La réunion

Source

Lundi 10 février 2020

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

La commission poursuit l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite (n° 2623 rectifié) (M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général, MM. Nicolas Turquois, Jacques Maire, Mmes Corinne Vignon, Carole Grandjean et M. Paul Christophe, rapporteurs).

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Nous poursuivons l'examen du projet de loi instituant un système universel de retraite. Nous avons examiné 5 055 amendements, il nous reste donc 14 497 amendements à examiner.

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Madame la présidente, je souhaitais revenir sur vos propos et dénoncer votre méthode de présidence de cette commission. En effet, vous avez indiqué, suite à une intervention de Mme Autain, qui est libre de ses propos comme je le suis moi-même, en parlant des élus du Rassemblement national : « Ils ne sont pas venus depuis le début du débat. » C'était omettre ma présence, mentionnée dans les comptes rendus de notre commission. Il faut nous laisser la liberté de gérer nos prises de position et nos modalités d'expression, qui sont déjà bien réduites dans cette assemblée ; nous avons choisi de les concentrer dans l'hémicycle, sinon nous serions totalement privés de temps de parole.

Madame la présidente, vous délivrez des fake news pour qu'elles soient reprises sur les réseaux sociaux, et vous avez divisé par deux le temps de parole des députés présents dans cette commission : je vous ai connue mieux inspirée.

Titre II ÉQUITÉ ET LIBERTÉ DANS LE CHOIX DE DÉPART À LA RETRAITE

Chapitre Ier DES TRANSITIONS FACILITÉES ENTRE L'ACTIVITÉ ET LA RETRAITE

Avant l'article 23

La commission examine les amendements identiques n° 7954 de Mme Caroline Fiat, n° 7956 de M. Michel Larive et n° 7961 de M. Adrien Quatennens.

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Je ne fais pas partie de cette commission spéciale, mais comme toute personne élue dans assemblée, je peux assister aux débats où je prends très régulièrement la parole, même si je ne participe pas aux votes.

Je propose de rédiger ainsi l'intitulé du titre II : « Départ à la retraite : travailler plus pour ne pas voir sa retraite baisser ».

Vous ne m'avez toujours pas convaincue sur le fait que Caroline, l'aide-soignante, ne va pas travailler plus pour gagner moins. Dans l'ancien système, elle aurait pu partir à 57 ans, avec une retraite calculée sur ses six derniers mois de salaire, soit environ 1 500 euros ; désormais elle partira à 62 ans avec une retraite calculée sur l'ensemble de sa carrière, c'est-à-dire 1 300 euros. Où est le bénéfice ?

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Ce projet de loi contraint ceux qui ont commencé à travailler jeunes à reporter leur départ à la retraite. Chez les agriculteurs notamment, les jeunes reprennent souvent l'exploitation de leurs parents au sortir du lycée, à 18 ou 20 ans, grand maximum. Il leur faudra désormais, s'ils sont nés en 2000, aller jusqu'à 65 ans et 2 mois, au lieu de 64 ans et 6 mois aujourd'hui. Ce régime n'a rien d'égalitaire, il n'a rien d'équitable, il n'a surtout rien d'universel ni rien d'équilibré ; il n'est pas du tout sérieux. Soyons raisonnables et réalistes : votre réforme doit être retirée.

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L'intention réelle de ce gouvernement est bien d'abaisser le niveau des pensions puisqu'il faudra travailler plus longtemps pour atteindre un même niveau de pension. Nous aurons, sur ce titre II, l'occasion d'avoir à ce sujet des débats tout à fait passionnants.

Monsieur Chenu, vous avez raison : le bureau de la commission a divisé par deux le temps de parole des parlementaires, et nous l'avons regretté. Mais vous avez choisi de limiter votre temps de parole encore davantage, en le réduisant quasiment à néant : sans doute privilégiez-vous l'hémicycle parce que cela fait de plus belles images qu'en commission...

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Grâce à vous, madame Fiat, je viens de faire connaissance avec Caroline, mais si M. Turquois n'a pas réussi à vous convaincre, compte tenu de la hauteur à laquelle il a placé la barre, je me vois mal réussir là où il a échoué...

Cela étant, je trouve que votre intitulé a du sens. Il me rappelle un certain « travailler plus pour gagner plus »...

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..mais il ne reflète pas exactement la philosophie du titre qui vous est proposé. Nous aurons tout le loisir, pendant les quelques heures que nous allons passer ensemble d'analyser les mesures de solidarité et d'équité qu'il contient. Je n'en dis pas plus à ce stade, mais j'émets un avis défavorable.

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Le titre proposé ne fait évidemment pas très envie, mais il est sûrement plus conforme à la à la réalité de ce qui suit. Certains persistent à nous présenter cette réforme comme assez miraculeuse, mais une de ses lignes de force est de reculer l'âge de départ à la retraite à taux plein : cela aura une incidence sur l'âge de départ pour toute une partie de la population, mais également sur le niveau des pensions pour l'autre partie.

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En préambule, je voudrais dire que nous n'avons pas à juger de la présence ou de l'absence des uns et des autres ; chaque groupe se gère comme il veut, et La France insoumise a, par exemple, choisi de déposer 19 000 amendements, soit 1 117 amendements par député. Tout cela relève de la liberté de chacun.

L'intitulé du titre II, « Équité et liberté dans le choix de départ à la retraite », témoigne du talent des communicants du Gouvernement. La liberté de partir à 60 ou à 62 ans sera en effet fonction du niveau de pension, ce qui n'est pas une vraie liberté ; quant à l'équité, elle me semble contredite par la différence entre les taux de conversion selon les professions. Afficher ce principe constitutionnel en tête du titre II n'est donc pas conforme à la réalité du texte.

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Chacun aura compris depuis le début des débats que votre principale obsession est de reculer l'âge de départ effectif à la retraite. Mme Dalloz a eu raison de souligner que le taux de rendement sera différent pour les salariés et pour les indépendants, ce qui constitue à l'évidence une rupture d'égalité.

Je fais en outre observer que l'âge de départ à la retraite est fixé à 62 ans mais que, dans l'article 57, vous prévoyez néanmoins la possibilité de jouer sur l'âge d'ouverture des droits à la retraite : quelles sont les intentions réelles du Gouvernement ?

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques n° 7971 de Mme Caroline Fiat, n° 7973 de M. Michel Larive et n° 7978 de M. Adrien Quatennens.

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Je suis un peu déçue que le rapporteur parte battu d'avance au motif que M. Turquois n'a pas réussi à convaincre... Je me tourne donc vers vous, monsieur le secrétaire d'État : ainsi que vous le savez, je fais grand usage du simulateur du Gouvernement – au point que mon adresse IP sort en première position, paraît-il. Or toutes les simulations m'indiquent que je vais travailler plus longtemps pour avoir une pension réduite. D'où mon amendement.

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Nous proposons d'intituler le chapitre Ier : « Des transitions facilitées entre l'activité et le cercueil ». L'âge légal de départ en retraite est fixé à 62 ans, mais vous fixez l'âge pivot à 65 ans. Or l'espérance de vie en bonne santé des Français est de 63 ans, ce qui est déjà en deçà. Que penser alors des d'égoutiers, victimes d'une surmortalité due notamment aux gaz, méthane et autres, qu'ils inhalent : ils partent à 52 ans, ce qui est tout à fait normal ; en 2010, c'était à 50 ans. Mais demain, ils partiront à 65 ans ! Vous ferez encore des économies, dans la mesure où la plupart d'entre eux ne seront plus de ce monde !

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Les manifestants ont fait preuve de beaucoup de créativité pour exprimer leur perception de ce projet de loi. C'est ainsi que l'on a pu observer à de nombreuses reprises des pancartes « Métro, boulot, caveau » ou « Yes, we canne » – du verbe « canner »... Les gens ont donc bien l'intuition qu'ils vont partir en retraite abîmés, en tout cas plus proches des moments où les pépins de santé arrivent. Pour nous, la retraite est un nouvel âge de la vie, matière à une réflexion quasi philosophique sur ce qu'il convient de faire de ce temps. Ce n'est manifestement pas votre point de vue, et vous considérez plutôt ce temps comme un résidu d'existence, après toute une vie de travail usant.

L'espérance de vie ayant augmenté, vous en déduisez qu'il faudrait travailler toujours plus longtemps, sans tenir aucun compte du fait que non seulement elle stagne désormais, mais que personne ne peut préjuger des conséquences de la pollution et des pesticides que nous avalons.

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Ce titre aborde le sujet important de la transition entre vie professionnelle et retraite. C'est un sujet qui nourrit le dialogue social et qui intéresse autant les entreprises que les salariés : on sait combien il peut être déstabilisant de passer brutalement de la vie active à la retraite, au risque de créer des drames, de la dépression. Nous entendons donc prendre en considération cette demande sociale et la possibilité, pour son propre bien, mais aussi pour celui de l'entreprise et de son entourage professionnel, terminer sa carrière de manière progressive. Il me semble donc que, vis-à-vis des générations de syndicalistes qui se sont battus pour obtenir que soit inscrit dans les conventions collectives ce dispositif de retraite progressive, la formulation que vous proposez pour ce chapitre n'est pas réellement acceptable.

En ce qui concerne les égoutiers, monsieur Larive, j'en ai abondamment parlé ces derniers jours et je n'y reviendrai pas ici.

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Il n'a pas dû vous échapper que les trois films qui cartonnent actuellement illustrent, chacun à leur manière, la crise sociale majeure que traverse le capitalisme : Parasite, Joker, Les Misérables – on dit même qu'Emmanuel Macron a été bouleversé par ce dernier. Tous trois illustrent l'exaspération du peuple qu'on humilie et qui se sent chaque jour un peu plus abaissé. En tant que député, je me suis fixé comme objectif de donner voix à ceux qui n'ont pas souvent la parole dans notre société. J'ai donc décidé de donner, à partir de demain, la parole sur mon Facebook à une infirmière de nuit, un électricien de maintenance de l'automobile, un releveur de compteur, une aide-soignante, une trieuse de verre, un verrier au bout chaud, un marin du Transmanche – où l'on sort pour des marées de quinze jours –, une opératrice de ligne dans l'agroalimentaire – chez Nestlé pour ne pas le citer –, un éboueur, un égoutier, à tous ces métiers où on n'a pas la même espérance de vie que tout le monde. Parce qu'ils font un métier pénible, parce qu'ils ont conscience que votre réforme va abîmer leur vie. Je vous invite donc à les écouter dès demain.

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Dans les arguments utilisés par la majorité et par Emmanuel Macron lui-même, y a cette phrase que vous connaissez par coeur et qui a envahi nos cerveaux : comme on vit plus longtemps, il faudra travailler plus longtemps. N'allez pas me faire dire qu'en s'arrêtant de travailler à 18 ans on vivrait plus longtemps, mais c'est notamment à mesure qu'on a reculé l'âge du travail que l'espérance de vie a augmenté. Il y a donc un lien entre le travail et l'espérance de vie, mais rien d'évident à ce qu'il faille travailler plus longtemps au motif que l'on vit plus longtemps. Quand bien même, d'ailleurs, on vous suivrait sur ce terrain, on voit que cela n'est pas applicable dans la réalité si l'on considère le taux de chômage des seniors, que votre projet de loi va aggraver – c'est ce que dit le Conseil d'État.

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Si nous faisons de la politique, c'est pour embêter les gens, mais pour tenter d'améliorer leur vie.

