Mercredi 29 janvier 2020
La séance est ouverte à vingt-et-une heures cinq.
La commission spéciale procède à l'audition de M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d'orientation des retraites, et de M. Didier Blanchet, président du Comité de suivi des retraites.
Nous poursuivons ce soir nos auditions sur les projets de loi relatifs au système universel de retraite. Après les tables rondes de ce matin et de cet après-midi successivement avec les organisations professionnelles d'employeurs, puis les organisations syndicales de salariés, nous accueillons M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d'orientation des retraites, et M. Didier Blanchet, président du comité de suivi des retraites. Messieurs, nous vous remercions de vous être si rapidement mis à notre disposition.
En fin de matinée, le bureau de la commission spéciale a confirmé les modalités de la présente réunion. Je demanderai donc à chacun des deux intervenants de limiter son propos liminaire à dix minutes. Les rapporteurs interviendront ensuite chacun pour deux minutes. Je donnerai la parole aux orateurs des groupes pour trois minutes. Les autres collègues pourront poser des questions d'une minute.
Je vous remercie pour cette invitation. Je suis à votre disposition pour vous apporter tous les éléments dont vous aurez besoin sur le système actuel de retraite – c'est la mission du COR d'en suivre l'évolution –, mais je concentrerai mon propos liminaire sur le Conseil lui-même, dont la transformation est prévue à l'article 56 du projet de loi.
Le COR est maintenu nominalement, mais il est vidé de sa substance : toutes les missions qu'il exerce sont confiées à un comité d'expertise indépendant des retraites (CEIR). La seule qu'il conserve, l'élaboration de recommandations à partir des travaux de ce comité, le COR ne pourra pas la remplir en raison de sa composition. Il réunit, comme vous le savez, des parlementaires de tous bords de l'Assemblée nationale et du Sénat, l'ensemble des organisations de salariés et d'employeurs, des représentants des exploitants agricoles et des professions libérales. Ensemble, nous savons construire le dialogue et nous arrivons toujours à un accord sur des éléments de diagnostic, les indicateurs ou les données. Mais, compte tenu de la diversité de ses membres, établir des recommandations communes est mission quasi impossible. Je n'ai pas la prétention d'arriver à réconcilier un sénateur socialiste et un sénateur républicain ou le MEDEF et la CGT sur l'avenir des retraites...
En outre, les missions confiées au comité indépendant me paraissent inadaptées. Ainsi, il est chargé de suivre l'évolution des écarts et des inégalités de pensions entre hommes et femmes, et d'analyser les phénomènes pénalisant les retraites des femmes. C'était, jusqu'à présent, notre mission et nous avons essayé de nous en acquitter. La légitimité de six experts indépendants pour élaborer de telles données et les indicateurs qui les accompagnent est relativement limitée, car ce travail d'expertise doit être construit sous le contrôle et l'oeil vigilant des différentes parties prenantes au système de retraite, notamment les partenaires sociaux.
Pourquoi une telle évolution ? En lisant l'exposé des motifs, et même l'étude d'impact, j'ai trouvé les éléments descriptifs de l'évolution, mais pas d'explication argumentée. Lorsque j'ai essayé de comprendre, personne ne m'a dit que le COR avait failli dans ses missions. L'actuel secrétaire d'État aux retraites est sans doute le mieux placé pour en juger, puisqu'il en était membre jusqu'à sa nomination et participait assidûment à nos réunions. Du reste, le Premier ministre, il y a encore quelques mois, nous commandait un nouveau rapport.
L'argument régulièrement avancé en faveur de cette nécessité de changement est la modification complète de la gouvernance du système : comme les partenaires sociaux héritent d'un rôle majeur au sein du conseil d'administration de la nouvelle caisse, ils ne sauraient être juges et parties. Certains craignent que, devant équilibrer le système de retraite dans le cadre de la fameuse règle d'or, ils n'utilisent leur position au COR pour émettre des hypothèses optimistes, qui faciliteraient ensuite leur travail de négociation. Cela me semble infondé pour trois raisons.
D'abord, le COR a toujours travaillé sur les hypothèses du Gouvernement pour les cinq ans à venir – horizon de la règle d'or. Nous n'inventons pas de nouvelles hypothèses économiques ; les partenaires sociaux n'en sont donc pas juges. Je récuse également l'idée selon laquelle les partenaires sociaux auraient un biais d'optimisme. Pour travailler avec eux depuis longtemps, je les sais conscients des contraintes économiques. En outre, même si certains étaient trop optimistes, d'autres, pour d'autres raisons, pourraient avoir un biais de pessimisme, rétablissant ainsi l'équilibre.
Ensuite, le COR ne choisit pas une unique hypothèse, mais ouvre un spectre, renvoyant à ceux qui sont aux responsabilités le soin de décider de l'hypothèse de référence. D'ailleurs, pour construire cette réforme, le Gouvernement n'a pas choisi comme référence l'hypothèse la plus pessimiste du COR. De même, lorsqu'il a fixé l'objectif de la conférence sur le financement, il n'a pas pris la convention la plus dégradée.
Enfin, le COR n'est pas uniquement composé de partenaires sociaux. Y sont également représentés les parlementaires, qui peuvent peser sur nos décisions, ainsi que des experts issus de toutes les administrations – direction du Trésor, direction du budget, direction de la sécurité sociale, directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des solidarités et de la santé –, toutes personnes qui ne sont pas connues pour leur optimisme échevelé ou pour leur laxisme budgétaire ! S'il prenait l'envie à un membre du COR d'imaginer que demain on rasera gratis, pour parler trivialement, toutes ces directions nous ramèneraient rapidement à la raison. Et le président du COR ne construit pas ses travaux en les écartant. Pour toutes ces raisons, l'argument des partenaires sociaux à la fois juges et parties demain est mal fondé.
Il est certes possible que les nouvelles modalités de gouvernance impliquent des changements. Je ne le nie pas. Lorsque tout bouge autour de soi, personne ne peut prétendre que l'institution qu'il représente soit le seul point fixe. Toutefois, je ne vois pas pourquoi on se priverait d'un lieu de dialogue apaisé, plus ou moins consensuel. Certes, nous n'émettons pas de recommandations, mais nous arrivons à rassembler toutes les parties prenantes sur un diagnostic et des données incontestables. Dans un monde où la défiance vis-à-vis de l'expertise et de la politique progresse, le COR était un lieu où l'expertise rencontrait la politique et le social, et où le dialogue était possible.
Faut-il encadrer l'exercice de gouvernance des partenaires sociaux qui vont diriger le futur conseil d'administration de la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) ? C'est à vous, et non à moi, simple technocrate, de trancher. Mais cela n'empêche pas de conserver le COR.
Vous l'aurez constaté, il s'agit d'un plaidoyer pour le COR. Peut-être ai-je manqué de lucidité, car je plaide pour une institution que je préside et à laquelle je suis attaché. Si tel est le cas, je vous prie de m'en excuser.
Je vous remercie également pour votre invitation. Moins connu que le COR, le CSR a été créé par la réforme de 2014, avec pour rôle d'alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de rectifier la trajectoire du système de retraite en cas de déviation. La réforme de 2014 assortissait ces alertes de recommandations sur les mesures à prendre.
Pour aller dans le sens de Pierre-Louis Bras, la création du CSR ne remettait pas en cause le rôle du COR comme producteur de projections. C'est même sur cette base que le CSR rend un avis tous les ans, avant le 15 juillet. J'ai longtemps appartenu au COR ; il a joué un rôle considérable dans la création du consensus autour des projections en matière de retraites. Dans les années 1980, lorsque j'ai commencé ma carrière comme démographe, dans le débat sur les retraites, c'était la pertinence même des projections démographiques qui était régulièrement remise en cause. Pourtant, il s'agit d'un exercice comptable, même si les résultats dépendent des hypothèses – au moins sait-on, à hypothèses données, montrer le caractère relativement inéluctable du vieillissement démographique et la nécessité d'ajustement du système de retraite.
J'exprime ici une position personnelle, mais plutôt partagée par les membres du CSR avec qui j'ai eu l'occasion d'en discuter : il faut préserver cet acquis du COR, qui est le mieux à même de construire les projections grâce aux échanges entre toutes les parties prenantes.
Le CSR, pour sa part, a été conçu comme un comité ayant une fonction d'alerte plutôt que de pilotage. Le comité de pilotage des régimes de retraite (COPILOR), créé par la réforme de 2010, n'ayant pas fonctionné, on a un temps imaginé de charger le CSR de cette mission de pilotage, mais cela n'a finalement pas été retenu. Nous sommes donc uniquement chargés d'envoyer des messages d'alerte, et éventuellement de faire des propositions. Avec ses cinq membres, le CSR serait d'ailleurs bien en peine de piloter seul un système aussi complexe.
Depuis 2014, nous avons rendu six avis. Ceux des trois premières années n'étaient pas assortis de recommandations puisque le système était sur la trajectoire prévue. Nous rappelions, néanmoins, la dépendance du système de retraite à la croissance économique comme conséquence de l'indexation sur les prix depuis les années 1980. Nous soulignions également régulièrement le défaut général de lisibilité du système, grâce au travail réalisé par le jury citoyen, qui se réunit également au mois de juillet, et est consulté sur le projet d'avis.
