députés à l'Assemblée, trois dans cette commission et nous n'avons accès qu'à un seul rapport tous les six mois environ.
Il ne faut pas analyser les choses de manière simplement arithmétique, c'est le pluralisme qu'il faut respecter dans l'attribution des rapports, et pas simplement le fait que c'est au tour de tel ou tel groupe de prendre un rapport avec la majorité. Votre méthode, Madame la Présidente, doit être un peu assouplie. Nous étions capables, sous la précédente législature, mais aussi sous celle qui l'a précédée – je suis membre de cette commission depuis plus de dix ans, dans l'opposition, puis dans la majorité – et nous étions capables d'accepter le pluralisme des points de vue et nous avons toujours travaillé dans le consensus.
Suspension de séance.
Nous avons écouté avec attention les interventions de Mme Marietta Karamanli et M. Michel Herbillon. Toutefois, nous considérons qu'un travail long et approfondi a été fait et bien fait, que l'ensemble des sujets ont été évoqués et que tout est désormais connu. Certes, le Conseil et le Parlement européen ont, dans l'intervalle, pris position sur la situation de la Hongrie et de la Pologne, mais nous sommes membres d'un Parlement national libre de ses décisions. Nous sommes donc libres d'aller jusqu'au bout aujourd'hui et si cette décision déplaît à certains, ils ont le choix de rester ou de quitter la séance.
J'ai bien noté les propos de M. Ludovic Mendes et la manière extrêmement désobligeante qui est la sienne de nous demander de quitter la séance. Je trouve particulièrement regrettable et dommageable l'attitude de la majorité, ainsi que votre attitude, Madame la présidente, qui s'oppose totalement à celle que vous aviez annoncé vouloir adopter lors de votre élection et qui a été la vôtre jusqu'alors. Mais peut-être vous a-t-elle été imposée par votre majorité.
Je comprends bien que l'actualité politique est très compliquée pour vous en ce moment, comme elle a pu l'être pour toutes les majorités avant vous. Justement, vous aviez l'occasion de donner un autre exemple que celui que donne actuellement le Gouvernement. Bien au contraire, vous adoptez une attitude sectaire qu'à n'en pas douter, vous finirez par regretter. Ce qui est certain, c'est qu'une telle attitude est une première dans les annales de notre commission, et nos collègues les plus anciens peuvent en témoigner. C'est d'autant plus regrettable que le sujet est d'importance, à moins, bien sûr, que soit assumée par la majorité l'attitude consistant à jeter l'anathème sur nos partenaires européens. Si telle est votre conception de nos travaux, alors, elle s'oppose totalement à ce qui a présidé à la création de la commission des affaires européennes et à ce qui a guidé ses travaux depuis lors. Dans ces conditions, et de manière logique, vous comprendrez que nous ne participerons pas à l'examen du rapport et de la proposition de résolution.
J'entends vos arguments et je ne peux que vous conseiller d'être constructifs et d'examiner avec la majorité le rapport et la proposition de résolution. Vous pourrez voter contre ou vous abstenir mais un débat riche est dans l'intérêt de tous. En outre, je vous rappelle que la proposition de résolution, même adoptée par notre commission, sera ensuite examinée en commission permanente et, le cas échéant, modifiée par amendement.
Je regrette les propos de M. Ludovic Mendes et si les membres de la commission des affaires européennes viennent de toutes les commissions permanentes, seuls ceux appartenant à la commission saisie au fond pourront examiner à nouveau la proposition de résolution. Or, celle-ci est importante et il est inconcevable qu'elle soit examinée, ainsi que le rapport, dans les dix minutes qui nous restent avant les questions au Gouvernement. Je suis d'avis que nous reportions l'examen de ce rapport et de cette proposition de résolution à une autre date.
Il ne serait pas sérieux, étant donné la nature du débat que nous pourrions avoir de manière constructive, y compris de notre point de vue plutôt favorable à ce rapport, de bâcler cela maintenant et de passer en force. Je pense que cela enverrait un message désastreux pour la poursuite de nos travaux dans la commission. Cela donnerait un signal politique négatif d'une instrumentalisation de ce débat pour coller à un positionnement politique de l'exécutif sur cette question-là. Étant donné le contexte, ce n'est pas sérieux de poursuivre comme cela.
