Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CESE
  • CESER
  • loire
  • régional
  • régionaux
  • santé-environnement
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La réunion

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L'audition débute à dix-sept heures.

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Nous auditionnons M. Jacques Bodreau, président, et Mme Michelle Bureau, rapporteure générale à l'évaluation des politiques publiques, du conseil économique, social et environnemental régional (CESER) des Pays de la Loire.

Dans chaque région, le CESER, assemblée consultative, a pour mission d'informer le conseil régional sur les enjeux et les conséquences économiques, sociales et environnementales des politiques régionales. Le CESER participe également aux consultations organisées à l'échelle régionale et contribue à l'évaluation et au suivi des politiques publiques régionales.

Comment le CESER des Pays de la Loire marque-t-il son attention aux questions de santé environnementale ? Participe-t-il aux travaux préparatoires du plan régional santé-environnement (PRSE) ? Évalue-t-il la mise en œuvre de ce plan ? Quels traits spécifiques de la région ont un impact sur les questions de santé environnementale ?

(M. Jacques Bodreau et Mme Michelle Bureau prêtent serment.)

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Jacques Bodreau, président du CESER des Pays de la Loire

Nous remercions cette commission de recevoir le CESER car ce n'est pas si habituel.

Les CESER ont un rôle particulièrement sensible en ce qui concerne l'éclairage des politiques publiques régionales. Notre intervention sera liée au cadre de notre territoire et à l'expérience que nous avons de celui-ci. Ce que nous dirons, par définition, n'engage pas les autres CESER qui peuvent avoir des visions différentes dans leur propre territoire.

Les CESER sont la représentation institutionnelle des corps intermédiaires. Dans le CESER des Pays de Loire sont représentées 62 organisations. Nous avons des représentants d'organisations professionnelles : syndicats professionnels, chambres consulaires… Les organisations syndicales y sont toutes représentées. Les associations des domaines de la solidarité et de l'éducation sont également présentes, ainsi que des représentants de la recherche, des pôles de compétences, de l'université…

Nous embrassons ainsi au sein des CESER l'ensemble de la société civile organisée. Il est donc intéressant que leur avis soit porté à la représentation nationale et nous nous félicitons de l'audition d'aujourd'hui.

La loi demande aux CESER un avis sur les politiques publiques régionales. Il demande également à chaque CESER, soit par saisine du président ou de la présidente du conseil régional soit par auto-saisine, de faire des propositions sur des politiques publiques régionales, propositions que nous appelons des contributions.

Notre premier constat est que nous n'avons au sein de notre CESER jamais été saisis du plan régional santé-environnement. Notre compréhension est donc aujourd'hui que le plan régional santé-environnement est une politique de l'État en région, mais n'est pas une politique régionale. Nous tenions à le souligner d'emblée.

Notre deuxième constat est que nos contributions portent sur des politiques publiques régionales qui, la plupart du temps, et c'est un euphémisme, se travaillent en « silos ». Elles concernent des thématiques précises telles que la transition énergétique, les transports ou le numérique. Or, la santé environnementale est probablement le domaine dans lequel la transversalité est la plus significative. La structuration même des politiques fait donc que nous ne pouvons aujourd'hui pas donner des avis sur la santé environnementale.

En tant que CESER des Pays de la Loire, nous avons toutefois pris l'initiative d'aborder des préoccupations de santé environnementale à travers des saisines ou des autosaisines. Nous avons donc eu une réflexion plus transversale dont voici quelques exemples.

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Michelle Bureau, rapporteure générale à l'évaluation des politiques publiques du CESER des Pays de la Loire

Une grande partie de nos travaux traite de questions de santé environnementale, mais de façon indirecte.

Ainsi, nous sommes récemment intervenus sur le plan alimentation santé après une saisine du conseil régional. Nous avons produit des travaux sur l'eau dans lesquels ne se trouvent ni référence au plan régional santé-environnement ni les termes de santé environnementale ou santé-environnement bien que le lien existe.

Nous avons aussi conduit des travaux sur saisine du conseil régional dans le cadre de « Ma région 2050 » et nous avons réalisé une auto-saisine sur « Vivre en Pays de la Loire en 2050 ». La santé et l'environnement y sont particulièrement traités, ainsi que les questions de bien vivre et bien vieillir dans la région puisque les éléments démographiques montrent que la région vieillit et accueille une population de plus en plus vieillissante. Ces deux travaux constituent un exercice de prospective dont les questions auraient pu être posées à travers le plan régional santé-environnement, mais cela n'a pas été fait.