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Vous nous donnez sans arrêt des leçons ; mais j'ai, moi aussi, été maire pendant seize ans, j'ai rencontré des gens dans la détresse, pour qui nous avons essayé d'arranger les choses. Vous n'avez pas le monopole du contact avec le peuple, monsieur Jumel.

Par ailleurs, ces amendements me donnent le frisson. Parler de cercueil est particulièrement choquant, j'y vois comme une insulte. C'est un manque de respect à l'endroit des élus que nous sommes.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

J'entends ce qu'a dit le rapporteur sur la nécessité d'éviter une rupture brutale entre la vie professionnelle et la retraite. Mon expérience professionnelle et le fait d'avoir accompagné un certain nombre de collaborateurs qui prenaient leur retraite me confortent dans l'idée que la progressivité est une bonne chose.

En ce qui concerne l'âge légal, nous avons bien compris qu'il y avait d'autres options que celle que nous proposons. Cela étant, nous avons opté pour le maintien de l'âge légal à 62 ans, pour tous ceux qui le souhaiteraient. Mais nous sommes aussi conscients que, pour que notre système par répartition puisse produire de nouveaux droits et recréer une solidarité durable, il doit être à l'équilibre, et donc être financé ; d'où l'introduction de la notion d'âge d'équilibre. Il n'en reste pas moins que chacun doit pouvoir choisir en toute liberté et en toute connaissance de cause ; notre système de retraite universel par répartition et par points sera plus facile à lire et permettra donc de prévoir son niveau de pension.

La commission rejette les amendements.

Article 23 : Âge minimum de départ à la retraite

La commission est saisie des amendements de suppression n° 405 de M. Stéphane Viry, n° 8056 de Mme Caroline Fiat n° 8058 de M. Michel Larive, n° 8063 de M. Adrien Quatennens et n° 22236 de Mme Marine Le Pen.

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L'étude d'impact de la réforme des retraites de 2010 analysait l'application de la décote en fonction de l'âge et en tirait les conclusions suivantes : « Le Gouvernement écarte toutefois une telle option, car elle est incompatible à la fois avec l'objectif de ne pas baisser les pensions de retraite et avec celui de simplifier les règles applicables. » Vous tentez, au contraire, de nous convaincre que vous allez simplifier les règles mais sans baisser le niveau des pensions, ce qui est leurre total.

Nous restons pour notre part cohérents avec ce que nous défendions en 2010 et proposons de conserver une mesure d'âge en la fixant non pas à 62 ans, ce qui est un leurre, mais, de manière plus courageuse, à 64 ans. Nous parlerons de la pénibilité dans les articles suivants. Si l'on veut financer des mesures de pénibilité, il faut avoir les moyens non seulement de financer l'équilibre du régime mais de dégager en outre des excédents destinés à ces mesures. C'est la raison pour laquelle l'amendement n° 405 demande la suppression de l'article.

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Rien de tel que vos propres chiffres pour vous prouver que cet article est effectivement un leurre : selon le simulateur du Gouvernement, un salarié au SMIC, né en 1980 et qui aura 40 ans en 2020, toucherait dans le système actuel 914 euros à 62 ans, mais seulement 891 euros avec le système universel ; à 63 ans, il toucherait 997 euros dans le système actuel contre 978 avec ce que vous proposez ; il ne serait gagnant qu'à partir de 65 ans...

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Les droits à pension que vous ouvrez à 62 ans sont des droits à pension dégradés, et il faudra travailler jusqu'à 65 ans pour toucher une retraite complète, d'autant plus que les droits se calculeront désormais sur une carrière complète au lieu de vingt-cinq ans aujourd'hui pour le privé et six mois pour le public. Vous spoliez doublement les futurs retraités.

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Bien que nous soyons en radical désaccord avec eux, je salue de nouveau la clarté de nos collègues des Républicains et la cohérence de leur démarche : ils souhaitent une mesure d'âge, avec l'objectif que les gens travaillent plus longtemps. Si cela peut les rassurer, ce que vous faites n'est pas franchement différent, à ceci près que vous ne l'assumez pas. Osez dire aux Français, monsieur le ministre, qu'avec votre réforme, ils n'auront pas intérêt à partir à la retraite à 62 ans, parce qu'ils subiront dans ce cas une décote très importante, décote qui va d'ailleurs persister au-delà de l'âge d'équilibre, contrairement à ce qu'avait déclaré la porte-parole du Gouvernement. Il faut être clair : votre projet de loi repose sur la mise en place d'une mesure d'âge ; c'est en quelque sorte une vaste réforme paramétrique, presque mécanique.

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L'amendement de suppression n° 22236 nous permet de rappeler la position du Rassemblement national. Nous défendons la possibilité de partir dès que les quarante annuités sont atteintes et, si les personnes ayant pratiqué des métiers pénibles – ouvriers, mineurs, personnels soignants, etc. – ont la possibilité de partir à 60 ans, tant mieux : lorsqu'on a commencé à travailler tôt, partir à 60 ans n'est pas un luxe.

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Mme Dalloz a raison de souligner la clarté de la proposition qu'elle défend, qui vise simplement à augmenter l'âge légal ; la gauche n'a pas toujours eu la même franchise quand elle maintenait l'âge légal mais en augmentant le nombre d'annuités, avec un effet quasi équivalent. Quant à nous, nous avons fait un choix différent, celui de réaffirmer le fait que nous nous ne touchons pas à l'âge légal, fixé à 62 ans depuis 2010, et maintenu à l'article 23, tout en développant, voire en généralisant un certain nombre de dispositifs de départ anticipé.

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Il s'agit là, chacun l'aura compris, d'une demi-vérité qui vous permet de faire semblant d'honorer une promesse de campagne, formulée du reste à dessein, afin précisément de vous permettre ce type d'entourloupe. L'âge d'ouverture du droit à la retraite demeure fixé à 62 ans, mais c'est en réalité un âge de départ anticipé, avec décote. Vous inventez ensuite un âge d'équilibre – équilibre dont je rappelle qu'il est celui du système global, et non celui qui définirait le temps de retraite individuel de chacun – qui sera repoussé de génération en génération, augmentant d'autant les mécanismes de décote. Voilà le système auquel nous aboutissons et qui se cache derrière l'insincérité avec laquelle vous présentez les choses.

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Je voudrais remercier monsieur Mattei pour sa remarque sur la référence au cercueil, effectivement assez choquante.

Parmi les multiples questions que pose votre réforme des retraites, figure celle du coût préalable pour la démarrer : car qui va payer pour une réforme dont certains points vous échappent ? Une chose est de brandir les grands et beaux principes d'universalité et de justice sociale, une autre est de se frotter au réel. Il faut clarifier la question de l'âge de départ. La vérité impose de dire aux Français qu'il faudra travailler plus longtemps, comme l'ont fait nos voisins européens. Nous développerons notre projet en ce sens dans un amendement à venir.

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Le Gouvernement est-il hypocrite au point de vouloir faire croire qu'il a gagné la bataille contre le chômage des seniors ? Si je pose la question, c'est en écho aux propos du Président de la République en avril 2019 : « Alors, on va dire : "Maintenant, il faut passer à 64 ans ?" Vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans. Les gens vous disent : "Les emplois ne sont plus bons pour vous." C'est ça la réalité. On doit d'abord gagner ce combat avant d'aller expliquer aux gens : "Mes bons amis, travaillez plus longtemps." Ce serait assez hypocrite. »

Cette hypocrisie, vous avez décidé de la faire vôtre : rien ne permet de dire que ceux que vous inciterez à travailler plus longtemps en auront la possibilité. Ils auront le choix entre une décote extrêmement forte de leur retraite et l'assurance chômage, car vous changez une règle fondamentale de 1945 : pour la première fois, on ne calculera plus votre retraite sur le nombre d'années de cotisation, mais sur votre âge de départ à la retraite. Cela va créer des inégalités considérables entre des gens nés la même année.

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Certains de nos collègues se disent choqués par un amendement qui contient le mot cercueil. Mais il ne fait que refléter ce que ressentent les gens et ce qu'ils écrivent sur leurs pancartes, quand ils défilent en masse dans les rues ; ce que moi, je trouve choquant, violent, révoltant, c'est de créer les conditions pour obliger les Français à travailler toujours plus longtemps. Plus insupportable encore, votre décision de maintenir un âge de départ dit légal à 62 ans, alors que vous savez pertinemment que, dans les conditions que vous proposez, il vaudra mieux ne pas s'arrêter de travailler à 62 ans. Mais le pire, c'est que vous faites tout cela en prétendant faire une réforme de justice sociale, universelle. Non seulement votre réforme est dure et violente, mais surtout, vous ne l'assumez pas : voilà ce qui est choquant et révoltant. C'est pourquoi je vous demande d'avoir un peu moins de pudeur s'agissant des mots choisis dans un amendement.

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Il y a déjà des gens qui choisissent de partir avant l'âge légal, avec une décote, voire avant l'âge pivot institué dans le régime AGIRC-ARRCO. Certains connaissent la décote, d'autres la découvrent au moment de prendre leur retraite – c'est ce qui est arrivé à pas mal de monde en 2019 parce que les négociations et l'accord signés par les partenaires sociaux n'étaient pas connus de tous. Notre projet consiste à garantir cet âge légal de 62 ans et à permettre aux gens de partir avant ou après.

Enfin, je suis très contente que M. Chenu soit parmi nous ce soir : il nous démontre que le projet du Rassemblement national a beaucoup de similitudes avec celui de La France insoumise, notamment sur les quarante annuités. (Protestations sur les bancs du groupe La France insoumise.)

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Si cette grande transformation de notre système de retraite contenait en germe autant de points négatifs que vous le soulignez, on ne serait pas ici en train d'en débattre. Monsieur Quatennens, vous prenez à témoin vos collègues Les Républicains en leur disant qu'ils devraient se réjouir de cette réforme parce que vous y voyez une réforme paramétrique permanente. Si c'était le cas, j'imagine qu'ils n'auraient pas manqué, depuis une semaine, de m'envoyer force encouragements et de féliciter le Gouvernement. Je comprends que vous puissiez vous retrouver sur certains points, car vous avez besoin d'alliés, mais je ne suis pas sûr qu'en l'espèce ils aient vu dans le projet que je porte la même chose que ce que vous avez décrit.

Il faut faire confiance aux Français et admettre qu'ils peuvent, en connaissance de cause, dans la mesure où ils informés, choisir de prolonger ou non leur vie professionnelle, en fonction notamment de leur métier – le rapporteur a souligné tout à l'heure qu'il y avait de nombreuses possibilités de partir à d'autres moments qu'à l'âge légal ou à l'âge d'équilibre. Et toutes ces possibilités vont se concrétiser grâce à ce projet de loi.

La commission rejette les amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques n° 7988 de Mme Caroline Fiat, n° 7990 de M. Michel Larive et n° 7995 de M. Adrien Quatennens.

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Je profite de cet amendement, qui veut supprimer l'alinéa 1, pour alerter M. le secrétaire d'État sur le fait que tous mes cas-types préférés ont disparu du simulateur du Gouvernement, même Marie l'infirmière, ce que je trouve particulièrement scandaleux... Je dis en souriant, mais je suppose que c'est par pure taquinerie ! Pourriez-vous remettre sur le site tous ces cas-types, aides-soignantes et infirmières, puisque mon adresse IP indique que je suis celle qui fréquente le plus assidûment votre site ?

