Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • escadron
  • gendarme
  • gendarmerie
  • militaire
  • réserviste
  • véhicule
  • équipement

La réunion

Source

Présidence

La commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale entend, sous forme de table ronde, des associations nationales professionnelles de militaires de la gendarmerie. Pour GendXXI : MM. Frédéric Le Louette, président, Jean-Pierre Bleuzet, vice-président, et David Ramos, membre du conseil d'administration ; pour Gendarmes et Citoyens, MM. Thierry Guerrero, président, Ludovic Lacipière, vice-président, et Cédric Bouveret, vice-président.

La réunion commence à neuf heures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous continuons ce matin notre série d'auditions, en recevant les associations nationales professionnelles de miliaires de la gendarmerie (ANPM). Pour GendXXI, MM. Frédéric Le Louette, président, Jean-Pierre Bleuzet, vice-président, et David Ramos, membre du conseil d'administration. Pour Gendarmes et Citoyens, MM. Thierry Guerrero, président, Ludovic Lacipière, vice-président, et Cédric Bouveret, vice-président.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Les personnes auditionnées prêtent serment.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous propose avant d'engager notre échange, de vous présenter. Quelle est la représentativité de vos deux associations ?

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

À ce jour, aucune ANPM n'est représentative, puisque le système mis en place veut que les associations soient composées de tous les corps – officiers, sous-officiers, hommes du rang. Or, à GENDXXI, nous ne parvenons pas à recruter des hommes du rang, qui ne restent, en moyenne, que deux ou trois ans en gendarmerie. Par ailleurs, la gendarmerie ne nous permet pas de communiquer, en interne, avec le personnel, alors même que la loi l'autorise – nous ne disposons donc pas de dispositifs internes de communication.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je souhaite débuter mon propos liminaire par une rapide présentation historique de l'association que je préside.

Constituée en 2008 en association de type « loi de 1901 », elle a pour objet depuis l'origine, la défense des conditions de vie et de travail des militaires de la gendarmerie. Le décret de 2015 relatif à la création des APNM a permis une évolution sensible des statuts et a reconnu l'aspect officiel de son existence.

Nous allons fêter, en avril prochain, son onzième anniversaire ; bien des choses ont changé depuis. Nous entretenons avec l'institution Gendarmerie nationale des relations franches et sans filtre. Nous sommes signataires de la Charte des associations, qui nous garantit une importante liberté de parole et d'action.

S'il fallait illustrer notre implication dans la défense des intérêts des gendarmes, et de la gendarmerie en général, je vous renverrais à l'actualité récente relative aux agressions de gendarmes, à Paris ou à Dijon, pour lesquelles l'association Gendarmes et Citoyens s'est constituée partie civile. Les juridictions, à travers un jugement sans ambiguïté, en ont reconnu la recevabilité et le bien-fondé, et ont condamné les auteurs à des dommages et intérêts et aux dépens.

J'aborderai maintenant la raison de notre présence devant votre commission. Je laisserai ensuite la parole aux vice-présidents pour la partie spécifique des subdivisions, qu'ils ont en charge au sein de l'association. J'y vois l'occasion de présenter aux parlementaires une situation fragile, en termes d'équipements comme de conditions d'emploi. Ces deux aspects sont indissociables des conditions de vie des gendarmes et de leur famille.

Vous ne pouvez ignorer qu'ils sont logés en caserne, par nécessité absolue de service. Il s'agit d'une disposition statutaire qui permet une montée en puissance immédiate et rapide de l'ensemble des forces disponibles, voire même indisponibles, sous certaines conditions.

Les mouvements sociaux de notre pays, qui ont débuté le 17 novembre 2018, en apportent la preuve. La gendarmerie est capable de mobiliser les trois quarts de ses effectifs sur une période plus ou moins longue, comme, par exemple, pour l'acte III de ces manifestations. À titre informatif, tous les escadrons de gendarmerie mobile étaient sur le terrain ce jour-là ; c'est dans l'ADN de notre institution.

Nous sommes au service de la nation pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Cependant, cette disponibilité conduit l'administration centrale à faire des choix, et c'est dans ces moments-là que nous devons être vigilants.

Derrière chaque gendarme, il y a un père ou une mère de famille, un être humain, dont il faut assurer la sécurité pour qu'il soit en mesure de protéger les personnes, les biens et les institutions. Sur le plan matériel, les équipements individuels dont sont dotés les gendarmes sont adaptés à des missions spécifiques. Cela devient problématique quand les gendarmes départementaux, par exemple, sont envoyés sur des missions de maintien de l'ordre. Ces missions n'étant pas le coeur de leur métier, ils ne sont pas équipés pour répondre à des situations de maintien ou de rétablissement de l'ordre public.

Par ailleurs, les équipements collectifs connaissent un vieillissement certain. Le gendarme Lacipière, vice-président de l'association, répondra aux éventuelles interrogations de votre commission sur les moyens dédiés aux unités des forces mobiles.

Les gendarmes départementaux ont donc été fortement engagés. Plus habitués à gérer des situations ponctuelles de paix publique ou d'infraction, ils se sont retrouvés, du fait d'un déploiement historique sur Paris et les grandes villes, face à des situations qu'ils n'ont pas pour habitude de rencontrer, avec les maigres moyens dont ils disposent pour de telles circonstances.

L'adjudant-chef Bouveret, vice-président, apportera l'éclairage dont votre commission aura besoin pour se faire une idée des difficultés d'intervention dont il a été lui-même acteur.

Je ne peux laisser passer l'occasion de rappeler à votre commission que les conditions d'emploi des personnels de la gendarmerie n'ont jamais été aussi délicates. Les quinze escadrons de gendarmerie mobile supprimés dans les années 2000, les déclinaisons successives des régimes d'emploi des autres unités de forces mobiles, le retard dans le renouvellement des équipements individuels et collectifs, les choix budgétaires imposés par Bercy, les conditions d'hébergement des familles et, lors des déplacements, la multiplication des missions dans des délais de plus en plus raccourcis, les renforts au pied levé dans les zones de pleine compétence de la police nationale conduisent l'institution à fixer des priorités en suspendant des périodes d'instruction ou de repos. Les personnels de la gendarmerie sont fatigués. Ils répondent encore présents, sans état d'âme, mais pour combien de temps encore ?

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Mesdames et messieurs les députés, pour GENDXXI, la situation de la gendarmerie est préoccupante à bien des égards.

D'un point de vue budgétaire, tout d'abord. Le budget de la gendarmerie et les mises en réserve de crédit, gouvernementales et ministérielles, ne permettent pas à la gendarmerie nationale de fonctionner normalement.

Quelles autres administrations de l'État pourraient cesser de payer les déplacements de ses agents à compter du mois d'août ? Seuls le statut et la culture militaires des gendarmes – et l'engagement personnel du directeur général – ont permis aux gendarmes d'active et aux réservistes d'attendre pendant plusieurs mois leurs indemnités, tout en poursuivant, sans faille, leurs engagement.

La situation vécue en 2018 inspire de grandes inquiétudes pour le budget 2019, avec, en particulier, un engagement toujours plus grand des forces de l'ordre. L'engagement opérationnel des gendarmes n'a jamais été aussi important. Depuis quatre mois maintenant, les militaires de la gendarmerie sont présents partout en France, pour assurer l'ensemble des missions judiciaires et administratives, mais également le suivi et l'encadrement des manifestations des Gilets jaunes. Les gendarmes s'impliquent sans relâche, malgré la durée exceptionnelle de la mobilisation.

Ce déploiement sans précédent intervient alors même que la gendarmerie a perdu quinze escadrons lors de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et que les effectifs n'ont toujours pas retrouvé leur niveau initial. Par ailleurs, ce sur-engagement devient la norme, malgré l'impact évident sur les personnels et les risques qui en découlent.