Nous travaillons actuellement sur auto-saisine en ce qui concerne les travaux de rénovation des logements et la rénovation énergétique des bâtiments du tertiaire tels que les équipements scolaires, les équipements publics. Dans la note de cadrage des travaux sur la rénovation du tertiaire, nous avons évoqué le fait que les aménagements financés avec des aides du conseil régional puissent donner lieu à une contrepartie sous forme d'information sur les questions de prévention en santé à l'intérieur des équipements ayant reçu une aide. En effet, les mesures de rénovation portent sur le bâti, mais la façon dont les usagers vivront à l'intérieur et l'influence en termes de santé ne sont pas traitées. La conditionnalité de l'aide permet d'aborder ces aspects de façon un peu différente.

Le CESER est organisé en commissions. La commission 2 porte sur la santé sociale et a choisi de conduire des travaux sur les déterminants sociaux de santé. Quels sont-ils et comment leur connaissance pourrait-elle servir à l'élaboration des politiques publiques ? La commission 1 consacrée aux finances et à la prospective travaille sur les mutations environnementales, sociales et sociétales, politiques et technologiques. Nous venons de démarrer des travaux sur les mutations qui concernent les questions de santé, posées en tant que telles, alors que nous avions plutôt commencé par des questions d'environnement, de politique sociale ou sociétale. Nous avons jugé que la situation évolue en termes de santé et qu'il faut l'étudier de plus près.

Les travaux terminés et votés par le CESER se trouvent déjà sur notre site. Les autres y seront dès qu'ils seront terminés.

Les politiques publiques sont en « silos », tandis que les questions de santé environnementale sont transversales et nous avons du mal à les traiter de cette dernière façon. Par ailleurs, elles concernent tous les niveaux de collectivités territoriales ce qui pose un véritable problème. Dans nos travaux, nous avons souvent mis en avant le couple constitué du conseil régional et d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), notamment à travers les contrats régionaux qui sont signés. Sans doute faut-il regarder comment les départements peuvent prendre leur part de ces thématiques et voir quelles sont les articulations possibles avec les collectivités locales.

Nous constatons aussi un besoin de clarification. La gouvernance doit sans doute être revisitée. Ainsi, le plan régional santé-environnement n'est pas parvenu jusqu'à nous. Il existe certes, mais la façon dont il est piloté, arbitré est plus diffuse. Il faudrait permettre aux acteurs de voir la place qu'ils peuvent prendre et le rôle qu'ils peuvent jouer à travers les actions qu'ils conduisent. C'est actuellement relativement opaque. Par exemple, des acteurs conduisent des actions de prévention dans le domaine de l'éducation, de la jeunesse, mais ce n'est pas du tout inscrit dans le projet. Ils le font parce qu'ils se sentent concernés par ces préoccupations, mais le fait que ces actions ne soient pas raccordées au plan général leur fait perdre de l'efficience.

La lisibilité par les populations du lien entre environnement et santé est insuffisante comme nous l'avons vu dans nos travaux sur l'eau, sur les déterminants sociaux, sur les rénovations énergétiques. Le lien n'est pas forcément et systématiquement fait. Le fait qu'agir sur ces registres a des conséquences sur les questions de santé est peu mis en avant. L'axe 5 du PRSE 3, consacré à la transversalité, permettrait de mieux comprendre la nature des difficultés rencontrées. Les données sont aujourd'hui relativement éparses et il reste d'importants points d'amélioration.

La santé n'est pas qu'une question de soin, mais aussi de prévention personnelle et collective. Cette dimension, qui suppose de l'anticipation, n'est actuellement pas suffisamment travaillée de notre point de vue. Changer les pratiques nécessite du temps et il faudra sans doute plusieurs générations pour parvenir à réellement anticiper. Des registres d'intervention comme la communication, le partage d'informations, l'éducation sont nécessaires pour aller vers le changement de ces pratiques.

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Jacques Bodreau, président du CESER des Pays de la Loire

Nos trois préconisations sont la prévention, la proximité et l'évaluation.