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Nous réaffirmons la possibilité du départ à la retraite à 60 ans, notamment grâce à l'instauration de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, qui augmenterait automatiquement les cotisations et contribuerait à équilibrer financièrement le système. On a dit qu'un frisson aurait traversé cette assemblée : moi, c'est cette réforme qui me donne le frisson, surtout pour les générations à venir. S'émouvoir, comme vous le faites, de la réalité qui découlera de la réforme que vous soutenez frise l'indécence.

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Monsieur le secrétaire d'État, nous avons bien compris que pour parvenir à équilibrer le système, vous faites de l'âge la variable d'ajustement. Je suis comme vous soucieux d'équilibre et je peux vous mettre en place, pour financer le système de retraite, le salaire d'équilibre, le taux de cotisation d'équilibre, et pourquoi pas le niveau de dividendes versés aux actionnaires d'équilibre... Il existe plein d'autres variables que l'âge !

Enfin, madame Motin, vous pourriez vous passer de ces rapprochements entre des formations politiques adversaires. Mis à part le fait que le Rassemblement national défend la retraite à 60 ans, nous sommes loin de son contre-projet qui ne dit rien de son financement. À entendre Mme Le Pen en effet, il suffirait de signer un décret pour le retour au plein emploi. Vous pourriez au moins reconnaître, même si vous n'êtes pas d'accord avec La France insoumise, que nous faisons un travail sérieux sur le sujet.

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Avis défavorable : ces amendements n'ont d'autre but, en supprimant un alinéa, que de rendre l'article 23 inopérant.

Monsieur Quatennens, à chaque qu'intervention, vous dites une chose et son contraire. Nous assumons l'instauration de l'âge d'équilibre parce qu'il n'y a pas d'argent magique. Il est nécessaire de trouver un équilibre d'une manière qui soit socialement juste.

Madame Fiat, outre la notion de décote en dessous de 65 ans, vous oubliez quelque chose qui n'existe pas dans le système actuel : le départ à taux plein à 65 ans... Il faut attendre 67 ans. Ce qui, ainsi qu'on vous l'a expliqué à plusieurs reprises, évitera d'avoir à maintenir dans l'emploi des gens en situation difficile.

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Cet article, c'est normal qu'il nous énerve car c'est La Vérité si je mens ! Toutes les simulations sur l'âge d'équilibre que vous assumez clairement nous conduisent à mesurer que l'âge de départ à la retraite sera repoussé. Avec les projections du rapport Delevoye, je pourrai partir en 2022 à 62 ans et 4 mois si je suis né en 1960, et à 66 ans et 3 mois si je suis né en 1990. Avec les projections du Gouvernement, on partira à la retraite à l'âge de 64 ans à partir de 2027. Il y a d'un côté une promesse électorale et de l'autre une remise en cause, par le biais du malus, de l'âge légal de départ à la retraite. Assumez-le ! Libérer, délivrer, autoriser, permettre, vous nous le servez à toutes les sauces... Mais vous vous foutez de la gueule de qui ? C'est comme dans le sketch de Palmade : préférez-vous qu'on vous coupe l'oreille droite ou l'oreille gauche, ou moins l'une que l'autre ? Quand on dit à quelqu'un qui n'a pas de ronds et un petit salaire qu'on va amputer sa pension s'il part plus tôt à la retraite, il a vite fait de comprendre qu'il ne pourra pas vivre et qu'il va devoir travailler un peu plus longtemps. Le voilà, votre projet : la vérité si je mens !

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Depuis deux ans et demi, le phénomène de ruissellement a bien lieu, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il vient contredire les lois de la gravitation puisqu'il se fait plutôt à l'envers... Ce sont en effet les plus modestes qui payent le plus cher les conséquences de votre politique et les plus hauts revenus qui en bénéficient !

Monsieur Maire, vous avez raison, il n'y a pas d'argent magique ; mais dites-le d'abord aux très riches, aux actionnaires qui ont été bien gavés avec les mesures prises par ce Gouvernement ! Si vous mettez de la tôle dans un hangar mais qu'il n'y a pas de travail humain derrière, il y a peu de chances pour qu'il en sorte des bagnoles. De la même manière, si vous mettez de l'argent dans un coffre et que vous revenez trois mois plus tard, le capital n'aura pas fructifié s'il n'y a pas eu de travail humain. Seul le travail humain produit. La question qui nous est posée autour du financement des retraites est bien celle de la répartition des richesses. Nous soutenons qu'il est possible de financer un système de retraite permettant de garantir un âge de départ et un niveau de pension, mais à la condition, que vous ne voulez pas admettre, de mieux répartir les richesses – je ne parle pas de confisquer. Moins de 5 % de la richesse produite profite aux salaires. Jamais vous ne relancerez l'activité d'un pays dans ces conditions.

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À ce moment de la discussion, il est opportun de rappeler quelques faits historiques. Avant 1981, les Français partaient majoritairement en retraite à l'âge de 65 ans. Le gouvernement de 1981 a proposé la retraite à 60 ans : cela a tenu une législature... Dès le 15 avril 1991, le Livre blanc sur les retraites préfacé par Michel Rocard annonce que la retraite à 60 ans est un échec, un mauvais choix politique qu'il faudra corriger dans les meilleurs délais !

Je me souviens fort bien des débats qui ont eu lieu sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy lorsqu'on a proposé de décaler l'ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans. C'était une mesure très difficile, que j'ai soutenue et votée. Comme vient de le rappeler M. Jacques Maire, un certain nombre de Français sont d'ores et déjà contraints de travailler jusqu'à 67 ans. J'ajoute que lorsque Nicolas Sarkozy et François Fillon ont proposé en 2010 de décaler l'ouverture des droits à 62 ans, bon nombre de députés de gauche, dont certains sont aujourd'hui dans la majorité, avaient juré la main sur le coeur que sitôt de retour au pouvoir, ils rétabliraient la retraite à 60 ans. Ils ne l'ont jamais fait et ne le feront jamais.

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Puisqu'il me reste un peu de temps de parole...

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..je rappelle que des aménagements sont prévus pour les carrières longues, les métiers pénibles, les carrières hachées, les arrêts maladie, les congés maternités, les périodes de chômage et pour les aidants qui s'occupent des enfants handicapés ou des personnes âgées.

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Il est clair que vous assumez de ne pas assumer... En réalité, cela revient à ne rien dire du tout. Vous assumez d'allonger l'âge de départ à la retraite tout en ne l'allongeant pas mais en jouant sur les taux de pension. Tout cela n'est pas clair...

Une vraie réforme des retraites doit être efficace en termes de financement et de justice, mais il n'y aura jamais aucune efficacité en matière de justice sans efficacité financière. Le plus juste, c'est de partager correctement les choses entre les générations et de dire exactement de quoi il s'agit, c'est-à-dire assumer de repousser l'âge de départ à la retraite. C'est ce qu'on fait d'autres pays l'ont fait et nous-mêmes en France en 2010, mais les circonstances nous obligent à aller plus loin.

Au contraire, avec votre réforme, vous abaissez l'âge de la retraite en faisant passer l'âge pivot de 67 à 64 ans, ce qui est une grande première. Ce serait bien si cela assurait l'équilibre, mais ce n'est pas le cas du tout. C'est une vision injuste, déséquilibrée, tout sauf responsable.

Évidemment, quand on assume d'augmenter l'âge de départ à la retraite, il faut prévoir des mécanismes adaptés pour tenir compte de la pénibilité, comme les carrières longues.

Enfin, l'AGIRC-ARCCO a institué une sorte d'âge pivot light par rapport à ce que vous faites pour un certain nombre de raisons. Mais ce système ne fonctionne pas bien, il ne décale pas l'âge de départ à la retraite.

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Nous sommes là dans l'hypocrisie totale que j'évoquais tout à l'heure. Cette proposition est la trahison même de la parole présidentielle. Vous n'avez pas réglé la bataille de l'emploi des seniors qui était le préalable, à croire le Président de la République, au recul de l'âge de départ à la retraite. Ce que vous proposez aux Français les plus modestes et les plus précaires dans l'emploi à la fin de leur carrière, c'est le choix entre le chômage et la décote, autrement dit entre la petite vie ou la petite vie... Non seulement vous escamotez le dispositif des carrières longues, on le verra tout à l'heure, mais votre système de prise en compte de la pénibilité est indigent : en supprimant en 2017 des critères de pénibilité, vous avez fait sortir des centaines de milliers de travailleurs du dispositif. Assumez au moins la part d'inhumanité qu'il y a dans ce projet !

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Monsieur Jumel, je suis plus inspiré par Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes ou par la magnifique musique de Good Bye, Lenin ! que par La Vérité si je mens !

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L'auteur habite à Dieppe : je peux vous le faire rencontrer, il est extraordinaire !

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Décidément, nous avons plein de points communs !

J'en viens à la minute Ambroise Croizat, car on ne l'a pas suffisamment cité aujourd'hui. Quand le ministre communiste du travail a mis en place, en 1945, les ordonnances créant le système de retraite, l'âge de départ à la retraite était de 65 ans alors que l'espérance de vie des hommes était de 61,6 ans – autrement dit inférieure à l'âge de départ à la retraite – et celle des femmes de 66 ans.

Projetons-nous un peu plus loin : 1981 voit un progrès social puisque l'âge légal de la retraite passe de 65 à 60 ans. À l'époque, l'espérance de vie des hommes était de 77 ans. Autrement dit, quelqu'un qui prenait sa retraite à l'âge de 60 ans pouvait statistiquement vivre encore dix-sept ans. Aujourd'hui, l'espérance de vie va bientôt atteindre 85 ans. Avec un âge légal de départ à la retraite à 62 ans, l'espérance de vie à la retraite est donc de vingt-trois ans.

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Au vu de ce constat et comme le système n'est pas équilibré, on pourrait décider de repousser l'âge de départ à la retraite, comme le proposent les députés du groupe Les Républicains. Ce n'est pas notre choix.

Monsieur Vallaud, vous et moi avons voté la réforme des retraites de Marisol Touraine lors de la législature précédente...

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Vous travailliez à l'Élysée à l'époque, considérons que c'est presque pareil ! Nous avons repoussé l'âge légal de départ à la retraite lors de la législature précédente, et chaque année, je travaille un trimestre de plus pour pouvoir atteindre l'âge du départ à la retraite. Notre projet de loi ne touche pas à l'âge légal de départ à la retraite qui reste à 62 ans.

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Vous n'avez pas repoussé l'âge de la retraite avec Marisol Touraine...

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Dans son avis, le Conseil d'État indique grosso modo qu'il n'y a plus de régime universel. Il y a déjà cinq régimes particuliers – à mon avis plutôt six. Comment s'applique l'article 23 au regard de ces régimes particuliers ?

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

Madame Fiat, je viens moi-même de vérifier sur ma tablette que le cas « infirmière, vie active, 22 ans » n'a pas disparu de notre site – même s'il n'est effectivement plus indiqué « Marie ».

Actuellement, il faut une durée d'activité de quarante-trois ans pour toucher une retraite à taux plein. Certes, celle-ci peut être modulable, mais ne me racontez pas que la majorité des cas sont dérogatoires. Comme je l'ai expliqué à plusieurs reprises la semaine dernière, si l'on entre dans la vie active entre 21 et 22 ans, – 21 ans pour les moins qualifiés et 22 ans pour les plus qualifiés –, l'âge de départ à la retraite se situera entre 64 et 65 ans. Vous pouvez contester cela cinquante fois, mais c'est la réalité et chacun peut le vérifier sur sa tablette, pour peu qu'elle fonctionne.

