Lundi 6 mai 2019
L'audition débute à onze heures.
Présidence de Mme Jacqueline Dubois, présidente de la commission d'enquête
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La commission d'enquête sur l'inclusion des élèves handicapés dans l'école et l'université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, procède à l'audition de Mme Dominique Berthault, enseignante référente handicap au collège Alexandre Dumas de Neuville-lès-Dieppe, et de Mme Blandine Lefebvre, première vice-présidente du département de la Seine-Maritime, chargée de l'action sociale, présidente par délégation de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de Seine-Maritime, Mme Anne Vandenbulcke, responsable du pôle Accès aux droits, Mme Laetitia Namur, responsable adjointe du pôle Évaluation et accompagnement, et M. Nicolas Flipo, adjoint de direction.
Nous recevons maintenant Mme Blandine Lefebvre, première vice-présidente du département de la Seine-Maritime, chargée de l'action sociale et présidente de la MDPH, Mme Anne Vandenbulcke, responsable du pôle Accès aux droits, Mme Laetitia Namur, responsable adjointe du pôle Évaluation et accompagnement, M. Nicolas Flipo, adjoint de direction, ainsi que Mme Dominique Berthault, enseignante référente handicap au collège Alexandre-Dumas de Neuville-lès-Dieppe.
Mesdames, monsieur, je vous souhaite la bienvenue.
L'Assemblée nationale a constitué le 12 mars dernier une commission d'enquête sur l'inclusion des élèves en situation de handicap dans l'école et l'université de la République. Il s'agit de faire un bilan des progrès réalisés depuis la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, et de mesurer le chemin restant à parcourir pour favoriser leur inclusion à tous les stades de leur scolarité.
Il est essentiel pour nous de recueillir votre parole afin de nous faire une idée plus précise des enjeux que rencontrent sur le terrain les parents des élèves en situation de handicap et ceux qui oeuvrent à leurs côtés en faveur de l'inclusion de ces enfants.
Comme c'est la règle pour les personnes entendues par une commission d'enquête parlementaire, et conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais maintenant vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Mme Blandine Lefebvre, Mme Anne Vandelbulcke, Mme Laetitia Namur, M. Nicolas Flipo et Mme Dominique Berthault prêtent successivement serment.
Mesdames, monsieur, merci de votre présence. L'enjeu pour nous aujourd'hui est de faire un focus particulier sur l'important sujet de l'inclusion des enfants en situation de handicap dans le département de la Seine-Maritime. Non que nous pensions qu'il y ait ici plus de difficultés qu'ailleurs, mais il nous semblait important de recueillir l'avis des acteurs de terrain que vous êtes. Nous avons en tête l'amélioration de la fluidité des dossiers entre la première demande et la mise en place des réponses, les statistiques sur les délais dans le département, les relations avec l'Éducation nationale – nous venons d'entendre M. Butel mais il serait bon de connaître votre point de vue -, les relations avec les établissements médico-sociaux et le dispositif expérimental des pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL). Autant de sujets qui sont au coeur de notre commission d'enquête : elle s'est fixé pour objectif d'améliorer la mise en oeuvre de la loi de 2005, qui a fait consensus politique mais dont la mise en oeuvre connaît quelques dysfonctionnements, voire de lui donner un nouveau souffle en lui faisant franchir une nouvelle étape.
Je suis enseignante référente depuis l'entrée en application de la loi de 2005. J'étais auparavant secrétaire de commission de circonscription pour l'enseignement préélémentaire et élémentaire (CCPE). En vingt ans de travail dans l'adaptation scolaire et la scolarisation des élèves handicapés (ASH), je suis passée de la convention d'intégration à l'inclusion.
Les missions de l'enseignant référent handicap (ERH) sont des missions d'accueil, d'information, d'accompagnement et de liaison, d'animation, de mémoire et de garant de la mise en oeuvre du projet personnalisé de scolarisation (PPS). À ce titre, il est l'interlocuteur privilégié des parents et de tous les professionnels qui travaillent auprès des élèves.