Je ne reviens pas sur la prévention dont Michelle Bureau vient de parler. J'insiste toutefois sur le fait que de multiples acteurs interviennent dans la prévention et qu'elle ne consiste pas uniquement en la sensibilisation et en la prise de connaissance, qu'elle ne concerne pas uniquement les sachants.

Nous regrettons, à notre niveau, que le PRSE ne soit pas descendu jusqu'au CESER. Cela aurait permis aux 62 organisations représentant la société civile organisée de s'emparer du sujet. En termes de pédagogie, d'accélération de la connaissance et de mobilisation, ces organisations auraient pu être des vecteurs contribuant à imaginer une politique plus ambitieuse de prévention.

En ce qui concerne la proximité, nous nous demandons si ce plan régional santé-environnement ne doit pas être plus contractualisé entre l'État et la région et devenir plus clair en ce qui concerne la responsabilité des uns et des autres. Nous croyons fortement, depuis quelque temps déjà, à la région stratège. Nous considérons d'ailleurs que l'épisode de la covid a bien fait valoir la nécessité de la relation État-région comme relation fondamentale de politique publique et de capacité à œuvrer sur le terrain.

Nous considérons que cette capacité de stratège de la région est le maillon le plus décisif pour avoir un plan régional santé-environnement plus ambitieux et, surtout, plus efficace dans les territoires. La région est capable d'imaginer des partenariats, elle y est habituée. Ce peuvent être des partenariats avec les métropoles, avec les EPCI, avec les départements… La proximité dépend souvent de la qualité de ces partenariats et la région est probablement le maillon le plus essentiel pour pouvoir le faire. Il est plus complexe pour l'État de définir ou de mettre en œuvre de tels partenariats.

L'évaluation est un élément important. Tous les CESER sont censés concourir à l'évaluation des politiques publiques. Je pense pouvoir dire qu'en France, l'évaluation des politiques publiques est un peu l'absent perpétuel de la discussion sur ces politiques.

Les CESER ont collectivement produit, voici trois ou quatre ans, un livre blanc sur l'évaluation dont Michelle Bureau a été l'une des contributrices les plus importantes. Le premier objectif était que nous puissions nous-mêmes nous approprier la culture de l'évaluation et le second que nous portions une voix vis-à-vis de nos conseils régionaux en disant que nous étions capables d'évaluer avec eux les politiques publiques.

Lorsque j'essaie, avec mes collègues présidents, de faire le panorama de ce qu'il se passe dans les régions françaises, force est de constater que nous avons peu avancé quant à l'évaluation des politiques publiques. Les raisons sont diverses, nous pourrons y revenir. Il nous semble que les politiques qui touchent à la santé-environnement sont probablement de celles qui se prêtent le mieux à l'expérimentation sur l'évaluation, du fait même qu'elles sont transversales donc avec de multiples acteurs et touchant de multiples politiques. Il faut toutefois que cette évaluation soit définie dès le départ de la politique régionale parce que l'évaluation ne peut pas être faite si les objectifs, les paramètres et les éléments de comparaison n'ont pas été prévus à l'origine.

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Je vous remercie, monsieur le président, pour cette présentation très ciblée sur votre région et, en même temps, élargie à l'ensemble des CESER pour les problématiques d'évaluation.

Ma première question portera sur le positionnement des CESER dans les politiques publiques, au-delà des politiques de santé environnementale. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait organisé la Convention citoyenne pour le climat et nous avons bien vu une volonté affichée de positionner davantage le CESE et les CESER sur les questions de santé environnementale. Je crois savoir que le CESE en est encore à peine à créer une commission spéciale santé-environnement.

Je vous entends dire que vous n'avez pas été associé au PRSE de votre région ; j'entends votre frustration et votre déception, mais je me dis que le CESE n'avait jusqu'à présent pas beaucoup « bougé » non plus sur cette question. Que vous vous mobilisiez, que vous vous sentiez particulièrement concerné et ayez des revendications est bien, mais je ne suis pas certaine que ce soit une volonté partagée. Peut-être est-elle encore en train de se préciser dans les CESER. La future réforme du CESE prévoit justement de positionner CESE et CESER sur ces questions. Je voudrais avoir votre sentiment à ce sujet.

En ce qui concerne l'évaluation des politiques publiques, je partage votre frustration en tant que parlementaire. L'évaluation relève normalement de nos missions de parlementaires et cela manque terriblement dans la gouvernance de notre pays.