Nombreux sont ceux qui ont souligné le professionnalisme des militaires engagés, leur disponibilité, leur sang-froid et leur résilience. Mais qui s'inquiète des effets à long terme ? Jugera-t-on le militaire fautif sur des images hors contexte ou au regard des semaines éprouvantes qu'il aura traversées ces quatre derniers mois ?

Très peu de responsables politiques évoquent la création d'escadrons de gendarmerie mobile, qui nous semble pourtant essentielle pour permettre d'assurer les relèves et préserver la sécurité des personnels ; nous le déplorons.

La crise des Gilets jaunes doit faire l'objet d'un véritable retour d'expérience pour les forces de l'ordre, tant sur le plan de la doctrine que sur celui des moyens humains et matériels.

Les moyens matériels sont également un sujet majeur de préoccupation. Le retard accumulé dans le renouvellement du parc automobile a entraîné un vieillissement inquiétant d'une partie des véhicules, un taux trop important d'indisponibilité et un état de vétusté problématique, aussi bien en gendarmerie départementale qu'en gendarmerie mobile.

Les moyens de protection individuelle détenus par les gendarmes départementaux se sont révélés inadaptés ou insuffisants, comme nous avons pu le constater au Puy-en-Velay.

Je ne vous citerai pas tous les matériels qui dysfonctionnent, je n'évoquerai que le cas des éthylomètres, souvent trop vieux et en panne.

Je conclurai en attirant votre attention sur un sujet qui suscite beaucoup d'inquiétude au sein de nos rangs : la réforme des retraites. Les militaires de la gendarmerie, voit, dans la communication qui est faite autour de cette réforme, une mesure qui, sous couvert de simplification et d'équité, nie tout ce qui fait la spécificité de la gendarmerie.

Pour un gendarme, la retraite est la juste récompense d'une carrière accompagnée de sacrifices et de privations de droits et de liberté. Une réforme qui porterait nos retraites vers le bas serait lourde de conséquences pour notre institution et pour les gendarmes, qui, chaque jour font preuve d'abnégation au service des autres.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avant de passer la parole à mes collègues, j'ai quelques précisons à vous demander.

D'abord, vos associations représentent-elles également les réservistes ? Certains d'entre eux en font-ils partie ?

Ensuite, vous nous dites que quinze escadrons ont été supprimés. Combien, selon vous, conviendrait- il d'en créer ?

Enfin, la réforme des retraites a été mentionnée à plusieurs reprises, lors de nos auditions. Est-ce une crainte générale que vous exprimez, ou des annonces ont-elles été faites à ce sujet ?

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Oui, les APNM peuvent compter des réservistes dans leur rang – nous en avons –, mais ce n'est pas leur objet, puisqu'il s'agit d'associations d'actifs. Un gendarme qui part en retraite est automatiquement réserviste pendant cinq ans, il est en général membre d'une association et le reste à son départ.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La réserve de la gendarmerie est un très bel outil, contrairement à celle de la police qui ne fonctionne pas. Tous les réservistes ne sont pas d'anciens gendarmes. Cette réserve compte également des anciens militaires, des anciens policiers ou des policiers, sur le temps de repos, et des civils.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Cette réserve est indispensable, actuellement, au fonctionnement de la gendarmerie.

Concernant les escadrons de gendarmerie mobile, quinze escadrons ont été supprimés en 2010-2011 ; un seul a été recréé depuis. Nous estimons à cinq le nombre d'escadrons qu'il conviendrait de créer. En créer davantage aurait un coût important et nous sommes conscients des difficultés budgétaires.

Ces cinq escadrons seraient bien entendu engagés dans les zones police, mais ils nous permettraient aussi de tourner un peu moins en outre-mer. Il y a quelques années, nous partions tous les dix-huit mois, aujourd'hui la rotation a lieu tous les douze mois, voire moins. Il s'agit de zones compliquées, je pense notamment à Mayotte ou à la Guyane, et les gendarmes ont donc besoin de temps pour récupérer.

S'agissant des retraites, aucune annonce officielle n'a été faite, mais nous suivons l'actualité et constatons qu'une approche par mission est en train de se mettre en place au sein du ministère de l'intérieur. Nous n'avons pas peur de comparer nos missions à celles de la police nationale – certaines de nos missions sont réalisées au titre de notre statut militaire –, mais notre statut nous attribue beaucoup de devoirs qui, selon nous, justifient le niveau de nos retraites actuelles. Baisser nos retraites fragiliserait l'institution et le recrutement. En effet, quelque 40 000 gendarmes pourraient prendre leur retraite d'ici à la fin de 2019 si les choses évoluaient défavorablement pour nous.

Par ailleurs, il nous semble que l'attraction de notre métier passe aussi par la promesse d'une bonne retraite. Notre métier est compliqué, environ 11 % des gendarmes partent en retraite blessés ou en invalidité.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

Monsieur le président, GendXXI et l'Union des APNM, qui représente plusieurs associations au sein de la défense, ont demandé à être reçu par le haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Delevoye, qui, à ce jour, n'a pas donné suite à notre requête.

Les premières informations qui ont été révélées concernaient le système par points.

Depuis 2004, la gendarmerie est concernée par la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP). L'ensemble des gendarmes ont, depuis, pu se familiariser avec ce système. Je vous citerai un exemple très concret. Adjudant à l'échelon 4, je cotise moins de points par an que lorsque j'étais chef et à l'échelon 3. Pourquoi ? Parce que la valeur d'acquisition du point a augmenté de manière significative, notamment après la crise de 2008. Chaque année, je cotise donc moins de points, à la même période, malgré l'effet mécanique, avec les échelles de solde, d'augmentation globale du salaire. Nous devons également prendre en compte le gel du point d'indice du fonctionnaire, qui a eu un impact négatif.

Certes, aujourd'hui, aucun projet ne se dessine de manière formelle, nous n'avons pas d'information précise sur la méthodologie qui sera employée à destination du milieu militaire, mais le système de points en lui-même, mis en perspective avec les mécanismes des dix dernières années du RAFP, suscite des inquiétudes.

Bien évidemment, nous serons ravis de pouvoir lever ces inquiétudes en discutant avec le haut-commissaire. Malheureusement, ce dialogue n'a pas encore eu lieu.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Je suis totalement d'accord avec mes collègues de GendXXI, j'ajouterai simplement que le sujet des retraites devrait être abordé, de façon impérative, sous l'angle statutaire et non selon une approche par mission. Un raccourci est alors trop souvent fait avec nos collègues de la police nationale. Or, si des missions paraissent identiques – nous ne les effectuons pas de la même manière –, d'autres sont d'ordre militaire.

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Dans le calcul de notre retraite, des bonifications, notamment outre-mer, sont prises en compte. Or M. Delevoye, lors de ses déplacements, parle non pas de bonifications outre-mer, mais de « dépaysement ». Or, l'outre-mer n'est en aucun cas un dépaysement pour la gendarmerie nationale ; nous y effectuons des missions dangereuses. Nous avons besoin de garder ce système de calcul de bonifications, qui sont liées au risque encourus sur le terrain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Messieurs, vous avez évoqué le manque de moyens des gendarmes départementaux, notamment dans le cadre du maintien de l'ordre. Vous avez également cité la suppression de quinze escadrons.

Si un arbitrage budgétaire devait être fait, conviendrait-il d'équiper les gendarmes départementaux d'équipements plus appropriés ou de créer des escadrons, capables d'intervenir – je pense aux manifestations qui se déroulent depuis seize semaines ?

Par ailleurs, vaut-il mieux créer de nouveaux escadrons, ou de nouveaux pelotons au sein des escadrons existants ?