Nous sommes 32 enseignants référents handicap dans le département de Seine-Maritime et nous suivons les élèves qui bénéficient d'une compensation notifiée par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) au titre de la scolarité : aide humaine, dispositifs unité localisée pour l'inclusion scolaire (ULIS), enseignement général et professionnel adapté (EGPA), établissements médico-sociaux (EMS), matériel pédagogique adapté (MPA), service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD), etc.
Au 6 mai 2019, je suis le parcours de 240 élèves répartis sur les 26 communes de mon secteur. D'autres collègues du département suivent plus de 350 élèves.
Les partenaires privilégiés de l'enseignant référent sont les familles, la MDPH, l'Éducation nationale, les partenaires de soins et les partenaires sociaux.
Pour les familles, l'enseignant référent est désormais un interlocuteur bien identifié, notamment pour : faire état des dysfonctionnements, comme ce fut le cas pour ceux relatifs à l'affectation des auxiliaires de vie scolaire (AVS) à la rentrée 2018 ; exprimer leur mécontentement face aux délais de traitement des dossiers par la MDPH et aux listes d'attente pour mettre en place des soins, avec de nombreuses inégalités territoriales ; évoquer leurs difficultés face aux nouveaux imprimés, notamment les vingt pages du formulaire de demande, ou exprimer leur incompréhension et même leur colère quand elles doivent faire une nouvelle demande de prolongation de séjour IME ou SESSAD, alors que leur enfant est toujours en liste d'attente – dans mon secteur, 38 élèves sont en liste d'attente SESSAD sur les 77 notifiés.
Mais les familles nous interpellent aussi pour nous dire qu'elles ont « de la chance » quand l'AVS a été affecté rapidement ou que leur enfant a été affecté rapidement sur un dispositif ULIS. De la chance !
Dans l'exercice des missions de l'enseignant référent, si des pans entiers fonctionnent et sont bien rodés, d'autres mériteraient d'être améliorés pour une meilleure efficacité. Je les énumérerai sans les hiérarchiser.
Tout au long de l'année, l'enseignant référent complète des tableaux dont la forme varie souvent au fil des ans, occasionnant un travail fastidieux de saisie. Ainsi, à la rentrée, on nous a demandé de remplir un tableau de 90 colonnes pour, en ce qui me concerne, 240 élèves. L'ERH doit répondre à une enquête ministérielle, compléter des tableaux divers et variés pour différents partenaires, car nous avons besoin de mutualiser nos données.
Nous avons besoin d'une transmission fiable des notifications des élèves, à défaut d'avoir un PPS formalisé. Le nouveau système d'information de la MDPH nous met en difficulté pour assurer nos missions. Des noms d'élèves ne figurent pas dans les tableaux qui nous sont transmis. Comment les affecter en ULIS ou affecter un AVS si nous n'avons pas cette information ?
Nous avons besoin de plus de réactivité de la MDPH. Le retard dans le traitement des dossiers devient difficile à défendre auprès des familles. Réclamer des justificatifs de domicile ou d'identité parce que les dossiers ont été envoyés avant la mise en place des nouveaux formulaires fait perdre beaucoup de temps. Nous arrivons à la période de l'année scolaire où ont lieu les affectations en ULIS et en SEGPA pour la rentrée prochaine, sans disposer des notifications.
Nous avons besoin de fluidifier la communication entre professionnels. Je parle bien de communication et non de tableaux. Joindre par téléphone les services de la MDPH ou les services de l'Éducation nationale relève parfois du parcours du combattant, autant pour les familles que pour nous, professionnels. Il conviendrait de réinitier les réunions en présentiel à la MDPH qui n'ont plus lieu depuis deux ans.