Dans sa fonction d'alerte, le CSR est très encadré par la loi de 2014. Nous devons suivre une série très précise d'indicateurs, qui doivent évoluer dans certaines fourchettes. D'aucuns peuvent juger qu'il s'agit d'une vision restrictive de la façon dont fonctionne le système de retraite – j'ai noté qu'un débat émerge sur les cas types et leur représentativité. Le nombre de cas types examiné par le CSR est restreint et ne permet pas de disposer d'une vue d'ensemble du fonctionnement du système.
En 2017, le COR a révisé plus substantiellement ses projections, montrant ainsi sa sensibilité aux hypothèses de croissance économique, mais aussi la pertinence questionnable de certains indicateurs de solde traditionnellement utilisés pour évaluer la situation financière du système de retraite. Cela nous a mis dans la délicate situation d'avoir à convenir de la nécessité d'envisager des mesures, tout en invitant à relativiser la signification de certains de ces indicateurs, notamment un qui avait la propriété étrange de conclure à la dégradation de la situation globale du système en cas de politique financièrement plus rigoureuse de rémunération et recrutement de la fonction publique, dont l'objectif était pourtant de restaurer la situation des finances publiques ! Ce point de pédagogie a aidé le COR à faire évoluer sa façon de présenter ces indicateurs de solde.
En 2017, la réforme du système était déjà annoncée, aussi l'avis du CSR ouvrait-il deux options : régler le problème en amont de la réforme ou dans le cadre de cette réforme. Le Gouvernement, tenu de répondre, a indiqué que les mesures seraient prises dans le cadre de la réforme à venir. Sur la base de cette réponse, en 2018 et 2019, nous avons réitéré les mêmes avis, les projections du COR étant un peu moins défavorables en 2018 et à nouveau dégradées en 2019. C'est dire la difficulté. On entend régulièrement que les projections du COR sont instables, qu'il les révise tout le temps. Mais ce sont les hypothèses de croissance économique qui sont révisées, cette dernière n'étant pas parfaitement prévisible, ni à court ni à long terme.
Dans l'avis de 2019, outre la réitération des recommandations précédentes, nous avons fait de nouveaux efforts pédagogiques sur ce que nous considérions être le bon usage des indicateurs de solde. On les présente comme des indicateurs d'alerte, mais il est plus pertinent de suivre l'évolution de la part des retraites dans le produit intérieur brut (PIB) – grosso modo, le débat que l'on doit avoir sur la part que la collectivité entend consacrer à ses dépenses de retraite.
Nous avons également remis en avant le rôle de l'incertitude démographique. Historiquement, c'est à partir de la crise de 2008-2009 que la sensibilité aux hypothèses de croissance économique a émergé, la crise ayant altéré les perspectives de croissance. Depuis cette époque, le COR a pris l'habitude de mettre prioritairement en exergue l'impact des variations de la croissance économique, alors qu'auparavant il utilisait à la fois les variantes démographique et économique. Nous avons donc tenu à rappeler les incertitudes liées aux indicateurs démographiques : certains valident un vieillissement plus rapide, d'autres un vieillissement un peu plus lent, ce qui rend le pilotage complexe et doit être pris en compte dans la réforme.
Tout en indiquant que la réforme allait dans le sens de la lisibilité demandée par nos précédents avis, nous avons souligné sa grande complexité, notamment s'agissant de la phase de transition, mais sans être en mesure de donner un avis plus précis sur le projet, dont le contenu exact n'était pas encore connu. En effet, notre avis a été rendu quelques jours avant la remise du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites.
Le comité d'expertise indépendant des retraites me semblait devoir remplacer le CSR mais, visiblement, on lui a réattribué la mission de réaliser les projections qui incombent actuellement au COR, ce qui risque de beaucoup charger sa barque, tout en nous privant de l'actuel processus d'élaboration collective des projections, qui a joué un rôle très important dans l'évolution et la maturation du débat sur les retraites en France.
En 2010, le COR avait rendu un rapport intitulé Retraites : annuités, points ou comptes notionnels. Pouvez-vous nous en rappeler l'historique ? Quelles étaient ses conclusions ? Ne démontre-t-il pas que l'idée d'un système universel de retraite n'est pas nouvelle ?
Pouvez-vous nous éclairer sur les difficultés du système actuel ? Quelles sont celles qui nous attendent demain ? Monsieur Blanchet, vous évoquiez un manque de lisibilité. Pouvez-vous nous en dire plus ?
À votre connaissance, dans les systèmes de gouvernance retenus dans les pays voisins, existe-t-il des instances d'expertise, et les partenaires sociaux et les parlementaires y sont-ils associés ?
Chaque année, le COR et le CSR participent aux auditions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est souvent un bel exercice de pédagogie et d'information. Cette année, M. Bras a ainsi pris près de deux heures pour nous expliquer le fonctionnement du système et les perspectives. Je comprends donc parfaitement ce qu'il peut ressentir ce soir. Pour paraphraser un grand chanteur français dont nous avons parlé tout à l'heure, le chagrin joue parfois avec les lois et les lois jouent avec nos plaies...
La réforme des retraites sera pleinement effective pour les Français d'ici à 2065. Des prévisions à trente, quarante ou cinquante ans vous semblent-elles fiables ?
La loi organique prévoit qu'à l'horizon de cinq ans, le système de retraite doit avoir retrouvé son équilibre. Dans le cas contraire, le Gouvernement devra prendre toutes les dispositions nécessaires pour le rétablir. Mais la durée d'un cycle économique est plutôt de dix ans. Pouvez-vous expliquer les raisons de ce choix ? Cela vous semble-t-il cohérent par rapport aux objectifs fixés par le Gouvernement ?
Je rends hommage à la grande et longue expérience de M. Bras, qui a vu passer différents gouvernements.
Comment formaliser et intégrer la promotion des dispositifs d'emploi des seniors – retraite progressive, cumul emploi-retraite – désormais généralisés au secteur public, dans l'évolution du taux d'activité, afin de mesurer leur impact sur le financement et l'équilibre du système universel ?
Bien qu'ils tendent à se réduire au cours des temps, les écarts de pension entre femmes et hommes sont encore élevés. Une partie de la différence est actuellement réduite par les avantages familiaux dont peuvent bénéficier les mères de famille, et par les avantages conjugaux auxquelles elles peuvent prétendre, surtout les veuves. Avez-vous effectué des simulations pour mesurer les effets de la modification des droits familiaux sur le niveau des pensions des assurés du système universel ? Permettre au couple d'attribuer 100 % des majorations de pension au père ne risque-t-il pas de creuser à nouveau les écarts de pension entre femmes et hommes ?
Considérez-vous que le système universel de retraite sera plus redistributif que les régimes actuels, notamment pour les femmes, les travailleurs à temps partiel, les travailleurs à faibles revenus ou les aidants ?
Pouvez-vous nous rappeler les raisons de l'actuel décrochage entre l'allocation de solidarité aux personnes âgées et le minimum contributif ? Comment analysez-vous le dispositif garantissant 85 % du SMIC net, prévu à l'article 40 du projet de loi ?
Dans le cadre de la future gouvernance des retraites, le pilotage du système universel et des paramètres essentiels de valorisation des droits à la retraite est prévu au travers du conseil d'administration de la caisse nationale du régime universel. Le comité d'expertise aura une place centrale dans le pilotage annuel et pluriannuel. Dans le contexte de ces évolutions, comment envisagez-vous la place du COR, d'éventuelles missions complémentaires ainsi que l'articulation entre ces différentes instances ?
Monsieur Blanchet, comment organisez-vous la procédure d'alerte et le jury citoyen ? Quel est le mode de sélection de ce dernier, son mode de consultation, le poids de ses remarques et leur traduction dans l'avis ?
Dès la semaine prochaine, en commission, nous clarifierons certaines dispositions du projet de loi, dans le respect de la confiance faite aux acteurs du paritarisme, aux experts et de notre engagement d'équilibre.
Le titre V offre une vision d'ensemble de la réforme systémique des retraites, de ses opportunités, mais aussi des interrogations légitimes qu'elle soulève sur la conservation des droits constitués avant l'entrée en vigueur du système universel de retraite et la phase de transition. Cette dernière jouera un rôle clé dans le succès du déploiement du système universel de retraite. Elle sera déterminante pour assurer la conversion des droits acquis et valoriser les carrières à hauteur des efforts contributifs des assurés. Pourriez-vous nous éclairer sur les priorités pour assurer le succès de cette conversion ?
Les projections du dernier rapport annuel du COR soulignent que la part de richesse nationale dédiée aux retraites est étroitement liée à l'environnement économique. Dans l'hypothèse d'une croissance de la productivité du travail de 1,3 % – moyenne constatée sur la période 1990-2018 –, le système de retraite ne se trouve jamais à l'équilibre. Selon vos projections, la part des pensions dans le PIB passe de 13,8 % aujourd'hui à environ 13 % en 2050. Après réforme, hors mécanisme de transition prévu au titre V et retenu pour la prise en compte des droits acquis et hors revalorisation salariale, notamment à destination des enseignants, l'étude d'impact précise que les masses de prestations atteindraient 12,9 %, soit un niveau équivalent à celles qui auraient été versées sans réforme. J'aimerais connaître votre avis sur cette hypothèse.
Les travaux réalisés par vos deux organismes jouent un rôle fondamental pour éclairer les décideurs publics, en réalisant le diagnostic de la situation financière de notre système de retraite et en vérifiant le respect des objectifs. L'article 56 portant création du comité d'expertise indépendant des retraites entraîne une réforme importante de vos instances.
