La réunion

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La réunion débute à quatorze heures quinze.

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Nous poursuivons aujourd'hui nos travaux avec l'Agence française de développement (AFD) qui joue un rôle central dans la politique française relative aux migrations internationales. Puis, nous entendrons de nouveau des témoignages de migrants qui nous permettent, me semble-t-il, de donner un visage et une voix aux chiffres et aux statistiques.

Je crois utile également de vous dire qu'hier, je me suis rendu au square Villemin, dans le 10e arrondissement de Paris, occupé par environ 300 migrants depuis dimanche. Dimanche, après une manifestation d'environ un millier de personnes pour le droit au logement place de la République, la préfecture, qui avait été avertie, avait acheminé des bus pour prendre en charge les migrants à la rue et a procédé à la mise à l'abri de 470 personnes, dont 234 femmes isolées ou en famille. Le dispositif de l'État s'est néanmoins avéré insuffisant. 300 migrants, dont de nombreuses personnes ayant un titre de séjour, attendent toujours une mise à l'abri. Hier, aucun dialogue entre les associations sur place et les autorités n'avait encore pu se nouer. Un adjoint au maire d'un arrondissement voisin venu par militantisme s'escrimait à faire installer des toilettes mobiles puisque le square n'en compte qu'un seul pour plus de 300 personnes.

Parmi les personnes avec qui j'ai échangé en français se trouvait un couple d'Irakiens qui ont quitté leur pays en 2015 en passant par la Turquie et qui ont obtenu l'asile en France en 2017 pour une période de dix ans. Leurs papiers sont donc en règles. Ils revenaient d'une tentative malheureuse d'installation près de Tarbes. Ils vivent actuellement dans des squats, jusqu'à ce square Villemin. Je crois qu'il est bon d'interroger le quotidien comme nous allons le faire aujourd'hui, au plus loin des passions médiatiques sur le sujet.

Nous commençons par l'audition de M. Bertrand Walkaenert, directeur général adjoint de l'Agence française de développement.

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Tous les députés présents aujourd'hui connaissent l'AFD et son importance dans le domaine de l'aide au développement et de la coopération avec les pays partenaires. Votre savoir-faire et votre expertise nous seront très utiles pour nos travaux et nous permettront d'approfondir cet aspect de la question migratoire.

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Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, M. le directeur général adjoint, Bertrand Walkaenert, à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Bertrand Walkaenert prête serment).

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Sans plus attendre, je propose que vous nous exposiez les actions de l'AFD sur ces questions migratoires, que vous pouvez nourrir d'éclairages précis, notamment sur le plan d'action Migrations internationales de développement 2018-2022 avec des points comme « garantir le respect des droits fondamentaux et protéger les personnes migrantes ». Nous aimerions avoir davantage d'informations, il est vrai que votre mission est assez mal connue.

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Bertrand Walkaenert

Je vais m'appuyer sur la présentation qui vous a été adressée par Philippe Baumel en amont de cette réunion.

D'abord, un premier constat sur la nature des flux migratoires. Ils sont polymorphes. Si je devais vous citer 3 chiffres, ce serait 281 millions de migrants internationaux, 80 millions de déplacés forcés, dont 85 % de réfugiés qui vivent dans les pays en développement ou dans les pays émergents, 510 milliards d'euros qui sont transférés chaque année, selon la Banque mondiale, dans les pays d'origine par les diasporas.

Autre constat, l'accueil des réfugiés dans le monde et les flux migratoires sont d'abord et avant tout des sujets pour les pays dans lesquels nous intervenons. En Afrique par exemple, les grands bassins migratoires sont essentiellement structurés autour de la Côte d'Ivoire, de l'Afrique du Sud et de l'Ouganda. Ce sont d'abord et avant tout les pays africains qui sont exposés aux impacts que ces flux migratoires peuvent avoir sur les économies, le pacte social et la stabilité de ces économies. Finalement, les flux migratoires de l'Afrique vers l'Europe sont beaucoup plus faibles que ceux auxquels les pays africains doivent faire face. Il en est de même au Proche et au Moyen-Orient : 6 millions de personnes ont quitté, du fait de la guerre, la Syrie et 1,5 million (30 % de la population du Liban) vivent au Liban. En Amérique du Sud, la situation géopolitique et économique au Venezuela a conduit à des flux migratoires très significatifs vers la Colombie.

Je vous donne ensuite quelques repères chronologiques pour que vous compreniez bien le cadre dans lequel l'AFD intervient aujourd'hui.

