La commission poursuit l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2018 (n° 235).
/Après l'audition de Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées, (voir le compte rendu de la réunion de commission élargie du 25 octobre 2017 à 9 heures (1)), la commission examine les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ainsi que les articles 50 et 51, rattachés (M. Fabien Roussel, rapporteur spécial).
En préambule, je voudrais indiquer qu'en tant que député de la deuxième circonscription de la Meuse et ayant sur mon territoire les lieux mémoriels du champ de bataille de Verdun mais aussi le premier régiment de chasseurs, je suis particulièrement attentive à la préservation du budget des anciens combattants, au classement du champ de bataille au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco et aux mesures de soutien aux soldats de retour d'opérations extérieures.
La commission examine l'amendement II-AS1 de M. Gilles Lurton qui vise à permettre aux soldats ayant participé aux opérations en Afrique du Nord après le 2 juillet 1962 de pouvoir bénéficier de la carte du combattant.
Cet amendement vise à mettre fin à une injustice vis-à-vis de soldats qui ont servi leur pays après le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964. Il reprend une proposition de loi que j'ai déposée avec plusieurs collègues dont au moins un appartenant au groupe en marche. Il permet de considérer qu'après le 2 juillet 1962, la guerre d'Algérie étant achevée, ces soldats étaient en opérations extérieures en Algérie. Il s'agit d'une demande insistante des associations d'anciens combattants. D'ailleurs, le Président de la République alors candidat s'y est déclaré favorable dans un courrier à la FNACA le 2 mai 2017. Mes chers collègues en votant cet amendement vous aurez la fierté d'avoir contribué à résoudre une situation profondément injuste.
Je partage cette proposition comme un grand nombre de nos collègues. Elle a été plusieurs fois portée sur ces bancs, proposée par le Président de la République pendant la campagne et inscrit dans un projet de loi par le Ministre des comptes publics. Il est toutefois gênant que l'amendement tel qu'il est présenté conduise à réduire de 18 millions d'euros les crédits finançant la journée défense et citoyenneté (JDC). C'est pourquoi j'ai moi-même déposé un amendement demandant à ce qu'un rapport soit remis sous quatre mois pour évaluer le coût de cette mesure et étudier sa mise en oeuvre. En raison de l'engagement pris par le Ministre en ce sens et des conséquences financières de cet amendement gagé sur la JDC, je propose le retrait de cet amendement.
J'ai également déposé un amendement demandant la remise d'un rapport. Je me désole toutefois de constater qu'au bout de cinq ans, aucune avancée sur ce dossier n'a été effectuée, alors que pendant le même temps, les anciens combattants d'Algérie disparaissent les uns après les autres sans que cette reconnaissance leur ait été accordée. Il y a déjà eu de nombreux rapports sur ce sujet. Repartir une nouvelle fois à zéro serait vraiment désespérant et je maintiens donc mon amendement.
Je voterai cet amendement et je regrette la position du rapporteur spécial. Il est important que l'on puisse acter par un amendement que la commission de finances souhaite cette reconnaissance pour avancer une bonne fois pour toute sur ce sujet. Si le gouvernement a du courage, il trouvera le moyen adéquat pour financer la mesure. Les règles de la recevabilité financière nous contraignent en effet à procéder par transferts de crédits. Voter cet amendement sera le moyen d'avoir un véritable débat dans l'hémicycle.
Le groupe LREM est défavorable à cet amendement, il est nécessaire d'évaluer les conséquences de l'octroi de la carte du combattant à cette génération de soldats. La ministre avait indiqué devant la commission de la défense qu'elle allait étudier cette mesure. Il convient d'attendre les résultats de cette évaluation.
La demande portée par cet amendement est légitime. Le gage aurait cependant des effets sur le financement de la JDC qui conduit notre groupe à s'abstenir. D'ici le débat en séance, les effets de cette imputation financière pourront être éclaircis.
Je suis très surpris par l'argumentation du groupe en marche. Les personnes concernées se sont engagées il y de a très longtemps, la nation a un devoir à remplir envers elles. Il existe déjà de nombreux rapports sur cette question dont celui du sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, aujourd'hui ministre, qui a insisté pour que cette question soit réglée. Par rapport à cette position, on effectue un revirement à 180 degrés. Votre réponse n'est pas à la hauteur des enjeux.