Nous avons besoin de conditions de travail satisfaisantes. Nous suivons un grand nombre de situations de plus en plus complexes. Pour répondre aux besoins d'accompagnement des enseignants, qui sont très demandeurs, les enseignants référents doivent être plus disponibles. Le suivi de 240 élèves ne permet pas d'avoir beaucoup de disponibilité. Nous souhaitons un enseignant référent pour 100 élèves. Nous formulons aussi des demandes plus matérielles. Nous ne voudrions plus avoir à batailler tous les ans pour obtenir le versement des frais de déplacement et que la dotation annuelle de 35 euros pour les fournitures de bureau, y compris les ramettes de papier, soit revue à la hausse.
Il faudrait aussi rendre effectives les compensations notifiées. Il existe des listes d'attente pour à peu près tous les types de notification : AVS, ULIS, EMS. De même, le matériel pédagogique adapté n'est pas attribué rapidement.
Il faudrait rendre la participation des membres de l'équipe de suivi de la scolarisation effective. Il est difficile d'avoir une équipe au complet. Au mieux, il manque un professionnel, au pire, il n'y a qu'un professionnel. Beaucoup de travail reste à faire en ce domaine, notamment dans le second degré. La présence des responsables des centres de soins, hors SESSAD, et des professionnels en libéral est assez irrégulière.
Enfin, les enseignants nous disent régulièrement qu'ils souhaitent davantage de formation pour être en mesure d'apporter des réponses adaptées aux compétences et aux besoins des élèves. Les AVS sont également demandeurs.
Je brosserai le tableau de la MDPH en 2018. Mme Berthault évoque quelques questions auxquelles nous avons des réponses à apporter. J'ai souhaité la présence de trois cadres de la MDPH afin précisément de répondre aux questions techniques que vous pourriez poser et d'apporter un éclairage un peu plus fin sur les causes de certains dysfonctionnements, que je ne nie pas.
En 2018, près de 32 200 personnes ont déposé un dossier de demande auprès de la MDPH, soit une progression de 5 % par rapport à l'année 2017.
Les deux confondus.
Ces dossiers comportent en moyenne 2,2 demandes par personne, ce qui correspond à environ 70 000 prestations sollicitées en 2018, dont 30 % de premières demandes.
La MDPH a par ailleurs reçu 24 550 personnes dans six lieux d'accueil départementaux et répondu à plus de 42 700 appels téléphoniques et 11 000 courriels réceptionnés dans la boîte générique.
La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a adopté 54 333 décisions après proposition des équipes pluridisciplinaires.
Plusieurs chantiers majeurs visant l'amélioration de la qualité de service de la MDPH de Seine-Maritime et la modernisation de ses outils ont été déployés au cours de l'année avec l'appui de la direction des systèmes d'information du département.
La dématérialisation du traitement des demandes a été généralisée en avril 2018 à l'ensemble des dossiers réceptionnés et la numérisation de l'historique des dossiers est passée en phase active. Plus du quart de la classothèque est ainsi numérisé, avec l'objectif d'aboutir en 2020.
La première automatisation en France des échanges avec la caisse d'allocations familiales pour le maintien des droits à l'allocation adulte handicapé a été engagée avec la MDPH de Seine-Maritime en juin 2018.
Un nouveau système d'information impulsé par caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été déployé en novembre 2018 par la MDPH de Seine-Maritime, en tant que pilote national, ce qui nous vaut aussi quelques déconvenues, puisque nous essuyons les plâtres. Cette démarche s'est accompagnée de la mise en oeuvre d'un nouveau formulaire qui a été élaboré par les associations et différents partenaires. Certes plus complexe à remplir, il permet néanmoins de mieux exprimer les besoins de l'enfant ou de la personne en situation de handicap.
Un service en ligne à destination du public a été lancé en décembre 2018. Ce téléservice accessible à partir du site du conseil départemental permet de consulter l'avancement de son dossier et de demander le renouvellement de ses droits en téléchargeant les justificatifs nécessaires.