Je reprends le cas-type que vous avez évoqué, madame Fiat. Il s'agit du tableau 48 de la page 205 de l'étude d'impact, qui montre qu'un salarié de la génération 1980 devra effectivement travailler jusqu'à l'âge de 65 ans pour voir une augmentation significative de sa pension de retraite. Comme vous l'avez reconnu vous-même, et je vous en remercie, s'il part à la retraite à 63 ou 64 ans, le montant de sa retraite sera le même, à 10 euros près, hors système universel ou avec le système universel. Mais vous auriez pu poursuivre dans la transparence en signalant que les dynamiques étaient très en faveur du système universel de retraite pour les générations 1990 et 2003, et ce même avant 65 ans. Je comprends ce que vous voulez dire, mais vous voyez bien que les cas sur lesquels nous travaillons ensemble montrent que l'effet redistributif fonctionne bien et mieux. Nous avons l'ambition de permettre aux Français qui le souhaitent de travailler un peu plus, ce qui entraîne des pensions de retraite significativement plus élevées. Mais nous allons aussi examiner les cas de ceux qui ne peuvent pas travailler davantage ou qui sont confrontés à des situations particulières.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques n° 8005 de Mme Caroline Fiat, n° 8007 de M. Michel Larive et n° 8012 de M. Adrien Quatennens.

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Monsieur le secrétaire d'État, je n'ai pris que l'exemple de la génération 1980, mais rassurez-vous : j'aborderai les autres cas-types demain, tout au long de la journée, puis en séance publique. Si je les évoque tous maintenant, je ne saurai plus quoi faire ensuite... Reste que jusqu'à présent, lorsque je cliquais sur « salarié d'un régime spécial », j'obtenais les cas de l'aide-soignante, de l'infirmière, etc. Mais maintenant, on me répond : « Les parcours-types seront présentés à l'issue de la concertation sectorielle en cours sur les modalités de transition au sein du système universel. » Je ne sais toujours pas où est passé le cas de Marie... Peut-être avez-vous déjà retiré les salariés d'un régime spécial.

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62 ans, c'est l'âge auquel vous ouvrez le droit à une retraite précaire ; 65 ans, celui auquel les salariés auront véritablement le droit de partir à la retraite à taux plein : voilà la réalité de votre texte. Ce n'est pas une fatalité, mais un choix politique. Pour notre part, nous maintenons qu'il est possible de partir à l'âge de 60 ans, notamment si l'on revalorise les salaires, comme cela s'est déjà produit. Cela avait augmenté les cotisations et permis que les caisses de retraite soient à l'équilibre.

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M. Benoit nous a dit qu'on avait dû renoncer à la retraite à 60 ans, a priori parce que cette mesure ne tenait pas debout économiquement. Mais peut-être conviendrait-il de savoir de combien la productivité a augmenté depuis cette époque. Quel volume de richesse supplémentaire produit-on depuis ? Et quelle part est passée au capital ?

Il nous a expliqué à quel point il lui avait été difficile de voter des lois reculant l'âge de départ à la retraite. Je veux, sans trop d'ironie, soulager sa peur en lui assurant qu'il est possible de financer la retraite à 60 ans. Je peux entendre que ce choix ne soit pas retenu par la majorité, mais pourquoi le refuser s'il est finançable ? Financer la retraite à 60 ans à un bon niveau de pension représente 2 points de produit intérieur brut (PIB) supplémentaires d'ici à 2040. Si c'est faisable, pourquoi le refuser ? Qui voulez-vous protéger ?

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Monsieur Vallaud, le taux d'activité des seniors est vraiment l'une des conditions d'évolution et de transformation de notre pyramide d'âge actif. Des dispositifs sont prévus, comme le cumul emploi-retraite et la préretraite progressive. Mais cela ne suffit pas. C'est pourquoi c'est un des grands sujets actuellement en discussion entre partenaires sociaux, sur la base de la contribution du rapport Bellon. Nous aurons probablement l'occasion d'y revenir d'ici à l'examen du texte en séance publique.

Oui, nous assumons le fait qu'il faut plutôt gérer nos dépenses sociales en essayant de les affecter là où c'est important. Aujourd'hui, si on veut financer le minimum contributif et la baisse de trois ans de la retraite à taux plein pour les carrières difficiles, il faut faire en sorte que les Français travaillent globalement un peu plus. Nous ne cachons rien, monsieur Woerth : ce « un peu plus » est chiffré dans l'étude d'impact. Selon les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR), il faudra travailler jusqu'à 64 ans en 2030 et 64,5 ans en 2040. On le voit, cet impact n'est pas spectaculaire et très variable suivant les catégories.

Défavorable.

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Monsieur Véran, j'ai retrouvé l'étude d'impact de la réforme de Mme Touraine, qui faisait 439 pages.

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Mais il ne s'agissait pas d'une réforme systémique. Elle était bien plus détaillée que la vôtre, plus sincère, et surtout elle ne ment pas sur l'âge. Le taux d'activité des femmes entre 55 et 64 ans est de 39 % ; autrement dit, six femmes sur dix de cette tranche d'âge ne travaillent pas. Par conséquent, il leur est difficile de pouvoir attendre l'âge de 65 ans, qui est l'âge réel de votre réforme.

Certes, l'article 23 fixe l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Mais si, en partant à cet âge, on voit sa retraite amputée de 15 %, les Français auront vite fait de calculer... Vous êtes en train de les enfermer dans un système qui n'est pas sincère. Vous auriez dû écrire la vérité dans cet article, à savoir que l'âge de départ à la retraite sera de 65 ans, et à terme de 66, puis 67 ans.

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Rappelons que les quarante-trois années de cotisations de la réforme Touraine ne s'appliqueront qu'en 2035...

Vous créez l'illisibilité par la complexité : l'âge légal, l'âge pivot, les points d'achat, les points de service, la durée de cotisation, les phases de transition à tous les étages, cela fait beaucoup ! À côté de l'âge légal, il y a l'âge fortement conseillé : l'âge pivot. C'est assez hypocrite ! Ce n'est pas la décote – il y en a déjà une lorsque vous n'avez pas tous vos trimestres –, mais bien une super-décote, qui va faire chuter les pensions. Vous transformez l'effet d'horizon en mirage : au moment où vous croyez y parvenir, cela s'évanouit. Le pire, c'est qu'avec ou sans réforme, on aboutit au même résultat financier, à 0,1 ou 0,2 point de PIB près – c'est ce qu'indique votre étude d'impact. Tout ça pour ça...

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Monsieur Maire, vous venez de nous dire que vous assumez que les dépenses sociales soient affectées là où c'est important. Mais je suis plus scrupuleux que vous, je ne me limite pas aux dépenses sociales : cela vaut pour les dépenses tout court. Était-il urgent de supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune ?

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Était-il important de pérenniser, par une baisse de charges, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, dont on a vu la faible efficacité économique ? Était-il important d'accorder toutes ces exonérations sociales qui ont creusé le trou dans la caisse dont vous vous servez pour justifier la réforme des retraites ? Était-il important de supprimer des aides personnalisées au logement ? Très franchement, on peut s'interroger sur l'efficacité économique du jeu de la dépense du Gouvernement. Et en disant cela, je suis encore tout à fait sympathique...

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Je vois bien que notre collègue Olivier Véran nourrit une passion contrariée avec Ambroise Croizat : ses raccourcis de l'histoire sont assez saisissants.

Ambroise Croizat a été le promoteur d'un grand progrès social...

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C'est exact ! Et il a fait comme il a pu.

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..sauf qu'ici, vous faites l'inverse. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien dans votre comparaison. À vous entendre, on pourrait croire qu'Ambroise Croizat serait adhérent à La République en Marche.

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Ce que je peux vous dire en tout cas, c'est que son petit-fils sera dans nos murs demain, mais pas pour soutenir La République en Marche ni le présent projet de loi.

On pourrait faire un jeu rigolo, citer des films comme Les Randonneurs à Saint-Tropez, Les Illusions perdues, etc. Mais je m'en tiendrai là parce que le sujet est grave. Vous êtes en train d'avaliser un recul majeur en faisant semblant qu'il ne se passe rien.

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

L'objectif du Gouvernement a toujours été de créer un système universel, et non un régime unique. Plusieurs intervenants ont rappelé, à raison, que ce n'était pas la même chose. Dans ce système universel, nos compatriotes construiront les mêmes droits en faisant les mêmes efforts.

Les régimes d'affiliation maintenus renvoient tous aux règles applicables pour tous les assurés, telles que décrites à l'article L. 191-1 du code de la sécurité sociale, objet de l'article 23. Sur le plan technique, les choses sont donc relativement claires.

M. de Courson me demande en fait s'il y aura des catégories dérogatoires à la règle des 62 ans. Nous parlerons tout à l'heure des missions régaliennes de l'État, des carrières longues et de la pénibilité : je sais que le rapporteur a très envie d'échanger avec nous tous sur ces sujets. Sur le fond, les dérogations, les spécificités ne sont pas fonction d'un statut ou de l'appartenance à une entreprise : elles s'apprécieront au regard de critères objectifs, d'éléments comparables. C'est cela que nous demandent nos concitoyens quand ils nous parlent de créer de l'égalité devant la retraite.

La commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements n° 406 de M. Éric Woerth et n° 22616 de M. Fabrice Brun.

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Qui va payer votre réforme ? Nous ne le savons pas, et vous non plus. C'est pourquoi il faut dire clairement à nos concitoyens qu'ils devront travailler plus longtemps. C'est ce qu'ont fait les pays voisins. Le passage de 60 à 62 ans en 2010 a permis de s'épargner un déficit prévu de 30 milliards d'euros en 2020. Le COR annonçant un nouveau déficit en 2025 autour de 17 milliards, il faut repousser l'âge légal de départ à la retraite en douze années d'un trimestre par an. Ainsi, l'âge de départ à la retraite serait de 63 ans en 2025, de 64 ans en 2029 et de 65 ans en 2033. Avec cette ligne arithmétique, nous serions dans les clous du financement de la retraite pour tous les Français.

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Le premier rapport du COR, en 2000, prévoyait un déficit de 60 milliards d'euros pour notre système de retraite à l'horizon 2020. Nous avons pu l'éviter grâce aux réformes de 2003 et 2010 qui ont adapté notre système au choc démographique. Parce qu'on vit plus longtemps, on passe plus de temps à la retraite – vingt-trois ans en moyenne ; et parce que le déséquilibre entre actifs et retraités s'accroît, on doit travailler un peu plus longtemps, à moins d'augmenter les cotisations ou de baisser les pensions.

Dans un souci à la fois de compromis, de responsabilité et de transparence, je propose d'augmenter l'âge légal de départ à la retraite d'un an en le portant à 63 ans, ce qui est bien différent d'un âge pivot à 64 ans. Cela garantirait des recettes claires, un équilibre et des marges de manoeuvre qui permettent à terme à ceux qui sont les plus usés, ceux qui ont les métiers les plus pénibles, de partir plus tôt. Il ne peut y avoir de justice sociale sans équilibre budgétaire : c'est le point central du débat.

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Je vois une constance chez nos collègues du groupe Les Républicains, celle d'un instrument unique pour combler l'équation économique : l'augmentation de l'âge de départ à la retraite. C'est quelque chose qui marche, qui est possible. Vous avez fait référence à une évolution glissante ; ce n'est pas ce que reflètent les amendements qui nous sont présentés.