Parmi vos travaux, ceux concernant la pérennité financière du système retiennent particulièrement notre attention. À la lumière de votre rapport de novembre dernier, c'est un déficit de 8 à 17 milliards d'euros qui nous attend à l'horizon 2025 si nous ne faisons rien. C'est l'objet de la conférence sur le financement qui sera lancée dès demain au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Pour financer les retraites, les derniers rapports du COR ont rappelé que le pilotage du système peut s'effectuer à partir de trois leviers : le niveau moyen de pension de l'ensemble des retraités rapporté au revenu d'activité moyen de l'ensemble des personnes en emploi, associé aux règles d'indexation ; le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités, influencé par des déterminants démographiques, des comportements d'activité à tous les âges de la vie et par les règles du système de retraite – et notamment l'âge de départ ; enfin, le niveau des prélèvements rapporté à la masse des revenus d'activité.
Dès lors, je souhaiterais avoir vos avis sur les points suivants : le futur comité d'expertise indépendant améliorera-t-il la lisibilité du système universel ? Sera-t-il plus « facile » d'évaluer les futurs équilibres du système de retraite, et donc d'éclairer les décisions de la future gouvernance ?
Quelle est la pertinence d'un équilibre financier pluriannuel sur cinq ans, notamment au regard des cycles économiques ?
Quels paramètres et quelles hypothèses sont les plus sensibles pour l'équilibre financier du système, et, donc, quels sont ceux qu'il convient de prévoir avec la plus grande finesse ?
Quelle lecture faites-vous de l'étude d'impact du projet de loi au regard de vos propres travaux ?
Après que le haut-commissaire à la réforme des retraites a remis son rapport, en juillet dernier, celui du COR était particulièrement attendu. Il a marqué les esprits à bien des égards. Outre la méthode, ce sont essentiellement les chiffres que vous présentez qui ont suscité l'émoi : un déficit pouvant aller de 7 à 17 milliards d'euros, selon des conventions comptables que vous estimez vous-mêmes discutables. De plus, ce déficit, qui pourrait varier de 10 milliards d'euros, plusieurs de vos membres ne sont pas persuadés de l'obligation de le résorber d'ici à 2025 par des mesures économiques.
Vous le soulignez, trois leviers peuvent être envisagés afin de permettre un retour à l'équilibre du système : toucher au montant de la pension, augmenter les cotisations ou décaler l'âge de départ à la retraite. Si vous exprimez des réticences envers l'utilisation de ces leviers, le décalage de l'âge de départ ne vous semble-t-il pas plus juste pour les assurés, à l'exception des cas de pénibilité sur lesquels nous reviendrons ?
Certains émettent l'idée de passer de 35 à 37 heures de travail par semaine, afin de pérenniser le financement du système de retraites, sans actionner les leviers précédemment évoqués. Avez-vous déjà testé cette hypothèse ?
Notre système de retraite repose sur la solidarité intergénérationnelle, et donc sur le postulat que le nombre d'actifs doit être suffisant pour prendre en charge les retraités. Le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre un principe de pénibilité objectivée, mais comment le financer ? La question se pose également pour les carrières dites hachées, pour les seniors dont le retour à l'emploi est difficile ou pour les personnes handicapées. Sur quel pilier devons-nous faire reposer ce financement ? Les questions du travail et de la retraite n'auraient-elles pas dû être traitées en commun à partir du moment où l'on souhaite mettre en place un régime universel ?
Enfin, votre rapport fait état de l'avenir des caisses autonomes, qui nous préoccupe et nous semble injuste. Contrairement aux régimes spéciaux, financés en très grande partie par des subventions publiques, les caisses autonomes sont équilibrées, voire bénéficiaires, grâce à une gestion saine sur le long terme. En outre, elles participent à l'effort de solidarité en finançant à elles seules 27 % des dépenses du régime général. Or leur avenir semble compromis. Certains disent même que l'objectif de cette réforme serait de puiser dans leurs réserves pour équilibrer un régime déficitaire. Je n'ose croire que cette ambition nous soit dissimulée. De plus, une fois les caisses épuisées, l'impact de la réforme s'en trouverait très considérablement diminué. Quelle est votre opinion sur l'avenir de ces caisses, au sein d'un régime qui se dit universel, mais dont les contours flous ne seront dessinés qu'après les nombreuses ordonnances et décrets annoncés ?
Notre groupe s'est fixé plusieurs priorités parmi lesquelles la gouvernance du nouveau système figure en bonne place. C'est pourquoi cette audition revêt une importance toute particulière afin de saisir pleinement les enjeux et les perspectives de la refonte de l'écosystème institutionnel des retraites.
Le titre V du projet de loi ordinaire définit les principes de gouvernance et de pilotage du système universel. Il instaure une caisse nationale universelle de retraite, qui s'appuiera sur les trajectoires établies par un comité d'expertise indépendant nouvellement créé et qui remplacera le CSR issu de la « réforme Touraine » en 2014. Le projet de loi indique que ce nouveau comité reprendra les missions de l'ancien, qui s'éteindra. Quelle sera la différence fondamentale entre ces deux comités, si ce n'est la notion d'« indépendance » ? Dans quelle mesure le processus de nomination sera-t-il différent ? Comment déterminer l'indépendance de ces experts, vis-à-vis notamment des projections effectuées par d'autres administrations ? Sachant que le CSR a été récemment renouvelé, quelles seront les conditions de transition avec le CEIR ?
Nous nous félicitons que le projet de loi prévoie le maintien du COR dans sa forme actuelle. Cet organe, au sein duquel les parlementaires sont autorisés à siéger, nous apparaît primordial dans le processus de transition qui va s'opérer. L'article 56 du projet de loi précise que le COR et le comité indépendant travailleront de concert, le premier s'inspirant des rapports du second. Monsieur Bras, comment envisagez-vous cette collaboration et le rôle du COR dans le nouveau système ?
Il nous semble très important de définir clairement les périmètres, prérogatives et rôles de chacune des institutions garantes de la solidité du futur système.
Je tiens à faire part de notre consternation devant le sort réservé au COR. Toutes les organisations syndicales s'en sont également émues. Nous avons du mal à comprendre ce qui anime le Gouvernement, ou plutôt nous le comprenons trop bien : ce comité d'expertise « indépendant » n'aura d'indépendant que le nom ! Tout cela participe d'une reprise en main par Bercy du pilotage des retraites.
Je le dis au nom de mon groupe, monsieur Bras, nous apprécions votre travail. Vous avez raison de rappeler que vous l'effectuez sur la base des hypothèses qui vous sont fournies.
De votre dernier rapport, les uns ont déduit qu'il fallait prendre très vite des mesures d'économie par l'âge, les autres en ont tiré la conclusion strictement inverse. Comment expliquez-vous ces divergences ? Pourriez-vous nous rappeler les conclusions de ce rapport, et sur quelles hypothèses elles se fondent ? De quoi est constitué le déficit ? Comme M. Mahjoubi il y a quelques jours, devons-nous craindre que, sans réforme, nous n'ayons plus de système de retraite dans quinze ans ?
Quelle appréciation portez-vous sur la qualité méthodologique de l'étude d'impact ? Les projections ont été réalisées sur la base d'une, deux, voire trois des conventions comptables que le COR a l'habitude d'utiliser. On se demande comment ont été estimés les 12 milliards d'euros réclamés à la conférence sur le financement.
Plusieurs partis pris ont été retenus : la poursuite de la réforme de 2014 au-delà de ce que la loi a prévu, l'augmentation de la productivité en contradiction avec le rythme des dix dernières années, l'évolution de la rémunération des fonctionnaires uniquement par le biais de primes pendant cinquante ans, etc. Vous paraissent-ils sérieux ? Est-il logique d'exposer des cas types sans faire bouger l'âge pivot, qui est pourtant un des déterminants de la réforme ? Est-il sérieux de ne pas fournir d'étude macroéconomique sur les impacts de la réforme sur le chômage, les salaires, la répartition des revenus, le PIB ?
Peut-on apprécier les gagnants et les perdants de cette réforme sans prendre en compte l'ensemble du cycle de vie ? On peut gagner en pension ce que l'on perd en cotisations mais, dans l'étude d'impact, les deux sont séparés.
L'emploi des seniors est crucial dans toute réforme du système de retraite. Plusieurs leviers sont évoqués pour l'améliorer, comme le tutorat pour permettre la transmission des savoirs entre générations. L'effet horizon est fréquemment mentionné lorsqu'on évoque les liens entre recul de l'âge de départ à la retraite et emploi des seniors. Il désigne le lien entre l'âge de cessation d'activité et l'âge de départ en retraite. Il traduit l'idée selon laquelle le recul de l'âge légal de départ à la retraite permettrait d'augmenter le taux d'emploi des seniors et l'âge moyen de départ, en incitant à la fois salariés et employeurs à investir dans l'emploi.
Dans un rapport de novembre dernier, le Conseil d'orientation des retraites estime qu'à législation constante, les effets cumulés des dernières réformes des retraites permettront une augmentation significative du taux d'emploi des 60-64 ans entre 2010 et 2030 : de 19,2 % en 2010, on passerait à 40,4 % en 2020, puis à 52,1 % en 2030.
Avez-vous effectué des projections sur l'effet de la mise en place d'un âge d'équilibre systémique sur l'emploi des seniors ? Quelles seraient les conséquences s'il est fixé à 65 ans, comme le suggère l'étude d'impact ?