En 2016, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a transféré à l'AFD la compétence en matière de gouvernance, dont les migrations sont l'un des volets.

En 2018, le comité interministériel à la coopération internationale et au développement (CICID) a fait de la thématique migratoire un axe fort de l'intervention de ce gouvernement et a conduit à l'adoption d'un plan d'action avec la mise en place d'un comité national de suivi (CNS) qui est présidé par l'ambassadeur Teixeira et dont l'AFD est l'un des membres.

Plus récemment, au travers du projet de loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, vous-mêmes avez été amenés, à travers le cadre de partenariat global, à dessiner quelques-unes des orientations stratégiques de la France en la matière : la question des droits humains, la mobilisation des diasporas, la question de la structuration de registres d'état civil.

La stratégie d'intervention de l'AFD se résume en une phrase. Elle vise à la fois à réduire les vulnérabilités liées aux migrations (vulnérabilités des zones de départs et vulnérabilités des personnes dans les pays d'accueil) et à voir comment les migrations peuvent être transformées en facteur de développement : la mobilisation des diasporas est au cœur de ce 2e enjeu.

L'intervention de l'AFD dans ce domaine a cru de manière très significative depuis 2017, car les moyens alloués à l'AFD ont sensiblement augmenté. Concrètement, le programme 209, qui est le programme géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a vu ses moyens augmenter, ce qui s'est traduit pour l'AFD par un passage de 200 millions d'euros de financement en 2017 à 800 millions d'euros en 2018 et à 1,5 milliard en 2019. Nous allons orienter ces crédits vers 18 pays prioritaires de la politique française en matière de développement, tous en Afrique.

Notre valeur ajoutée dans ce paysage est d'être un outil au service de la politique française de développement, de capitaliser sur plusieurs années de présence dans un certain nombre d'États, notamment africains, et de nous appuyer sur un réseau de 34 agences. Sur 1 000 personnes que compte le réseau de l'AFD, 650 sont en Afrique, et sur les 85 agences, 34 sont implantées sur le continent africain.

Nous menons également des actions de recherches, en partenariat avec des universités du sud, africaines notamment, qui permettent de mieux comprendre les enjeux auxquels font face les personnes en situation de migrations et les déterminants de ces migrations.

Je vous présente maintenant la répartition des financements que nous mobilisons au service de notre action. Tous les secteurs d'intervention de l'AFD ont à un moment un lien avec les situations de migrations. C'est le cas de l'agriculture par exemple. Dans les pays qui subissent des sécheresses à répétition, les habitants sont contraints de partir parce qu'ils n'ont pas d'autre moyen d'assurer leur subsistance. Je ne rentrerai pas dans le détail s'agissant des zones de conflit : chacun comprend bien pourquoi les habitants sont obligés d'en partir. Dans le domaine de l'éducation, de l'eau et de la santé, l'enjeu pour nous est de traiter les difficultés auxquelles ces migrants doivent faire face quand ils arrivent dans un pays d'accueil, pays d'accueil qui doit continuer à délivrer un service à sa population locale et, en même temps, répondre aux besoins des migrants.

Nous travaillons également beaucoup avec des organisations de la société civile dans le cadre du guichet Initiative OSC, car elles ont une expertise de terrain de très longue date et ont une capacité à intervenir auprès de publics vulnérables que nous n'avons pas. Elles sont donc un pilier indispensable : les OSC françaises qui agissent au sud et les OSC du sud qui peuvent peser auprès de leurs gouvernements locaux et qui aident les populations migrantes dans les pays dans lesquels elles interviennent.

Je continuerai en vous donnant quelques exemples de projets sur lesquels nous travaillons.

Aujourd'hui, comme je vous l'indiquais, nos deux axes stratégiques sont de lutter contre les vulnérabilités issues des migrations et de faire des migrations un levier au service du développement des territoires de départ des migrants.

Pour illustrer mon propos, je voudrais vous parler d'un projet qui se déploie au Maroc et qui a pour thématique la régionalisation des politiques migratoires mises en place par le Maroc. Nous mobilisons aujourd'hui 9 millions d'euros de subventions sur ce projet. Nous travaillons en partenariat avec Expertise France, qui sera bientôt une filiale du groupe AFD, et avec l'opérateur belge Enabel. Le principal enjeu de ce projet est d'accompagner le Maroc dans le déploiement d'une politique régionale de traitement et de résolution des problèmes des personnes qui sont en situation de migration. Concrètement, nous appuyons des bureaux communaux dans la mise en place d'appuis sociaux, d'appuis administratifs et dans la mise en place de projets pour permettre de financer des projets de développement auxquels pourront être intégrés ces migrants qui se retrouvent sur le territoire marocain.