Permalien
Ludovic Lacipière, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Très clairement, nous avons besoin, aujourd'hui, d'escadrons. En effet, les cinquièmes pelotons, qui ont créé 500 équivalents temps plein (ETP), vont être réinjectés dans les escadrons à quatre pelotons. Aujourd'hui, pour les missions de maintien et de rétablissement de l'ordre, trois pelotons sont engagés. Il n'y a donc aucune utilité à créer des pelotons dans des escadrons. En revanche, nous avons besoin de plus d'escadrons.

S'agissant des moyens, la gendarmerie mobile renforce régulièrement les gendarmes départementaux. Des unités de gendarmes départementaux ont été confrontées, ces derniers mois, à du maintien de l'ordre, alors même qu'elles ne disposent pas des équipements nécessaires. Il serait donc bon d'équiper certaines unités qui doivent couvrir des points particuliers dans leur circonscription.

Cependant, les escadrons manquent cruellement de moyens, et la crise des gilets jaunes l'a démontré. Les gendarmes sont sur-employés depuis 2017 ; en 2018, les escadrons ont clairement été mis à l'épreuve avec les manifestations de Notre-Dame-des-Landes ; les outre-mer se sont enflammés à tour de rôle : crise des « 500 Frères » en Guyane, crise sociale à Mayotte, référendum en Nouvelle Calédonie – qui s'est plutôt bien passé. Mais nous manquons cruellement, à la fois d'escadrons et de moyens. Nous évoquerons certainement les lanceurs de balles de défense (LBD) ; il n'y en a que quatre par escadrons.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Nous devons trouver un équilibre entre la nécessité de mieux équiper les gendarmes départementaux et créer des escadrons – il n'est bien entendu pas question d'en créer quinze.

De nombreux gendarmes départementaux sont issus de la gendarmerie mobile et sont compétents pour assurer le maintien de l'ordre. Ils n'en font pas, car ils sont ni équipés ni structurés pour, mais ils savent le faire. Si certaines unités de gendarmerie départementales disposaient d'équipements de maintien de l'ordre, elles pourraient aider la gendarmerie mobile dans des situations d'urgence. Un équilibre est à trouver.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Il est effectivement nécessaire de créer des escadrons, notamment pour nous permettre de tourner dans les missions et éviter un mécanisme routinier – onze semaines, par exemple, à couvrir les manifestations des gilets jaunes.

Ensuite, la création d'escadrons serait une plus-value à la fois pour la police et la gendarmerie, puisque, en outre-mer, les escadrons sont également engagés en zone de police – les compagnies républicaines de sécurité (CRS) ne se déployant pas outre-mer.

S'agissant des équipements des gendarmes départementaux, le coût ne serait pas énorme, puisqu'il ne s'agit pas d'équiper chaque gendarme départemental. De plus, nous tenons à ce que le maintien de l'ordre reste une mission spécifique, nécessitant une formation spécifique, notamment pour apprendre à faire usage de la force de façon parfaitement proportionnée.

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Je suis favorable également au fait d'équiper les unités de gendarmes départementaux pour répondre, dans l'urgence, à une situation de maintien de l'ordre. Mais n'oublions pas que les véhicules de patrouille ne sont pas encore équipés pour contrer une menace terroriste – ils ne sont pas équipés, par exemple, de gilets pare-balles lourds.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes bien d'accord, la mission première d'un gendarme départemental n'est pas le maintien de l'ordre.

Si nous raisonnons par compagnie, selon vous, quel pourcentage d'équipement serait nécessaire ?

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Il est très difficile de répondre à cette question, car tout dépend du terrain, de la menace à laquelle nous devons faire face, etc. Chaque compagnie, chaque groupement de gendarmerie mobile a des besoins spécifiques en fonction de son lieu d'implantation. Avec 30 % d'équipements supplémentaires pour les militaires des unités départementales, nous serions largement dans les clous.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Je suis d'accord, équiper un peloton, soit 25-30 personnes, me semble effectivement judicieux.

Permalien
Jean-Pierre Bleuzet, vice-président de GendXXI

En cas d'attentats terroristes, les brigades territoriales ne sont équipées que de deux casques lourds et de deux gilets pare-balles lourds ; soit deux équipements pour les primo intervenants.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Il serait nécessaire de disposer d'un lot qui soit disponible rapidement et non éclaté dans chaque brigade.

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Pour ma part, je sers en peloton motorisé – un métier de sécurité routière. Nous sommes tous les jours sur le terrain. C'est d'ailleurs un peloton motorisé qui est intervenu le premier dans le supermarché, heureusement que les gendarmes étaient équipés. Parce que les unités de sécurité routière, en temps normal, ne sont pas équipées pour contrer la menace terroriste.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Messieurs, je vous remercie de votre présentation, à la fois très claire et qui nous alerte sur les moyens qui font défaut au sein de la gendarmerie. Il ne s'agit pas d'une situation nouvelle, c'est malheureusement le résultat d'un manque de financements depuis de trop longues années. Cependant, eu égard à la situation que nous traversons depuis quelque temps, nous nous devons de réagir. Je vous félicite également pour votre capacité à vous adapter, malgré le manque de moyens et de personnels.

Quelles seraient, selon vous, les priorités en matière de financement à venir, sachant que nous ne pourrons pas corriger la trajectoire très rapidement ? Devons-nous investir, en priorité, sur les moyens humains, les équipements individuels, le logement ?

Par ailleurs, le malaise que vous exprimez, et que nous sentons partout en France, a-t-il un impact délétère sur le recrutement en gendarmerie ?

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

La priorité, selon moi, est la suppression, chaque année, des mises en réserve de crédits ; c'est insupportable. Cela empêche toute planification de budget de manière sereine et oblige la direction générale, et notamment le directeur général, à faire des choix draconiens à des moments qui ne sont pas judicieux.

Nous avons pu constater l'effet pervers de cette mise en réserve ; le directeur général a été obligé de faire le choix d'arrêter de payer les indemnités de déplacement des gendarmes mobiles ainsi que le salaire des réservistes. C'est insupportable, d'autant que cela dure depuis des années.

S'agissant des équipements, la priorité est le logement. Hier, mes camarades du groupe de liaison ont été entendus sur ce sujet. De par notre statut, nous vivons en caserne avec nos familles ; le logement est donc primordial. Un militaire qui vit confortablement avec sa famille ira travailler dans de bonnes conditions.

Concernant l'impact des problèmes que rencontre la gendarmerie sur le recrutement, je ne puis vous répondre. Je puis simplement vous dire que les jeunes camarades qui viennent de commencer, pour être en relation avec eux, ne semblent pas inquiets.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Pour nous, l'humain est essentiel ; l'humain est ce qui permet de faire vivre la maison Gendarmerie. Or, nous n'avons toujours pas récupéré de la RGPP – c'est-à-dire la perte de quinze escadrons. Il est indispensable d'augmenter nos effectifs.

Bien entendu, nous avons des besoins très importants en équipements, non seulement pour notre protection, mais également en ce qui concerne les véhicules, qui sont dans un état proche du pitoyable.

Par ailleurs, il est vrai que la gendarmerie rencontre aujourd'hui des difficultés à recruter. Des réflexions sont actuellement menées pour déterminer comment faire rester les gendarmes adjoints volontaires (GAV) plus longtemps au sein de la gendarmerie – et ainsi, faire des économies.