L'article 56 du projet de loi prévoit la création d'un comité d'expertise indépendant des retraites chargé de suivre l'état du système universel et ses perspectives d'évolution, et d'apporter son expertise au pilotage financier du système universel. Si l'exposé des motifs indique que ce comité reprendra les missions du CSR, au groupe Libertés et territoires, nous nous interrogeons sur son rôle et son articulation avec le COR. Après cette réforme, le COR ne devra-t-il pas se contenter de faire des recommandations sur la base des rapports du comité d'expertise ? Sans même revenir sur la notion d'indépendance, approuvez-vous cette nouvelle organisation ? Comment envisagez-vous la transition vers ce nouveau système de gouvernance ?
L'appréciation de la trajectoire financière du système des retraites est étroitement liée aux hypothèses d'évolution démographique – natalité, solde migratoire, espérance de vie. Mais elle doit également tenir compte de l'assiette de prélèvement, qui sert à financer le système. Or on entend de plus en plus cette petite musique que 80 % des emplois de 2030 n'existent pas encore, que l'intelligence artificielle, la robotique vont faire bouger le monde du travail. Avez-vous tenu compte de ces évolutions dans vos trajectoires financières ?
En préalable, je vous présente toutes mes condoléances... Je ne pensais pas que vous étiez auditionnés sur votre propre sort. En effet, avec la création du comité d'expertise à l'article 56 du projet de loi, c'est bien la pertinence et l'existence même du COR qui sont remises en cause.
Que les partenaires sociaux seraient juges et parties me semble un argument pour le moins fallacieux. À lire les commentaires de certains d'entre eux, on peut se demander si les partenaires sociaux ont réellement tenu la plume au moment de la remise de vos derniers rapports. Ils parlent plutôt d'une commande du Gouvernement.
En la matière, vous avez été plutôt bons élèves. Les projections effectuées dans votre dernier rapport ont organisé le déficit du système de retraite pour présenter des scénarios d'augmentation de l'âge de départ en retraite ou de baisse des pensions. Dans votre document, la quasi-totalité du déficit provient de l'austérité salariale et de la baisse des effectifs publics. D'autres scénarios auraient pu être testés, comme une hausse des recettes, mais cela ne faisait pas partie des hypothèses. Vous auriez aussi pu travailler sur l'amélioration de l'égalité entre hommes et femmes qui, elle aussi, permettrait d'alimenter les caisses de retraite, mais cela n'a pas non plus été testé. Il faut donc bien garder en tête que ce sont vos rapports qui ont alimenté les consciences et le débat public pour imposer un régime de fait. La mise en scène du Gouvernement, qui s'appuie sur ce rapport, est limpide : « puisque les salaires stagnent, puisque les effectifs publics fondent, il n'y a pas d'autre solution que de baisser les pensions ou d'augmenter l'âge de départ à la retraite ».
Quelle structure ad hoc garantirait des rapports plus indépendants et moins orientés ou instrumentalisés par le Gouvernement ? Certainement pas celle proposée par le projet de loi ! Qualifier d'« indépendant » ce comité d'experts est risible : le président va être nommé par le Président de la République Emmanuel Macron, et les membres par les présidents du CESE, du Sénat, de l'Assemblée nationale et de la Cour des comptes. Ce comité sera donc largement à la main du pouvoir en place. Je pense que notre commission spéciale doit traiter de l'indépendance des rapports qui sont remis, qui doivent contribuer à éclairer la décision publique.
Il est certes dans vos missions de répondre à des commandes du Gouvernement, mais, récemment, un rapport de dernière minute est peut-être venu donner un coup de pouce sur des sujets sur lesquels l'exécutif comptait s'appuyer... L'intérêt de votre travail n'en est pas moins à souligner : les données, analyses, diagnostics partagés et discutés que vous produisez permettent d'objectiver des éléments sur lesquels fonder des orientations sociales et politiques.
Vous l'avez souligné à juste raison, monsieur Bras, il est étonnant d'écarter de l'instance qui doit naître du projet de loi, s'il devait continuer à être examiné, les représentants des salariés. En lisant entre les lignes, peut-être peut-on discerner un scénario pré-écrit, selon lequel on pourrait revenir un peu sur cette décision – une manière de lâcher un petit quelque chose aux partenaires sociaux et de leur montrer qu'on a tout de même un peu de considération pour eux. Ce scénario que je crois lire serait mieux que rien, mais tout de même nettement insuffisant au regard de leurs exigences.
Nous nous trouvons devant un projet qui modifie la philosophie même du système en engageant une réforme paramétrique permanente et en instituant un blocage, voire une décroissance des ressources. Peut-être est-ce cela qui a scellé votre sort, dans un premier temps. Même si les promoteurs de la réforme ne l'ont jamais avoué clairement, a-t-on encore besoin d'un Conseil d'orientation des retraites qui analyse l'évolution des choses à long terme, si l'on modifie sans cesse les paramètres du système ? Pourtant, nous allons encore avoir besoin de vous, au moins pour la transition, qui apparaît extrêmement nébuleuse. On ne sait absolument pas où l'on va.
Voyant qu'il sert à discréditer le régime actuel de retraite, trouvez-vous que votre dernier diagnostic a été bien compris ? On ne sait plus s'il faut faire la réforme pour des raisons financières ou, au contraire, parce qu'il n'y a pas de péril financier : les deux arguments ont été employés pour la justifier.
Nous avons constaté que l'augmentation des ressources constitue un tabou, notamment s'il s'agit de mettre à contribution les revenus du capital. J'imagine que cela a fait l'objet de discussions et d'analyses de votre part, qu'il m'intéresserait de connaître.
Nous estimons que les améliorations nécessaires, en particulier pour les femmes, les agriculteurs, les personnes ayant connu des carrières précarisées, peuvent être apportées au système dans sa forme actuelle.
Nombre de mesures du projet de loi proviennent d'études que vous avez conduites : y retrouvez-vous vos petits ?
Enfin, comprenez-vous les difficultés qu'éprouve le Gouvernement à produire des études consistantes ?
Merci à ceux qui ont salué les travaux du COR. Vous comprendrez que, présidant une institution dont les membres ont des avis très divergents sur ce qu'il faut faire en matière de retraite, je ferai preuve d'une extrême prudence en matière de préconisations. Je n'ai pas non plus à exprimer d'opinions personnelles à ce sujet. Ce que fait le COR, c'est établir des diagnostics et dégager un consensus sur les données. Aucun rapport du COR ne pourrait être publié si un seul des partenaires sociaux s'y opposait. Autrement dit, si un rapport est publié, c'est parce que l'ensemble des membres du COR a accepté qu'il le soit au nom de l'institution : ce n'est pas une étude de Pierre-Louis Bras, qui aurait concerté je ne sais qui.
Notre dernier rapport a fait l'objet de nombreuses questions. Dans ce document très dense, nous affirmons d'abord que la part des dépenses de retraite dans le PIB va rester stable jusqu'en 2030. Dans des exercices précédents, nous avions poussé les projections plus loin : dans beaucoup d'hypothèses, la part de ces dépenses diminuait ; cette part baissait aussi dans l'hypothèse retenue par le Gouvernement. Comme l'a indiqué Didier Blanchet, un des éléments qui nous paraît le plus important pour apprécier la situation de notre système de retraite est la part de la richesse nationale qui doit être prélevée pour le financer. Pour schématiser, celle-ci mesure l'effort qu'il faut demander aux actifs pour financer les retraites. Or cette part est stable et, parfois, elle décroît. Quand j'affirme cela, en général, les gens se disent que le président du COR ne semble pas être très au fait que la France vieillit, et qu'en conséquence, la part des dépenses de retraite va augmenter. Je vous rassure, je suis conscient qu'il y aura moins de cotisants demain pour un retraité. Dans le scénario central de l'INSEE sur la démographie, le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités, qui est aujourd'hui de 1,7, devrait tomber à 1,6 en 2030 et à 1,3 en 2070.
S'il n'y avait que ce facteur d'évolution, la part des retraites dans le PIB augmenterait considérablement – je ne l'ai pas calculée, mais elle pourrait sans doute atteindre 18 % ou 19 %. Toutefois, un autre paramètre joue, qu'on peut contester par ailleurs, mais qui conduit à stabiliser la part des dépenses de retraite : rapporté aux rémunérations, on donnera moins, demain, aux retraités. Ces deux forces s'équilibrent jusqu'en 2030 : la force démographique accroît la part des dépenses de retraite, tandis que le facteur des pensions agit en sens contraire. Au-delà de 2030, dans le scénario qu'a choisi le Gouvernement pour élaborer la réforme, la part des dépenses diminue.
Le premier message est donc que notre système de retraite ne dérape pas : il demandera plutôt moins, demain, aux actifs. Toutefois, je ne le cache pas – et les rapports du COR le mettent en évidence –, cela a pour contrepartie la baisse du niveau de vie relatif des retraités. Aujourd'hui, celui-ci représente 105 % par rapport à celui de l'ensemble de la population – quand il est à 105 pour les retraités, il est à 100 pour l'ensemble de la population. Ce sont là des données statistiques, mais la perception du public est très différente : d'après les sondages, 60 % des gens considèrent que les retraités ont un niveau de vie inférieur à celui des actifs. À l'avenir, les retraités devraient voir leur niveau de vie relatif passer de 105 à 85. Cela ne veut pas dire que les pensionnés de demain seront moins riches que les retraités d'aujourd'hui : c'est le niveau de vie relatif qui diminuera, pas le niveau de vie absolu. Toutes les projections du COR retiennent une croissance annuelle des salaires de 1,3 %, en corrélation avec la productivité du travail, pendant cinquante ans. Demain, donc, les actifs et les retraités seront plus riches, mais les premiers relativement plus que les seconds. Nous aurons ainsi une stabilisation – voire la baisse, dans le scénario retenu par le Gouvernement – de la part des dépenses de retraite dans le PIB, avec comme conséquence, qui peut être critiquée, la baisse du niveau de vie relatif des retraités.
