Groupe de travail sur l'ouverture de l'assemblée nationale à la société et son rayonnement scientifique et culturel

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • art
  • exposition
  • musée
  • médiation
  • palais
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La réunion

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GROUPE DE TRAVAIL N° 7 L'OUVERTURE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE À LA SOCIÉTÉ ET SON RAYONNEMENT SCIENTIFIQUE ET CULTUREL

Jeudi 22 mars 2018

Présidence de Mme Delphine O, rapporteure

Audition de M. Vincent Poussou, directeur des publics et du numérique de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais.

La réunion commence à seize heures cinq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, je suis très heureuse d'accueillir M. Vincent Poussou, directeur des publics et du numérique de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais, pour cette nouvelle audition du second semestre de notre groupe de travail sur l'ouverture de l'Assemblée nationale à la société civile et son rayonnement scientifique et culturel. La semaine dernière, nous avons entendu Bruno Maquart, président d'Universcience, et nous nous sommes rendus mardi dernier au Parlamentarium de Bruxelles.

Nos travaux ont pour objet la création au sein de l'Assemblée nationale d'un lieu ouvert au public, d'accueil, d'information, d'expositions, de rencontres et de médiation. Le rapport, qui sera rendu au mois de mai prochain, devra définir plus précisément les finalités, et surtout les fonctionnalités, de ce lieu qui devrait ouvrir dans quelques années.

À cette fin, nous entendons en auditions divers responsables d'institutions agissant dans les domaines culturel, artistique et scientifique ; c'est pourquoi nous accueillons aujourd'hui la Réunion des musées nationaux.

Notre objectif est de transmettre un message d'intérêt général pour notre projet : la démocratie, la citoyenneté et les valeurs des droits de l'homme. Il s'agit encore d'informer, sur le rôle du Parlement, son histoire, son fonctionnement et son activité ; mais aussi promouvoir la réflexion, le débat, la prise de conscience ainsi que la participation citoyenne.

En quelque sorte, une démarche de médiation s'impose d'emblée dans la conception de ce lieu qui ne saurait prendre une forme uniquement muséale, ou de simple exposition historique.

Je sais combien la RMN agit pour que la démocratisation culturelle ne soit pas qu'un slogan et que tous les publics puissent être atteints, y compris ceux qui sont naturellement situés très loin du monde de la culture.

Nous devrons relever le même défi ici : toucher ceux qui ne sont pas naturellement portés à s'informer et à interpeller le politique, les publics les plus éloignés du monde dans lequel nous, parlementaires, évoluons.

Notre défi est d'ouvrir les portes de notre maison, la maison du peuple, qui malheureusement ne l'est pas toujours complètement ou a oublié de l'être, de faire comprendre le rôle du Parlement, et porter les valeurs de la démocratie. Cela dans un cadre culturel, historique, patrimonial.

Vous avez reçu un questionnaire assez général portant sur les moyens dont s'est dotée la RMN au cours des dernières années afin de démocratiser son accès et d'attirer de nouveaux publics. Vous direz peut-être comment concevoir l'architecture générale et les aménagements d'un lieu, pour communiquer au mieux, comment utiliser le numérique et ses innovations, et comment rendre un lieu accessible, notamment aux personnes handicapées.

Enfin, point capital pour notre groupe de travail, comment attirer le jeune public – des plus jeunes aux adolescents et jeunes adultes, qui ne s'intéressent guère à la politique.

Après une présentation générale de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais, nous serions heureux que vous puissiez aborder notamment ces questions avant que nous engagions le dialogue.

Permalien
Vincent Poussou, directeur des publics et du numérique de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais

J'espère pouvoir contribuer efficacement à votre réflexion, même si les sujets que vous avez évoqués sont des sujets complexes pour lesquels on n'a jamais de réponses toutes faites. C'est d'ailleurs plutôt dans le cadre d'un processus de réflexion à plusieurs que l'on peut trouver des manières d'avancer.

Je vais commencer, comme vous m'avez invité à le faire, par un très rapide exposé portant sur quelques axes : présenter à La réunion des musées nationaux – Grand Palais, faire une présentation du Grand Palais, qui constitue en lui-même un enjeu.

Cela particulièrement parce qu'il me semble intéressant dans le domaine des problématiques de publics, de travaux et de nouveaux espaces de faire le parallèle avec vos préoccupations, puisque le Grand Palais va être entièrement rénové. Je pourrais enfin terminer cette introduction par quelques mots sur ce qu'il en est des innovations que nous apportons dans la médiation.

Je m'efforcerai d'être le plus concret possible, en espérant que les quelques exemples que je prendrai pourront vous aider à rebondir et à ce que nous avancions ensemble pour trouver les meilleures réponses aux questions que vous vous posez.

La RMN – Grand Palais est une entreprise dont le nom, est un peu compliqué : « Réunion des musées nationaux, tiret, Grand Palais ». C'est une entreprise assez hybride dans ses missions, car elle est un établissement public à vocation industrielle et commerciale (EPIC), placé sous la tutelle du ministère de la culture, donc une institution publique ; et je dis « entreprise » parce qu'elle a justement dans son hybridation, à la fois une vocation commerciale et une vocation culturelle.

Elle est prestataire de services pour les musées, à ce titre elle crée des expositions, elle a une activité d'édition de catalogues et d'ouvrages, une activité de médiation, avec un groupe de quatre-vingts conférenciers qui interviennent dans les musées nationaux, une activité d'accueil et de perception du droit d'entrée dans les musées nationaux, et dispose d'une agence photographique de reproduction des œuvres.

Les musées nationaux constituent un périmètre représentant une cinquantaine de musées, parmi les 1 000 musées de France, donc pas tous les musées de France, même si la RMN – Grand Palais peut intervenir dans d'autres musées que les musées nationaux. Nous sommes prestataires de services, pas systématiquement pour chaque activité ; pour certaines d'entre elles, nous sommes présents dans quasiment tous les musées, par exemple nous organisons des visites-conférences dans presque tous les musées nationaux.