Outre le recrutement, nous devons nous poser la question de savoir comment garder nos camarades qui sont fatigués et usés par ce métier qui, même s'il est passionnant, est très prenant et perturbe beaucoup l'équilibre familial.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

Concernant l'impact sur le recrutement, je ne pense pas qu'il soit important – mais je ne dispose pas de chiffres récents. Néanmoins, les jeunes ont des interrogations, nous nous en rendons compte notamment lors des salons organisés pour rencontrer les candidats. De nombreuses personnes portant un intérêt à la carrière de gendarme sont sensibles à l'évolution des conditions dans lesquelles le métier est exercé, au statut…

Même si un grand nombre de personnes sont tout à fait en phase avec l'esprit de la gendarmerie, ont envie de s'engager, de donner un sens à ce métier, elles s'interrogent sur les réformes des retraites qui se succèdent depuis de nombreuses années, sur le volume des effectifs, sur les problématiques connues s'agissant du matériel et du logement ; elles s'interrogent sur l'avenir. Le choix qu'elles feront en s'engageant ne risque-t-il pas de devenir problématique dans cinq, dix ou quinze ans ? C'est la raison pour laquelle l'impact sur le recrutement ne doit pas être uniquement mesuré à l'instant T, à l'aune de quelques mesures qui pourraient être prises, mais sur une durée beaucoup plus longue, de façon à anticiper le risque de la prise de décision.

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

La gendarmerie est une force humaine, l'immobilier doit être une priorité – je le répète, nous vivons en caserne avec nos familles. En Côte-d'Or, certaines zones sont non attractives et les brigades sont en sous effectifs. Le père de famille, le gradé ne souhaite pas y habiter, les logements ne réunissant pas les conditions de confort, de salubrité et de sécurité.

Permalien
Jean-Pierre Bleuzet, vice-président de GendXXI

Nous devons également tenir compte du fait que les mentalités changent. Les jeunes qui rejoignent la gendarmerie ne s'engagent, parfois, que pour cinq, six ou sept ans – quinze ans au maximum – alors qu'à mon époque nous nous engagions pour trente ans. Ce changement de mentalité ne doit pas être négligé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit là d'une évolution sociétale. Il en va de même pour tous les métiers – c'est la mentalité de la « génération Z ».

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, messieurs, pour vos propos éclairants.

Je suis tout à fait d'accord avec vous, l'immobilier joue un rôle important dans le mental du gendarme. Je plaiderai pour que cette question soit traitée en urgence.

S'agissant de la retraite, je comprends bien que ce sujet soit anxiogène, mais je sais aussi que M. Delevoye et un groupe de réflexion sont en train de décortiquer tous les régimes de retraite, toutes les spécificités. Sachez que M. Delevoye sait parfaitement que vous bénéficiez d'un statut particulier. Cela ne veut pas dire pour autant que vous serez lésés dans la prochaine réforme.

Vous avez évoqué la nécessité de renforcer la sécurité des gendarmes. S'agit-il d'une question uniquement d'équipements ou également d'organisation, afin, par exemple, que vous ne soyez pas toujours en première ligne et donc particulièrement exposés aux violences ?

Par ailleurs, de quel ordre est le retard du renouvellement du parc automobile ?

Enfin, que pensez-vous de la polémique autour des LBD ?

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Pour Gendarmes et Citoyens, le débat autour des LBD est un faux débat. Vouloir interdire les LBD est une hérésie ; c'est comme vouloir interdire les voitures parce qu'il y a des morts sur la route.

La gendarmerie est très peu concernée par les incidents causés par les LBD, notre doctrine d'emploi étant totalement différente – nous avons la même que celle de nos camarades CRS. Les incidents ont été provoqués par des policiers qui ne les utilisent jamais car ils ne sont pas formés au maintien de l'ordre ; je pense aux brigades anti-criminalité (BAC). Les CRS et les gendarmes mobiles ont une doctrine d'emploi des LBD stricte et réglementée ; aucun problème n'est à déplorer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit donc, selon vous, uniquement d'un problème de formation ?

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Oui. En gendarmerie, nous n'avons jamais eu à déplorer un quelconque incident.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

La formation d'un gendarme est primordiale. S'agissant du LBD, il doit non seulement connaître les situations dans lesquelles il a le droit de tirer, mais il doit également s'entrainer à se servir de cette arme.

La gendarmerie a mis en place, depuis quelques années, un système de binômes. Outre la situation de légitime défense, un gendarme n'a pas le droit de tirer seul, de façon spontanée. Un superviseur accompagne toujours le tireur ; il donne le commandement de tirer. Ce système a l'avantage d'éviter les coups de sang, les coups non réglementaires. Le superviseur encadre le tireur et lui ainsi permet d'avoir une vision beaucoup plus périphérique des choses. C'est la raison pour laquelle, la gendarmerie n'est pas impactée par les incidents provoqués par les LBD.

Concernant l'intégrité physique des gendarmes, elle est bien entendu parfois menacée – d'autant que les manifestations sont de plus en plus violentes. C'est pourquoi ils doivent disposer d'un l'équipement adéquat.

D'abord, pour un bon maintien de l'ordre, l'effet de nombre est important. Plus l'impact au sol est important, mieux les gendarmes sont protégés. Ensuite, un bon équipement nous permet de ne pas utiliser la force. En effet, lorsque vous subissez un dommage, votre réaction est plus vive. Un bon équipement, non seulement nous protège, mais permet de faire redescendre l'intensité des rapports de force et nous permet de mieux justifier notre action.

Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, nous passons notre temps à justifier chaque tir, chaque décision. Si c'est le job des associations, ce n'est pas celui du gendarme de terrain. Justifier en permanence ses décisions est usant psychologiquement, pour le gendarme de terrain.

S'agissant du parc automobile, je n'ai pas le détail, mais les véhicules ont en moyenne six ans, certaines sont même au bout du bout. Nous avons dû sortir nos véhicules blindés à roues, qui sont clairement à bout de souffle. Ils sont tellement peu modernes, qu'un gendarme au sol doit les guider – ce qui va à l'encontre de l'usage même de ce véhicule qui est censé protéger ses occupants.

Il est urgent de remplacer nos véhicules qui arrivent tous en fin de course.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Il me semble que 3 000 véhicules sont censés être renouvelés tous les ans, et que seuls 1 700 le sont.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Nous sommes obligés d'attendre le déblocage de la mise en réserve pour toucher l'argent nécessaire à la commande de véhicules. Les véhicules prévus, pour 2019, par exemple, ne seront livrés qu'en 2020.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

La moyenne d'âge des véhicules de la gendarmerie s'établit à un peu plus de sept ans. Il s'agit des chiffres que nous avions pour notre audition au Sénat dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) 2019.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Messieurs, je vous remercie pour vos réponses précises.

Ma première question concerne le statut militaire, auquel, nous le savons bien, vous êtes attachés. Cette présence militaire, et les valeurs qu'elle véhicule, notamment dans les territoires ruraux, est très importante.

La dimension de l'institution est-elle un facteur de motivation pour les jeunes qui s'engagent ? Vous avez évoqué le chiffre de 40 000 gendarmes qui pourraient partir en retraite. Certains d'entre eux vont certainement se reconvertir dans le secteur de la sécurité privée – au sens large. Une reconversion qui pourrait nous faire perdre un grand nombre de personnels.

Ma deuxième question est relative au logement. Nous y sommes tous sensibles, sachez-le. Constatez-vous une différence entre les logements domaniaux, des organismes publics d'habitations à loyer modéré (HLM) et ceux des collectivités locales ? Le fait de vivre en caserne est-il un frein à l'engagement des jeunes ? Cette vie en caserne pose-t-elle des problèmes dans la vie de famille ?

Troisièmement, vos collègues policiers évoquent régulièrement des problèmes de réseau radio – et s'arrangent avec des téléphones portables. Etes-vous confrontés à ce genre de difficulté ?

Enfin, dans mon département, en zone rurale, les habitants se plaignent des conducteurs de quads qui font n'importe quoi. La gendarmerie dispose-t-elle d'équipements qui pourraient mettre un frein à ce fléau ?