Nous n'avons pas choisi d'augmenter progressivement l'âge légal de départ à la retraite parce que nous sommes finalement plus libéraux que vous... Nous pensons qu'il est loisible et nécessaire de laisser la possibilité à ceux qui le souhaitent de partir à l'âge légal et non pas forcément à l'âge d'équilibre. Je ne comprends pas pourquoi cette liberté que nous offrons vous fait peur.

Monsieur Quatennens, l'espérance de vie est clairement indiquée dans les perspectives, notamment dans l'étude d'impact. Dans les fondamentaux de la réforme, il est effectivement possible de remettre en cause l'âge d'équilibre pour tenir compte d'une augmentation de l'espérance de vie, à hauteur d'un tiers d'augmentation de l'âge de la retraite et deux tiers d'augmentation de l'âge d'équilibre.

Chers amis communistes, il y a des communistes qui effectivement peuvent tout à coup prendre le chemin en marche – c'est le cas de Robert Hue – parce qu'ils ont compris qu'un des enjeux principaux, c'est de permettre à la France d'augmenter sa capacité de créer des emplois, y compris en période de croissance basse.

Monsieur Quattenens, vous parlez d'une faible performance de la dépense publique en nous accusant de ne pas traiter des priorités. Sans les réformes structurelles et fiscales que nous avions engagées depuis 2017, jamais nous n'aurions pu créer 265 000 emplois en 2019 avec une croissance de 1,3 %, sachant que, les années précédentes, nous ne commencions à en créer qu'à partir de 1,5 %.

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On pourrait penser que l'article 23 est tautologique puisque vous ne faites que réaffirmer que l'âge d'ouverture des droits à la retraite est fixé à 62 ans, qui est l'âge légal de départ à la retraite. Comment l'article 23 s'articule-t-il avec l'article 55 qui confie à la Caisse nationale de retraite universelle (CNRU) le soin de « [...] proposer, par délibération, l'évolution envisagée des paramètres suivants en vue d'assurer cet équilibre : 1° La fixation de l'âge mentionné à l'article L. 191-1 [...] », c'est-à-dire ce même âge d'ouverture des droits à la retraite que vous fixez à 62 ans. Est-ce à dire que tout est négociable sur la base de la règle d'or que vous avez inscrite et qui se transformerait dès lors en loi de plomb pour les retraités ?

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Ce qui rend l'enfumage plus complexe, c'est qu'on ne peut modifier que deux grandes familles de paramètres : celle de l'âge de départ, qu'il s'agisse de l'âge légal, de l'âge d'équilibre, ce nouvel outil que vous avez inventé, ou de la durée de cotisation, ou celle de la part de la richesse que l'on consacre aux retraites, autrement dit le taux de cotisation ou les salaires. Vous partagez la même famille d'outils avec nos collègues Les Républicains : reculer l'âge de départ effectif revient à la même chose que diminuer le niveau des pensions, dans la mesure où, si l'on part au même âge qu'avant, le niveau des pensions aura diminué, ce qui oblige à travailler plus longtemps si l'on veut compenser la baisse.

Vous avez précisé, monsieur le rapporteur, que l'âge d'équilibre serait fonction notamment de l'espérance de vie. C'est tout à fait éclairant : c'est bien une retraite horizon, qui recule à mesure que l'on avance. Plus l'espérance de vie progressera, plus la variable de l'âge d'équilibre reculera... C'est aussi un pari un peu morbide que celui qui consiste à considérer que plus l'espérance de vie augmente, plus une partie de la retraite sera « affaiblie » en quelque sorte, dans la mesure où vous devrez travailler plus longtemps pour l'obtenir. Cela ne va pas dans le sens du progrès. Si l'espérance de vie continue à progresser, passons ce temps supplémentaire à faire autre chose : il y a plein de choses magnifiques à faire à la retraite.

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Je ne sais pas si c'est l'heure ou le ton du rapporteur qui a changé, mais ce que j'entends m'exaspère : offrir le loisir aux gens de travailler plus longtemps. Mais offrir le loisir de quoi ? Les cadres sup, les bourges que vous représentez vont devenir experts en assurances, ils vont donner des conseils et donner du sens à leur seconde vie. Mais les gens pauvres, les gens modestes, ceux qui sont justes au-dessus du minimum vieillesse ? Comme ils vont partir à la retraite avec une décote massive, ils vont être contraints de cumuler un boulot de misère à côté de leur retraite de misère. C'est déjà le cas pour 490 000 de nos concitoyens. Vous parlez de loisirs, de liberté, mais sur quelle planète vivez-vous ? Nous ne représentons pas les mêmes gens que vous, vous ne rencontrez pas les mêmes que nous. Ceux que je ferai témoigner demain ne rêvent pas de travailler jusqu'à 67 piges ! Ils savent que leurs corps ne pourront pas suivre. Ceux-là, vous allez leur faire mal avec votre décote, qui va les pénaliser massivement. Assumez-le, au lieu de réaffirmer votre attachement au départ à la retraite à 62 ans ! Car c'est mentir effrontément.

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Un certain nombre de députés de la majorité, députés socialistes sous la législature précédente, avaient juré que jamais ils ne voteraient une réforme fixant l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Voilà qu'ils se mettent à défendre ce qu'ils considéraient hier comme une horreur absolue. Tant mieux ! Gageons que dans quelques années, vous vous apercevrez que ce que vous proposez aujourd'hui n'était pas très efficace ni très clair, et que vous reviendrez sur ces mesures : c'est l'histoire et c'est toujours comme ça. Il faut du courage pour augmenter l'âge de départ à la retraite. Vous ne le faites pas par intelligence, par volonté ou pour laisser de la liberté, car il n'y a aucune liberté. Les gens vont partir à la retraite avec une super-décote, et pour la vie.

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Vous n'osez pas affronter le vrai problème de la retraite qui est un problème d'âge. Quand on parle de retraite sans parler de l'âge, c'est comme si on parlait de mariage mais pas d'amour. (Sourires.) À un moment donné, il faut parler du vrai sujet. L'efficacité financière de l'âge pivot est au moins de la moitié inférieure à l'augmentation de l'âge. Et sans efficacité financière, il n'y a pas de justice possible dans le système des retraites.

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À vous entendre à ma droite comme à ma gauche, j'ai l'impression d'être dans la série Fais pas ci, fais pas ça... Vous voudriez que tout le monde parte au même âge, à 65 ans pour les uns ou à 62, voire 60 ans, pour les autres. Ne peut-on envisager que chacun puisse choisir la manière dont il se projette dans la suite de sa vie, en fonction de ses préférences, de ses priorités, de ses contraintes ? On nous dit que nous ne représentons pas les mêmes personnes, mais moi aussi, je connais énormément de gens qui ont des postes d'employés ou de salariés avec de faibles salaires.

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Oui, ils aiment aller travailler, retrouver leurs collègues le matin, avoir une identité professionnelle ; j'en connais beaucoup qui aimeraient continuer. Les obliger à partir à un âge ou un autre, c'est les priver de liberté. La liberté est une très belle valeur, et cela mérite qu'on en discute de temps en temps.

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Monsieur Woerth, avec le cumul emploi-retraite, on peut continuer de cotiser et d'accumuler des droits en travaillant plus tard : ce n'est donc pas « pour toujours ». Nous proposons aussi de donner la liberté de recommencer à travailler un peu plus tard.

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Je connais très bien la réforme sur laquelle nous sommes en train de travailler, et je vous prie d'être respectueux à cet égard.

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Je ne serai pas long car certaines conceptions et visions ne sont pas réconciliables, du moins aujourd'hui. Il y a eu beaucoup de confusions, du fait notamment de l'obstruction, ce qui explique que nos amis de tous bords n'aient peut-être pas saisi l'ambition de cette réforme. Si son article 23 fixe effectivement l'âge d'ouverture de la retraite à 62 ans, l'article 8 traite des points de solidarité acquis en fonction de certains critères de pénibilité. Parler de cercueil est non seulement morbide, mais ignoble – sur ce point, je rejoins mon ami Jean-Paul Mattei.

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Je respecte à la fois les uns et les autres pour leurs qualités humaines et leurs combats, mais je dois dire que, sur ce sujet, vous n'avez vraiment pas été à la hauteur.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l'article 23 sans modification.

Article 24 : Principe général de cumul entre la retraite et l'exercice d'une activité professionnelle

La commission est saisie des amendements identiques n° 8143 de Mme Caroline Fiat, n° 8145 de M. Michel Larive, n° 8150 de M. Adrien Quatennens et n° 22237 de Mme Marine Le Pen.

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L'article 24 propose assez logiquement, sachant que l'on gagnera moins d'argent en partant à la retraite, de pouvoir cumuler la retraite et un emploi, pour compléter sa petite pension et boucler ses fins de mois. Si on était dans une situation de plein emploi, passe encore, mais ce n'est pas du tout le cas. À voir le nombre de jeunes qui cherchent un emploi, c'est un peu se moquer du monde. Laissons les gens arrivés à l'âge de la retraite vaquer à d'autres occupations, qui sont nombreuses et très intéressantes.

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Vous avez trouvé une solution à la précarité de la retraite, en instaurant la continuité du travail. Mais la notion même de retraite sous-tend fortement, me semble-t-il, l'arrêt de ce travail. Nous proposons donc de supprimer cet article pour éviter toute incohérence.

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Il va de soi, mais il est bon le préciser, notamment pour rassurer notre collègue Catherine Fabre, que le travail n'est pas qu'une douleur. Mais c'est plus facile de le dire quand on a la chance d'occuper un emploi qui correspond à sa passion, ses centres d'intérêt, qui permet d'avoir un niveau de vie décent, qui n'est pas précaire. Combien de Français peuvent le prétendre ? Pour tous les autres, le travail peut être une souffrance, un simple moyen de s'assurer autant que faire se peut des conditions de vie décente, ce qui est difficile.

Dans le présent article, vous permettez le cumul entre le travail et la retraite. Nous avons bien compris, étant donné les conditions de départ à la retraite, entre 62 ans et l'âge d'équilibre, qu'il vaudrait mieux avoir de quoi compléter ses revenus. Si ce n'est pas par la capitalisation, encouragée par les assureurs et les banques, ce peut en effet être en continuant à travailler. Mais il y a mille autres choses à faire quand on atteint ces âges. C'est bien de cela dont nous devrions parler.

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Je veux apporter une précision sur le concept-valise de super-décote, effet induit, à entendre M. Woerth, du futur régime universel. Contrairement à ce qu'il a affirmé à plusieurs reprises, c'est bel et bien aujourd'hui que la super-décote s'applique : lorsqu'on n'a ni les points ni la durée de cotisation, autrement dit ni le salaire de référence ni le nombre de trimestres, on est deux fois pénalisé, alors que, dans le système universel, c'est seulement la décote de 5 %, liée à une année d'avance, qui s'appliquera – et encore éventuellement. La double décote, c'est aujourd'hui, pas demain.

S'agissant de l'article 24, je ne vous comprends pas. Environ 500 000 personnes cumulent emploi et retraite aujourd'hui. Pour l'essentiel, hormis les militaires et quelques cas très particuliers, il n'y a aucune accumulation de droits à la retraite supplémentaires. Nous allons donner à ces personnes, dont les revenus sont bien souvent limités, la possibilité d'augmenter leur retraite à terme, à travers une seconde liquidation. C'est simplement un élément de justice.

Avis défavorable.