Les dépenses sont certes stabilisées, mais reste à savoir si c'est au bon niveau. Certains partis politiques peuvent estimer qu'à 14 % du PIB, le niveau est insuffisant et qu'il faut passer à 16 % ou à 17 % pour que les retraités puissent partir plus tôt avec une pension supérieure ; cela demande d'agir en conséquence sur les prélèvements sur les actifs. D'autres partis peuvent juger ce niveau très excessif, parce que trop exigeant pour les actifs, et considérer qu'il faut revenir à 12 %. Ce sont là des projets politiques. Que les dépenses soient stabilisées est une information importante par rapport aux discours catastrophistes, mais elle ne clôt pas le débat politique.
Pourquoi, malgré cette stabilisation, a-t-on un solde financier, qui pourrait, selon l'hypothèse la plus défavorable, être multiplié par sept, passant de 0,1 point du PIB en 2018 –soit 2,5 milliards d'euros – à 0,7 point d'ici à 2025 ? Il devrait être stabilisé puisque les recettes étant assises sur la masse salariale – que toutes nos hypothèses voient évoluer comme le PIB –, et les taux de cotisation étant stables, elles devraient évoluer comme le PIB. La complexité, que personne n'arrive à percevoir clairement, provient d'un effet de structure. Pour schématiser, les cotisations – y compris celles payées par l'employeur – appliquées aux fonctionnaires sont bien supérieures à celles affectant les salariés du privé. Elles s'élèvent ainsi à 126 % pour les militaires, à 74 % pour les fonctionnaires civils, à 30,6 % pour les fonctionnaires territoriaux, qui relèvent de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) contre 16,46 % pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) et l'AGIRC-ARRCO, sur l'ensemble des rémunérations. Dès lors, quand la part des fonctionnaires diminue dans l'ensemble des rémunérations, les ressources du système de retraite décroissent.
S'agissant de l'évolution de la part des rémunérations des fonctionnaires, d'autres hypothèses que celles traduites dans la politique du Gouvernement pourraient être avancées. Pour l'instant, au sein de notre institution, toutes les parties prenantes acceptent de faire reposer les projections sur celles du Gouvernement. Le COR n'en établit donc pas. Pour le dernier exercice, le Gouvernement nous a fourni des projections jusqu'en 2030, sur l'évolution des effectifs et des traitements – puisque les taux de cotisation des fonctionnaires s'appliquent à leur traitement et non à leurs primes. Or il se trouve que la politique du gouvernement actuel tend à diminuer très fortement la part de la rémunération des fonctionnaires dans l'ensemble des rémunérations, celle-ci devant passer de 12 % en 2018 à 9 % en 2030. Ce taux résulte, je ne vous apprends rien, de la diminution des effectifs et des évolutions du point d'indice et des rémunérations – et, en leur sein, de la part du traitement et des primes. Toutes les hypothèses transmises par le Gouvernement, clairement exposées dans le rapport du COR, aboutissent à ce résultat.
Demain, dans le cadre du système universel, tout le monde cotisera au même niveau, donc cette difficulté ne se posera plus ; le COR n'aura plus à faire de conventions comptables, ce qui simplifiera les choses. Cet effet de structure un peu paradoxal a déjà été évoqué par Didier Blanchet : une politique budgétairement rigoureuse à l'égard des fonctionnaires entraîne une baisse des ressources du régime de retraite, d'où un déficit très important. Je ne porte pas d'appréciation sur cette politique, mais je signale, au passage, que plusieurs membres du COR la combattent au quotidien, ce qui ne les empêche pas d'accepter de travailler sur les hypothèses fournies par le Gouvernement.
Au COR, nous avons voulu travailler sur ce paradoxe que de bonnes nouvelles pour les finances publiques constituaient autant de mauvaises nouvelles pour les retraites, en y consacrant plusieurs conventions comptables. Dans l'une d'elles, que nous appelons dans notre jargon la convention EEC (effort de l'État constant), nous avons retenu l'hypothèse que, tout en faisant des économies en employant moins de fonctionnaires et en consentant à une évolution des rémunérations plus faible que dans le privé, l'État maintiendrait sa contribution financière – autrement dit, il ne retirerait pas tout le profit qu'il pourrait obtenir de la baisse du nombre de fonctionnaires. Cette convention aboutit, par construction, à un solde bien moins dégradé. Normalement, celui-ci aurait dû se stabiliser à 0,1 %, mais nous n'avons pas intégré l'effort constant des collectivités locales et des hôpitaux – il reste encore l'effet CNRACL. Pour être extrêmement précis, il y a également moins de contributions de l'UNEDIC et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour des raisons tenant à l'évolution du taux de chômage et du nombre de personnes qui bénéficient de l'assurance vieillesse des parents au foyer. Pour résumer, l'existence d'un solde financier provient de moindres contributions d'entités publiques.
Les réactions suscitées par notre rapport ont été extrêmement variées. Certains ont considéré que l'existence du solde justifiait des mesures d'âge. D'autres ont estimé que le solde était lié, non pas à l'évolution des retraites mais à celle des ressources, elle-même découlant de la politique relative à la fonction publique, et que la nécessité de prendre des mesures d'équilibre par l'âge n'était pas si impérieuse. J'essaie de fournir tous les éléments du débat pour que les gens, les partenaires sociaux puissent se déterminer en connaissance de cause. Même si certains membres du COR ne sont pas favorables à la politique menée en matière de finances publiques, s'ils préféreraient retenir d'autres hypothèses sur un sujet comme les salaires des femmes, tous ont accepté de se couler dans le moule fourni par le Gouvernement, du moins à court terme. Ils font preuve de réalisme, en estimant que c'est la seule manière de travailler sur le dossier des retraites, car on n'arriverait pas à se mettre d'accord sur d'autres hypothèses.
J'ai bien noté qu'il y avait un désaccord quant aux conclusions à tirer du rapport. J'ai fourni le diagnostic. Ce n'est pas à moi de prodiguer la thérapeutique : il y a sûrement de très bons docteurs dans la salle ; à eux de décider de ce qu'il faut faire.
Je crois avoir ainsi répondu à toutes les questions relatives à l'équilibre financier.
Comment, demain, articuler le COR avec le comité d'expertise indépendant sur les retraites ? Je n'ai pas la solution parce que, comme je vous l'ai dit dans mon propos liminaire, je considère que le schéma proposé n'est pas satisfaisant et ne fonctionnera pas, au regard de tout ce qu'apporte le COR aujourd'hui. Je ne vais pas continuer à réunir le COR, dont certains membres sont en complet désaccord avec des éléments de fond de la politique menée actuellement, pour élaborer un rapport, à remettre encore le 15 juin de chaque année, présentant toutes les recommandations que nous pourrions faire ensemble. Je n'aurai ni l'outrecuidance ni la bêtise de présenter de telles modalités de travail : les membres de l'institution me riraient au nez, et ils auraient raison. La mission résiduelle qu'il est proposé de nous confier n'a, à mes yeux, pas de sens. Je voudrais être plus constructif, mais je n'y parviens pas.
J'ai entendu le Premier ministre dire que l'étude d'impact apportait beaucoup de réponses et posait de nombreuses questions. Je suis d'accord avec lui. Comme tout le monde, j'ai eu connaissance du document vendredi après-midi. Je ne prétends pas encore l'avoir assimilé et compris dans ses moindres détails : cela exige du temps et du travail.
Vous m'avez demandé si j'avais fait des simulations à partir d'hypothèses figurant dans le projet de loi. Non, bien évidemment ! Le COR, en tant que tel, n'a pas été acteur dans la construction de la réforme ; il n'avait d'ailleurs pas à l'être, puisque cela ne fait pas partie de ses missions. La réforme s'est élaborée ailleurs, même s'il y a des échanges, car le projet a été conçu à partir d'éléments issus de nos rapports. Toutefois, nous n'avons pas eu à tester telle ou telle hypothèse.
On peut juger positivement ou négativement les recrutements de fonctionnaires, tout dépend des services publics qu'on veut avoir. Il ne faut pas croire que le recrutement massif de fonctionnaires va créer, comme par miracle, les ressources qui permettraient d'équilibrer le système de retraite. C'est cet argument qui nous a conduits à récuser l'indicateur de solde traditionnel, qui a montré ses limites en 2017. Ce dernier a été remplacé, à juste titre, à mon avis, par un autre indicateur dans lequel on fait l'hypothèse que, par défaut, l'effort de l'État est fixe en part de PIB puisque, finalement, il consacre aux retraites une certaine fraction de ce qu'il arrive à prélever sur l'ensemble de la richesse produite chaque année. Cet indicateur, qui en est la mesure, se rapproche beaucoup du suivi du ratio retraitePIB, là où se concentre le débat : la bonne norme est-elle à 14 % ? Faut-il l'augmenter ou, au contraire, la ramener, par exemple à 12,9 % ? La question est éminemment politique, elle relève d'un choix de société. Ce n'est pas aux experts, qu'ils soient indépendants ou non, de donner leur avis à ce sujet.