Ces chantiers ont été l'occasion de mettre en oeuvre, en septembre 2018, une nouvelle organisation des services de la MDPH, préalablement validée par la commission exécutive. Cette nouvelle organisation favorise l'encadrement de proximité, encourage la polyvalence des agents tant administratifs que médico-sociaux et permettra de renforcer progressivement l'accompagnement des situations complexes.
S'agissant plus spécifiquement des enfants en situation de handicap, 7 200 dossiers de jeunes de moins de 20 ans ont été déposés en 2018, représentant 22 % de l'ensemble des dossiers reçus au cours de l'année. Environ 1,8 demande par dossier a été formulée, soit près de 13 000 demandes sollicitées.
Ont ainsi été organisées 765 réunions d'équipes pluridisciplinaires d'évaluation des besoins, permettant à la CDAPH de prononcer près de 12 000 décisions en 2018, dont un quart concernent les demandes d'aide humaine à la scolarisation et 12 % concernent une orientation scolaire.
La MDPH de Seine-Maritime participe en outre à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à la scolarisation des élèves en situation de handicap aux niveaux national et régional. À titre d'illustration, la MDPH a contribué au déploiement en 2018 des unités d'enseignement externalisées maternelles et élémentaires pour enfants porteurs de troubles autistiques. Nous travaillons beaucoup avec le centre ressources autisme Normandie (CRAN), qui apporte une aide efficace à l'équipe pluridisciplinaire. La MDPH a porté une attention particulière aux très jeunes enfants en situation de handicap et aux situations les plus complexes, afin de favoriser la fluidité du parcours. La CDAPH s'est par ailleurs positionnée en 2018 pour privilégier des aides humaines à la scolarisation mutualisées dans le cadre des premières demandes, afin d'apporter une réponse plus souple et modulable en fonction des besoins de l'enfant, ce qui n'est pas toujours aisé à comprendre par les familles, qui souhaitent souvent avoir une AVS individualisée, alors qu'une AVS mutualisée peut aussi donner des résultats très positifs.
En conclusion de cette présentation, il convient de noter que la MDPH travaille avec un réseau important de partenaires, dont les associations de représentants d'usagers avec lesquels nous avons beaucoup de réunions. Je les rencontre souvent, peut-être pas assez. Mais dès lors que je suis sollicitée en tant que présidente de la MDPH et en tant que vice-présidente du conseil départemental chargée de l'action sociale, je m'efforce de les recevoir, parce que leur expertise nous apporte beaucoup. Les acteurs institutionnels sont indispensables à la réalisation de notre mission et à l'efficience de l'accompagnement des personnes en situation de handicap. L'Éducation nationale est un partenaire privilégié de la MDPH. À chaque réunion de la CDAPH, M. Butel ou sa collègue, Mme Nédellec, est présent. Mme Namur vous parlera de nos relations positives et constructives avec l'Éducation nationale pour notre MDPH.
Le chemin est encore long, il nous reste beaucoup de progrès à faire. Nous avons joué de malchance, puisqu'en 2018, notre délai de traitement était inférieur au délai légal de quatre mois, mais le nouveau système d'information nous pose beaucoup de problèmes. Nous essayons de fluidifier l'instruction des dossiers en nous appuyant sur les derniers textes parus pour allonger les périodes de droits. Pour autant, juridiquement, légalement et techniquement, c'est beaucoup plus complexe, parce que 70 % des dossiers de renouvellement qui arrivent à la MDPH comportent une nouvelle demande, ce qui nécessite une nouvelle instruction par l'équipe pluridisciplinaire. Nous nous trouvons à un moment charnière où nous essayons d'accélérer l'instruction des dossiers tout en respectant le droit. J'espère que les moyens nécessaires seront mis en oeuvre afin que les documents parviennent plus vite à l'Éducation nationale, puisque la MDPH et la CDAPH n'octroient que des droits. Nous espérons pouvoir accélérer le rythme de traitement car nous avons encore beaucoup de dossiers à instruire.