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Des différences de traitement existent bien suivant le gérant du parc immobilier – domanial, HLM, collectivités locales. Le logement domanial est clairement le parent pauvre de l'immobilier en gendarmerie. Durant des années, aucun budget n'était prévu pour l'entretien. Certaines collectivités locales, quant à elles, font des efforts pour construire de nouvelles casernes et pour bien les entretenir. Il s'agit vraiment d'une question de personne. Beaucoup de gendarmes, basés dans des zones non attractives ou logés dans des casernes vétustes, font le choix de loger leur famille dans une résidence, à proximité de la caserne.

Concernant les liaisons radio, alors même que j'habite dans la Nièvre, je n'ai aucun problème.

Enfin, concernant les quads, la gendarmerie disposent de motos tout-terrain, pour lesquelles la formation a été abandonnée – j'ai fait la dernière, en 2011. Nous manquons de motos autant que de véhicules.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Nous sommes des militaires dans l'âme, nous avons foi en notre métier. Comme les anciens, les jeunes gendarmes croient en leur mission. Le statut militaire demande beaucoup de sérieux, mais impose également beaucoup de contraintes. Les jeunes l'acceptent tout en espérant une retraite qui les récompensera de cet engagement.

D'ici à cinq ans, 55 000 militaires de la gendarmerie devront être formés. Entre-temps, nous craignons que les anciens ne prennent leur retraite et que moins de jeunes que prévu ne s'engagent. Le secteur de la sécurité privée est en pleine expansion et les militaires n'ont pas de mal à se reconvertir. Nous devons absolument retenir nos anciens en leur assurant qu'ils ont encore de beaux jours devant eux.

S'agissant de la vie en caserne, elle peut être une contrainte – nous sommes parfois un peu trop les uns sur les autres – mais elle est aussi une chance. Certains préconisent de séparer la vie professionnelle de la vie privée, mais la sécurité de nos familles est primordiale. En effet, nos familles sont de plus en plus attaquées, insultées, malmenées. Vivre en caserne nous permet de les protéger.

Enfin, concernant les liaisons radio, le système Rubis est efficace, je pense même qu'il est plus efficace que le système de la police. Maintenant, pour le maintien de l'ordre, nous manquons effectivement de radios. Pour être vraiment efficaces, il conviendrait d'augmenter le nombre de radios pour que chaque gendarme, sur le terrain, entende les informations.

Permalien
Ludovic Lacipière, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Les radios portatives dont dispose un escadron sont très limitées en nombre et vieillissantes. Nous nous retrouvons souvent, en situation de maintien de l'ordre en milieu difficile, complètement sourds ; les ordres nous sont alors hurlés.

Les radios font partie du matériel qui nous manque cruellement. Tous les gendarmes devraient pouvoir entendre les ordres et les transmettre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Messieurs, je vous remercie pour vos interventions.

Je souhaiterais savoir si vos deux associations représentent les 100 000 gendarmes que compte la France ?

S'agissant des équipements, il conviendrait de distinguer ce qui est normal de ce qui ne l'est pas. Peut-on qualifier de situation normale le maintien de l'ordre que vous assurez tous les samedis, depuis le mois de novembre ? Devez-vous disposer de matériel adapté à ces mouvements, ou ceux-ci sont-ils exceptionnels ?

Permettez-moi de faire une comparaison, sans doute un peu tirée par les cheveux. Il ne tombe quasiment jamais de neige sur la commune dont j'ai été le maire ; nous n'avons donc pas de chasse-neige. Mais quand la neige tombe, nous connaissons de grosses perturbations. Devons-nous, ou non, acheter un chasse-neige pour les années exceptionnelles ? Je suis désolé de cette comparaison qui ne prend pas en compte le facteur humain et la dangerosité de votre métier.

En ce qui vous concerne, peut-être devrions-nous déterminer, d'une part, le matériel qui vous manque pour effectuer les missions, que je qualifierais de « normales », et, d'autre part, le matériel utilisé en temps de crise.

Vous avez indiqué que les véhicules avaient, en moyenne, sept ans. J'ai travaillé, dans le transport routier. Un véhicule de sept ans était un véhicule assez récent. Pouvez-vous être plus précis ?

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Concernant la représentativité, nous ne sommes pas, selon la loi, représentatifs, le décret de 2015 et la loi de 2016 nous imposant des quotas dans chaque catégorie de personnels que nous n'avons pas atteints.

De la même façon que GendXXI, nous rencontrons des difficultés à recruter des gendarmes adjoints. Il s'agit de personnel tournant qui, de fait, ne voit pas la nécessité de s'investir dans une association.

Cependant, si nous ne sommes pas représentatifs légalement, nos deux associations disposent de supports numériques, de réseaux sociaux – la gendarme est connecté comme tous les citoyens. Nous pouvons ainsi constater que nombreux sont les gendarmes qui nous suivent et participent, notamment en remontant des informations en direct – que nous transmettons à la direction générale. La page Facebook de Gendarmes et Citoyens, par exemple, compte 60 000 abonnés – et tous ne sont pas gendarmes.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

Contrairement à d'autres associations représentatives, et il est important de le préciser, nous ne sommes pas dans un mécanisme d'élections professionnelles.

Par ailleurs, nous avons l'obligation de fournir la liste de nos adhérents, afin de vérifier qu'ils ne sont pas adhérents à deux APNM – en raison des règles de représentativité. Or, du point de vue psychologique, cette transparence est gênante ; la liberté de parole, au sein de la défense, est un sujet délicat. Certains ne veulent pas prendre le risque de voir leur nom circuler.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

S'agissant des équipements, nous devons effectivement séparer le matériel du quotidien du matériel que nous n'utilisons que dans des situations exceptionnelles.

Nous n'avons pas de poids lourds ; ce sont des véhicules légers. Or la gendarmerie départementale couvre 95 % du territoire. Non seulement nos véhicules tournent 20 heures sur 24, mais ils sont conduits par différents gendarmes. Un véhicule léger qui a roulé 350 000 kilomètres en 6 ans pose un problème. D'autant qu'il s'agit de véhicules classiques qui ne sont pas prévus spécialement pour la gendarmerie. Par exemple, l'armement que nous avons autour de la ceinture use très rapidement les sièges.

Notre force, c'est aussi l'anticipation. C'est la raison pour laquelle nous devons posséder tout un éventail de matériel pour réagir à ce qui n'est pas prévisible. Alors vous parlez de situations exceptionnelles, nous nous préférons dire « au cas où ». Posséder du matériel nécessaire pour le maintien de l'ordre – pour une trentaine de gendarmes départementaux – qui serait à disposition au niveau des compagnies, me semblerait cohérent. Détenir un équipement pour des situations exceptionnelles me semble nécessaire.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

J'ajouterai que nous avons un devoir de service public. La gendarmerie doit disposer de tous les moyens nécessaires à son bon fonctionnement, notamment en cas de crise. Alors même si certains équipements sont peu employés, je ne pense pas que l'État puisse faire l'impasse et se passer d'une capacité de réponse si cruciale dans les moments de crise.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Messieurs, je sais que votre porte-parole est une femme. Nous avons parlé de la représentativité, or aucune femme n'est présente aujourd'hui. Par ailleurs, selon mes informations, les femmes mettent fin à leur carrière, dans la gendarmerie, plus rapidement que les hommes ; pourquoi ?

Enfin, je suis élue d'une circonscription touristique, qui accueille, l'été, un grand nombre de vacanciers. Avez-vous des besoins particuliers pour cette période ?