Je crois nécessaire de remettre en perspective historique le ratio des dépenses de retraite sur le PIB. Les réflexions sur les retraites ont commencé au début des années 90, avec le Livre blanc. À l'époque, la part des retraites dans le PIB s'élevait à 11 %. Les premières projections du COR montraient que, si on ne faisait rien, sous l'effet du vieillissement démographique, le ratio atteindrait 19 % ou 20 %. À l'époque, il me semblait que, compte tenu de l'enjeu, il était probable qu'on doive jouer simultanément sur trois leviers. C'est ce que les réformes passées ont fait, à peu près pour un tiers chacune. Sur les 9 % d'augmentation que l'on aurait dû connaître, environ un tiers a été évité par la projection d'une augmentation de l'âge de la retraite à 64 ans ; un deuxième tiers a été neutralisé par la baisse, de l'ordre de 15 % à 20 %, du niveau de vie relatif des retraités – solution délicate, qui peut se révéler plus ou moins problématique. Aujourd'hui, les dépenses de retraite ont atteint 14 % du PIB ; par rapport à la marche d'escalier initiale des 9 %, on peut dire que l'instrument de l'augmentation de l'effort consacré aux retraites a déjà été mobilisé. On peut se demander s'il faut l'utiliser davantage, mais on ne peut pas dire que, sur le plan politique, on ait systématiquement évité d'y recourir.
Comme Pierre-Louis Bras, j'ai répondu par anticipation, dans mon propos liminaire, aux questions relatives à l'articulation entre le COR et le comité d'expertise indépendant sur les retraites. Je ne préjuge pas de ce que serait l'indépendance de la future instance. Pour ma part, j'ai toujours eu l'impression, tant au COR qu'au CSR, de travailler de façon indépendante. Pour atténuer les craintes en la matière, une solution consisterait à prévoir que le COR continue à réaliser des projections dans le cadre d'un partenariat avec l'ensemble des parties prenantes, y compris les partenaires sociaux. Ce serait un garde-fou solide. Le CEIR assumerait, dans ce cadre, un rôle proche de celui du comité de suivi des retraites, à savoir résumer le propos des rapports, très épais, du COR et suggérer des évolutions – étant précisé qu'il revient ensuite au conseil d'administration de la caisse de décider de ce qu'il faut faire.
Notre diagnostic sur la lisibilité du système actuel est issu des jurys citoyens, qui fonctionnent grâce à l'appui logistique de la direction de la sécurité sociale. Au cours d'une journée, on présente le système de retraite à un jury, constitué d'une quinzaine de personnes recrutées par quotas. Bien souvent, elles confient qu'elles peinent à comprendre le fonctionnement d'un système qui leur apparaît complexe. Par exemple, le système par annuités paraît simple : en fonction du nombre de trimestres de cotisation, on sait qu'on va toucher, dans le régime de base, 50 % de son salaire de référence. Or ces 50 % sont calculés sur un salaire de référence qui est lui-même la moyenne des rémunérations des vingt-cinq meilleures années, revalorisées en fonction de l'évolution passée des prix. Je mets quiconque au défi de calculer soi-même son taux de remplacement ! Le régime actuel n'est donc pas fondamentalement plus transparent que le système par points qui est proposé.
Autre exemple, la réversion, qui résulte d'un empilement de mécanismes hétéroclites. Dans certains rapports du COR, une courbe surprenante montre comment évolue le niveau de vie d'une veuve par rapport à sa situation lorsqu'elle était en couple, en fonction de ses caractéristiques individuelles et de celles de son conjoint. Certaines différences de traitement ne paraissent pas justifiées par l'équité. Notre système regorge de nombreuses méso-inégalités – entre grandes catégories – et micro-inégalités, entre des gens qui ont l'impression d'avoir eu des parcours de vie très similaires mais qui, au final, se retrouvent avec des droits très différents. On peut donc être favorable ou opposé au nouveau système, trouver que le dimensionnement des dépenses à 14 % du PIB est insuffisant ou excessif, mais on ne peut pas, en tout état de cause, présenter le régime actuel comme un modèle de lisibilité, de transparence et de prévisibilité pour les assurés.
À cela s'ajoute la question du pilotage et de la pertinence des projections à long terme. Dès qu'on a commencé à réfléchir sur les retraites, on s'est demandé s'il fallait se projeter à long terme, compte tenu de l'incertitude que nous réserve l'avenir. Lorsqu'on navigue, on fixe le cap en fonction des conditions météorologiques, puis, lorsque les conditions changent, on procède à des ajustements, on règle le gouvernail. Nous avons beaucoup de certitudes dans le domaine du vieillissement démographique tout en ignorant quelle en sera l'ampleur exacte. Par ailleurs, les mécanismes qui ont été introduits dans le système ont ajouté une incertitude économique qui appelle des règles d'indexation. Le système actuel est caractérisé par l'existence de règles très différentes d'une catégorie de population à l'autre. Pour prendre l'image de l'avion, cette fois, on a plusieurs manches à balai, qui agissent chacun à leur manière sur chaque catégorie de la population.
J'ai parfaitement conscience du fait que la création d'un système unifié est une tâche d'une extrême complexité. Toutefois, un tel régime présente l'intérêt que lorsqu'on actionne les leviers, soit dans une direction favorable aux retraités, soit dans un sens visant à limiter l'effort, on a l'assurance qu'on va faire évoluer toutes les situations individuelles à peu près de la même façon. Par ailleurs, si on souhaite améliorer la situation de certaines personnes, on dispose des instruments qui permettent de le garantir. Actuellement, quand on modifie les paramètres, on n'est pas totalement sûr des effets produits sur les intéressés : de nombreux effets de bord peuvent conduire à des résultats inverses à ceux qu'on attendait.
Des doutes sont parfois formulés sur l'effet horizon. On pense parfois que, si on recule l'âge de la retraite, cela va nécessairement créer du chômage supplémentaire dans la catégorie des 60-64 ans. On a l'expérience de la réforme de 2010, qui a constitué un choc assez important sur les conditions de liquidation. On peut tester de façon fine les effets de ces mesures sur les tranches d'âge qui ont été directement concernées par le durcissement de l'âge minimum d'accès à la retraite, et on constate qu'il y a eu, indéniablement, un phénomène de report vers le chômage. Toutefois, en analysant l'évolution de la répartition entre l'emploi, le chômage et l'inactivité au sein de la tranche d'âge des 60-64 ans depuis cette réforme, on observe que, pour une part substantielle, l'augmentation du taux d'activité dû au recul de l'âge de la retraite s'est traduite par l'accroissement du taux d'emploi : c'est l'effet horizon. Progressivement, l'emploi se reconstitue en amont du nouvel âge de la retraite. Étant donné que cela peut prendre un certain temps, il faut mener les changements prudemment, éviter la brusquerie dans le déplacement des curseurs. Il existe donc une possibilité de voir l'emploi remonter à la suite de l'évolution des critères de liquidation.
Je ne vous ai pas interrogés sur le titre Ier du projet de loi, dans la mesure où il consiste en la définition même du futur système. Un certain nombre d'opposants à la réforme estiment qu'on aurait pu contrebalancer les dysfonctionnements du système actuel, notamment en améliorant les conditions de compensation démographique entre régimes. Dans le régime agricole, auquel je suis très sensible, on voit bien que 400 000 agriculteurs peuvent difficilement assurer la retraite de 1,6 million de personnes. Cette voie aurait-elle mérité d'être explorée ? Quel est votre avis sur ces compensations, dont j'avoue ne pas connaître parfaitement le fonctionnement ?
La variable de l'âge – qu'on l'appelle âge pivot ou âge d'équilibre – a été neutralisée à la suite de la période de troubles qu'a connue la France, ce qui, à mes yeux, nous empêche de raisonner sereinement sur la réforme. Que pensez-vous du fait que le Gouvernement demande au Parlement de se prononcer sur le projet de loi sans avoir calé cette question de l'âge, ce qui l'a empêché de fournir les éléments de projection budgétaires et financiers qui ne sont, par définition, pas livrables ?
J'ai lu avec attention les 115 pages du rapport du COR de novembre 2019, qui rappelle, de manière très éclairante, les déterminants du système de retraite : le rapport entre cotisants et retraités, le revenu d'activité moyen, la pension moyenne, le nombre de retraités et d'actifs, la croissance économique et l'âge de départ à la retraite.
Dans la partie consacrée aux dépenses du système de retraite, vous indiquez : « En réel, les dépenses continueraient à progresser au rythme de 1,4 % en moyenne par an entre 2018 et 2025, puis entre 1,6 % [...] et 1,7 % par an entre 2025 et 2030. » Vous retenez des hypothèses de croissance du PIB de 1,4 % jusqu'en 2025 et de 1,9 % jusqu'en 2030. Cela me paraît un peu optimiste car, au XXIe siècle, par exemple, les moyennes décennales se sont élevées à 1,4 % et 1,3 %. Alors que le nombre de retraités augmente, qu'ils restent plus longtemps à la retraite et que le montant des pensions s'accroît, comment la part des dépenses de retraite dans le PIB peut-elle véritablement rester stable, proche du niveau de 14 % ? J'ai l'impression que tout dépend de vos hypothèses de croissance.