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Vous nous dites qu'il n'y aura pas de changement dans la durée de cotisation ni dans l'âge légal : autrement dit, c'est fromage et dessert. Je suis désolé, monsieur Maire, mais Éric Woerth a raison : votre proposition revient bel et bien à une super-décote. Aujourd'hui, il y a effectivement une décote, mais une décote simple.

Le vrai courage serait d'assumer une mesure d'âge. Le courage est une vertu qui permet d'entreprendre des actes difficiles en surmontant ses peurs. Or vous n'avez pas surmonté vos peurs, ni entrepris une démarche difficile. Osez nous dire aujourd'hui que le système, parce qu'il sera par points, sera plus juste. Sincèrement, nous avons le sentiment que vous nous prenez pour des enfants.

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La question de l'âge est cruciale car elle a une incidence sur tous les autres sujets, notamment le cumul que vous proposez. Monsieur Véran, je voudrais vous citer l'étude d'impact de la réforme de 2013, s'agissant du report de l'âge légal d'ouverture des droits à pension de vieillesse : « Le Gouvernement a écarté cette option qui aurait pénalisé principalement les assurés qui ont une durée d'assurance importante et ont donc commencé à travailler tôt. En effet, un report par exemple à 63 ans de l'âge légal aurait signifié, pour un assuré qui a commencé à 20 ans, de devoir décaler son départ d'un an alors même qu'il justifiait déjà du taux plein. L'assuré à carrière longue, qui correspond souvent à un profil moins qualifié, et donc moins rémunéré, aurait dû, sans en tirer aucun bénéfice, travailler un an de plus. »

Vous le voyez, mon cher collègue, ce scénario était parfaitement envisagé. Vous le contournez en appliquant une décote de 10 %, mais chaque année : autrement dit, la pension sera amputée sur toute la durée de la retraite.

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Nous maintenons qu'il est possible de financer simplement la retraite à 60 ans avec un bon niveau de pension. Depuis des mois, nous parlons décote, âge d'équilibre, âge pivot, alors qu'en réalité, la retraite est un troisième âge de la vie. Nous aurions pu passer autant de temps à parler cinéma, lecture, musique, voyages, jardinage, famille, amis, associations, engagement, passion, amour... Pour cela, il suffisait de parler égalité salariale, salaire, taux de cotisation. Depuis des mois, vous avez réduit la retraite à une équation mathématique anxiogène. Pourquoi nous imposer cette souffrance, puisque nous pouvons financer la retraite à 60 ans, et permettre que ce bel âge de la vie soit consacré à d'autres activités ? N'est-ce pas le sens du progrès ? Vous vous présentez comme des progressistes, mais vous dites aux Français qu'il leur faudra travailler toujours plus longtemps. Bonjour le progrès !

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

En écoutant avec intérêt le président Éric Woerth ainsi que le député Adrien Quatennens, je me disais que c'était aussi pour cela que nous nous sommes engagés en politique : nous devons être capables de conjuguer ensemble l'efficacité budgétaire, lorsqu'elle est nécessaire, et la construction d'un projet de société. Les réformes utiles menées précédemment, y compris par la majorité socialiste, ont permis, on l'a dit, de combler certains déficits. Très souvent, elles ont été attentives à la réalité budgétaire, mais moins souvent – je ne dis pas « jamais » car il ne faut pas caricaturer – à la nécessaire évolution du système de retraite par rapport à la société.

Il est vrai que le projet que nous présentons n'est pas axé uniquement sur l'efficacité budgétaire ; j'entends que cela vous heurte, mais il l'inclut. Il a pour objectif la reconstruction d'un socle de solidarité qui s'étiole, ce qui fait que les jeunes ont moins confiance dans le dispositif. Il est clairement axé sur le retour d'une forme d'égalité devant la retraite et la prise en compte de spécificités, sur le fondement de critères objectifs.

Nous pouvons mener un projet de société en incluant l'efficacité budgétaire. C'est ce à quoi travaille cette majorité – République en Marche, Mouvement Démocrate, UDI, Agir et Indépendants.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques n° 8075 de Mme Caroline Fiat, n° 8077 de M. Michel Larive et n° 8082 de M. Adrien Quatennens.

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Nous sommes opposés à l'idée de donner la possibilité à une personne qui a pris sa retraite, de cumuler travail et retraite. C'est pourquoi nous voulons supprimer l'alinéa 1.

Je ne dis pas que certaines personnes peuvent se plaire au travail jusqu'à 80 ou 90 ans, mais il faut penser à la souffrance de la majorité des gens ; je sais que ce mot vous choque, mais je pense à mes collègues dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui, à 57 ou 58 ans, n'ont plus qu'une idée : raccrocher la blouse et partir car elles ne sont plus en état de travailler. Il ne n'est pas question pour elles de faire autre chose : elles ont assez donné, leur corps est épuisé. Il est temps pour elles de rentrer, pour se reposer.

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Même si, comme vous, on l'envisage sous un prisme exclusivement financier, votre réforme est plus que discutable dans la mesure où un emploi est aujourd'hui trois fois plus productif qu'il y a cinquante ans. Travailler plus au motif que l'on vit plus longtemps n'a donc aucune valeur économique. Vous faites un choix de société, celui de faire porter la charge de l'ensemble de la solidarité nationale sur la seule population productive, pour le plus grand bien de la population spéculative.

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Michel Larive a parfaitement résumé les choses ; vous vous dites soucieux de l'efficacité budgétaire, monsieur le secrétaire d'État, mais ni l'invocation de l'efficacité budgétaire ni la comparaison avec le système actuel ne sont en mesure de nous convaincre. Il est vrai que le système actuel a été tellement affaibli qu'il ne convient plus, et que les gens partent trop tard et trop pauvres à la retraite. Mais nous sommes aussi soucieux de l'efficacité budgétaire. Vous pourriez admettre simplement que, tant pour l'efficacité budgétaire que pour l'équilibre financier, il existe d'autres paramètres que de faire travailler les Français plus longtemps. Mais ce ne sont pas vos choix, nous l'avons compris.

Vous pourriez admettre qu'il est possible – même si, de votre point de vue, ce n'est pas souhaitable – de financer autrement la retraite, à un âge de départ fixé, avec un bon niveau de pension. C'est en quelque sorte au bout de nos doigts ; mais vous nous en empêchez, car vous voulez que l'âge auquel on pourra partir recule à mesure que l'on avance dans la vie et que l'espérance de vie progresse.

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Il y a un consensus dans la salle pour dire que chacun a le droit d'avoir des projets différents pour la retraite : s'arrêter quand on est fatigué, ou mener une nouvelle vie. Mais nombreux sont ceux, dans tous les groupes, y compris dans celui de La France insoumise, et à vos côtés, monsieur Jumel, qui ont fait le choix de rester beaucoup plus longtemps en activité et, par ce biais, de cumuler des droits à la retraite. Pourquoi les députés, les sénateurs, les élus seraient-ils les seuls à avoir le droit de travailler après 65 ans et ce faisant d'augmenter leurs droits à la retraite ? Nous menons une action de justice.

Avis défavorable.

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Personne ici ne remet en cause le fait de pouvoir choisir de partir en retraite, de poursuivre son activité ou d'avoir une retraite progressive. Dans son rapport d'octobre 2019 sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes indique que les sept dispositifs de départ anticipé qu'elle a examinés regroupent 400 000 bénéficiaires, sur 800 000 départs. Un départ à la retraite sur deux est donc anticipé. C'est un choix, lié à la pénibilité ou aux contraintes du travail. On peut le comprendre sans pour autant nier qu'il puisse exister d'autres choix, comme de poursuivre une activité lorsqu'on le peut ou qu'on le veut. Pourquoi empêcher ces personnes de cumuler travail et retraite ? Il faut plus de liberté et de responsabilité dans les choix, tout en sachant que ces dispositifs de départ anticipé coûtent tout de même 14 milliards d'euros par an.

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Monsieur le rapporteur, assumez vos prises de position, que vous discutiez de l'âge effectif de départ à la retraite ou que vous cibliez des gens sans les nommer, avec cette approche très politicienne, qui fait sourire la majorité. Parlons franchement : Jean-Luc Mélenchon et André Chassaigne ne diraient pas les choses différemment.

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Vous admettrez que notre travail de parlementaire, même si nous travaillons beaucoup, si nous dormons peu, si le rythme est soutenu, n'a pas la pénibilité du travail dans les égouts, par exemple, ou d'un conducteur de métro, qui vit dans le noir toute la journée. Surtout, nous ne le contestons pas, travailler plus longtemps est un choix pour certaines personnes. Enfin, un mandat n'est pas un métier ni un travail.

On m'a déjà présenté, sur un plateau de télévision, un médecin de 90 ans pour me démontrer que les gens étaient enthousiastes à l'idée de travailler plus longtemps. Il y en a, et c'est tant mieux, mais n'obligez pas les gens à travailler plus longtemps. Or c'est ce que vous faites.

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Monsieur le député Maire, bien qu'étant contre le cumul, nous ne contestons pas que vous soyez rapporteur. (Sourires.) Je vous invite à faire preuve de plus de raison en ce début d'examen du titre II, que vous avez longuement attendu.

En reculant l'âge du départ à la retraite, votre projet ne prend pas en compte une question centrale, une réalité objective : le taux de chômage des seniors et le fait que nombre de seniors sont sortis du monde du travail. Il a été démontré que le recul de l'âge de départ à la retraite aura un impact non négligeable sur les finances de l'assurance chômage. Sur ce sujet-là, non plus, vous n'apportez aucune réponse.

Enfin, la liberté de travailler plus longtemps existe déjà aujourd'hui. Certains travaillent plus longtemps, sans cumuler pour autant les droits à la retraite, car c'est une liberté que de s'épanouir au travail jusqu'à ce que mort s'ensuive. Votre projet vise à obliger ceux qui n'ont pas opté pour ce choix-là à le faire, parce qu'ils auront une décote sur leur niveau de pension. C'est donc une mesure d'inégalité sociale aggravée que vous proposez là, et c'est ce qui provoque tant de colère dans le peuple qui manque, car cette réforme aggravera la situation de cette France-là, tout en permettant à ceux qui ne manquent de rien de s'épanouir un peu plus.

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Je voudrais évoquer M. Bel, un entrepreneur en sylviculture de ma circonscription, qui s'occupe notamment de la coupe et de l'élagage des arbres autour des poteaux EDF et des voies de chemin de fer. Il m'a récemment expliqué combien les bûcherons, paysagistes, élagueurs qui ont bossé avec lui pendant des années puis sont partis à la retraite étaient contents de revenir pour lui donner un coup de main, car il n'arrive pas à recruter. Même si ces métiers sont difficiles, les retraités qui peuvent encore travailler l'aident avec plaisir.

Dans ma carrière, il m'est aussi arrivé de mal préparer certains départs à la retraite – je me souviens du cas d'un chef d'atelier : grâce au cumul emploi-retraite, il a pu pendant quelques mois transmettre son savoir à son successeur nouvellement recruté, et partir avec un revenu amélioré et le sentiment du travail bien fait.

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Dans les propos du rapporteur et ceux des députés de la majorité, j'entends que l'anecdote et l'expérience professionnelle ont remplacé l'étude d'impact.