J'alerte la majorité sur le discrédit que cela porterait sur la sincérité des débats, notamment dans le contexte des élections européennes, où ces sujets vont revenir. Faisons en sorte que cette question ne soit pas instrumentalisable ou instrumentalisée à des fins politiciennes, je pense que ce serait dommage.
Pour répondre à Michel Herbillon, concernant ma phrase « si vous voulez quitter la commission, quittez-là », je répondais à une intervention hors micro. Je ne vous demandais pas de quitter la salle. J'ai un profond respect pour les oppositions. On n'est pas toujours obligés d'être d'accord et c'est tant mieux, cela permet un débat démocratique.
Il nous reste treize minutes avant les questions au Gouvernement, ce qui ne sera pas suffisant pour étudier le rapport et la proposition de résolution. Nous ne sommes pas contre le fait que vous amendiez, au contraire. Jusqu'à maintenant, le processus a toujours été celui-ci, et à aucun moment vous ne vous êtes élevés contre. Mon rapport a aussi été envoyé vingt-quatre heures avant le débat.
Merci, Madame la Présidente. M. Herbillon, je vous ai écouté, j'ai du respect pour l'ensemble des travaux parlementaires, quel que soit le parti politique. J'entends votre appel sur l'aspect historique du consensus dans cette commission des affaires européennes, mais il ne faut pas se leurrer : ce sujet ne fait pas consensus actuellement au sein de l'Union européenne, au sein de cette assemblée et y compris dans votre parti, où vous avez été très ennuyés pour voter au Parlement européen.
Vous parlez d'un changement de contexte. Le sujet du rapport a été décidé en bureau, où l'opposition siège, en janvier, après que l'article 7 du Traité relatif à l'Union européenne a été engagé contre la Pologne. Vous connaissiez les enjeux. Les procédures d'infraction de la Commission européenne contre la Hongrie, qui mettent déjà en cause des garanties liées à l'État de droit, étaient déjà engagées. C'est sur le fond que vous souhaitez un report.
Le rapport et la proposition de résolution vous ont été adressés. Dans d'autres commissions, même permanentes, sur des textes plus longs et plus compliqués, les délais sont aussi restreints. Je pense que la raison pour laquelle vous faites cette agitation depuis plus de quarante-cinq minutes, c'est parce que c'est un sujet éminemment politique et que La République En Marche assume d'aller jusqu'au bout, quand bien même vous voudriez faire autre chose.
Je voudrais enfin témoigner ma solidarité à l'endroit de Madame la Présidente et je trouve injuste que vous instrumentalisiez son titre de présidente pour la mettre en cause dans son rapport avec l'ensemble des membres.
J'ai dit l'inverse. Mme la Présidente, je demande que mes propos soient intégralement au compte-rendu et les raisons pour lesquelles nous quittons la séance, avec toute l'estime et la considération que j'ai pour chacun de mes collègues. Je ne vous autorise pas, ma chère collègue, à interpréter mes propos. J'ai dit les choses très précisément et j'ai donné à plusieurs reprises mon avis sur la manière dont la Présidente assume la Présidence de cette commission.
Quant au fait qu'il est 14 h 50, c'est parce qu'il y a eu une interruption de séance décidée par la Présidente pour consulter la majorité. On doit s'excuser de prendre la parole ici ?Il ne s'agit pas d'agitation, ma chère collègue.
Je regrette énormément la tournure de ces débats, car c'est un sujet très lourd qui nous a mobilisés pendant plusieurs mois et pour lequel nous avons subi un certain nombre de pressions, tant les enjeux sont politiques. Il aurait été utile, dans la mesure où le rapport ainsi que la proposition de résolution vous ont été remis, d'en discuter et il sera toujours loisible de faire entendre les points de vue dans la commission au fond et en séance plénière. Je regrette qu'on ne puisse pas aborder ces sujets importants pour l'avenir de l'Europe.
La séance est levée à 14 h 55.
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Patrice Anato, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Vincent Bru, Mme Yolaine de Courson, M. Benjamin Dirx, Mme Coralie Dubost, Mme Françoise Dumas, M. Pierre-Henri Dumont, M. Alexandre Freschi, Mme Christine Hennion, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, Mme Caroline Janvier, Mme Marietta Karamanli, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, M. Ludovic Mendes, M. Thierry Michels, Mme Danièle Obono, M. Jean-Pierre Pont, M. Didier Quentin, M. Éric Straumann, Mme Sabine Thillaye
Excusés. – Mme Sophie Auconie, Mme Aude Bono-Vandorme