Les parlementaires ne sont évidemment pas soumis à l'obligation de neutralité ; c'est même tout le contraire. Je vais donc vous donner mon avis sans détours : une fois qu'on met au placard les éléments de langage sur la réforme des retraites – l'universalité, la justice, la simplicité –, il reste, en réalité, une règle budgétaire arbitraire dont la variable d'ajustement est la vie des gens, par l'âge auquel ils pourront partir en bénéficiant d'une pension complète. À mon sens, on aurait dû faire tout l'inverse : répondre aux deux questions essentielles que se posent les Français – l'âge de départ et le niveau de pension – et adapter la part des richesses à cet objectif politique.
J'ai lu dans les travaux du COR que le temps passé à la retraite est en train de reculer, malgré l'augmentation de l'espérance de vie. Le confirmez-vous ? Quels seraient les effets sur le temps passé à la retraite d'un recul continuel de l'âge pivot, à 64 puis à 65, 66, 67 ans, et ainsi de suite, comme le prévoit le projet de loi ?
Aujourd'hui, près de 4,8 millions de retraités perçoivent le minimum contributif, dont le bénéfice est soumis à une condition de taux plein, qui peut s'acquérir par l'âge ou la durée d'assurance. Autrement dit, ce droit n'est ouvert que si les salariés ont effectué une carrière complète. Or, actuellement, 40 % des femmes liquident leur retraite au terme d'une carrière incomplète et ne bénéficient donc pas du minimum contributif. Par ailleurs, deux tiers des femmes qui le perçoivent ont dû attendre 67 ans, âge d'annulation de la décote, pour partir à la retraite. Si nous souhaitons que ce dispositif bénéficie effectivement aux assurés ayant connu les carrières les plus heurtées, il est impératif que les femmes puissent en bénéficier. Êtes-vous en mesure de nous renseigner sur le pourcentage de femmes qui sont aujourd'hui exclues du dispositif, parce qu'elles n'ont pas de carrière complète, et surtout, de celles qui le seront demain, dans le cadre du régime universel ?
Monsieur le président du COR, dans votre dernier rapport, vous indiquiez que « 80 % du financement du système de retraite proviennent de cotisations sociales ». Pour le reste, l'État et la branche famille mettent au pot. D'après votre lecture du projet de loi, cet équilibre demeurera-t-il ? L'État apportera-t-il une compensation ? Dans le cas contraire, il restera à trouver 20 % des ressources.
Par ailleurs, l'article 58 du projet de loi définit les ressources du système de retraite, qui sont agglomérées dans un vaste pot commun. Vous avez mentionné le cas de la fonction publique. Les excédents pourraient être compris entre 6 et 7 milliards d'euros. Pensez-vous que le Gouvernement va les laisser dans le pot commun ou qu'ils reviendront dans les caisses de l'État ?
Vous nous avez dit que l'une de vos missions consistait à établir des projections. Vous êtes-vous penchés sur la situation particulière des enseignants, des enseignants-chercheurs et des chercheurs ? Quelles évolutions démographiques cette population connaîtra-t-elle ? On s'est concentré sur la génération postérieure à 1975. On a aussi évoqué les plus jeunes, nés à partir de 2004, qui se destinent aux carrières de l'enseignement et de la recherche. Compte tenu de la revalorisation attendue des rémunérations, pouvez-vous nous apporter vos éclairages sur l'évolution à attendre des équilibres démographiques dans ces professions ?
Je m'étonne que La France insoumise n'ait pas pensé à vous interroger sur ce point essentiel qu'est le jury citoyen du Comité de suivi des retraites ! Vous avez expliqué le mode de fonctionnement de ces jurys, et indiqué leur constat du manque de visibilité du système. Pensez-vous que cette démarche est vraiment pertinente ? Faudrait-il, le cas échéant, la redéfinir ? Les recommandations des citoyens – que vous ne rencontrez certes qu'une journée – vous apportent-elles réellement quelque chose dans vos travaux ?
Je vous demande de ne pas citer de formations politiques dans vos questions ; il n'y a pas de raison de les cibler.
Je souhaiterais vous interroger sur les implications à long terme du passage à trois fois le plafonnement annuel de la sécurité sociale (PASS) de l'assiette de cotisations servant de base au calcul des droits. On peut s'attendre à une hausse des recettes du fait que les retraités bénéficieront certainement moins longtemps du fruit de leurs cotisations et, surtout, percevront des pensions moins élevées du fait du plafonnement. Quel montant d'économies peut-on en attendre sur le système de retraite à long terme ? Par ailleurs, peut-on organiser cette transition de 8 PASS à 3 PASS en étalant le plafonnement dans le temps, de façon à en limiter le coût ?
Comme je vous l'ai dit, je fournis des données, mais je n'ai pas à porter d'appréciation politique directe sur le nouveau système.
Le COR a publié un rapport complet sur la compensation démographique – pour une fois, il y a fait des recommandations, mais elles n'ont eu aucun impact. Il est vrai que ce mécanisme est extrêmement sensible : en modifiant un paramètre, on peut faire passer des centaines de millions d'euros de la caisse des avocats, par exemple, vers la CNRACL, le régime de la fonction publique d'État ou encore le régime général. Ceux qui perdent hurlent mais ceux qui gagnent ne sautent pas au plafond ! Aussi, dans l'administration, la règle est-elle de ne pas toucher à ce dispositif, car il n'y a que des coups à prendre.
Aujourd'hui, la compensation démographique se fait sur une base extrêmement minimale. Quand on a la chance d'exercer une profession présentant une démographie favorable, ce que l'on est susceptible de régler au titre de la compensation démographique reste modéré. Elle est calculée sur une base minimale pour le régime de base et il n'y a pas de compensation au titre du régime complémentaire – ni pour l'AGIRC-ARRCO, ni pour aucune des caisses complémentaires des indépendants, par exemple –, ce qui fait que chacun peut pleinement bénéficier de sa démographie.
Pour rebondir sur ce qui a été dit tout à l'heure au sujet des caisses autonomes, je voudrais rappeler que la question de l'âge de la retraite par répartition se résume essentiellement à un problème de démographie. Je vous ai indiqué le niveau global pour l'ensemble des Français, à savoir 1,7 cotisant pour un retraité, mais vous vous doutez bien que pour les exploitants agricoles ou pour les mineurs, par exemple, ce ne sont pas du tout les mêmes chiffres : il y a des professions où la démographie est moins favorable, et d'autres où elle l'est bien plus.
Bien évidemment, les salariés qui exercent une profession ayant une démographie extrêmement favorable seront défavorisés par une réforme instaurant un système universel, censée aboutir à ce que tous les Français soient soumis à la démographie commune… En termes d'équité, d'un point de vue normatif – kantien, pourrait-on dire –, je suis prêt à soutenir que c'est une bonne chose que nous partagions tous la même démographie, celle de la communauté nationale de la République française, mais les professions qui vont se trouver défavorisées du fait de l'application d'une démographie commune ne vont sans doute pas vous citer Kant : vous risquez plutôt d'entendre parler de leur niveau de retraite !
Pour ce qui est de l'âge de départ à la retraite, dans le cadre législatif actuel, les Français partent en moyenne à un peu plus de 62 ans, et cet âge va augmenter progressivement jusqu'à 64 ans. En effet, aux termes de la « loi Touraine » de 2013, il est prévu que la durée requise pour bénéficier d'une retraite à taux plein augmente jusqu'à la génération 1973 : en 2035-2040, les gens partiront donc à 64 ans.
La durée passée à la retraite connaît actuellement une période de stabilité, après avoir un peu baissé à l'issue de la réforme de 2010. Dans l'hypothèse d'un maintien du système actuel, l'âge de départ à la retraite n'augmentant plus, la durée passée à la retraite serait appelée à augmenter progressivement : selon nos projections, elle devrait atteindre vingt-neuf ou trente ans en 2070.
Si l'on adoptait le principe d'un âge pivot, censé augmenter régulièrement en fonction de l'espérance de vie dans une proportion de deux tiers, un tiers, cet âge évoluerait de manière sensiblement différente. Les calculs correspondants peuvent être effectués facilement et, si nous ne les avons pas encore faits, c'est que nous ne connaissons pas la base de départ, qui ne pourra être déterminée que dans le cadre de la conférence des financeurs – je précise qu'avant cette conférence des financeurs, la base de départ était de 64 ans en 2027, c'est-à-dire pour la génération 1963.
En ce qui concerne la croissance économique, pour les quatre ans qui viennent, nous nous basons sur les prévisions économiques du Gouvernement, ce qui nous mène jusqu'en 2023-2024. Nous utilisons ensuite des hypothèses du COR pour projeter le système de retraite à très long terme. Évidemment, nous ne nous prenons pas pour Madame Irma et ne prétendons pas faire des prévisions, mais simplement des projections servant à alimenter le débat sur les retraites. Ces projections, qui commencent à partir de 2032, sont calées sur quatre hypothèses différentes d'augmentation de la productivité du travail, qui déterminent l'augmentation des salaires et s'établissent respectivement à 1 %, 1,3 %, 1,5 % et 1,8 %. Le scénario à 1 % correspond à ce que nous avons connu entre 2010 et 2018, c'est-à-dire durant la période ayant suivi la crise. Le scénario à 1,3 % correspond à la période 1990-2018 ; quant au scénario à 1,8 %, il correspond à une période plus lointaine, en l'occurrence 1980-2018.