J'ai d'ailleurs oublié de citer l'activité de librairie, qui est très importante, c'est une activité de boutiques et de librairies-boutiques qui constitue une de nos principales prestations de services. Nous tenons les boutiques du Louvre, de Versailles, d'Orsay ou de Pompidou, mais il s'agit d'une activité commerciale que nous exerçons ; nous sommes en concurrence sur des marchés, et répondons à des appels d'offres.

D'autres de ses missions sont de service public comme la médiation, la production d'expositions dans la plupart des cas, ou l'accueil du public. Nous sommes aussi affectataires pour le compte de l'État du Grand Palais et donc gestionnaire de la plupart des activités qui s'y tiennent ; je dis la plupart puisque vous avez reçu Bruno Maquart, président d'Universcience qui gère le Palais de la Découverte, dont les locaux occupent une partie du Grand Palais.

De son côté, le Grand Palais représente 60 000 m2 au cœur de Paris, situé en bas des Champs-Élysées c'est un immense bâtiment composé de trois corps et d'ailleurs réalisé par trois architectes différents, sa circonférence est proche du kilomètre, cela pour donner une idée de la taille de cet ensemble créé pour l'Exposition universelle de 1900. Dans la variété des espaces du Grand Palais, se déroulent des activités événementielles, vous connaissez la Foire internationale d'art contemporain (FIAC), on y organise aussi des événements pour de grandes marques de prestige français comme, très récemment, le Saut Hermès, mais aussi des événements populaires comme la patinoire où la fête foraine, notamment au moment des fêtes.

Il y a donc une activité événementielle pour laquelle, dans la plupart des cas, nous ne sommes pas nous-mêmes les organisateurs, mais nous mettons à disposition, nous louons les espaces pour des organisateurs. En revanche, nous gérons nous-mêmes une autre partie des accès du Grand Palais, ce sont les activités culturelles, pour ce qui concerne les arts, les expositions dans ce qu'on appelle les galeries nationales, et, pour ce qui concerne les sciences, les activités du Palais de la Découverte.

Vous avez des interrogations sur la manière dont nous informons le public de l'ensemble de ces activités.

Nous communiquons via les médias classiques : affichage, presse, radio, télévision. Mais nous recourons évidemment aussi à une communication numérique pour les activités d'exposition ; nous utilisons des sites internet, et entretenons une activité très forte sur les réseaux sociaux, les comptes Facebook, Instagram et Twitter notamment.

Une autre de nos activités souvent oubliée consiste en ce qu'en français on appelle la gestion de la relation clientèle (GRC), mais on utilise souvent l'acronyme anglais de Customer Relationship Management (CRM) ; il s'agit de disposer d'une base de données « clients » et de pouvoir agir à partir de celle-ci, de faire des segmentations et d'informer très directement nos visiteurs. Actuellement nous avons une exposition Kupka, et nous avons envoyé une newsletter aux personnes qui étaient venues voir l'exposition Vallotton il y a quelques années en disant : « Vous aviez aimé l'exposition Vallotton, vous aimerez certainement l'exposition Kupka. »

Il est possible de procéder à toutes sortes de tris dans cette base de données, et il est vrai que les questions que vous voyez régulièrement évoquées par la presse, qui portent sur le problème des données appartenant aux grands acteurs internationaux du numérique, principalement américains, montrent bien à quel point il convient de conserver la propriété de ces données, et de ne pas tout confier à ces opérateurs, même si nous sommes obligés de passer par eux pour une partie de nos campagnes de marketing numérique.

Au-delà de la communication vient la question de la médiation, qui se trouve au cœur de vos préoccupations. Vous avez établi le parallèle avec vos propres problématiques en évoquant la culture, nous menons effectivement des enquêtes sur tous nos publics et constatons, ce qui est assez banal puisque la sociologie de la culture l'a montré depuis longtemps, que nous ne recevons pas dans nos expositions la diversité sociale de la population française ; notre public qui est plus féminin, plus diplômé, plus parisien, et de catégorie socioprofessionnelle (CSP) plus favorisée.

Lorsqu'il s'agit d'une exposition, la première exigence est qu'elle soit le plus accessible possible, ce qui passe par les premiers dispositifs d'accueil à l'extérieur, et d'éviter au public de trop attendre à l'extérieur, à cette fin nous offrons la possibilité de réserver la visite par tranches horaires, ce qui garantit d'être sûr d'entrer.

Une fois que vous êtes rentré, l'important est de trouver l'accueil le plus agréable possible et l'ensemble des services dont vous pouvez avoir besoin, et surtout, lorsque vous êtes dans l'Exposition, qu'elle soit le plus compréhensible possible. On a toujours tendance, lorsque l'on est concepteur d'expositions, à s'adresser à des visiteurs que l'on pense être un peu comme soi-même, c'est-à-dire historien d'art très cultivé. Et toute la difficulté consiste à trouver le bon niveau de discours pour s'adresser à un public plus large. Cela peut paraître simple, mais se révèle très difficile étant donné les processus de production de ces événements.

À cet égard, le travail que nous faisons conjointement entre les équipes spécialisées dans la médiation et celles spécialisées dans la conception permet de progresser dans ce domaine. Ce qui se remarque dans la vie d'une exposition par la clarté des textes que vous pouvez lire, aussi bien par les documents qui vous accompagnent sur le parcours de visite, ou par la limpidité du discours qui vous est présenté. On perçoit immédiatement qu'une exposition a été travaillée dans ce sens ou qu'elle ne l'a pas été. Vous pouvez ensuite ajouter une sorte de couche de médiation supplémentaire pour une exposition très complexe à comprendre, via un audioguide, ainsi que des visites guidées pouvant être associées à des ateliers pour les familles ; ce qui souvent existe déjà pour les adultes et les enfants.

Il est encore loisible de recourir à des outils de médiation en ligne, nous proposons ainsi systématiquement pour les expositions des applications téléchargeables sur les smartphones, qui comprennent l'accès à l'audioguide. Nous proposons toujours des audioguides en plusieurs langues, ainsi que des audioguides s'adressant aux enfants.