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C'est très intéressant mais cela ne remplacera pas la réalité du monde tel qu'il est. Il y a sans doute, et c'est tant mieux, des personnes qui ont envie de travailler plus longtemps, qui le peuvent, qui n'en ressentent pas la nécessité économique Mais il y a aussi un paquet de gens qui ne cumuleront rien du tout et qui seront réduits à choisir entre le chômage ou la décote. Quant à ceux qui seront obligés de travailler, le feront-ils par plaisir ou parce que leur retraite sera tellement maigre qu'ils ne pourront pas faire autrement ? Le sentiment du travail bien fait, l'amour du métier, très bien ! Mais ne vivez pas que de mythologie, essayez de regarder les choses en face.

La commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques n° 8092 de Mme Caroline Fiat, n° 8094 de M. Michel Larive et n° 8099 de M. Adrien Quatennens.

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Les salariées des EHPAD continuent de rencontrer très régulièrement leurs collègues partis en retraite car elles rejoignent souvent des associations qui y proposent des animations. Mais il y a une différence entre participer à une association et mettre la blouse pour faire les horaires : on vient quand on veut et si l'on peut, on ne se voit pas imposer un nombre d'heures ou de patients. C'est toute la différence.

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À 50 ans, le taux de retour à l'emploi est de 50 %. Il est de 30 % à 58 ans et de 20 % à 60 ans. Autrement dit, plus vous reculez l'âge de départ à la retraite, plus vous augmentez le chômage des seniors. Quant à la liberté, vous avez raison, c'est une question d'appréciation. Pour ma part, je me poserai en temps voulu la question de choisir de travailler ou de profiter de la vie.

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À vous écouter, j'ai l'impression que la retraite est vraiment douloureuse. Puisque nous citons des cas personnels, je veux évoquer un couple d'amis qui sont retraités : ils baillent aux corneilles et sont formidablement heureux. D'autres voyagent, dansent, chantent. Il y en a même qui deviennent militants de La France insoumise... Il se passe des tas de choses formidables à la retraite.

Mme Motin a évoqué un sujet qui mériterait d'être considéré, celui de la transmission. C'est un enjeu : du fait de la déperdition des compétences, il y a besoin de transmettre. Mais a-t-on besoin d'attendre l'âge du départ à la retraite pour préparer la transmission ? Ne peut-on pas l'anticiper ?

Il a été aussi question de retraites mal préparées. Pour préparer la retraite, il faut commencer à parler de toutes les activités formidables que l'on peut y faire, en s'y prenant un peu à l'avance... Je suis sûr qu'ainsi, on parviendra à rendre les gens tout à fait enthousiastes à l'idée de faire autre chose que travailler ! S'il s'agissait de concevoir un grand plan de préparation de la retraite, pour mettre en avant le panel de possibilités qu'offre ce temps qui n'est plus contraint par le travail après le travail, nous pourrions nous y mettre ensemble. On ferait des catalogues incroyables de tous les champs des possibles qu'ouvrira le départ en retraite.

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Je comprends l'appel des socialistes à un peu moins d'intuitif et de personnel et à un peu plus de chiffres dans les argumentations. Environ 500 000 personnes cumulent emploi et retraite, dont 75 % ont entre 60 et 70 ans. Leur motivation première est l'intérêt dans l'emploi ; vient ensuite le maintien du salaire, et, enfin, l'augmentation de la retraite future. Passé 70 ans, le chiffre diminue très sensiblement.

Ces personnes seraient-elles heureuses si, comme le propose La France insoumise, on leur retirait le droit de continuer à travailler ? Ou préféreraient-elles avoir le droit d'acquérir des points supplémentaires durant cette période ? Je leur laisse faire leur choix...

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Admettez, monsieur le rapporteur, que, pour bon nombre de gens, ce ne sera pas la liberté, mais la liberté avec le pistolet sur la tempe : « Tu peux partir, tu en as matériellement le droit, mais avec une super-décote ». Ce n'est pas la liberté, c'est presque vicieux de donner un droit qu'on n'a aucun intérêt à exercer ! Même si ce n'est pas notre option, je le redis, mieux vaut assumer une mesure d'âge : cela a au moins le mérite d'être clair et de ne pas donner l'espoir de partir à un âge où l'on n'aurait pas un bon niveau de pension.

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Les propos de certains députés de la majorité me surprennent : j'ai l'impression d'entendre des adeptes de Tintin au pays des Soviets ! Soyons sérieux ! Telle députée raconte qu'elle connaît beaucoup d'employés et d'ouvriers qui seraient contents de continuer à travailler plutôt que de partir à la retraite ; telle autre, qu'elle connaît des bûcherons, tout contents de reprendre le travail chez un entrepreneur de travaux forestiers, après être partis à la retraite. Entre nous soit dit, vos bûcherons sont pour la plupart des agriculteurs : ils n'ont pas le droit d'exercer un travail de bûcheron une fois à la retraite ! Vous essayez d'embellir la réalité.

Et puis, le rapporteur précédent parle d'Ambroise Croizat ; l'actuel, de Robert Hue. On se croirait presque dans une réunion de cellule. (Sourires.)

Vous m'évoquez William Pitt, un très jeune Premier ministre du Royaume-Uni, à la fin du XVIIIe ou début du XIXe siècle. Un jour, à des manufacturiers qui se plaignaient de la concurrence française, il a répondu d'employer les enfants – ce qu'ils ont fait. (Exclamations.) Doit-on considérer comme un bonheur de remonter à des périodes précédentes, où l'on travaillait plus longtemps, où l'on faisait travailler les enfants ? J'ai honte d'entendre de tels propos dans votre bouche. Finalement, ce n'est pas Tintin au pays des Soviets mais plutôt Le Trésor de Rackham le Rouge, à ceci près que le trésor est pour les plus riches !

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Monsieur Chassaigne, vous nous rejoignez dans cette commission ; c'est votre droit...

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Nous y siégeons depuis lundi dernier, sans interruption pour certains d'entre nous, et nous avons entendu beaucoup de choses. Cet alinéa contient une mesure de bon sens car aujourd'hui, les personnes qui cumulent emploi et retraite ne peuvent pas capitaliser de points.

L'expérience du député issu de la société civile que je suis, qui a croisé des entrepreneurs et des personnes ayant cumulé emploi et retraite, ne se retrouve pas forcément dans les études d'impact. Nous avons tous notre expérience : certains ont travaillé dans les cabinets ministériels ; d'autres ont eu une autre vie. Je revendique ma vie et mon expérience, dans la société civile, en tant que maire, entrepreneur, et en tant que salarié.

Le cumul est une mesure de bon sens. Je la trouve excellente : elle n'enlèvera pas du travail à ceux qui en cherchent, elle permettra au contraire un accompagnement, par les dispositifs de tutorat, car la transmission est fondamentale au sein des petites entreprises, notamment artisanales.

Vous n'avez pas le monopole de la vraie vie. Nous aussi, nous avons eu une vie avant notre mandat.

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En toute amitié, monsieur Chassaigne, votre intervention me fait penser à ce mot de la troisième saison de Baron noir, saison 3, que je serai le premier à citer en commission : « Les socialistes trouvent toujours tout un peu radical. C'est même à cela qu'on les reconnaît. » Personne ici n'a dit que tous les ouvriers arrivés à l'âge de la retraite seraient enchantés à l'idée de continuer à travailler. Ce serait nier notre capacité collective d'empathie, sans même parler d'intelligence. Évidemment, nous savons qu'énormément de personnes sont usées une fois arrivées à l'âge de la retraite et parfois, avant cet âge. Et nous souhaitons même que certaines puissent prendre leur retraite plus tôt car elles ont plus de risques d'être usées que les autres.

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On me dit partiale, mais sans compter le temps de parole de chacun des groupes depuis tout à l'heure, je note que dès qu'un député de la majorité veut prendre la parole, il se fait huer et invectiver. Nous laissons les députés de l'opposition s'exprimer. Tout le monde a le droit de parler et je fais en sorte que les orateurs ne soient pas interrompus. Encore faut-il qu'on m'y aide...

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J'allais en effet dans le sens de M. Quatennens, pour dire que chez certaines personnes arrivées à l'âge de la retraite, pas un seul cheveu blanc n'a poussé sur leurs rêves. Elles ont encore envie de mener de nombreuses activités, que ce soit dans le cadre du bénévolat ou dans le cadre associatif, au service de la collectivité. Il faut l'encourager, et, pour cela, instaurer un système de retraite qui puisse durer, donc un système de financement pérenne.

Nous constatons cependant que l'espérance de vie à la retraite et l'espérance de vie à la retraite en bonne santé n'auront jamais été aussi élevées que depuis quelques années, puisque l'allongement de la durée de vie est bien plus important que le recul de l'âge de départ à la retraite. La solution que nous proposons, c'est de ne pas sous-indexer davantage les pensions des retraités, pour leur permettre d'avoir suffisamment de pouvoir d'achat, afin de conduire leur projet de vie en toute quiétude, avec leur famille, leurs amis, et parfois, dans des associations.

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Il est vrai que certains salariés de l'industrie, de l'agroalimentaire, de la grande distribution, certains soignants, certains employés du bâtiment et des travaux publics ont hâte d'arriver à la retraite, tant leurs métiers sont difficiles. La meilleure réponse à apporter consiste à travailler sur la pénibilité et les carrières longues car ces personnes ont souvent commencé à travailler jeunes.

Reconnaissons tout de même que ce projet de loi contient une avancée : dorénavant, grâce au cumul emploi-retraite, une personne qui continuera de travailler un peu, après avoir pris sa retraite, ouvrira des droits nouveaux, qui apporteront des points supplémentaires, afin d'améliorer sa retraite, ce qui n'existe pas aujourd'hui.

Enfin, le tutorat, évoqué par Jean-Paul Mattei et dans les auditions préalables à cette commission spéciale, est essentiel : il faudra songer à accorder des points aux personnes qui participent au tutorat avant de partir à la retraite, et qui aident à former un jeune.

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Comme M. Chassaigne, j'écoute nos collègues de la majorité donner énormément d'exemples ; il est vrai que nous rencontrons beaucoup de gens dans nos permanences. Mme Fiat nous a parlé de Marie, Mme Fabre, de gens qu'elle connaît, et qui sont heureux de revenir travailler. Mais la réalité est que ceux qui choisissent aujourd'hui de travailler à 62 ans, connaissaient la règle du départ à la retraite. Or dans quinze ans, quelle sera-t-elle ? Pourrons-nous toujours partir à 62 ans, avec le même niveau de retraite, ou partirons-nous à 63 ans avec une décote, ou à 62 ans avec une super-décote, ce que M. le rapporteur ne veut pas entendre ? La liberté de choix sera fonction des capacités de chacun de pouvoir vivre décemment ou non. Dans quinze ans, quelqu'un qui ne pourra plus aller travailler, mais qui ne pourra pas vivre avec le niveau de retraite auquel il pourrait prétendre à 62 ans, sera bien obligé de continuer à travailler. Votre réforme des retraites ne donnera pas une liberté de choix ; ce sera une contrainte financière.

La commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de l'amendement n° 22136 de M. Pierre Dharréville.

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M. Turquois, rapporteur pour le titre Ier, s'est longuement exprimé sur les différences entre le système par points et le système par annuités. Je donnerai systématiquement un avis défavorable à tous ces amendements.

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S'agissant du cumul emploi-retraite, votre projet crée une injustice : les personnes qui auraient liquidé leur retraite avant l'âge d'équilibre mais qui reprennent un emploi faute de pouvoir joindre les deux bouts ne gagneront pas d'autres points avant d'atteindre l'âge d'équilibre. Il est injuste qu'elles ne puissent gagner des points qu'après l'âge d'équilibre, il faut revoir cet aspect du projet.