De fait, l'une des grandes questions est la réduction du délai d'attente, aussi bien pour l'instruction des dossiers que pour l'attribution de droits ou d'accompagnements. Après que vous serez sortis de cette période charnière, pouvoir faire des notifications de trois ans, peut-être sur un cycle scolaire, apportera plus de fluidité et de sécurité pour l'accompagnement, mais n'empêchera peut-être pas de nouvelles demandes. Vous êtes toutes deux bien placées pour apporter des réponses.
Madame Berthault, vous dites qu'il serait important que vous ayez moins de dossiers à suivre. Vous êtes l'interlocuteur des parents, c'est vers vous qu'ils se tournent en premier. Ils attendent une réponse plus globale, plus complète.
Je rappellerai que si les enseignants référents travaillent en étroite collaboration avec la MDPH, ils relèvent de la responsabilité de l'Éducation nationale et non de la MDPH.
Afin de vous mettre à l'aise, je précise que notre commission d'enquête ne vise à faire le procès de personne mais à faire à l'échelle nationale des préconisations en vue d'améliorer la situation des familles et des enfants.
Madame Berthault, merci de votre témoignage fort et sans langue de bois, qui répond à un grand nombre de questions que nous nous sommes posées. Vous dites que chaque référent est chargé de 240 à 350 dossiers et que l'idéal serait d'en avoir 100. C'est pour nous une indication forte sur la charge de travail et le temps restant disponible pour les parents. Dans ces conditions, pouvez-vous suivre le parcours de scolarisation de les jeunes ? Combien y a-t-il de dossiers sans PPS ? Quelle est votre vision des PIAL ?
Par ailleurs, vous dites que le délai d'instruction par la MDPH était précédemment inférieur aux quatre mois réglementaires, y compris pour les enfants. L'inspecteur de l'Éducation nationale nous a dit tout à l'heure qu'il s'écoulait dix mois entre la demande et la notification. Confirmez-vous cette durée ? Si oui, comment la réduire ?
Entre le moment où le dossier est déclaré recevable et la notification par courrier de la décision de la MDPH, en ce début d'année 2019, comme le disait Mme Lefebvre, le délai est de dix mois. Le retard est dû à l'effet combiné de la dématérialisation et de l'utilisation du nouveau système d'information. Nous sommes l'une des sept premières MDPH à l'expérimenter et nous essuyons les plâtres. Les autres subiront aussi un décalage lié à la mise en oeuvre du nouvel outil et de nouvelles pratiques. L'ambition de la CNSA est de faire évoluer les pratiques en vue d'harmoniser l'intervention des MDPH dans les différents départements.
À plus long terme, nous travaillons sur l'évolution des pratiques de nos évaluateurs afin d'alléger les études dans les situations évidentes pour concentrer leur temps de travail sur les situations plus difficiles.
Le délai moyen de traitement est passé de quatre mois au début 2018 à dix mois aujourd'hui du fait de la modernisation. Nous savions qu'il serait ambitieux d'introduire la dématérialisation tout en étant pilotes avec le nouveau système d'information, mais il y avait une certaine cohérence. Nous subissons le retour de plein fouet, mais nous travaillons activement pour le dépasser. Tous les départements pilotes font remonter à la CNSA que le nouveau système d'information est de nature à faciliter l'harmonisation et à clarifier les notifications. C'est un gain pour la remontée qualitative des données, mais ce n'est pas aujourd'hui un gain pour le travail administratif. L'idée est de gagner sur le traitement administratif pour réorienter du personnel sur l'évaluation et la transmission d'informations aux enseignants référents qui sont la courroie de relais en amont et en aval avec les familles, mais on n'y est pas encore.
Au sein de la MDPH.
Nous organisions précédemment des réunions au sein de la MDPH auxquelles l'ensemble des enseignants référents étaient conviés. Nous participons toujours aux réunions, mais invités par l'Éducation nationale, dans d'autres lieux que la MDPH. Nous envisageons d'organiser de nouveau des réunions.