Le deuxième exemple dont je voulais vous parler est un exemple où nous allons mobiliser des diasporas avec un appui aux initiatives de solidarité pour le développement que nous menons au Sénégal. Nous mobilisons 14 millions d'euros pour accompagner des projets portés par les diasporas. C'est également le cas d'un autre projet, Meetafrica, qui a été lancé à l'occasion du déplacement du Premier ministre au Sénégal en décembre 2019. La proposition de valeur de Meetafrica est de faire appel aux entrepreneurs femmes et hommes des diasporas en France et en Europe. Nous le faisons dans le cadre d'un partenariat avec la GIZ qui est l'équivalent d'Expertise France en Allemagne et avec l'Union européenne. Ce projet a pour ambition d'inciter les acteurs des diasporas à investir dans une logique de développement de leur territoire, via l'aide à la création d'entreprises locales et, par conséquent, la création d'emplois.

On peut ainsi prendre l'exemple de quatre entrepreneurs (Tunisie, Mali, Cameroun, Sénégal) qui ont été accompagnés dans la 1re phase de Meetafrica, projet qui a pris fin en 2019. Devant le succès de cette initiative, nous avons lancé un 2e projet qui mobilise 12 millions d'euros. Expertise France est l'opérateur qui le porte aujourd'hui. Son ambition est d'arriver, dans les deux ans qui viennent, à faire émerger 170 projets entrepreneuriaux dans tout le continent africain.

Nous pouvons présenter une deuxième initiative, Diasdev, qui vise à mobiliser l'épargne et l'investissement des diasporas. Nous montons ce projet en partenariat avec plusieurs banques publiques africaines qui sont des interlocuteurs de confiance de l'AFD. Nous avons obtenu une subvention de 12 millions d'euros de la part de l'Union européenne pour le lancement d'un projet en 2021, qui vise à faciliter la mobilisation des outils au service du transfert d'épargne et d'investissement des diasporas dans les pays africains. Notre objectif est d'améliorer les services financiers qui sont proposés et de faire émerger de nouveaux instruments de mobilisation d'épargne, si possible pour aller vers de l'investissement et passer d'une logique de consommation à une logique d'investissement et de développement d'un territoire localement.

Enfin, concernant la répartition des financements entre acteurs, le transfert de cette compétence à l'AFD a permis d'augmenter assez significativement les montants investis sur cette problématique pour une raison simple. En tant qu'acteur bancaire, nous sommes en capacité de prêter à des États pour, par exemple, financer la mise en place de registres d'état civil et de registres d'identité numérique.

Enfin, je tenais à vous présenter un site internet qui a été financé par l'AFD et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Cette base de données consolide l'ensemble des projets qui traitent des migrations au sens large. Elle est en ligne depuis deux mois. Nous avions à cœur de pouvoir rendre cette donnée disponible, car il s'agit d'un enjeu de redevabilité et de transparence sur les financements et les projets.

J'en ai terminé pour ma présentation. Je conclurai en disant que c'est un sujet qui est structurant dans notre activité au regard de l'impact que nous observons sur le terrain sur les populations qui vivent des migrations contraintes ou forcées.

Ces phénomènes de migrations, par leur ampleur en Afrique, peuvent avoir un impact très significatif sur la stabilité politique et économique des États. Au cœur des projets que nous portons, nous menons ce dialogue avec l'État pour l'accompagner dans la mise en place d'une politique migratoire et pour l'aider à faire face aux besoins de sa propre population et à ceux des migrants.

Dernier enjeu, le renforcement de notre action pour mobiliser les diasporas au service de projets et d'investissements qui ont un impact en termes de création d'emplois dans les pays d'origine.

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Merci pour cette mise en perspective sur un outil, l'AFD, que les citoyens français connaissent très peu et dans lequel beaucoup d'espoir a été fondé, au travers notamment de la loi sur le développement, un texte qui a été porté par Jean-Yves Le Drian et qui a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Nous espérons qu'une meilleure coordination de nos politiques publiques sur le développement aura des effets sur la situation des personnes par rapport à toutes ces questions migratoires.

Vous avez évoqué la manière dont vous travaillez avec l'OFII, le ministère de l'intérieur et le ministère des affaires étrangères. Pouvez-vous être plus précis sur cette coordination ?