Nous mettons également à disposition des audioguides qui comportent des audiodescriptions des œuvres à l'intention des personnes en situation de handicap, notamment visuel, accompagnant des cartes thermoformées, donc en relief, qui permettent d'avoir une appréhension par le toucher de la forme présentée lorsqu'il s'agit d'un tableau. Le handicap visuel n'est pas le seul handicap que nous prenons en compte pour les visites au Grand Palais, puisque nous organisons aussi des visites en langue des signes pour les publics malentendants ainsi que des visites particulières pour les personnes atteintes de handicaps mentaux, notamment pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Les publics que l'on dit éloignés et empêchés, qui ne sont pas seulement des publics souffrant de handicaps physiques, sont aussi constitués de gens pouvant connaître des difficultés à venir dans nos expositions, pour des raisons d'éloignement social ou d'incarcération par exemple.

Nous avons ainsi réalisé une exposition dans un centre pénitentiaire, les détenus en étaient les commissaires, accompagnés par un historien d'art. Le volume de la salle était de 150 m2 ; ce fut une véritable exposition présentant des œuvres originales ayant le voyage pour thème, prêtées par les grands musées français. Bien évidemment de telles actions touchent un public très peu nombreux, principalement composé de détenus et de personnels de l'administration pénitentiaire. De telles actions permettent néanmoins d'apporter l'art et la culture là où leur accès est difficile.

Dans le cadre d'une action de jumelage d'institutions culturelles avec des communes situées en zone de sécurité prioritaire, souhaitée par la préfecture de région, nous sommes jumelés avec la ville de Gonesse.

Cela signifie que, pendant trois ans, nous animons des ateliers avec la population dans des centres socioculturels et des lycées, car nous visons surtout les jeunes à partir de 15 ans. Nous intervenons également dans des lieux presque ouverts puisque nous sommes par exemple souvent présents à la sortie du principal centre commercial, afin de toucher des publics qui ne sont pas forcément en contact avec les différentes structures municipales.

Nous avons encore animé de nombreux ateliers dans des centres sociaux, dans le cadre de partenariats avec des associations à vocation humanitaire comme Emmaüs, le Secours populaire, etc.

Par ailleurs, le Grand Palais mène régulièrement des activités de médiation à l'intention des familles, des adultes et des scolaires. Cet enjeu est extrêmement important puisqu'il fait partie des missions clés du ministère de la culture, il s'agit de ce que l'on entend par le terme d'éducation artistique et culturelle, qui ne concerne d'ailleurs pas seulement les publics scolarisés.

Par définition, l'éducation artistique et culturelle s'adresse à tous les publics et à tous les âges ; souvent aux publics scolaires, il importe donc de toucher tous les niveaux et de sensibiliser les enseignants. Cela implique la création d'un fichier d'enseignants, qu'il faut sensibiliser en les invitant, en leur expliquant le contenu des expositions, en produisant des dossiers pédagogiques les aidant à s'approprier le contenu des expositions.

Nous touchons chaque niveau, depuis la grande section de maternelle jusqu'au lycée et même, par un certain nombre d'actions l'enseignement supérieur, en proposant des offres adaptées aux programmes scolaires.

Le Grand Palais est par ailleurs équipé d'un auditorium de 350 places proposant une programmation culturelle qui enrichit la compréhension des œuvres et expositions par des conférences présentées par les commissaires des expositions, mais aussi par des intellectuels qui connaissent bien les thématiques abordées.

Nous organisons également des projections de cinéma, notamment pour les scolaires, ainsi que de petites formes de spectacles en rapport avec les expositions.

Enfin, cette programmation culturelle mobilise aussi les lieux d'exposition à l'occasion des grands événements comme la Nuit des musées, la Nuit blanche ou la Nuit du cinéma, qui touchent un public d'autant plus large que ces manifestations sont gratuites.

Par ailleurs, les travaux devant être réalisés dans le Grand Palais à partir de 2020 pourraient constituer l'occasion de réfléchir avec vous à ce qu'est la création d'un nouveau lieu d'accueil, de nouveaux espaces de médiation, et de nouvelles capacités pour toucher des publics plus larges.

La grande nouveauté du Grand Palais rénové sera la création d'un accueil commun pour le Palais de la découverte et pour les expositions d'art ; cette grande entrée commune sera beaucoup plus riche en services que les différentes entrées actuelles. Une salle d'information sur l'histoire du Grand Palais sera implantée, qui permettra au public n'ayant pas de billet d'entrée de visiter gratuitement le monument, puisqu'il sera enfin accessible, même à ceux ne souhaitent pas visiter d'exposition. Une terrasse avec vue sur la Seine et ouverte à tous sera aménagée ; elle permettra de comprendre la géographie du bâtiment depuis l'extérieur.

En effet, une des principales difficultés que nous rencontrons – un peu comme à l'Assemblée nationale –, c'est que, vu de l'extérieur, le Grand Palais paraît fermé, les fenêtres étant toujours occultées par des cimaises lors des expositions.

Par ailleurs, le Grand Palais n'est que peu accessible, puisqu'il faut qu'il y ait une offre culturelle à l'intérieur pour pouvoir y accéder. Une des difficultés présentées par l'ensemble des bâtiments composant le Grand Palais est que, vu de l'extérieur, mais aussi une fois à l'intérieur, il paraît entièrement clos, et je pense, à titre personnel et en tant que citoyen, que l'architecture est extrêmement importante dans l'image que donne un lieu. C'est une réalité du Grand Palais : outre cette impression qu'il est fermé de l'extérieur, beaucoup de personnes viennent pour essayer de le visiter, puis renoncent et se bornent à se prendre en photo à l'extérieur ; c'est donc aussi la lisibilité de l'architecture intérieure qui est en cause.