La reconnaissance de la qualité de combattant à ces personnes se pose chaque année depuis cinq ans et n'est toujours pas réglée. Je m'abstiendrai car nous avons besoin de précision sur le financement de cette mesure et nous souhaitons un engagement fort dès l'année prochaine, pas seulement dans les années qui viennent.
Je soutiens l'amendement de M. Lurton. Lors des cérémonies au monument aux morts, il est très pénible de voir des gens qui restent en retrait parce qu'ils n'ont pas encore bénéficié de la reconnaissance de la qualité d'ancien combattant. Chaque législature a permis de réaliser des progrès, comme le point d'indice ou celui de l'attribution de la « carte à cheval ». Si cet amendement est voté par la commission, le gouvernement lèvera le gage. Ne nous laissons pas abuser par un tel prétexte pour refuser une mesure de justice à l'égard d'une fraction du monde combattant qui a été très oubliée.
Je m'étonne des propos de Mme Rabault. Si ce débat est ancien, s'il est si important pour vous, on peut se demander pourquoi vous n'avez pas voté cette reconnaissance lors de la législature précédente.
Je voudrais rappeler que tous les amendements en faveur des anciens combattants ont toujours été votés par la commission des finances contre l'avis du gouvernement. Chaque mandature a permis que des avancées soient réalisées comme l'avancée de 75 à 74 ans de l'âge requis pour bénéficier de la demi-part d'ancien combattant. Vous avez ici l'opportunité de faire entendre votre voix. La question du gage se règlera en séance, c'est un faux argument.
J'ai soulevé, en effet, cette question à de multiples reprises. Le précédent ministre en charge des anciens combattants n'avait jamais fermé la porte sur ce sujet, mais la « carte à cheval » avait permis une avancée forte. Il faut le reconnaître. Je précise que je ne partage pas les chiffres avancés ce matin. La mesure que je propose concerne 24 000 personnes pour une retraite de 750 euros par an et un coût total de 18 millions d'euros.
La porte n'est pas fermée, il reste que la conséquence de cette mesure n'est pas évaluée, ce qui nous contraint à y être défavorable.
Je suis prêt à soutenir la proposition de M. Lurton si elle est un moyen de faire pression, en espérant une clarification de la part du Gouvernement sur son financement.
L'amendement II-AS1 est rejeté.
La commission examine trois amendements identiques, l'amendement II-AE1 de M. Teissier, II-CD30 de M. Fabrice Brun, et II-CF99 de M. Patrick Hetzel relatif à l'allocation de reconnaissance au bénéfice des membres des forces supplétives en Algérie.
Cet amendement vise à octroyer l'allocation de reconnaissance de la nation aux supplétifs pour la période qui s'étende entre le 4 février 2011 et le 19 décembre 2013 et qui en raison de leur nationalité et de différentes décisions juridiques n'y ont pas droit. Cet amendement permet d'allier justice et équilibre budgétaire, pour un coût maximal de 366 000 euros. Le rapport Lemoyne indiquait d'ailleurs « qu'il s'agit d'une mesure d'équité et de justice qui doit être facilement prise en charge par le budget de l'État ».
C'est une mesure de justice qui reconnait les différents statuts des membres de nos forces supplétives en Algérie qu'ils soient de statut civil de droit local ou de statut civil de droit commun et quelles que soient les périodes concernées.
spécial. Je suis favorable à ces amendements.
L'article 52 de la loi de programmation militaire a rétabli la condition d'appartenance à la population civile de droit local. En février 2016, le Conseil constitutionnel a censuré la rétroactivité de la mesure mais en a validé le principe à compter de l'entrée en vigueur de la loi de programmation. Le législateur a entendu réserver cette mesure aux anciens harkis pour lesquels les conditions d'accueil furent extrêmement dures mais qui ne bénéficiaient pas des mesures en faveur des rapatriés. Le groupe LREM est pour ces raisons, défavorable.
Les dossiers antérieurs au 4 février 2011 et ceux postérieurs au 19 décembre 2013 ont tous été traités. Le problème porte sur les nouvelles demandes ou les renouvellements intervenus entre ces deux dates. Il s'agit d'une juste reconnaissance pour une somme très faible. Aujourd'hui il doit y avoir environ150 anciens supplétifs qui ne touchent pas l'allocation de reconnaissance.