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Merci pour cette présentation. Je vais aller droit au but en vous posant quelques questions.

Quelles sont les difficultés les plus récurrentes que vous pouvez rencontrer sur le terrain une fois qu'un projet de partenariat est décidé et qu'il s'agit de le mettre en place ?

Quels indicateurs utilisez-vous pour évaluer la réussite d'un projet ?

Quel bilan qualitatif dressez-vous du plan d'actions migrations internationales et développement 2018-2022 ?

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J'aurai trois questions à vous poser.

Quelles ont été vos actions plus spécifiques pendant la crise sanitaire, même si l'Afrique a été, heureusement, plus épargnée par la pandémie que l'Europe ?

Vous insistez sur l'importance de la mobilisation des diasporas. Avez-vous des chiffres ? Combien de personnes avez-vous pu accompagner ? Pouvez-vous nous donner plus d'exemples concrets ?

Enfin, je voulais demander si des demandeurs d'asile, à qui l'on ne donne pas le statut de réfugiés, ont été aussi accompagnés économiquement pour financer des projets locaux.

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J'aimerais en savoir plus sur le registre d'état civil. Il s'agit d'une solution majeure à une détresse administrative, qui pourrait être évitable, dans les deux sens, ceux qui reçoivent et ceux qui cherchent.

Ici en France, en ce moment, tout le monde est focalisé sur les mineurs non accompagnés : la police, la justice, les associations. On confond ceux qui veulent s'intégrer et les délinquants, mais tout le monde les appelle « mineurs non accompagnés ». J'aimerais votre point de vue sur ces jeunes que vous voyez probablement partir. Je donne un exemple intéressant. Un jeune mineur non accompagné a été salué par le Président Macron et par l'ONU il y a quelques années. Il est passé par une école de production qui l'a remis sur pied et qui l'a intégré dans un vivier d'employeurs qui avaient un grand besoin de main-d'œuvre. Aujourd'hui, il travaille et il réinvestit dans son village de Côte d'Ivoire qu'il avait quitté à cause de la violence (il est parti parce que sa famille a été massacrée) pour faire comprendre aux jeunes qu'ils doivent rester dans leur pays.

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Nous avons des députés enthousiastes quand il est question de migrants.

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J'avais assisté à un film que ma collègue Laurence Dumont avait réalisé avec une association sur les enfants sans identité en Afrique. Avez-vous pu participer à ce projet financièrement ? Arrive-t-on à redonner à ces enfants cette identité dont ils ont tellement besoin ?

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J'ai deux questions. Premièrement, comment le territoire français peut-il aussi être un levier de développement pour un autre territoire qui se trouve en Afrique et qui est une terre d'émigration ?

Deuxièmement, nous sommes confrontés au traitement d'un phénomène qui est massif. Comment peut-on passer au cas par car pour l'accompagnement ? En France par exemple, un chômeur est accompagné pour chercher un emploi. Comment l'AFD peut-elle mieux accompagner les diasporas pour qu'une dépense de consommation se transforme en levier économique ?

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Bertrand Walkaenert

Cette équipe France s'incarne à Paris à travers le comité national de suivi présidé par l'ambassadeur Teixeira, qui nous permet de nous réunir une à deux fois par an, même si nous avons été un peu bousculés par la crise Covid.

Le site internet que je vous ai présenté a aussi une vocation interne : mutualiser le partage d'informations entre nous sur les projets en cours et futurs. Nous attendons beaucoup de ce site internet pour nous aider à la programmation de nos activités.

J'en viens maintenant à ce qui se passe dans le réseau. Les ambassadeurs ont dans leur mandat de réunir un conseil local du développement, qui traite, articule, coordonne, structure les actions des différents intervenants. L'AFD est l'un des membres de ces conseils locaux du développement. À ce titre, nous sommes amenés à présenter les projets que nous voulons financer.

Vous voyez comment fonctionne ce dialogue entre Paris, le réseau et la présence à chaque fois du Quai d'Orsay en organisateur et maître d'œuvre de la cohérence de la politique française bilatérale de développement.

Les projets de développement que nous finançons aujourd'hui et qui ont un lien avec le sujet des migrations sont assez récents parce que cette thématique n'a été transférée à l'AFD qu'en 2016. Les premiers projets de développement sont apparus à partir de 2019, année où les montants des crédits alloués à l'AFD ont augmenté très significativement. Ils commencent à être déployés sur le terrain depuis 2020.