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Jacques Bodreau, président du CESER des Pays de la Loire

Le CESE est une institution nationale, communément appelée la troisième chambre. Il a notamment vocation à être l'interlocuteur de l'Assemblée nationale et du Sénat en ce qui concerne les futurs projets de loi ou à partir de réflexions sur lesquelles vous pouvez le questionner, le cas échéant. Il n'existe pas de relation fonctionnelle entre le CESE et les CESER. Il existe une relation positive par des échanges d'informations, des réflexions parfois communes. Nous pouvons avoir des réflexions en région que nous faisons remonter au niveau national, mais les CESE et les CESER sont des structures totalement indépendantes. Le CESE participe au fait national, les CESER au fait régional. Or, la politique de santé n'est pas une politique régionale et les CESER n'avaient donc pas de légitimité à aborder des questions de santé. Il n'existait pas de budget spécifique à la santé dans les régions, même si cela a évolué. Depuis trois ou quatre ans, les conseils régionaux ont été amenés à prendre position sur la politique de santé, en particulier sur la désertification médicale. Certains diront que c'est parce que l'État n'était pas au rendez-vous, d'autres parce que la situation était tellement complexe qu'il fallait que les conseils régionaux prennent leur part. Dans le cas de la désertification médicale, la région stratège a pris des positions budgétaires ou a créé des boîtes à outils à disposition des collectivités locales, notamment des EPCI.

Deux accélérations se produisent, me semble-t-il. La première est liée au fait que la population interroge les élus de proximité. Nos concitoyens ne se préoccupent pas de savoir quel est l'étage décisionnaire ou l'étage responsable du budget, d'autant plus que le sujet est complexe et que nous-mêmes sommes parfois un peu perdus. Nos concitoyens interrogent leurs élus de proximité et, en particulier, les élus régionaux. De facto, les élus régionaux sont parfois obligés de rendre des comptes sur des préoccupations de santé dont ils ne sont logiquement pas les responsables politiques. Le phénomène s'est accéléré avec la pandémie, ce qui a amené l'Association des régions de France à prendre une position collective en demandant à l'État une participation plus importante des régions dans la politique de santé.

Parallèlement, comme le CESER est représentatif des corps intermédiaires, les corps intermédiaires de notre assemblée sont eux-mêmes interpellés par leurs mandants sur les problèmes de santé, notamment sur la santé au travail, sur la logique entre université, centre hospitalier universitaire (CHU), hôpitaux… Un certain nombre de questions se posent, surgissent dans les organisations et arrivent aux CESER.

Même si la santé n'est pas une politique régionale, elle est devenue régulièrement un objet de discussion, de réflexions voire de propositions au sein des régions, donc des CESER. D'ailleurs, si nous étions venus ici voici trois ans, nous n'aurions certainement pas fait état du même nombre de travaux qu'aujourd'hui. La progression a été très rapide en trois ans.

Enfin, il est difficile d'amener les élus à s'inscrire dans une logique d'évaluation. Tout d'abord, la portée véritable de l'évaluation est méconnue. Les élus entendent souvent « jugement » lorsque nous parlons d'évaluation alors qu'il ne s'agit pas de cela. Il existe donc des réticences.

Nous avons commencé des expérimentations en Pays de la Loire, dont une concerne l'apprentissage. La covid a malheureusement interrompu ces travaux. Nous avons à mettre en œuvre des politiques relatives au couple santé-environnement et parfois des politiques connexes comme le logement. Cette situation, dans des frontières qui ne sont pas figées nous paraît particulièrement adaptée à des expérimentations en ce qui concerne l'évaluation. Les CESER ont travaillé ensemble et nous avons pris des positions très claires collectivement sur l'évaluation : nous sommes prêts à nous y investir.

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Vous êtes une mine d'informations et, malheureusement, cela ne se sait pas ! Votre CESER n'a pas de commission spécifique santé-environnement. Peut-être serait-il utile d'en créer une, d'autant plus que nous vivons une situation très particulière en ce moment qui ne peut que motiver la création de ce type de commission.