L'enjeu pour le Grand palais est de restituer par tous les travaux de restauration la circulation des Champs-Élysées jusqu'à la Seine, et, par là même, la circulation est-ouest et nord-sud, qui à l'origine étaient constitutives du bâtiment. Demain lorsque vous rentrerez dans la rue des Palais, qui aura été percée, vous pourrez avancer depuis le square Jean-Perrin, en tournant le dos aux Champs-Élysées, jusque vers le fleuve en voyant l'ouverture avec la lumière au loin, côté Seine. Vous accédez à une terrasse à partir de laquelle vous pourrez comprendre où vous êtes ; cette partie du bâtiment est orientée côté Seine et ses dimensions impliquent que l'on puisse profiter de points de vue divers permettant de s'y situer. Lorsque vous serez au centre de cette rue des Palais, vous pourrez voir à droite la Rotonde d'Antin, partie où se situe le Palais de la découverte, et à gauche vous vous trouverez dans cette magnifique nef que vous pourrez enfin contempler.

Et lorsque vous serez dans l'espace dévolu aux expositions, les ouvertures vers la nef vous permettront de réaliser enfin que les expositions prennent place dans des galeries tournant autour d'elle ; ce qui est aujourd'hui pratiquement illisible pour quelqu'un qui n'est pas un peu curieux ou spécialisé en architecture. Il me semble donc que la question de la lisibilité et de l'ouverture du bâtiment, au regard de celle que vous posez de l'ouverture de l'Assemblée vers l'extérieur, est une question clé.

À la lecture des comptes rendus de vos auditions précédentes, je n'ai pas trouvé cette préoccupation d'ouverture des bâtiments, il m'a semblé qu'il s'agissait d'ajouter un lieu de médiation, mais sans forcément ouvrir l'architecture elle-même. J'ignore si cela est possible, j'imagine que les problèmes sont très nombreux. Je prendrai l'exemple du Parlement allemand de Berlin. Il est vrai que la démocratie allemande se met beaucoup en scène, car elle en a énormément besoin, mais la possibilité offerte de visiter le bâtiment tard le soir ainsi que l'aménagement réalisé lui confèrent une réelle transparence architecturale. Sur cette question de l'ouverture, des points ont ainsi été marqués.

C'est peut-être là-bas que, pour la première fois, je me suis rendu compte à quel point notre Assemblée est close et fermée vers l'extérieur en tant que bâtiment. Lorsque vous faites visiter Paris à des amis et que vous êtes sur la place de la Concorde, que vous dites « là‑bas, c'est l'Assemblée nationale ». Pour y être entré pour la première fois après l'âge de 50 ans, je savais que l'Assemblée nationale se trouvait derrière la façade, mais je ne voyais pas du tout où elle était. C'est la troisième fois que je m'y rends – je fais un petit commentaire personnel – et j'ignore toujours où est l'hémicycle, je tourne dans les couloirs, je regarde par les fenêtres : je ne sais pas ; rien ne ressemble à un endroit où il pourrait y avoir un hémicycle. Je pense que l'on a même plus conscience de ce problème.

Cette grande façade majestueuse, située côté Seine, demeure très mystérieuse, ce qui est un euphémisme !

Nous allons essayer de faire en sorte que le Grand Palais soit le plus ouvert possible au public. Lorsque vous rentrerez à l'intérieur, vous disposerez de deux fois plus d'espace et d'ateliers pour les enfants qu'il y en a aujourd'hui, vous profiterez d'un lieu d'accueil des groupes très largement dimensionné – alors qu'il est très exigu aujourd'hui, notamment pour les groupes venant au Palais de la Découverte. Une salle sera spécifiquement consacrée aux publics éloignés et empêchés ; elle sera aménagée avec une galerie tactile et un lieu de convivialité, et offrira la possibilité de recevoir des petits groupes, par exemple de personnes touchées par la maladie d'Alzheimer.

Une galerie des enfants sera aménagée. Elle sera novatrice puisqu'à ma connaissance, il n'existe pas à ce jour un tel espace traitant le problème de la sensibilisation aux arts et aux sciences en un même endroit. L'idée est de partir de thématiques proches des intérêts des enfants ; il s'agit de s'adresser aux touts petits, et, si nous parvenons à disposer de l'espace suffisant, elle s'adressera aux tranches d'âge équivalant à la maternelle et à l'école élémentaire, soit les enfants âgés de trois à six ans et de sept à onze ans. Pour chaque thématique, des interactions seront proposées pour éveiller la curiosité à la connaissance, qu'il s'agisse de la connaissance sensible ou de la connaissance réflexive.

La réouverture partielle du Grand Palais est prévue en 2023, et dans son ensemble en 2024. Nous disposons encore de quelques années pour affiner ces contenus, les expériences marquantes en France dans ces domaines, sont celles d'Universcience, avec la Cité des enfants, et du Centre Pompidou avec la galerie des enfants. J'ai travaillé au Centre Pompidou de nombreuses années, et j'étais responsable des activités destinées aux publics, dont la galerie des enfants. Auparavant, j'avais travaillé au parc de La Villette, où un très beau projet est en cours dans un des pavillons de 1 000 mètres carrés, intitulé l'Italie Villette, mélange de lieux ouverts gratuitement au public et d'ateliers avec beaucoup de générosité et de créativité. Je considère que c'est vers de telles dimensions qu'il faut tendre.

Nous sommes très axés sur les questions de médiation dans les offres du Grand Palais parce que dans les autres musées, nous intervenons en tant que prestataires de services, mais le développement du public et la médiation ne fait pas partie de notre mission. Lorsque nous intervenons au musée de Cluny ou au Musée du Louvre, nous sommes prestataires de services de visites-conférences, nous mettons à disposition des conférenciers experts en histoire de l'art, qui connaissent très bien les collections, ce n'est pas nous qui définissons les politiques éducatives, ni l'action culturelle de ses musées. Alors qu'au Grand Palais, ce champ d'action est entre nos mains.

La première innovation dans la médiation que nous avons développée depuis deux ans est une politique transversale d'enseignement de l'histoire de l'art pour le grand public.

En France, les musées nationaux sont répartis par périodes temporelles : le Louvre commence à l'Antiquité et s'arrête au XVIIIe siècle, Orsay prend le relais avec le XIXe siècle, et le Centre Pompidou avec les XXe et XXIe siècles. Aucun de ces musées n'a, a priori, pour mission de traiter l'ensemble des périodes artistiques. Par ailleurs, l'École du Louvre est chargée d'une mission d'enseignement de l'histoire de l'art, mais il nous semblait qu'il y avait besoin pour un public plus large d'une offre plus accessible, qui permettait à tout un chacun d'avoir les pierres, les bases de la connaissance.