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

De nombreuses femmes sont impliquées dans notre association. Ce n'est que pur hasard si aucune d'elle n'est présente ce matin. La question des femmes dans la gendarmerie ne fait plus débat depuis bien longtemps.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Il est plus compliqué pour une femme de s'impliquer que pour un homme, simplement parce que, même si le monde a changé, les femmes portent toujours le poids de la famille et, de fait, disposent de moins de temps qu'un homme pour s'impliquer dans une activité bénévole.

Concernant les vacances et l'afflux de populations, encore une fois, ce sont les escadrons de gendarmerie mobile qui participent aux renforts saisonniers. Malheureusement, cette année, la gendarmerie ne sera peut-être pas en capacité de fournir des renforts. Elle n'en a plus les moyens, d'autant que l'année 2019 est riche en événements, puisque différents sommets, notamment des G7, auront lieu cet été.

Heureusement, nos réservistes, une fois encore, renforceront les zones estivales. J'insiste sur l'importance des réservistes. Nous en avons besoin. Malheureusement, la réserve sera, moins engagée que les années précédentes, pour des raisons budgétaires.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Je fais partie d'une brigade territoriale en Gironde, je suis donc impacté, tous les ans, par l'arrivée des vacanciers.

Il est vrai que les escadrons de gendarmerie mobile ne pourront pas, cette année, fournir autant d'hommes que les années précédentes. Nous ferons appel à des réservistes et à des gendarmes départementaux issus des brigades locales pour renforcer ces postes provisoires. Nous avons exposé le problème à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et suggéré que les postes provisoires soient occupés uniquement par des réservistes, anciens gendarmes, à qui l'on maintiendrait leur habilitation d'officier de police judiciaire (OPJ) afin de ne pas faire appel aux gendarmes départementaux et de garder une capacité opérationnelle dans les brigades territoriales.

La direction se heurte au ministère de la Justice qui est dubitatif quant à l'opportunité de laisser à des réservistes leur habilitation de police judiciaire. Pourtant, un gendarme qui part en retraite après trente-cinq ans de carrière, part avec toutes ses compétences. Et celui qui a commandé une brigade durant trente ans est tout à fait en capacité de commander un poste provisoire, armé uniquement de réservistes.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

J'y vois pour ma part un problème juridique : le port d'arme. Il me semble compliqué de poster des OPJ réservistes, qui seront contrôlés par un officier ou un sous-officier d'active.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, vos propositions sont intéressantes, il conviendra de les affiner.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Existe-t-il des différences territoriales concernant les investissements, en particulier dans l'immobilier ? Si oui, quelles seraient vos recommandations pour établir des critères qui obligeraient toutes les collectivités, en vue d'une meilleure égalité de traitement ?

Constatez-vous une différence dans les demandes des préfets, s'agissant de vos missions – notamment pour assurer le maintien de l'ordre lors des manifestations ?

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Concernant l'immobilier, je ne dis pas que la responsabilité repose uniquement sur les élus. Certes, pour le logement domanial, un budget est nécessaire, et l'entretien des casernes coûte cher. Il est vrai aussi que des organismes HLM ne font aucun effort pour mettre le parc immobilier à niveau.

Quels pourraient être les critères ? Eh bien, les critères communément acquis pour tout locataire, à savoir, par exemple, isoler le bâtiment dès lors que les locataires paient 270 euros de chauffage électrique par mois ! Le gendarme aspire, comme tout citoyen, à un peu de confort, de salubrité et de sécurité. Pourtant nos demandes se heurtent, parfois à un élu, une autre fois à un organisme ou encore à une collectivité.

Alors quel moyen de pression pourrait utiliser un gendarme sur une collectivité territoriale ou un organisme HLM pour qu'elle ou qu'il engage des travaux ? Une solution serait de geler les loyers, en les déposant à la Caisse des dépôts et consignations, jusqu'à ce que les travaux soient effectués. Personne ne l'a jamais fait, je ne sais pas si la procédure est simple.

La caserne communale dans laquelle j'habite a une trentaine d'années, et personne n'y a jamais effectué de travaux. Récemment, nos élus s'y sont engagés ; des travaux d'isolation devraient donc commencer cet été.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Les problèmes que rencontrent les gendarmes en matière de logement sont différents selon les régions. Nous n'avons pas évoqué le logement outre-mer, mais c'est un vrai problème. Nous avons des solutions, mais elles nécessitent un budget. Les difficultés sont remontées par la hiérarchie, qui les connaît parfaitement, puisqu'ils les subissent avec nous.

S'agissant des préfets et de leurs engagements, nous n'avons, globalement, pas de problèmes avec eux, les choses se passent plutôt bien. Les procédures sont respectées et le dialogue est constant.

En revanche, en matière judiciaire, la situation est plus tendue. Les process sont différents selon les parquets, ce qui crée de grosses tensions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La réserve opérationnelle est une force émergente tout à fait intéressante. Vous nous dites, messieurs, qu'elle sera moins mobilisée cette année, ce qui, selon moi, est une erreur, puisqu'il s'agit d'une variable d'ajustement précieuse.

La formation des réservistes opérationnels vous paraît-elle suffisante, notamment pour ceux qui ne sont pas d'anciens gendarmes ?

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

J'ai un avis mitigé quant à la formation initiale des réservistes. Je la trouve trop courte et pas suffisamment axée sur le volet professionnel mais d'une façon générale, elle est satisfaisante.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

Depuis la fin du service militaire obligatoire, la plupart des jeunes qui suivent la préparation militaire gendarmerie (PMG) n'ont aucune notion du monde militaire. Or, au cours de la formation, nous leur inculquons le savoir-faire mais également le savoir-être – point très important. Outre la formation continue et les contacts avec les unités, nous comptons aussi beaucoup sur les échanges entre réservistes.

Aujourd'hui, la formation est satisfaisante, mais elle pourrait être plus complète, aller plus loin – je pense à la formation d'agent de police judiciaire adjoint (APJA). Mais s'agissant du socle « sécurité publique générale » (SPG), les retours sont satisfaisants ; il permet effectivement de renforcer la sécurité publique générale.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

En ce qui concerne l'aspect budgétaire, l'effectif des réservistes était de quelque 2 000 réservistes jour en 2018 ; ils seront de 1 500 cette année. Nous allons donc être obligés, si nous voulons en bénéficier cet été, de bloquer leur emploi sur certaines zones et sur certains mois plus creux.

Les réservistes ont réalisé, en 2018, un effort impressionnant. Bien que sachant qu'ils ne seraient pas payés avant le mois de janvier ou février, ils ont répondu présents. Si, pour un réserviste retraité qui perçoit une retraite, c'est difficile, pour un jeune qui n'a que cette activité pour vivre, c'est un vrai sacrifice. Nous pouvons vraiment leur rendre hommage de servir la gendarmerie et les citoyens.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aragon affirmait « la femme est l'avenir de l'homme ». Peut-être sera-t-elle également l'avenir de la police et de la gendarmerie. Nous disposons, ainsi d'une marge de manoeuvre importante et intéressante, en termes de recrutement.

S'agissant de la mise en réserve, je souhaiterais vous informer, en tant que rapporteur du budget de la police et de la gendarmerie, que le gel budgétaire est passé de 8 % à 3 % ; la mise en réserve a donc, elle aussi, suivi cette baisse.

Cependant, tant au niveau de la gendarmerie que de la police, des marges de manoeuvre sont gérées par les directions elles-mêmes. Ces mises en réserve sont ensuite dégelées. Une mise en réserve de la gendarmerie a été dégelée en début d'année pour acheter des véhicules.

En ce qui concerne le LBD, ils sont beaucoup moins utilisés par les gendarmes mobiles et les CRS – qui travaillent en blocs – que par les unités mobiles de la police nationale, qui vont au contact assez rapidement et qui sont en infériorité numérique. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils possèdent des LBD. Bien évidemment, cela n'écarte pas le fait qu'ils doivent suivre des formations complémentaires.