Nous définissons pour chacun de nos projets des indicateurs cibles sur les résultats que nous souhaitons atteindre : nombre d'individus ayant des conditions de vie améliorées, nombre de migrants qui peuvent bénéficier des dispositifs que nous finançons, nombre de populations hôtes qui peuvent en bénéficier, nombre de membres des diasporas qui peuvent bénéficier de nos projets, nombre de bénéficiaires des actions des diasporas, nombre de personnes formées à l'action publique sur la thématique des migrations, nombre d'institutions publiques renforcées, nombre d'organisations de la société civile renforcées, nombre de cadres normatifs (lois et réglementations) que nous faisons évoluer.

Ces indicateurs sont dans tous les documents que nous faisons valider par notre Conseil d'administration avec des cibles que nous cherchons à atteindre.

Le calendrier de déploiement des projets dans le temps s'étend de 2 à 5 ans, avec une revue à mi-parcours et une évaluation en fin de parcours. À ce titre, la création de la commission indépendante d'évaluation sera très utile. Nous réalisons une partie des évaluations, pour une autre partie, nous faisons appel à des consultants indépendants. Nous croisons ensuite ces informations pour améliorer l'efficacité de nos projets. Ma conviction est qu'à travers les partenariats que nous avons développés avec des institutions locales, nous arrivons à avoir des résultats sur le terrain. En revanche, je ne suis pas en capacité aujourd'hui de vous donner un chiffre précis. Je regarderai avec les équipes ce que nous avons à date en matière de résultat d'évaluation. Je vous transmettrai le calendrier des évaluations des projets que nous finançons, spécifiquement liés à la thématique des migrations. Nous aurons d'ailleurs une évaluation spécifique sur cette thématique en 2022.

Autre question, la mise en place d'un registre d'état civil ; celle-ci est indispensable, mais risquée. En effet, des dérives autoritaires pourraient amener à une certaine mainmise sur ces registres et à leur utilisation détournée.

Nous travaillons notamment au Nigeria dans le cadre d'un projet que nous cofinançons avec la Banque mondiale. Nous mobilisons 80 millions d'euros côté AFD pour fiabiliser l'état civil nigérian et permettre la création d'une carte d'identité nationale numérique. Nous finançons ce projet pour permettre un accès individualisé et centralisé à des prestations sociales : permis de conduire, documents de voyage, ouverture de compte bancaire…

Je réponds à la question sur le cas par cas versus le traitement de masse de la thématique des migrations. L'ambition de Meetafrica est d'accompagner 1 000 entrepreneurs européens. Sur ces 1 000, 250 bénéficieront d'un accompagnement personnalité plus poussé pour structurer leur projet de création d'entreprise. Sur ces 250, 170 auront une dotation de 30 000 euros. Ainsi, nous essayons de concilier la nécessité d'avoir un impact le plus large possible avec un traitement sur mesure pour 170 personnes, femmes et hommes, qui portent un projet de développement.

Enfin, pour répondre à la question de M. Ledoux, nos relais locaux sont des relais institutionnels. Au Maroc, nous travaillons avec 30 bureaux communaux d'appui social et administratif aux personnes en situation de migration. Nous travaillons également beaucoup avec les organisations de la société civile locale pour les accompagner dans leur mission, dans le renforcement de leur expertise, de leurs compétences et de leurs moyens.

Une question portait sur la situation des mineurs non accompagnés. Oui, nous rencontrons des personnes qui veulent partir. La jeunesse africaine représente une part très importante de la population africaine aujourd'hui, et encore plus demain. Dans certains pays, les jeunes ont le sentiment de n'avoir plus rien à perdre. Ceux qui sont diplômés n'ont d'autre perspective que le chômage, car les emplois ne sont pas en nombre suffisant pour absorber le flux des nouveaux diplômés chaque année. Ceux qui ne sont pas diplômés sont craints par le pouvoir local parce qu'ils le challengent sur le rôle de l'État, sa politique pour accompagner les jeunes qui cherchent des emplois et qui sont en situation de grande précarité.

Via les projets que nous finançons, nous cherchons à accompagner le développement de petites activités économiques localement. Nous finançons des programmes mettant à disposition des dotations pour lancer une activité économique pour pouvoir acheter du petit matériel : artisanat, couture, maçonnerie, etc.

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Vous avez anticipé ma demande concernant l'évaluation des plans d'actions de l'AFD. Nous reviendrons vers vous sur ce point. Nous ferons également appel aux éclairages de l'ambassadeur Teixeira.