À cet effet, nous nous sommes appuyés sur le savoir-faire de nos conférenciers, qui ont l'habitude de recevoir trois fois par jour des groupes très divers, pour construire des cours d'histoire de l'art pouvant durer toute une année, mais aussi se résumer à cinq séances. Un de ceux qui rencontrent le plus de succès s'appelle « Brève histoire de l'art en cinq séances » : il délivre une sorte de résumé de cinq siècles d'histoire de l'art, en lien avec la grande histoire la littérature et d'autres arts comme le théâtre ou la danse. Sont aussi organisés des, voyages autour de l'art en famille, des cours destinés aux familles qu'il est possible de suivre au Grand Palais le samedi après-midi, les cours se déroulant le vendredi soir et le samedi matin et en début d'après-midi.

Ces actions rencontrent un grand succès, ce qui montre qu'une vraie demande existe, un réel besoin. Il ne faut donc pas négliger ces cursus d'enseignement structuré, mais ouvert, c'est-à-dire ne s'adressant pas uniquement à des spécialistes.

Nous avons décliné ces enseignements en MOOC – acronyme de l'anglais Massive Open Online Course –, ces fameux cours en ligne fondés sur de petites vidéos très synthétiques, ainsi que sur des questionnaires favorisant l'interaction entre les personnes qui les suivent. Le cours élaboré à partir de cette brève histoire de l'art a connu 23 000 inscriptions et à peu près 10 % des intéressés sont allés jusqu'au bout, ce qui constitue plutôt un bon résultat.

Nous ne recourons pas qu'au numérique, puisque nous proposons des mallettes pédagogiques avec l'ambition qu'elles puissent être utilisées par des personnes qui n'ont pas de formation en histoire de l'art. L'idée de départ était de s'adapter à la réforme des rythmes scolaires, mais depuis, les programmes scolaires ont encore évolué… Pour définir l'offre de ces mallettes, nous avions estimé le besoin à quarante-cinq séances de trois quarts d'heure, afin de faire en sorte que cette période de temps soit la plus riche possible. Nous les avons remaniées afin qu'elles soient utiles aux enseignants de l'école élémentaire, et nous préparons une deuxième mallette pour la maternelle, s'adressant donc à des enfants non-lecteurs, ce qui à notre sens correspond à un grand besoin.

Nous sommes en relation avec le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture pour les diffuser encore plus largement. Nous avons édité 1 000 exemplaires de ces mallettes, mais une diffusion sur l'ensemble du territoire national, ne serait-ce que pour les écoles rurales et les écoles en zone prioritaire, il en faudra plutôt 10 000.

Nous poursuivons nos jumelages culturels tout en souhaitant les étendre, en touchant des publics éloignés de la culture, il faut donc s'inscrire dans la durée et présenter de multiples entrées à une population donnée, faute de quoi c'est un coup d'épée dans l'eau.

L'idée est d'intensifier les jumelages culturels, de pouvoir utiliser l'ensemble de nos outils, en ne se limitant pas à l'organisation d'ateliers impliquant les artistes, mais aussi en formant les enseignants à l'utilisation des mallettes pédagogiques. Nous voulons encore distribuer ces mallettes afin que chaque école en ait une à sa disposition, et soit formée à l'utiliser.

Avec les chaînes de télévision, nous entretenons par ailleurs une activité de production audiovisuelle. Nous souhaitons pouvoir organiser un festival de deux jours portant sur l'art dans la salle de cinéma de la commune, mais aussi offrir des conférences d'histoire de l'art gratuites ou à prix raisonnables pour la population ; et bien sûr proposer des activités d'atelier. Nous songeons encore à proposer une offre numérique in situ, un peu comme La Villette l'a fait avec son musée numérique, auquel nous participons en fournissant une partie des contenus. Ce qui consiste en la présence du Grand Palais par le truchement d'un écran de très grande qualité sur lequel des œuvres accompagnées d'une médiation sont reproduites.

Le musée numérique est ainsi présent dans les Micro-folies de Sevran, des Mureaux et d'Avignon. À l'intérieur vous trouvez ce que l'on a appelé un peu pompeusement un musée numérique, mais qui en tout cas constitue une présence de l'ensemble des établissements publics nationaux à travers des petits clips ou des œuvres. La possibilité est ainsi ouverte à de petits groupes scolaires de travailler à partir de ces œuvres, ou que tout un chacun en dehors des périodes scolaires vienne approfondir la connaissance d'une œuvre.

Des projets sont en cours de développement, dont une plateforme numérique de création d'expositions virtuelles, qui consistera à mettre à disposition de ceux qui s'en serviront le fonds photo que nous gérons pour l'ensemble des musées nationaux. Cela représente presque un million d'œuvres en très haute définition, accessibles sur la Toile aux adresses suivantes : http://photo.rmn.fr et http://art.rmngp.fr, aussi nommé Images d'art.

Nous souhaiterions par exemple qu'une classe de lycée puisse s'approprier cette grande richesse des collections nationales, en jouant au commissaire d'exposition. Il s'agit de choisir un thème en quelques séances, comme les détenus l'ont fait dans le centre pénitentiaire en travaillant sur le voyage.

Les intéressés choisissent une thématique, et accèdent alors à toutes les images qui sont indexées par nom d'artistes et de mouvements, par périodes, mais aussi de façon descriptive, c'est-à-dire que, si sur une œuvre figure une femme assise dans l'herbe avec un chapeau, l'œuvre sera indexée par les termes « herbe », « chapeau » ou « soleil ». On continue à se mettre dans la peau d'un commissaire d'exposition – il faut participer pour que les connaissances s'enracinent –, on choisit un certain nombre d'œuvres avec lesquelles on crée un parcours signifiant, et ensuite on explique ce choix, comme le fait un commissaire, en ajoutant des explications et de la médiation. À la fin, cette exposition doit exister de manière virtuelle sur la plateforme internet.