Les sujets de santé-environnement sont nombreux dans les Pays de la Loire : des maladies chroniques, un taux élevé de cancers dans certains départements, des foyers de cancers pédiatriques. Vous n'avez pas été amenés à contribuer sur ces sujets, mais il aurait certainement été intéressant que vous fassiez des propositions. Quels axes d'améliorations pourriez-vous proposer ?

Comment évaluez-vous l'information de la population sur l'enjeu de la santé environnementale ? C'est une question très importante. Comment renforcer la formation des professionnels de santé ?

Vous avez parlé de santé-environnement dans les situations locales. Avez-vous la possibilité de collecter des données, des informations ? Comment pouvez-vous les partager ?

Des actions pourraient-elles selon vous être conduites à destination des enfants, des jeunes pour améliorer l'évaluation des politiques publiques et la formation ?

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Michelle Bureau, rapporteure générale à l'évaluation des politiques publiques du CESER des Pays de la Loire

L'organisation du CESER et les moyens dont il dispose ne permettent pas de collecter directement des données. C'est un vrai problème pour l'évaluation.

Nous avons fait voici quatre ans des travaux d'évaluation sur le pacte 15-30, un pacte à destination de la jeunesse avec plusieurs volets. Lorsque nous avons voulu faire les travaux d'évaluation, nous avons constaté que les objectifs donnés à ce pacte étaient trop vastes et trop vagues, trop « politiques » et n'étaient pas opérationnalisés. De ce fait, ils étaient difficiles à évaluer. Dans beaucoup de politiques publiques se pose cette question d'avoir des actions mesurables en plus des ambitions politiques.

Par ailleurs, il faut organiser les données pour permettre une véritable évaluation. Par exemple, il n'existait pas de données dans la région permettant de connaître par département le nombre de jeunes filles ou de jeunes hommes qui avaient utilisé les éléments du pacte. Nous connaissions le nombre total de personnes ayant utilisé le pacte dans la région tout entière, mais pas par tranches d'âge, par département, selon l'appartenance à une zone rurale ou une métropole… Si le recueil de ces données n'est pas pensé dès le départ, il est extrêmement compliqué de faire une évaluation, voire impossible.

La formation des professionnels de santé est une compétence du conseil régional. Je ne sais pas si le fait d'introduire ces questions dans leur formation fait partie des marchés. Il faudrait que nous regardions si, lorsque les marchés sont publiés, un volet obligatoire sur le lien entre santé et environnement est prévu dans les formations. C'est une bonne question et ce pourrait être un élément de prévention important.

Où pouvons-nous agir ? Le conseil régional possède la compétence en ce qui concerne les lycées. Dans les lycées existent des maisons des lycéens. Faire en sorte que, dans chaque établissement, un volet de prévention sur la santé et l'environnement soit systématiquement organisé mettrait chaque jeune lycéen au moins en contact avec cette approche de la santé. Il ne s'agit finalement pas de se soigner, mais de se protéger avant d'être malade. Je pense que de vraies actions sont possibles à la frontière entre l'Éducation nationale et le hors scolaire, pas forcément sur le temps de cours, mais par des débats, des conférences, des expositions, des échanges de pratiques, de la connaissance de l'environnement…

Je n'ai personnellement pas de proposition en ce qui concerne les maladies chroniques ou les cancers pédiatriques. Nous pourrons vous envoyer des documents ultérieurement car nous avons parmi nos conseillers des personnes capables de couvrir ces questions de façon assez précise, par exemple une personne représentante du CHU à travers son organisation syndicale.

Je reviens sur la convention citoyenne et les questions connexes. Nous fonctionnons par des auditions sur le terrain et nous travaillons également à travers la communication de nos études de façon à ce que chacun des conseillers puisse relayer au sein de son organisation l'ensemble des informations que nous produisons. Nous avons donc sur le territoire régional un impact relativement conséquent. Les données objectives pour le dire sont certes insuffisantes, mais nous avons pensé notre communication ainsi, en inversant finalement le fonctionnement des conventions citoyennes sur le climat : nous irriguons à partir de nos travaux la population et les réseaux de la société civile.

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Jacques Bodreau, président du CESER des Pays de la Loire

Le président que je suis n'est pas en mesure aujourd'hui de vous dire si son assemblée considère que cette formule de participation citoyenne qu'est la convention citoyenne rassemble les suffrages de nos organisations. La question est en suspens et nous menons actuellement des travaux pour aborder frontalement ce problème.