Aujourd'hui, personne ne peut savoir lequel de ces scénarios va s'appliquer dans les années qui viennent. Régulièrement, j'entends dire que nous allons connaître des évolutions technologiques majeures, qui vont permettre d'importants progrès en termes de productivité. Certains expriment même des inquiétudes sur le fait qu'il pourrait ne plus y avoir d'emplois, ou du moins que leur nombre pourrait chuter drastiquement du fait des progrès accomplis en termes de productivité... Je vous avoue franchement que je n'en sais rien ! L'essentiel, c'est que nous disposions de quatre hypothèses paraissant couvrir un champ des possibles raisonnable, et permettant donc d'engager une réflexion en toute connaissance de cause.
C'est ce qu'a fait le Gouvernement, en optant pour l'hypothèse à 1,3 % à l'horizon 2030. Sur la base de cette hypothèse, il reste à établir une transition entre 2023 et 2032, qui constitue le point d'atterrissage. Si cette transition est censée être progressive, elle peut cependant connaître des à-coups. En effet, nous travaillons avec la direction du Trésor, qui retient la notion d'output gap, c'est-à-dire d'écart entre le niveau réel du PIB et la production potentielle. Durant la période de transition couvrant 2023 à 2032, le Trésor ferme l'output gap, ce qui peut être à l'origine de légers soubresauts entre 2025 et 2030.
Je précise également que, pour ce qui est du niveau de chômage, l'hypothèse retenue actuellement est celle du retour à un taux de 7 % en 2032, ce qui n'est pas particulièrement optimiste par rapport à ce qu'a pu envisager le Gouvernement. Si l'on se place à plus long terme pour tenter de savoir si les dépenses de retraite sont stabilisées dans le PIB, on constate que, dans l'hypothèse la plus défavorable – celle d'un taux de 1 % à partir de 2032 –, ces dépenses sont stabilisées, puisqu'elles se retrouvent en 2070 au niveau de 2018 ; dans toutes les autres hypothèses, elles baissent de manière significative en 2070. Sur ce point, je vous renvoie au graphique figurant dans le rapport du COR, montrant une belle courbe qui diminue très progressivement jusqu'en 2070.
Pour ce qui est du bilan de la contribution de l'État, il y a de sa part des apports liés à la compensation de certaines exonérations de cotisations – cela représente un gros montant. Il faut également tenir compte d'autres facteurs, notamment de la nécessité de renflouer certains régimes qui, sans cela, présenteraient un fort déséquilibre. J'ai cru comprendre, à la lecture de l'étude d'impact, que l'État maintenait cette contribution.
Un autre élément très important, que j'ai évoqué tout à l'heure, réside dans le fait qu'en tant qu'employeur, l'État cotise actuellement à hauteur de 74 % pour les fonctionnaires civils. Dans le cadre du système universel, même si l'assiette va un peu s'élargir en prenant en compte les primes, l'État cotisera beaucoup moins, puisque la cotisation complète sera de 28 % comme pour tous les autres salariés, les salariés du public et du privé étant à peu près alignés. C'est l'un des aspects majeurs de la réforme, puisque les sommes dont il est question sont de l'ordre de plusieurs milliards d'euros. L'étude d'impact nous est parvenue trop tardivement pour que nous ayons le temps de l'étudier de façon approfondie, mais il faudrait se pencher sur cette question et établir des tableaux comparatifs avant-après – j'espère qu'ils vous seront communiqués en temps voulu.
Nous travaillons, bien évidemment, sur l'équilibre démographique global, ainsi que sur celui de chacun des régimes. En revanche, nous n'avons jamais travaillé sur l'équilibre démographique spécifique des enseignants-chercheurs. Dès lors, si vous me demandez si la politique de rémunération actuelle va poser des problèmes de recrutement des enseignants-chercheurs, je ne peux vous répondre sans sortir de ma compétence et de ma condition.
Pour ce qui est du plafonnement à 3 PASS et de ce qui se passe entre 3 et 8 PASS, il faut distinguer deux situations. Entre 3 et 8 PASS, il y a à la fois des cotisations qui créent des droits et d'autres qui n'en créent pas – si les premières disparaissent, il faudra honorer les droits qui avaient été constitués dans le passé. À très long terme, cette suppression va plutôt se révéler favorable aux catégories modestes, car, en matière de retraite, c'est celui qui vit le plus longtemps qui gagne : si vous mourez à 60 ans, vous ne profitez pas du tout de vos cotisations retraite, alors que si vous mourez à 90 ans, vous en profitez pendant trente ans. En effet, comme on meurt à un âge qu'on ne peut connaître à l'avance, la retraite est fondée sur un principe de mutualisation des cotisations – ensuite, il y a ceux qui ont de la chance et ceux qui en ont moins...
Les choses ne sont toutefois pas tout à fait aussi simples, car, en réalité, la date de décès ne résulte pas seulement du hasard : il existe pour cela des déterminants statistiques, l'un d'entre eux étant le niveau de revenu. À ce sujet, une étude menée par Nathalie Blanpain, de l'INSEE, a démontré qu'il existe en France une forte corrélation entre le niveau de revenu et l'espérance de vie, apparaissant très tôt – on la constate déjà à 65 ans. De ce fait, quand les plus riches ne participent pas au système de répartition fondé sur le principe qu'un euro cotisé donne les mêmes droits à tous, paradoxalement, cela rend un service aux plus modestes, car il y a moins d'argent à régler aux plus riches. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de plafond pour les cotisations jusqu'à 8 PASS ; dorénavant, il y aura une cotisation de 2,81 % au-delà de 3 PASS. Sur cette tranche, les plus aisés vont donc subir une perte, puisqu'ils cotiseront désormais à 2,81 % sans que cela leur ouvre de droits. Par contre, entre 3 et 8 PASS, il y aura une diminution significative des cotisations. Je ne sais pas si tous ces chiffres figurent parmi les 1 000 pages de l'étude d'impact, mais si vous le souhaitez, nous pouvons vous les communiquer.
Le jury citoyen n'était pas prévu par le texte initial de la loi de 2014 ; il y a été ajouté par voie d'amendement. Il constitue une expérience intéressante, bien que, dans le cadre du CSR, cette forme de participation citoyenne soit assez artisanale : ce tout petit comité ne se réunit qu'une fois et n'a que peu de grain à moudre compte tenu de l'extrême complexité du système. Il n'est pas évident qu'il trouve des suggestions à formuler. En revanche, la consultation citoyenne a pris une très grande ampleur sous l'impulsion du haut-commissaire à la réforme des retraites. En effet, la parole a trouvé à s'exprimer aisément dans ce cadre, où il était demandé aux gens de décrire comment ils voyaient le système de retraite idéal, ce qui est bien plus facile que de devoir exprimer un avis technique sur un système aussi complexe que le système de retraite actuel.
Le temps passé à la retraite fait partie des indicateurs suivis par le comité de suivi des retraites. L'esprit de la réforme de 2003 était de considérer qu'une bonne partie du vieillissement étant due à l'allongement de la durée de vie, il fallait procéder à un partage entre activité et retraite des années de vie supplémentaires, dans une proportion de deux tiers-un tiers. Dans le cadre d'un tel dispositif, la durée du temps passé en retraite ne diminue pas : elle augmente parallèlement à la durée de vie totale.
En 2003, l'instrument de la durée de cotisation était partiel, puisqu'il ne touchait pas tout le monde. De ce fait, dans les années qui ont suivi, la durée de la retraite a progressé plus vite qu'attendu. C'est la réforme de 2010 qui a rabattu temporairement la courbe vers le bas, ce qui fait que, tendanciellement, sur les dix années couvertes, le partage sera resté relativement stable avant que la durée de vie en retraite ne reparte à la hausse.
Ce petit accident, dû au fait que la réforme de 2010 a accompli une partie du travail que la réforme de 2003 n'avait pas fait, met en évidence les limites du pilotage manuel : à procéder à des réformes par à-coups, finalement, il y a toujours des générations qui se trouvent lésées par rapport à celles qui les précèdent, et de façon d'autant plus brutale qu'on a tardé à apporter les ajustements nécessaires. Une fois qu'il a été procédé à ces ajustements, on repart pour une période plus ou moins longue durant laquelle le temps passé au travail et le temps passé en retraite évoluent parallèlement à la durée de vie totale, qui est l'une des clefs du problème du vieillissement démographique.
La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite
Réunion du mercredi 29 janvier à 21 heures
Présents. – Mme Clémentine Autain, M. Thierry Benoit, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Marine Brenier, M. Jean-Jacques Bridey, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Gilles Carrez, M. Lionel Causse, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, M. Olivier Damaisin, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Albane Gaillot, M. Éric Girardin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, M. Régis Juanico, M. Sébastien Jumel, Mme Fadila Khattabi, Mme Célia de Lavergne, Mme Monique Limon, M. Jacques Maire, M. Jacques Marilossian, M. Thierry Michels, Mme Cendra Motin, Mme Zivka Park, M. Adrien Quatennens, Mme Valérie Rabault, M. Hervé Saulignac, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Turquois, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry
Excusés. - M. Thibault Bazin, Mme Danièle Hérin, M. Jean François Mbaye
Assistaient également à la réunion. - Mme Laurence Dumont, Mme Véronique Hammerer, M. Arnaud Viala