Nous souhaitons par ailleurs développer un projet constitué d'expositions dont les contenus seraient présentés, pour tout ou partie, sous forme numérique, que nous appelons expositions numériques ou expositions immersives. Nous avons la conviction qu'il est nécessaire, sur le territoire national, principalement dans les communes éloignées de l'offre culturelle, de pouvoir présenter les œuvres, car, comme le disait le président du Louvre, il n'y a pas de mauvaise manière d'accéder aux œuvres.

Évidemment, on pourrait considérer qu'elles sont consultables en ligne, ce qui vaut pour beaucoup de choses ; ainsi est-il possible de faire une visite virtuelle sur le site de l'Assemblée nationale. Mais une autre question est celle de l'attention, qui aujourd'hui est très diffuse : on peut par exemple regarder des vidéos très courtes. Inviter, en revanche, le public à se déplacer, à être confronté à la présence d'œuvres de grande dimension, de très grande qualité et accompagnée d'un discours construit, nous paraît constituer une offre très intéressante à développer et à adapter dans différentes dimensions pour différents territoires.

Nous souhaitons aussi investir l'outil que constitue la réalité virtuelle, qui permet de naviguer dans ce fonds d'images à travers une application dédiée.

Enfin, nous sommes présents dans les régions par le relais des musées dans lesquels nous intervenons. Nous sommes aussi présents par l'itinérance ou la conception d'expositions ; nous avons ainsi récemment réalisé une exposition pour les musées de la ville de Marseille. Nous sommes régulièrement prestataires de conception et de réalisation d'expositions, et bien sûr, le numérique constitue une façon d'être présent hors de nos murs.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour ce tableau très complet, je tiens d'abord à vous remercier d'avoir cité le parc de La Villette, auquel vous avez évidemment contribué, et notamment Little Villette que je connais bien puisqu'il s'agit du territoire de ma circonscription, je suis donc particulièrement attaché à cet établissement. Nous avons effectivement reçu Bruno Maquart, la semaine dernière, et nous irons visiter la Micro-folie de Sevran dans quelques semaines.

S'agissant de notre agenda de fin de session, nous visiterons la Micro-folie de Sevran ; la Micro-folie des Mureaux a été visitée par le Président de la République, accompagné par la ministre de la culture. Pour ma part, j'en ai été ravie parce que je pense que c'est un très bon exemple d'utilisation du numérique et de médiation hors les murs. Comme vous l'avez d'ailleurs indiqué, les Micro-folies se multiplient, certaines étant même organisées à l'étranger.

Je souhaite revenir sur votre démarche d'accessibilité à la culture des publics qui en sont éloignés. Vous avez évoqué deux volets, celui de la médiation, consistant à organiser à l'intérieur du Grand Palais les conférences sur l'histoire de l'art, etc., et celui des actions menées dans des communes situées en zone prioritaire, dans des centres socioculturels ou des lycées, notamment.

Avez-vous évalué l'impact des ateliers que vous animez hors les murs, dans les centres sociaux, sur l'attractivité et votre capacité à faire venir des publics concernés à l'intérieur du Grand Palais ? En d'autres termes, établissez-vous une relation de cause à effet ?

Vous avez par ailleurs longuement évoqué le Grand Palais, puisque c'est là que vous êtes en charge du développement des publics. La difficulté que rencontre l'Assemblée nationale est d'être une institution politique ; par définition, l'exposition qui sera conçue à l'intérieur de ce nouveau lieu ne pourra pas être uniquement fondée sur des objets, des œuvres d'art ou des objets du quotidien, comme c'est le cas la plupart du temps dans les musées.

Il nous faut concevoir un autre type d'exposition et de médiation, qui s'appuiera peut-être sur des archives et certains objets historiques issus de l'histoire de l'Assemblée.

Nous avons cherché d'autres institutions, d'autres musées institutionnels dont nous pourrions nous inspirer, sans en trouver vraiment, nous n'avons pas trouvé l'institution qui aurait su créer un espace d'accueil et d'exposition sans être en soi un musée d'art ou de culture. Puisque vous connaissez bien les cinquante musées du panel de la RMN ainsi que tous les autres musées de France, auriez-vous des exemples à porter à notre attention ?

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Vincent Poussou, directeur des publics et du numérique de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais

Lorsque nous sommes intervenus dans les centres sociaux, c'était auprès de publics en très grande précarité, de gens qui souvent vivaient dans la rue, et étaient hébergés avec difficultés. Des populations qui ne restaient pas forcément très longtemps, venaient dans nos ateliers pendant une heure et repartaient, mais la réponse que je ferais à leur sujet vaut pour tous les cas : si nous l'organisons, ça marche.

Nous travaillions pendant plusieurs mois dans un même centre social, et une visite des expositions du Grand Palais a été organisée, la chose était la même lorsque nous travaillions dans des centres d'accueil des migrants. Donc cela fonctionne très bien, et c'est toujours une joie pour nous de voir le plaisir des publics migrants en précarité, des habitants de Gonesse, lorsqu'ils visitent le Grand Palais pour la première fois, et que nous les accueillons bien.

Mais il faut préparer ces visites, organiser les transports des visiteurs, ce que je crois que mes collègues des autres musées font ; je pense notamment au directeur du Musée du Quai Branly, qui est beaucoup intervenu à Clichy‑Montfermeil et a affrété des bus pour faire venir les visiteurs. Dans ces conditions, le succès est au rendez-vous, et la question est toujours un peu la même, très humaine, il faut tisser un lien, il faut qu'il y ait de la confiance, il faut que ça crée du sens, alors la visite en est d'autant plus utile.

La dernière question que vous avez posée est très intéressante, nous-mêmes sommes en train de réfléchir à la dématérialisation totale ou partielle d'une exposition.