Vous n'avez pas évoqué le temps de travail et la coupure de onze heures qui n'est pas toujours respectée. Où en sommes-nous s'agissant de la directive européenne ? Est-elle appliquée, sachant qu'au niveau des armées – et non pas uniquement de la gendarmerie nationale – cette question est problématique ?

Par ailleurs, vous n'avez pas parlé de la procédure pénale. Or elle pose aujourd'hui des problèmes majeurs, avec des mouvements d'officiers de police judiciaire – en police comme en gendarmerie. Y a-t-il, en termes de procédure pénale, un problème particulier ou est-il moins prégnant que pour vos collègues de la police nationale ?

Enfin, vos associations ont-elles réfléchi, sachant que sont rattachées au ministère de l'intérieur une force de police mais aussi une force de gendarmerie, à une meilleure coordination qui permettrait de moins mobiliser des fonctionnaires ou des militaires sur des missions redondantes ou sur des unités redondantes ?

Nous avons évoqué, hier, la plateforme d'appel police-gendarmerie dans les départements. Cette idée, que nous trouvons intéressante, a été rejetée à la fois par la police et la gendarmerie. Pourquoi avons-nous un tel décalage entre ce que pensent les uns et les autres ?

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

Je ne peux que saluer la baisse de la mise en réserve gouvernementale, elle va nous permettre de disposer d'un budget plus juste. Cependant, nous ne devons pas négliger le fait que, depuis cette année, s'ajoute une réserve ministérielle, soit deux mises en réserve au lieu d'une. Nous avons bon espoir, cela dit, que la mise en réserve ministérielle soit plus rapidement dégelée.

Nous ne pouvons pas reprocher à nos chefs leur gestion prudente. Nous l'avons vu avec les mouvements des Gilets jaunes qui ont fortement impacté le pays ; sans ces crédits réservés, nous aurions été encore davantage en difficulté.

Les LBD sont, en effet, moins utilisés par les gendarmes mobiles et les CRS. Mais il me semble que nous négligeons un paramètre : les pelotons d'intervention de la gendarmerie (PSIG) sont parfaitement efficaces pour interpeller les fauteurs de troubles. Or ils sont très peu mobilisés, les responsables préférant faire appel aux BAC et autres unités mobiles. Pourtant, nos pelotons d'intervention sont bien mieux équipés que les BAC – qui ne disposent pas, par ailleurs, d'uniformes leur permettant d'être distinguées.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

S'agissant de l'utilisation des LBD, je rappellerai que les PSIG possèdent 665 LBD classés « violences de type urbain ». Nos PSIG sont donc bien équipés de LBD, mais cela ne veut pas dire qu'ils les utilisent de façon déraisonnable. Il me semble important de souligner, au contraire, que la culture des armes, la culture militaire – que le personnel des BAC n'a pas – permet aux gendarmes de bien gérer l'utilisation de leurs armes.

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

S'agissant du temps de travail, suite aux actions menées par GendXXI, le directeur général de la gendarmerie nationale a abrogé l'instruction 1000GENDDOESDSPSRSP, au motif qu'elle n'était pas en tous points conforme à la directive européenne sur le temps de travail. Nous avons été sévèrement critiqués, certains allant même jusqu'à affirmer que la gendarmerie se mettait en difficulté. Or, en pratique, tout se passe très bien. Je connais peu de gendarmes de terrain, aujourd'hui, qui souhaiteraient revenir à la situation antérieure.

Un gendarme, à titre individuel, ne peut être disponible 24 heures sur 24 ; c'est la Gendarmerie qui est disponible jour et nuit. Comme tout citoyen, un gendarme a droit à des repos, des congés ou des arrêts maladie. Or nous tenons à ce que ces droits soient préservés ; le statut militaire n'empêche pas la fatigue des personnels.

Les discussions sur la directive se poursuivent ; les armées vont elles aussi devoir y réfléchir. Mais la gendarmerie a eu l'occasion, avec les événements de ces derniers mois – les mouvements des Gilets jaunes et l'ouragan Irma – d'expérimenter un système de fonctionnement plus souple qui donne de très bons résultats.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

Concernant la procédure pénale, la gendarmerie est impactée, au même titre que d'autres services d'enquêtes judiciaires, par la baisse de candidatures et d'attractivité de la fonction d'OPJ. Vous n'ignorez pas que cette défiance à l'égard de la fonction d'OPJ est liée à des responsabilités toujours plus importantes et à une complexité de la procédure pénale qui va grandissante.

La loi de simplification a apporté des clarifications intéressantes. Il conviendra d'en juger les effets, à long terme, sur les articles du code de procédure pénale qui ont été modifiés. Concernant l'exercice au quotidien, nous suivons avec intérêt les travaux lancés par Mme la ministre de la Justice, en janvier 2018, sur la question de la dématérialisation.

S'il était nécessaire d'alléger le code de procédure pénale pour fluidifier le déroulement des enquêtes, la gestion administrative – la « paperasse » – devrait faire l'objet de la dématérialisation. Le tout-dématérialisé permettra de fluidifier le flux de travail des enquêteurs, la liaison avec les magistrats ou d'autres services d'enquêtes, et pourrait ainsi entrainer des économies d'échelle.

Il reste encore, selon nous, des axes d'amélioration à explorer, tels que l'oralisation. Des garanties devront être prévues, notamment pour l'exercice du droit de la défense : comment évaluer la synthèse si elle est discutée par la défense ? Qui sera chargé de réécouter les bandes, de procéder à l'examen visant à s'assurer de la validité de la synthèse ?

La modification de la procédure pénale semble se dérouler dans une dynamique positive, suivant un axe d'effort qu'il convient de maintenir : en définissant les avantages réels et concrets des nouveaux textes, mais aussi des technologies qui seront inclues dans le flux de travail de la procédure pénale, à la fois du ministère de l'Intérieur et du ministère de la Justice.

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Concernant la charge procédurale, quelque 300 propositions ont été présentées par la gendarmerie dans le cadre de la réforme pénale ; une trentaine a été retenue.

De nouvelles mesures fonctionnent parfaitement sur le terrain, telles que le traitement en temps réel des procédures pénales – le mail nous évite de passer une demi-heure au téléphone – ou la possibilité donnée aux magistrats de se déplacer dans les unités pour traiter les procédures rapidement – les classer ou apporter une réponse pénale.

Cependant, le gendarme de terrain se heurte régulièrement à des circulaires locales allant à l'encontre des circulaires de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG).

Permalien
Frédéric le Louette, président de GendXXI

S'agissant d'une potentielle réorganisation, GendXXI n'a aucun de tabou. Nous discutons de tout avec les syndicats que nous rencontrons régulièrement. Cependant, nous devons être prudents, car ce ne sont pas aux citoyens d'en payer le prix.

Concernant une réorganisation interne de la Gendarmerie, nos pistes vont dans le sens d'une organisation territoriale qui préserve le maillage de la gendarmerie ; nous devons, par exemple, éviter un regroupement trop important des casernes qui laisserait des zones blanches ou des zones dans lesquelles nous ne pourrions pas intervenir rapidement.

La Cour des comptes a proposé, voici quelques mois, de porter de 20 000 à 50 000 habitants la limite de classement des communes en zone de gendarmerie.

Une des difficultés, concernant la mutualisation avec la police, vient de l'organisation même de la police, qui nous semble compliquée – beaucoup de directions, beaucoup de chefs. La gendarmerie est organisée sur le modèle militaire : un chef, une mission et des moyens.

Enfin, la plateforme d'appel paraît séduisante sur le papier, mais elle ne prend pas en compte la connaissance du terrain, la connaissance de la population qu'ont nos experts du Centre d'opérations et du renseignement de la gendarmerie (CORG). Nous craignons, avec une telle mutualisation, de perdre cette expertise qui nous permet de réagir de façon rapide et proportionnée – pour la sécurité de nos concitoyens.