Les CESER constituent effectivement une mine d'informations et ont une capacité de travaux et d'organisation assez exceptionnelle. Comme d'habitude dans notre pays, nous vivons des paradoxes formidables. Les CESER ont été créés en même temps que les régions en 1972-73, mais cette chambre consultative installée dans les régions a du mal à « perfuser » les politiques régionales. C'est un combat de tous les jours et, de façon générale, la place des chambres consultatives dans notre pays est un combat à mener au quotidien.

Nos organisations se disent qu'il est paradoxal pour les syndicats d'être les représentants de leurs militants, pour les organisations professionnelles d'être les représentants de leurs adhérents, pour les associations d'être les représentants de ceux qui les accompagnent et que la société civile ait du mal à être entendue et écoutée alors qu'une commission de citoyens, d'un seul coup, arrive et serait écoutée par les pouvoirs publics au plus haut niveau. Disant cela, je ne juge pas, je dis simplement que c'est un paradoxe. Nous prévoyons justement d'éclairer notre propre lanterne sur ce sujet et de définir une position collective du CESER Pays de la Loire et peut-être ultérieurement d'autres CESER. Nous regrettons que, globalement, les chambres destinées à éclairer les élus ne puissent pas être suffisamment entendues alors qu'un travail de fond y est fait.

Nous restons où nous sommes, nous ne sommes pas des spécialistes. Le CESER n'a pas la prétention de donner un avis sur le pourquoi et le comment d'une maladie chronique ou d'éléments de santé spécifiques qui réclament une expertise particulière. Par contre, le CESER peut faire remonter les informations de la société civile. Il connaît le terrain, il a un savoir-faire pour mettre en relation et faire travailler ensemble des personnes de profils professionnels ou militants différents. Ces capacités amènent des remontées de terrain qui éclairent les politiques publiques, mais nous ne voulons pas devenir sachants à notre tour. Il existe bien assez de sachants tandis que la remontée du terrain et la capacité de mobilisation du terrain font partie de ce que les CESER peuvent apporter.

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Vous soulignez la difficulté à faire fonctionner la démocratie participative en France, de façon générale, à tous les échelons, que ce soit à l'échelle nationale, en interministériel, au sein du parlement ou aux échelons territoriaux.

J'entends qu'il existe un fort potentiel et une envie de participation de la société civile et que vous pourriez être un partenaire de choix pour les décideurs nationaux et régionaux. Vous venez de dire que vous n'êtes pas des spécialistes et je vous remercie de le reconnaître car ce n'est pas votre travail. Les spécialistes de la santé sont les agences régionales de santé (ARS) et c'est leur rôle de travailler sur les questions de santé environnementale. J'entends votre souhait d'être réellement associés au sein des PRSE comme des partenaires reconnus ayant un fort potentiel de remontées de terrain.

J'ai toutefois été un peu interloquée lorsque vous avez dit que la politique de santé n'est pas une politique régionale. Je pense que c'est un malentendu. Certes, des axes majeurs sont identifiés et portés par le Gouvernement au niveau national en matière de santé publique. En matière de santé et particulièrement de santé environnementale, des problématiques sont spécifiques à chaque région. La difficulté est de coordonner la politique nationale descendante et la politique régionale horizontale de façon cohérente et de faire en sorte que le résultat soit au plus près de la réalité caractéristique de chaque région.

J'entends l'intérêt qu'il y aurait à proposer le partenariat des CESER de façon plus officielle dans le cadre des dynamiques très compliquées à mettre en place par les ARS et les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) qui cherchent aussi des modes de gouvernance.

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Michelle Bureau, rapporteure générale à l'évaluation des politiques publiques du CESER des Pays de la Loire

Le CESER est un des rares lieux sans enjeu politique. Le collège 1 qui réunit les organisations patronales, le collège 2 qui réunit les organisations syndicales et les collèges 3 et 4 qui réunissent les personnes qualifiées et les organisations associatives travaillent dans le seul souci de l'intérêt général. Ce qui est produit n'est pas une politique publique mise en œuvre par les uns ou les autres, ce qui permet une richesse de réflexion que je n'identifie pas dans d'autres lieux. Les partis politiques, les collectivités territoriales, les institutions ont des logiques qui leur sont propres tandis que le CESER a une position spécifique qui peut être un plus, y compris comme médiateur, lorsque la situation est compliquée entre les uns et les autres. Cet élément mérite d'être souligné : nous avons la chance d'avoir un espace dans lequel nous pouvons penser et réfléchir en dehors d'une pression institutionnelle ou autre. Ces espaces ne sont pas si nombreux.