Nous vous ferons passer un certain nombre de questions, notamment sur les partenariats avec les écoles d'ingénieurs et de commerce, que la députée Bénédicte Pételle aurait voulu aussi aborder, mais le temps est un peu restreint.

Enfin, il sera intéressant que nous puissions comprendre comment fonctionnent ces réunions inter-administrations centrales dans lesquelles l'AFD est partie prenante.

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Merci beaucoup. J'aimerais vous entendre sur les 510 milliards de dollars de transfert des diasporas en 2020. Ceci pose plusieurs questions. Je vais appuyer sur ce que Vincent Ledoux disait sur un accompagnement moins de masse et plus au cas par cas. Est-ce qu'aujourd'hui, on a les moyens, en travaillant au cas par cas, de mettre en place des projets plus robustes, plus personnalisés pour les pousser vers plus d'éducation, plus d'agriculture, etc. pour assurer un vrai développement de ces pays ? J'ai envie de vous entendre sur ces transferts d'argent.

Je vais me faire la porte-parole de Bénédicte Pételle qui souhaite avoir des précisions sur le partenariat avec les écoles d'ingénieurs et de commerce et les universités françaises et de Sandrine Mörch qui souhaite votre réponse par écrit sur cette question.

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Bertrand Walkaenert

Les 510 milliards de la diaspora représentent un montant considérable, infiniment plus élevé que ce que la France est capable de mobiliser en soutien au développement dans les pays dans lesquels nous intervenons. Cela dit, son impact sur le terrain est plus difficile à percevoir. Néanmoins, j'ai été le patron d'un hôpital de brousse au Cameroun pendant un an en 2009 et j'ai pu constater que les familles qui recevaient de l'argent de proches qui avaient émigré en Europe pouvaient s'offrir des soins. Cet argent percole et est très connecté avec les personnes physiques qui en sont les bénéficiaires.

Nous travaillons aujourd'hui, à travers les projets dont je vous ai parlé, à passer d'une logique de consommation à une logique d'investissement. Avec le projet Meetafrica, les membres des diasporas trouvent des véhicules financiers en lesquels ils auront confiance et dans lesquels ils seront prêts à investir de l'argent, parfois avec un retour financier certes faible, voire nul, mais grâce auxquels ils participent à la création de projets entrepreneuriaux.

Nous travaillons aussi à la mobilisation des banques publiques africaines. Elles ont la capacité de mobiliser de l'épargne locale au service du développement de l'économie du pays. 94 banques publiques africaines investissent chaque année 25 milliards d'euros dans l'économie africaine. Nous avons commencé à travailler avec elles pour trouver des points de convergence sur des grands objectifs que sont la lutte contre le changement climatique et le soutien au développement des TPE et des PME, mais aussi pour mobiliser de l'épargne domestique pour inciter des Sénégalais, des Ivoiriens, des Tunisiens à investir dans l'économie de leur pays.

S'agissant des écoles et universités françaises, je pense que deux sujets sont importants. Premièrement, comment faire venir plus de jeunes françaises et français issus d'universités ou de grandes écoles, mais pas uniquement, dans les projets de développement financés par l'AFD ? Il s'agit de l'un des enjeux du rapprochement avec Expertise France et des discussions que nous avons aujourd'hui avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et son opérateur France volontaire international.

De manière plus large, je pense que l'AFD détient une mine d'or en matière d'informations et d'exemples de parcours de femmes et d'hommes. Comment montrer ce visage de l'Afrique qui, hélas, n'est pas suffisamment mis en valeur par les médias français ? Comment faire pour que les jeunes Français, voyant cela, aient envie de se mobiliser pour l'Afrique ?

Dans les réunions qui sont organisées en Afrique, nous constatons que beaucoup d'Africains et Africaines demandent à rencontrer la jeunesse française, car ils pensent qu'ils arriveront à travailler avec eux. Je pense qu'il y a cette volonté de sortir des schémas historiques habituels et de permettre aux jeunes de se parler et de travailler beaucoup plus directement ensemble que ce n'a été le cas jusqu'à présent.

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Merci beaucoup, M. le directeur général adjoint de l'AFD, pour ces dernières réponses sur les opérateurs financiers, sur les relations entre les écoles et les universités et sur la révision de nos représentations sur les pays africains, qui est l'un des enjeux de cette commission d'enquête. Je vous propose, mes chers collègues, si vous avez des questions complémentaires, de les centraliser et de les transmettre à l'AFD.

La réunion s'achève à quinze heures trente.