Le délai actuel de dix mois n'est pas satisfaisant. Toutefois, nous avons mis en place des stratégies spécifiques pour les tout-petits, en particulier les moins de trois ans, afin de répondre très rapidement à leur situation. En l'occurrence, le délai d'instruction est d'un à deux mois. Nous mettons en place des circuits spécifiques pour les élèves qui sont sur les paliers d'orientation, c'est-à-dire sortant de grande section de maternelle, de CM2 et de 3ème, pour fluidifier leurs parcours. Pour autant, nous ne sommes pas entièrement satisfaits. Dans nos échanges avec les enseignants référents, nous leur demandons régulièrement des tableaux sur la situation d'AVS exigeant un examen rapide parce que des enfants ne peuvent rester sans AVS. Dans ce contexte de changement compliqué, nous mettons en place des stratégies visant à limiter les ruptures. Nous n'y arrivons pas toujours mais nous essayons de faire au mieux, en lien avec l'Éducation nationale, autour de la question des AVS, des ULIS et des parcours les plus complexes.
Peut-on suivre 240 élèves ? Ce ne sont pas non plus 240 situations complexes. Pour certains élèves, on sort le dossier une fois par an et on organise l'ESS sans autre travail d'accompagnement. Certains autres nécessitent de réévaluer leur situation et de proposer autre chose. C'est pourquoi suivre une centaine d'élèves nous permettrait un réel travail d'accompagnement dont les enseignants et les AVS sont demandeurs. Avec 240 dossiers, j'organise une ESS par année civile pour tous les élèves, sachant que ce n'est pas toujours immédiatement le cas pour ceux qui font l'objet de notifications à partir du mois de mars. Mais pour les collègues qui ont 350 dossiers, c'est impossible.
Je le confirme. En Dordogne, j'ai constaté que 100 dossiers permettaient aux enseignants référents une bonne prise en charge.
Madame Lefebvre, du point de vue politique, le département de Seine-Maritime considère-t-il que le transfert de responsabilité au département a été suffisamment compensé au plan financier pour pourvoir aux moyens humains nécessaires ?
J'aurai tendance à dire non, et le rapport de la chambre régionale des comptes l'indique parfaitement. Les agents de la MDPH viennent de différents horizons. Ceux venant de l'État ne sont plus remplacés et la compensation est loin de couvrir les moyens nécessaires. J'ai indiqué au directeur départemental de la cohésion sociale que nous en avions besoin. Il manque 11,4 postes d'agents de l'État au sein de la MDPH, le département les compense autant que faire se peut, mais les compensations de l'État ne sont absolument pas suffisantes.
Je citerai l'exemple de deux postes d'agents de l'État occupés par des personnes en arrêt de travail pour longue maladie et qui viennent de prendre leur retraite. Autrement dit, pendant pratiquement dix ans, nous avons eu des postes non remplacés, non compensés, non présents. Et l'indemnisation de l'État est seulement de l'ordre de 30 000 euros pour un poste.
Cela fragilise énormément le budget des MDPH, car il y a un effet cumulatif. Les MDPH en France sont souvent fragilisées par la compensation en année n + 1, à hauteur de 34 000 euros.
Madame Berthault, vous avez parlé d'inégalités territoriales. Pouvez-vous citer des exemples ? Il nous intéresserait d'avoir une cartographie des inégalités territoriales.
C'est le cas pour la recherche d'orthophonistes. On entend régulièrement des familles habitant des communes éloignées des métropoles dire qu'il y a environ deux ans d'attente pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste. Et encore, après avoir le bilan, il ne prend pas toujours en charge l'enfant. Il en est même pour les psychomotriciens.
Dès lors, on se trouve à recevoir des demandes pour des financements de professionnels alors que les enfants devraient être pris en charge en centre médico-psycho-pédagogique. Faute de ressources sur les territoires, les personnes se débrouillent de leur côté pour trouver des professionnels.