Permalien
Cédric Bouveret, vice-président de Gendarmes et Citoyens

En effet, le CORG n'est pas uniquement une plateforme. Il s'agit d'une unité spécialisée de la gendarmerie qui conduit les opérations lors d'une intervention et qui fait du renseignement. Une mutualisation avec la police ne nous paraît pas souhaitable.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je comprends ce que vous dites, le Centre d'information et de commandement (CIC) a la même fonction. Et un policier me tiendra les mêmes propos que vous : une personne spécialisée qui a une connaissance du terrain et de la population, et qui fait du renseignement. Il est cependant légitime que le législateur s'interroge sur l'opportunité de garder deux salles de commandement dans un département, alors même que nous avons un problème d'effectifs.

S'agissant des PSIG, sont-ils intervenus lors des mouvements des gilets jaunes, en milieu urbain ?

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Oui, bien sûr. Ils étaient même en première ligne. La mission des PSIG est de prolonger et de renforcer la surveillance des zones sensibles. Comme ils patrouillent jours et nuits, ils arrivent très souvent les premiers.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

Concernant les gilets Jaunes, s'il a pu y avoir, au début du mouvement, un flou dans la réponse à apporter, il a très vite été décidé de sécuriser les bâtiments publics en zone de police. L'ensemble des forces publiques, police et gendarmerie, ont donc été mobilisées. Sur certaines zones, où les tensions se sont manifestées rapidement, les PSIG ont dû faire usage de moyens de force intermédiaires mais la sécurisation a été efficace.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Concernant la plateforme, nous avons bien compris que, dans un souci de confidentialité notamment, le numéro unique ne pourrait pas être celui des pompiers ou du SAMU. Nous parlons ici d'un numéro unique pour nos forces de sécurité – gendarmerie nationale, police nationale.

Quel échelon serait, selon vous, le plus cohérent : département, ancienne région ou grande région ?

Par ailleurs, comment est vécue au quotidien la pluralité des fichiers, des programmes, des logiciels ? Leur nombre est très important. N'y aurait-t-il pas un intérêt à les réduire et à les regrouper, en vue d'une coopération ? Je pense notamment au traitement de la procédure pénale.

Enfin, que pensez-vous de l'utilisation de marqueurs dans le cadre d'opérations de maintien de l'ordre, afin d'appréhender plus facilement les fauteurs de troubles ?

Permalien
Ludovic Lacipière, vice-président de Gendarmes et Citoyens

Effectivement, les marqueurs sont très utiles pour interpeler les fauteurs de troubles. S'agissant du mouvement des gilets jaunes, le rétablissement de l'ordre a lieu dans les grandes villes, donc en zones police. Ce qui signifie qu'un escadron qui marquerait quatre ou cinq meneurs lors une manifestation, en vue d'une interpellation et d'une remise à l'OPJ territorialement compétent, devra détacher une dizaine de ses hommes pour accompagner les personnes interpelées au commissariat. L'empreinte au sol de l'escadron sera alors nettement diminuée et il se retrouvera en situation de fragilité.

Marquer des manifestants fauteurs de troubles est une idée intéressante en zone de gendarmerie.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

S'agissant de la plateforme, l'échelon départemental nous semble cohérent. Par ailleurs, cette plateforme devra être limitée à la police et à la gendarmerie, pour une raison évidente de confidentialité.

Permalien
Jean-Pierre Bleuzet, vice-président de GendXXI

Je souhaiterais insister sur la qualité de la connaissance du terrain qu'ont les gendarmes. D'ailleurs, les militaires qui rejoignent ensuite les renseignements généraux (RG) ont effectué leur carrière sur le terrain. Les problématiques rencontrées se gèrent différemment d'un territoire à l'autre.

Je rappellerai également que des plateformes sont parfois créées – police et gendarmerie – pour une opération spécifique. Un braquage qui a été commis en zone police, mais qui se poursuit en zone gendarmerie, pousse ces deux forces à travailler ensemble, à mutualiser leurs moyens.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Je travaille en brigade territoriale, je « subis » donc au quotidien la procédure pénale.

Si la dématérialisation fluidifiera le flux de travail et permettra au magistrat de prendre une décision plus rapidement, se posera toujours la question des tâches indues, à savoir les pièces parquet, qui sont très chronophages et qui devraient être traitées en amont, par les parquets – s'ils en avaient les moyens.

De même, nous devons gérer de nombreuses convocations auxquelles les intéressés ne se sont pas présentés. Nous devons aller les chercher, mais cela peut prendre une semaine ou deux – les gens travaillent ou sont absents… Durant tout ce temps, nous ne faisons rien d'autres.

La forfaitisation des délits simples les plus courants est une mesure qui a été bien accueillie. Nous attendons les décrets d'application.

Le traitement en temps réel est, suivant les parquets, problématique. En Gironde, par exemple, pour obtenir une décision relative à une enquête préliminaire – je ne parle pas d'une enquête de flagrant délit, où une ligne téléphonique est dédiée –, il m'est déjà arrivé de rester 45 minutes au téléphone à attendre qu'un magistrat me réponde. Si nous n'avons pas le temps d'attendre, nous envoyons un courrier et la décision nous revient trois mois après.

Des efforts doivent être réalisés par le ministère de la justice, et des moyens doivent être alloués aux parquets, notamment pour répondre rapidement aux forces de police et de gendarmerie lorsqu'elles effectuent du traitement en temps réel.

Permalien
David Ramos, membre du conseil d'administration de GendXXI

S'agissant de la pluralité des logiciels, j'imagine que vous faisiez allusion au programme d'aide à la rédaction de la procédure. Des convergences sont possibles, bien évidemment. L'objectif reste le même, mais nous disposons des modèles très différents. Je reste néanmoins attentif à des considérations plus technologiques. L'architecture entre un commissariat et une brigade de gendarmerie départementale n'est pas la même ; les contraintes techniques et les capacités de réseaux locaux, non plus.

La gendarmerie a développé un outil, le logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale (LRPGN), taillé pour les contraintes spécifiques à la gendarmerie, qu'il s'agisse des bases de données ou des logiciels. Depuis des années, pour des raisons d'économie, la gendarmerie a complètement abandonné les licences Windows : 12 millions d'euros par an sont économisés grâce au basculement des postes de travail sous Linux. Toute une série d'outils ont été adaptés à Linux, pour dégager de la marge de manoeuvre et réaffecter ces crédits sur des postes plus importants.

Alors, oui, il existe des convergences, une plus-value peut-être apportée, la gendarmerie ayant réalisé un travail remarquable sur la numérisation depuis de nombreuses années. En revanche, faire un copier-coller me paraît difficile, en raison des contraintes liées au fonctionnement d'un commissariat et d'une gendarmerie départementale.

Permalien
Thierry Guerrero, président de Gendarmes et Citoyens

Pour que cela fonctionne, il conviendrait d'uniformiser la formation, ce qui me paraît très compliqué. Nous ne travaillons pas du tout de la même façon.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et pourtant, le code pénal et le code de procédure pénale sont les mêmes pour tout le monde !

Je vous remercie, messieurs, pour votre contribution très intéressante. Je vous remercie également pour votre engagement quotidien, si précieux pour notre pays.

L'audition se termine à dix heures et cinquante-sept minutes.

Membres présents ou excusés

Réunion du jeudi 7 mars 2019 à 9 heures

Présents. - M. Jean-Claude Bouchet, M. Rémi Delatte, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Sandrine Josso, Mme Brigitte Kuster, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Nicole Trisse

Excusé. - Mme Josy Poueyto