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Un autre aspect positif de cette dynamique interne au CESER est que vous avez une ouverture beaucoup plus large sur le monde de l'entreprise, ouverture que n'ont pas forcément les institutionnels tels que les ARS ou DREAL. Ce serait une dimension supplémentaire, notamment pour la santé-environnement au travail.

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Michelle Bureau, rapporteure générale à l'évaluation des politiques publiques du CESER des Pays de la Loire

Lorsque le CESER produit un avis sur l'eau, les environnementalistes, les agriculteurs, les syndicats de salariés et les syndicats patronaux qui y siègent ont discuté ensemble et se sont mis d'accord sur l'avis produit. L'intérêt général a donc primé sur les intérêts particuliers des uns et des autres. Il me semble que la société devrait se saisir de cette ressource relativement conséquente.

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Aller à l'intérêt général plutôt que de défendre les intérêts particuliers donnerait un puissant rôle de médiateur au CESER.

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Jacques Bodreau, président du CESER des Pays de la Loire

Le lien entre santé environnementale et agriculture est particulièrement fort. La région des Pays de la Loire est une région très agricole et le CESER joue un rôle de médiation entre les associations environnementales et les syndicats agricoles qui sont bien sûr présents dans notre assemblée. Leurs points de vue ne sont pas les mêmes, mais, sur maints rapports et votes, nous avons réussi à aller sur la notion d'intérêt général. Sur la politique de l'eau, qui est particulièrement sensible, nous avons réussi à obtenir un consensus autour d'un certain nombre de propositions.

Il existe bien sûr une politique régionale de santé, mais cette politique régionale est à la main de l'État à travers l'ARS, en relation certes avec les collectivités territoriales et locales, mais l'État ayant toutefois la main sur la plupart de cette politique. Nous disions que les conseils régionaux ont la volonté d'être de plus en plus présents dans la discussion et d'agir sur cette politique régionale de santé.

J'insiste sur le fait que, si la gouvernance devait évoluer pour devenir plus partagée entre les ARS et le conseil régional, il faudra aussi revoir les ressources des conseils régionaux. Nos régions sont des nains économiques en termes de budget, sans aucun rapport avec la plupart des régions européennes, même sans parler des Allemands ou des Espagnols. En particulier, il n'existe quasiment pas de fiscalité propre pour les régions. Si une telle évolution est mise en place, le CESER sera très vigilant quant aux ressources permettant réellement aux régions de mettre en œuvre ces politiques. Il faut donc une évolution vers la responsabilisation, mais également une évolution des ressources.

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Vous parlez beaucoup de conseil régional, mais il est ici question du CESER. Vous positionnez finalement le conseil régional comme l'instance qui serait partenaire de l'ARS, non le CESER.

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Jacques Bodreau, président du CESER des Pays de la Loire

Le CESER peut être un partenaire en termes de réflexion et de propositions, mais c'est une chambre consultative. Il n'envisage pas du tout que cela change. Les CESER restent à leur place et il est bien évident que ce sont les élus qui décident, gèrent et administrent.

Nous voyons aujourd'hui que, volontairement ou de façon subie, les élus veulent être de plus en plus acteurs de la politique régionale de santé. Ils en sont actuellement un acteur assez accessoire. S'il devait se produire une évolution des responsabilités des conseils régionaux dans la politique de santé, les CESER seraient encore plus légitimes pour être présents en concertation avec les différents acteurs puisque cela deviendrait une politique régionale beaucoup plus accentuée. La réflexion sous-jacente des CESER et des élus régionaux est que, si la gouvernance de la santé évolue vers une plus grande importance des élus régionaux, il faudra évidemment que les ressources soient au rendez-vous.

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Les propositions que vous venez de faire au nom de votre CESER – mais qui peuvent être généralisées à tous les CESER – pour renforcer l'échelon régional et la territorialisation de la santé environnementale sont extrêmement intéressantes. Les CESER semblent être des partenaires tout à fait pertinents.

L'audition s'achève à dix-huit heures cinq.