De plus, des familles font auprès de la MDPH des demandes pour des enfants qui, en réalité, ont besoin de soins et à la situation desquels l'AVS ne peut répondre. Elles font des demandes parce qu'elles n'arrivent pas à mettre en place des soins. La MDPH dit qu'elle ne peut procurer d'AVS tant qu'il n'y a pas de soins. C'est un cercle vicieux. Les besoins sont énormes.
Aucun : je ne fais pas partie d'un secteur expérimental. Nous en aurons peut-être demain à l'occasion d'une réunion prévue avec l'inspecteur de l'Éducation nationale chargé de l'adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés (IEN-ASH) qui doit nous parler de la mise en place d'Oscar, un nouveau tableau à renseigner avant la fin de l'année. Nous espérons qu'au moins les AVS seront présentes à la rentrée. Quelques collègues qui ont fait partie de secteurs d'expérimentation ont eu des réunions de suivi, mais nous n'avons pas eu de retour.
Je peux vous faire part d'un retour national. Nous avons eu des retours très positifs de nos collègues d'académies où ont été mis en place les tout premiers PIAL, il y a plus d'un an. Le dispositif offre une grande souplesse. Il permet enfin de mettre en oeuvre le décret sur les aides humaines et les aides mutualisées telles qu'elles avaient été initialement imaginées.
L'intérêt principal est que les acteurs de terrain s'occupent du besoin de l'élève et organisent leur emploi du temps en fonction de ses besoins, lesquels peuvent varier en cours d'année. Par exemple, un jeune déficient visuel qui change d'établissement scolaire peut être accompagné pour tous ses déplacements jusqu'à la Toussaint, puis avoir un accompagnement réduit. Un jeune myopathe qui a besoin d'être accompagné aux toilettes n'a pas toujours envie d'avoir un AVS derrière lui quand il est en classe.
Au lieu de directeurs d'école, principaux de collège ou proviseurs ayant un élève handicapé et 15 heures d'AVS, on a un élève en situation de handicap et un personnel dont on organise l'emploi du temps. Cela fonctionne très bien pour les grosses structures scolaires, en particulier les lycées et les collèges. Des associations du premier et second degrés ont participé aux expérimentations. Les collègues au niveau national disent que ça fonctionne plutôt bien. Il faut compter un personnel à temps plein pour trois élèves, avec des durées d'accompagnement variables en fonction des besoins. On peut notamment permettre aux élèves de s'entraîner très en amont pour le passage des examens. Si l'on ne s'est jamais entraîné à avoir un tiers-temps, à dicter à un scripteur, c'est très compliqué. On évite la dictée vocale informatique pour un examen parce que le stress altère la voix, mais dicter à un humain n'est pas si facile.
L'utilisation de l'aide humaine mutualisée dans le cadre des PIAL offre cette souplesse et surtout un autre regard. On ne dit plus : c'est un élève handicapé, donc il a droit à une compensation, mais : c'est un élève handicapé, quels sont ses besoins et comment permettre dans mon établissement scolaire l'accessibilité offerte à tous les enfants ? Cela nécessite beaucoup d'explications auprès des familles et des enseignants mais cela semble être une bonne réponse.
Nous sommes malheureusement contraints de nous arrêter. Ces informations importantes vont nous permettre de compléter notre connaissance de ce sujet très important et de nous forger un meilleur avis sur les progrès restant à accomplir.
Nous nous réservons la possibilité de demander des précisions par écrit si des membres de la commission le jugent nécessaire. Je suis également preneur du rapport de la chambre régionale des comptes qui fait état de l'écart entre les besoins et les moyens à l'issue du transfert. Merci beaucoup !
L'audition s'achève à onze heures quarante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Réunion du lundi 6 mai 2019 à 11 heures
Présents. – Mme Jacqueline Dubois, Mme Nathalie Elimas, M. Sébastien Jumel, Mme Sabine Rubin
Excusés. – Mme Monique Iborra, Mme Catherine Osson, Mme Sylvie Tolmont