Nous avons ainsi organisé une exposition virtuelle de sensibilisation aux œuvres et patrimoine en péril ; c'était au moment où Palmyre était très menacée ; Khorsabad, le Krak des Chevaliers, la grande mosquée de Damas étaient aussi évoqués. Dans une grande salle, semblable à celle dans laquelle nous nous trouvons, située dans une des galeries du Grand Palais, étaient projetés de courts films en relief de trois minutes, présentant chacun des sites avec très peu d'explications.

Cette manifestation avait été organisée avec le Musée du Louvre, et présentait un propos scientifique très fort. Cinq œuvres seulement étaient montrées, mais l'essentiel résidait dans ce que nous avions appelé le lieu universel où les films étaient projetés, accompagnés d'une musique créée pour l'occasion et diffusée à faible volume, ce qui rendait un effet spectaculaire. L'exposition n'a malheureusement duré que trois semaines, ce qui fait que malgré son succès, elle n'a pas enregistré un nombre très important de visiteurs.

La question est de savoir comment il est possible, à travers ce type d'environnement, à travers des choses qui sont de l'ordre de l'exposition, mais sans artefacts concrets, d'organiser un événement. Car cela demeure de l'ordre de l'exposition parce que vous demandez au visiteur de déplacer son corps physiquement, d'y passer un certain temps, d'avoir une certaine latitude de déplacement et de points de vue. À cet égard, les choses diffèrent du cinéma, où vous êtes fixe et attendez, et êtes dépendant de la temporalité qui se présente à vous.

Comment concevoir des environnements de ce type ? Il me semble que les musées consacrés aux sciences sont beaucoup plus avancés dans ce domaine. Nous avons travaillé avec un concepteur multimédia franco-allemand, actif dans le monde entier, qui à mon sens est un des meilleurs dans cette discipline, il s'adresse principalement aux musées de sciences ; et son objet est véritablement la question de l'image dans l'espace.

Votre propos est plutôt celui de ce que l'on appelle une exposition de société ; je pense au musée des Confluences, qui constitue une très belle réalisation. Un travail de commissariats à plusieurs a été retenu, qui fonctionne bien – à partir d'une collection qui n'était pas évidente, car elle va dans plusieurs directions –, et a permis de tenir un discours anthropologique tout à la fois très profond et très sensible. Ce musée présente certes des artefacts, mais les objets servent un propos, il n'y a donc pas que des artefacts. Certains objets sont plus symboliques, parfois agrandis et projetés, mais je considère qu'il faut aller vers le spectaculaire, et raconter une histoire ; ce que l'on fait toujours dans une exposition, mais certaines histoires peuvent être plus ou moins faciles à comprendre, plus ou moins perceptibles.

De fait, l'histoire ainsi racontée procède toujours des intentions du commissaire ; qui a toujours envie de raconter une histoire. Nous interrogeons souvent les visiteurs en sortie de l'exposition, et nous réalisons que le visiteur a compris une histoire totalement différente, ce qui est sa liberté, bien sûr, mais peut-être est-ce lorsque le visiteur a compris l'histoire que l'on souhaitait raconter qu'il est possible de considérer que l'exposition est d'une certaine manière plutôt réussie.

Dans le domaine des arts, la question de raconter une histoire est peut-être moins indispensable puisque, à l'exposition Kupka, on peut considérer que l'histoire est racontée par les œuvres avant tout ; cela, même si on essaye de faire comprendre pourquoi cet homme a connu ce parcours artistique.

Mais lorsqu'il s'agit de thématiques de société, je pense à notre exposition Sites éternels, il me semble qu'il faut trouver de nouveaux moyens, se libérer de l'artefact ou qu'à un moment donné il vienne porter un chemin sémantique sur lequel on peut s'appuyer. Il me semble donc que des musées de société, des expositions de société, des musées de sciences, vous aideront certainement à trouver les façons de créer l'exposition ; de donner du sens et de l'explication sans forcément se fonder sur des objets. L'objet ramène à une ambiance plus muséale, moins facile au premier abord, l'objet étant très riche de sens, il faut se pencher sur lui, le considérer, et son sens n'est pas toujours perceptible sans explications.

L'autre possibilité, si vous présentez une sorte d'exposition multimédia, consiste à jouer sur de cordes plus émotionnelles, ainsi pouvez-vous utiliser le son ; dans une exposition muséale classique, il n'y en a pas. Or, on le sait très bien, dès que l'on supprime la musique d'un film de suspense, tout à coup on n'a plus peur. La musique, en tout cas le son, constitue un élément très important.

Ce que vous souhaitez présenter relève du discours, le travail politique est un travail de la parole, de langage, ce qui implique aussi les archives. La question de la citoyenneté transparaît à travers le discours politique, qui lorsqu'il est élevé donne aussi beaucoup de sens, et révèle le poids de l'histoire et du parcours historique. Ce type de contenu se prête très bien à l'itinérance et la modularité.

Vous connaissez l'exemple du parlement anglais, qui a créé un dispositif multimédia adaptable à différents lieux d'une dimension allant de 150 m2 à 200 m2 ou 500 m2, qui peut se déplacer, aller dans des mairies ou des salles communales, etc. C'est un peu ce que fait la Micro-folie, cela peut être décliné en cahier des charges de conception multimédia, sur la base d'un lieu de 500 m2, qui devrait pouvoir s'adapter à d'autres espaces, et être relativement simple à réutiliser.

L'association Bibliothèques sans frontières, aujourd'hui très connue, et que nous avons rencontrée, a conduit un travail de packaging avec Philippe Starck pour intervenir dans des camps de réfugiés ou en France dans des écoles et des centres sociaux, et mettre à disposition des sources numériques ou physiques.

Cette initiative n'est pas exactement transposable, mais, si on souhaite toucher un large public, du spectaculaire est nécessaire, et la pédagogie doit faire appel à la sensibilité et donner envie. La question du commissariat demeure certes posée, mais l'artiste doit conserver toute sa place, ainsi, pour l'organisation de l'exposition Sites éternels, avons-nous fait appel à un cinéaste. Et le concepteur franco-allemand que j'ai évoqué était au départ un homme de cinéma. Ce sont des gens habitués à se poser la question de savoir comment raconter une histoire avec une image.