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Nos collègues communistes ont raison : les Français préfèrent des ronds plutôt que des points...

Notre collègue Mattei évoquait la pénibilité du travail parlementaire, qui nous fait siéger jour et nuit. La comparaison avec ce projet de loi est intéressante : chacun est libre de rentrer se coucher, mais vous aussi estimez avoir intérêt à travailler un peu plus longtemps pour terminer.

Enfin, notre collègue Véran cite la chanson d'Hubert-Félix Thiéfaine, Trois Poèmes pour Annabel Lee : « Pas un seul cheveu blanc n'a poussé sur mes rêves ». Mais pour évoquer ce projet de loi, je songe à un atterrissage un peu plus brutal, et à Première descente aux enfers par la face nord, du même auteur...

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Est-il sain, pour une société, de pousser les seniors à rester plus longtemps au travail ? C'est le projet de société que vous défendez, et l'un des objectifs de ce projet de loi est de nous faire travailler plus longtemps. Vous concevez la retraite comme un moment difficile, un moment de souffrance ; à vous entendre, nous souhaiterions tous travailler plus longtemps. Je trouve pour ma part que la retraite est un bel âge de la vie, c'est une bonne nouvelle. C'est l'entrée dans une autre époque, et comme tout passage, elle doit se préparer, mais nous pouvons vivre tellement de belles choses dans cette période ! Se libérer du travail prescrit est, nous semble-t-il une grande conquête sociale.

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En écoutant les uns et les autres depuis plusieurs jours, je n'ai pas envie de philosopher. Avec toutes ces paroles, nous ne répondons pas aux questions qui se posent sur la retraite. Ce projet de loi repose sur des choix assumés ; pour monter un système de retraite, il faut travailler sur la partie de la vie active, le statut des retraités et la question des transmissions. M. Quatennens se plaignait de la décote entre 62 et 65 ans. S'il veut la supprimer, la solution est de fixer l'âge légal à 65 ans : la question ne se posera plus. Si c'est son souhait, qu'il le dise.

La commission rejette l'amendement.

Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 22520 de Mme Catherine Fabre.

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Cet amendement du groupe La République en Marche affirme notre volonté d'assouplir le passage entre la vie professionnelle et la retraite. Tout comme l'entrée dans la vie professionnelle, le départ à la retraite est un moment important et délicat de la vie qu'il faut préparer et accompagner. Cet amendement prévoit que les dispositifs de retraite progressive et de cumul emploi-retraite fassent l'objet d'une information claire et d'un dispositif d'accompagnement afin de faciliter l'emploi des séniors, de les informer des possibilités ouvertes et des bonnes pratiques à suivre dans ce moment si particulier.

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Il est très important de tirer les leçons du faible succès des dispositifs actuels. Outre des difficultés de nature juridique et psychologique, il existe des réticences à parler de ses perspectives de sortie, de crainte d'être déjà considéré à moitié dehors. Un réel travail s'impose pour améliorer l'efficacité de ces dispositifs.

Je voudrais dire avec solennité à nos collègues qui se prétendent proches des mouvements sociaux que ces articles sont attendus des partenaires sociaux, qui en discutent en ce moment des applications et des conséquences. Leur intérêt n'a pas seulement été soulevé par les syndicats que vous qualifiez de réformistes, mais aussi par les autres. Si vous voulez vous être en phase avec les demandes sociales, soyez attentifs à votre vote.

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Monsieur le rapporteur, les demandes sociales s'expriment depuis nombre de jours, au point de battre des records sous la Ve République. Nous savons très bien que la conférence de financement ne concerne pas ce projet de loi, mais le système actuel, avant l'entrée en vigueur du nouveau régime. La revendication sociale s'exprime en peu de mots, sans qu'il soit nécessaire de le dire en 19 000 amendements : la majorité du pays souhaite le retrait de ce projet, qui au surplus ne correspond pas aux engagements de la campagne présidentielle. La décote va entraîner une baisse du niveau des pensions ; or Emmanuel Macron s'était engagé à ne pas modifier l'âge de départ, ni le montant des retraites. Vous faites les deux à la fois.

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Les « cocos » croient en la valeur travail. L'amour du travail bien fait et la fierté de contribuer, par sa force de travail, à nourrir sa famille et de permettre son épanouissement, tout cela est consubstantiel à notre identité.

Le secrétaire d'État était rapporteur du texte qui a instauré le permis de licencier en paix et de perdre son boulot du jour au lendemain avec des indemnités forfaitisées. Et ceux-là mêmes qui ont complètement déréglementé le droit du travail viennent nous dire que pour un certain nombre de retraités qui ont envie de bosser plus longtemps, c'est vachement dur, qu'il faut les accompagner et mettre en place des périodes de transition longues pour atténuer le traumatisme ! Bien sûr, certaines personnes ne se sont pas préparées, et nous pouvons examiner la question de la transmission du savoir. Mais mettre en place une déréglementation qui permet à un salarié de perdre son boulot du jour au lendemain, cela ne vous empêche pas de dormir !

La question centrale pour vous, c'est d'allonger la durée de cotisation. M. Turquois, rapporteur pour le titre Ier, l'a résumé par cette formule : « apprendre à vieillir au travail ». Ce à quoi les Insoumis ont répondu : « Apprendre à mourir au travail »... Cela vous a hérissé le poil, mais on peut y venir, si l'on n'y prend garde.

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Loin de la caricature du droit du travail que je viens d'entendre, je souhaite insister sur l'importance du maintien dans l'emploi des salariés expérimentés. Les entreprises se font une fausse représentation de ce que peut apporter un salarié ayant beaucoup d'expérience. C'est souvent son niveau de salaire qui fait peur. Notre premier devoir est de maintenir ces personnes dans l'emploi, et il existe à cette fin de nombreux dispositifs que les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises ne connaissent pas. La retraite progressive, dont nous débattons, permet aux gens de partir doucement avec une vraie transition entre emploi et retraite ; le contrat à durée déterminée senior est un outil fantastique qui permet sans motif d'embaucher un demandeur d'emploi de plus de 57 ans ; enfin, la reconversion ou promotion par alternance – ex-période de professionnalisation – offre les mêmes allégements de charges que pour un jeune si l'on embauche un salarié après 45 ans pour le re-former à son métier.

Cet amendement nous permettra d'accompagner les entreprises sur ces questions importantes.

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Il est en effet nécessaire d'accompagner la transition et de donner aux gens tous les éléments nécessaires pour faire leur choix en toute connaissance de cause, et en transmettant leurs connaissances à d'autres. Mais cela n'a rien à faire dans ce projet de loi : c'est l'exemple même de loi bavarde. Pour commencer, cette question n'est pas directement liée aux retraites, c'est un cavalier législatif. Ensuite, il existe déjà des organismes spécialement chargés de faire connaître ces dispositifs. Il n'y a aucun besoin de faire cette mention dans la loi.

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Mme Fabre pourrait-elle nous expliquer la portée juridique de son amendement ?

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Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

J'ai personnellement conduit un certain nombre d'entretiens de seconde partie de carrière, et je trouve cet amendement intéressant. Recevoir un courrier, passé 45 ans, invitant à un entretien de seconde partie de carrière n'est pas toujours un moment heureux. Il faut être vigilant sur la façon dont il se déroule. Je pense que c'est un très bon sujet d'échanges au sein de l'entreprise, susceptible de contribuer à l'évolution du dialogue social, pour peu qu'on donne à l'intéressé tous les moyens d'exprimer ses envies et ses attentes auprès de son employeur.

Je suis donc très favorable à cet amendement, quelle qu'en soit la portée juridique, car il adresse un signal positif à la société.

La commission adopte l'amendement.

Puis elle est saisie des amendements identiques n° 8109 de Mme Caroline Fiat, n° 8111 de M. Michel Larive et n° 8116 de M. Adrien Quatennens.

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Puisque vous maintenez la possibilité de cumuler retraite et emploi, nous proposons de conditionner l'embauche à une visite médicale d'aptitude.

Pour en revenir à l'amendement précédent, j'espère que ceux qui sont les premiers dans la charrette à l'occasion d'un plan de sauvegarde de l'emploi bénéficieront du même accompagnement que ceux qui partent à la retraite.

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Les visites médicales à l'embauche ne sont plus obligatoires, et vous allez forcer les retraités précaires à travailler pour continuer à vivre dignement. Il faut au moins conditionner cette obligation à un état de santé convenable, c'est pourquoi nous souhaitons que la visite médicale soit rendue obligatoire.

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Tout en espérant toujours obtenir le retrait de ce projet de loi, nous tentons d'y insérer quelques garde-fous, notamment concernant la santé. Cet amendement aura sans doute votre soutien : il prévoit que toute reprise d'activité professionnelle cumulée au service de la retraite soit nécessairement conditionnée à une visite médicale d'aptitude.

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Cet amendement est partiellement satisfait, puisque les visites médicales d'embauche ont été remplacées depuis la loi du 8 août 2016 par les visites d'information et de prévention. Le médecin du travail identifie les personnes ayant besoin d'un suivi renforcé et peut préconiser des mesures d'adaptation individuelle ou de transformation du poste de travail, en prenant en compte l'âge du salarié concerné et son état de santé. Imposer une visite médicale se ferait au détriment de ce suivi renforcé.

Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'article 24 modifié.

Après l'article 24

La commission est saisie de l'amendement n° 439 de M. Patrick Hetzel.

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Depuis le 1er juillet 2017, les actifs ayant cotisé auprès de plusieurs caisses de retraite ne perçoivent qu'une seule pension cumulant les droits acquis dans les différents régimes. La Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a réalisé des simulations sur la situation de ces personnes dans le nouveau régime. Le Gouvernement a-t-il réalisé une étude précise sur les conséquences du changement du mode de calcul pour les polypensionnés ? Beaucoup de Français sont concernés : cela exige une réponse précise.

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Madame Dalloz, les chiffres de la CNAV sur lesquels vous vous appuyez démontrent que nous disposons déjà d'une documentation importante. L'essentiel des dispositifs fait l'objet de l'étude annuelle Les retraités et les retraites, publiée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé, sans oublier le programme de qualité et d'efficience « Retraites » du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le corpus documentaire sur les retraites et sur la liquidation unique des régimes alignés est déjà substantiel ; d'où mon avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Réunion du lundi 10 février 2020 à 21 heures 30

Présents. - M. Thibault Bazin, M. Thierry Benoit, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Jacques Bridey, M. Fabrice Brun, Mme Céline Calvez, M. Lionel Causse, M. Jean-René Cazeneuve, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, M. Yves Daniel, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Éric Girardin, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, M. Brahim Hammouche, Mme Danièle Hérin, M. Sébastien Jumel, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, M. Jacques Maire, M. Jean-Paul Mattei, M. Jean François Mbaye, M. Thierry Michels, M. Patrick Mignola, Mme Cendra Motin, Mme Sophie Panonacle, M. Adrien Quatennens, Mme Valérie Rabault, M. Hervé Saulignac, M. Boris Vallaud, M. Olivier Véran, Mme Corinne Vignon, M. Éric Woerth

Excusé. - M. Didier Le Gac

Assistaient également à la réunion. - Mme Sophie Auconie, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Danielle Brulebois, M. André Chassaigne, M. Charles de Courson, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Caroline Fiat, M. David Habib, M. Michel Larive, Mme Christine Pires Beaune, Mme Liliana Tanguy