Les amendements II-AE1, II-CD30 et II-CF99 sont rejetés.
La commission examine maintenant les crédits de la mission.
Je regrette que la baisse constante des crédits de la mission, 67 millions d'euros pour 2018, nous prive de la possibilité de répondre positivement aux nombreuses demandes qui sont pourtant des mesures de justice. J'émets donc un avis défavorable
Le groupe les constructifs votera la mission. Les deux mesures figurant aux articles 50 et 51 vont dans le bon sens. Je précise qu'il faut sans doute se féliciter d'une baisse des crédits qui traduit la baisse du nombre d'anciens combattants, ce qui signifie que globalement nous avons été largement en paix.
On ne peut à la fois demander l'attribution de la carte d'anciens combattants à ceux qui ont été en Algérie jusqu'en 1964 et voter en même temps des baisses de crédits. La ministre a indiqué un coût de 60 à 80 millions d'euros. Or, les crédits de la ligne réparation aux anciens combattants baissent de 90 millions d'euros ! Nous aurions donc pu accéder à cette demande.
Je regrette le rejet des amendements sans argumentation véritable. Ce budget ne va pas assez loin et le groupe LR s'abstiendra.
Malgré l'avis défavorable du rapporteur spécial, la commission adopte les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.
La commission examine ensuite les articles rattachés à cette mission.
Article 50 : Revalorisation de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère des conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives
Suivant l'avis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte cet article sans modification.
Article 51 : Alignement des pensions militaires d'invalidité au taux de grade
Suivant l'avis favorable du rapporteur spécial, la commission adopte cet article sans modification.
Après l'article 51
La commission examine l'amendement II-CD17 de M. Olivier Brun demandant un rapport sur l'éventualité de la reconnaissance officielle de la responsabilité de la France dans l'abandon et le massacre des harkis et de leurs familles.
Cet amendement vise à mettre en conformité les actes et les déclarations en ouvrant la possibilité de réparer des préjudices moraux et matériels. Le 25 septembre 2017, Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, a clairement reconnu que notre pays n'avait pas accordé « sa protection aux harkis qui firent le choix de rester, exposant beaucoup d'entre eux à de violentes représailles » et n'avait pas su, non plus, « accueillir comme ses enfants, ceux qui avaient choisi de rallier le territoire national, les reléguant en grand nombre dans des camps de transit, des hameaux de forestage puis des cités de transit aux conditions déplorables ».
La commission rejette l'amendement II-CD17.
La commission examine les amendements II-CF121 du rapporteur spécial et II-AS2 de M. Gilles Lurton qui portent sur des demandes de rapport d'information.
Cet amendement demande un rapport pour mettre fin aux nombreuses iniquités qui subsistent dans l'application du droit à la reconnaissance dont bénéficient les anciens combattants. Ces mesures ont fait l'objet d'un large consensus ce matin et nous attendons des propositions rapides de la part du gouvernement.
Le 2 mai 2017, le Président de la République s'est déclaré favorable à l'attribution de la carte du combattant après le 2 juillet 1962. Le 17 octobre 2017, il est revenu sur sa position en demandant que l'on réexamine cette question. Cela coûtera 18 millions d'euros et non 80 comme le prétend la ministre. Il faut agir rapidement, dans cinq ans, il n'y aura plus personne de concerné.
Nous partageons le souhait d'équité exprimé dans cet amendement, un rapport va être confié au contrôleur général des armées et à l'inspection des finances. Nous sommes donc d'accord avec la remise d'un rapport, mais pas sous cette forme.
Je soutiens l'amendement de M. Lurton et m'étonne de la position du groupe REM. Il est incompréhensible que cette mesure qui a fait l'objet de tant d'initiatives soit encore repoussée par la remise d'un rapport dont on ne sait quand et sous quelle forme il interviendra parce que nos amendements ont été rejetés. Je retire mon amendement au profit de celui de M. Lurton qui est plus précis.
L'amendement II-CF121 est retiré et l'amendement II-AS2 est rejeté.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 11 heures 45
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, Mme Aina Kuric, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Jean Lassalle, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Marie-Ange Magne, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Sylvia Pinel, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, M. Laurent Saint-Martin, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas
Excusés. - M. Jean-Louis Bourlanges, M. Joël Giraud, Mme Cendra Motin, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - M. Fabrice Brun, M. Gilles Lurton