Certes, le multimédia est désormais partout et peut sembler déjà bien connu, mais la mise en scène à l'aide des gestionnaires de contenu disponibles, avec la meilleure qualité d'image possible, les dispositifs sonores, offre de nouvelles possibilités qu'il faut saisir. Votre particularité est que l'institution est sérieuse alors que le lieu que vous souhaitez créer doit être très ouvert : comment respecter cette exigence de sérieux tout en rendant la forme attractive ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, vous avez touché au cœur du projet et saisi l'idée que nous en avons, même si c'est encore une ébauche de projet. Nous ne voulons pas que ce lieu soit poussiéreux et institutionnel, mais être un endroit où l'on vit une expérience.

La mission est double : expliquer l'histoire et le rôle du Parlement, et faire vivre l'expérience du Parlement. À cet égard, la visite du Parlamentarium de Bruxelles s'est montrée très enrichissante. Cet espace est plus vaste que celui dont nous disposerons. Un lieu est consacré à un jeu de rôle destiné aux scolaires, dans lequel pendant deux ou trois heures les jeunes sont mis en situation d'être des parlementaires européens, et doivent débattre en commission ainsi qu'en assemblée plénière et faire une conférence de presse.

Nous serons particulièrement attentifs à la question de la participation du public afin de lui faire vivre une telle expérience.

Par ailleurs, vous avez indiqué être entré pour la première fois à l'Assemblée nationale à l'âge de cinquante ans passés, et ne toujours pas comprendre la géographie du lieu ; je vous concède que je suis un peu dans le même cas huit mois après mon arrivée…

Je retiens d'ailleurs votre intéressante remarque sur le fait que, depuis l'extérieur, le lieu semble fermé. Je précise que l'espace que nous ambitionnons de créer sera précisément situé du côté de la façade nord où se situe la colonnade, qui regarde vers la Seine. Nous pourrons aussi mieux ouvrir l'institution en utilisant le parvis, car il faut donner au public l'envie d'entrer.

Je dois maintenant vous adresser la question que je pose à tous nos interlocuteurs : connaissant l'Assemblée sans en maîtriser pleinement le fonctionnement, qu'auriez-vous envie d'y voir, et sous quelle forme ?

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Vincent Poussou, directeur des publics et du numérique de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais

Je répondrai cette fois à titre personnel : à l'Assemblée nationale, j'aurais envie de voir et d'entendre de la parole, d'être plongé dans des discours fondateurs à leur époque, ayant marqué l'histoire dans ce lieu. Je souhaiterais que l'émotion ressentie me rende fier de partager cette histoire et ce patrimoine.

Je pense, bien entendu, aux discours de la période révolutionnaire, au discours de Simone Veil sur la loi en faveur du droit à l'avortement, aux débats sur l'abolition de la peine de mort ; tous les grands débats marquant les guerres et autres moments tragiques, ou d'autres marquant de grands progrès…

Afin d'être pleinement accessible, cette parole pourrait être portée par des acteurs, du fait de mon expérience, de mon métier et de mon éducation, cette parole me fera vibrer si je la regarde sur un écran, avec un casque de réalité virtuelle. Si j'entre dans une salle dans laquelle je suis environné par une image qui m'emporte et que surgissent ces voix portées par des comédiens extraordinaires, ou même des voix réelles : un mélange qui me fasse comprendre émotionnellement ce qui fait la singularité de la parole qui a créé notre vivre-ensemble tel qu'il est aujourd'hui ; ce serait formidable.

Je serais très sensible à une bonne intelligence de la géographie du lieu ; dans la mesure où il est impénétrable, tout simplement en pouvant regarder une belle maquette augmentée, comme une belle maquette d'architecte, et que l'on puisse éventuellement toucher, notamment si on est malvoyant.

C'est ce qui fait le succès des journées du patrimoine, les questions sont très simples : « Où est-ce ? Comment ça marche ? Comment est-ce ? »

La façade de l'Assemblée nationale regardant la Seine évoque la projection que nous avions faite sur la façade du Grand Palais à l'occasion de l'exposition Gauguin, l'effet fut très réussi, grâce un simple camion placé devant le bâtiment. J'imagine que vous l'avez déjà fait, mais pourquoi pas en continu ? La question est aussi de savoir comment créer de la transparence par la projection d'image.

J'imagine que les contraintes architecturales sont considérables et que l'ouverture de cette façade n'est pas pour demain !

En revanche, je suis entré par la grande porte. Il suffirait qu'elle soit vitrée, que l'on puisse voir à travers, car on ne voit vraiment rien, même pas la cour d'honneur. Dans un de ses premiers projets, notre architecte du Grand Palais, de façon très utopique – mais il faut toujours l'être un peu –, avait imaginé que la transparence du Grand Palais se poursuivait alentour ; or, en face se trouve le Palais de l'Élysée. Il avait ainsi imaginé que le mur de ce palais au fond du jardin soit de verre…

(Sourires.)

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Vincent Poussou, directeur des publics et du numérique de la Réunion des musées nationaux (RMN) – Grand Palais

À Berlin par exemple, la géographie des pouvoirs se voit immédiatement tout autour de la Sprée, et on comprend parfaitement comment les choses s'articulent. Chez nous le citoyen entend parler de lieux : l'Élysée, Matignon et l'Assemblée nationale, tous renfermés sur eux-mêmes, ce qui crée une distance ; heureusement qu'il y a les journées du patrimoine !

La question me paraît plus centrale pour l'Assemblée nationale et le Sénat, pour lequel au demeurant, la présence du jardin change beaucoup les choses, et confère l'impression d'être en relation avec l'activité législative sénatoriale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour cette réponse qui inspire beaucoup : voir et entendre la parole, comprendre la géographie des lieux ; j'en prends bonne note.

La réunion s'achève à dix-huit heures quinze.

Membres présents ou excusés

Groupe de travail sur l'ouverture de l'Assemblée nationale à la société et son rayonnement scientifique et culturel

Réunion du jeudi 22 mars 2018 à 17 heures

Présente. – Mme Delphine O

Excusées. – Mme Elsa Faucillon, Mme George Pau-Langevin