Mission d'information sur l'émergence et l'évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00

Résumé de la réunion

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  • CESE
  • discrimination
  • mémoire
  • racisme
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La réunion

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La mission d'information procède à l'audition de M. Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

La séance est ouverte à dix-huit heures cinq.

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Je remercie M. Grosset du CESE d'avoir répondu à notre invitation. Cette mission d'information transpartisane a été ouverte en décembre 2019. Nous avons mené nombre d'auditions d'universitaires, de représentants d'associations œuvrant contre le racisme, d'acteurs publics et de différents ministères ainsi que les ministres Jean-Michel Blanquer et Élisabeth Moreno. Nous sommes heureux de vous entendre aujourd'hui.

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Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Je vous remercie d'avoir pensé à nous. Le CESE rend des avis sur les questions économiques, sociales ou environnementales. Nous ne traitons pas, de façon transversale, un sujet tel que le racisme. Toutefois, dans le cadre des lois républicaines, nous abordons un certain nombre de questions et avons mis en place des partenariats avec des structures qui peuvent diffuser leurs connaissances à l'ensemble des 80 organisations du Conseil, qui représentent 15 à 20 millions d'adhérents.

Nous sommes en République dans un état de droit. Le racisme comme l'antisémitisme sont des délits condamnables. Malgré cela, le racisme perdure.

Nous traitons de ces sujets dans l'ensemble des questions de la formation professionnelle, du recrutement dans la fonction publique ou du recrutement dans les entreprises. Dans nos avis, nous émettons des recommandations sur les discriminations à caractère racial ou ethnique.

Prenons le sujet des travailleurs détachés. Il y a deux façons de concevoir les travailleurs détachés. Soit on considère « qu'à travail égal, salaire égal » sur un même lieu de travail, soit on considère que le plombier polonais nous embête. En d'autres termes, soit on prend le problème du point de vue de l'intérêt général et réglementaire, ce qui nous conduit à tenir compte de la libre circulation des travailleurs en Europe, soit on dit qu'il n'existe plus de circulation libre en Europe et les étrangers ne viennent plus travailler chez nous.

Lorsque nous travaillons sur les discriminations raciales dans les entreprises, qui sont un sujet extrêmement complexe, nous émettons des recommandations et des rappels, mais nous n'avons pas les moyens de vérifier qu'un CV d'une jeune femme qui s'appelle Samira ou d'un jeune homme qui s'appelle Mouloud n'est pas jeté à la poubelle. Il n'est pas possible de vérifier la promotion des personnes, sinon en ayant leur patronyme, ce qui est interdit en France. Nous n'avons pas les mesures de discrimination positive comme c'est le cas aux États-Unis. Ce sujet de la discrimination raciale en entreprise fait l'objet d'un débat et d'une action quasi permanents.

L'action du CESE s'appuie sur des avis, qui, à chaque fois, rappellent les principes. Et dans le même temps, nous avons des associations qui sont dévolues à cette action contre le racisme et les discriminations. Par exemple, la fondation TF1 qui est dirigée par Mme Samira Djouadi, travaille avec TF1 sur la discrimination dans le domaine des stages pour des garçons et des filles venant généralement de la banlieue et ayant des patronymes d'origine maghrébine ou africaine. Nous avons aussi une radio qui s'appelle Beur FM, présidée par M. Nacer Kettane, qui diffuse sur un périmètre d'un à deux millions de personnes en région Île-de-France et qui réalise un travail considérable de lutte contre les discriminations.

Le CESE émet des recommandations pour que les idées de défense de la République et de la lutte contre le racisme imprègnent nos organisations. À cette fin, nous avons aussi noué deux partenariats. Le premier a été établi avec le palais de la Porte-Dorée, qui abrite le Musée national de l'histoire de l'immigration, avec lequel nous menons un travail sur l'histoire de l'immigration et sur l'origine via un certain nombre d'expositions. Les salariés sont en général sensibilisés, et nous considérons qu'il est très important que les professions libérales, les artisans, ou encore le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) le soient également. Nous avons émis un avis assez important sur les réfugiés, Parcours et politiques d'accueil des demandeurs et demandeuses d'asile dans l'Union européenne en 2018. Cet avis a donné lieu à un travail commun avec le palais de la Porte-Dorée et le ministère des Affaires étrangères. Les recommandations en découlant donnent un état d'esprit général à toutes les organisations composant le CESE.

Le second partenariat a été établi avec la Fondation pour la mémoire de la déportation, intitulé « Mémoire et vigilance ». Dernièrement, nous avons mené un travail avec des philosophes et des chercheurs sur une comparaison entre les années trente et aujourd'hui. Nous avons également réalisé un autre travail sur les femmes dans la déportation avec la délégation aux droits des femmes du CESE.

Nous ne pouvons pas échapper à l'histoire de France. Je pense par exemple à l'ancien président du palais de la Porte-Dorée, M. Benjamin Stora, qui rédige un rapport pour le Président de la République sur la mémoire de la guerre d'Algérie. La France a un passé lourd, en direction de l'Indochine, mais surtout de l'Afrique et du Maghreb. Nous tenons compte de ces questions. Pour la commémoration de la déportation, nous emmenons des responsables de groupes du CESE visiter le camp des Milles. Ce travail de sensibilisation fait partie des valeurs du Conseil. L'an prochain, nous poursuivrons nos actions avec la Fondation pour la mémoire de la déportation. Nous renouvellerons notre partenariat avec le palais de la Porte-Dorée, fondé sur des échanges d'expositions, telles que celle, remarquable, sur l'apport de la musique de l'immigration dans la musique française. Des agents du musée étaient venus travailler avec des membres du CESE.

Nous avons des relations avec 90 conseils dans le monde entier. Nous les avons sensibilisés sur les actions que nous menons sur les discriminations.

Cette démarche ne se pratiquait pas auparavant de façon aussi volontariste mais nous pensons qu'il existe en France un réel problème de discrimination. Si nous ne le réglons pas, il ne faudra pas s'étonner que des indigénistes prennent la main.

Il serait enfin utile que le CESE soit à l'image de la société française. Lors du dernier renouvellement, j'avais joint le Conseil social de l'époque en leur faisant remarquer que la diversité était nécessaire et je pense que cet objectif sera atteint lors du prochain renouvellement.

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Je vous remercie pour vos propos liminaires. Je propose à Mme la rapporteure de prendre la parole pour des questions que nous soumettrons à votre sagacité.

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Les trois axes que vous avez décrits, à savoir les avis, les partenariats et la politique de ressources humaines sont très intéressants.

S'agissant du travail de mémoire, lors de nos auditions au cours desquelles nous avons eu la chance de recevoir de nombreux universitaires, de toutes disciplines, nous sommes revenus systématiquement à la mémoire et à l'enseignement de l'histoire qui se recoupent en partie. Ces questions permettent d'apprendre à se connaître soi-même, à connaître son pays, son passé et ses histoires au pluriel, et par là même à reconnaître les souffrances d'autres Français qui sont issus de diverses origines.

Sur ces points, je me suis demandé comment bien mailler le territoire pour que des lieux de mémoire proactifs soient installés dans le plus d'endroits possibles et accessibles au plus grand nombre, notamment aux enfants dans les écoles et collèges. Il existe des lieux de mémoire sur la question du racisme, sur le colonialisme, sur l'esclavagisme mais le maillage n'est pas forcément suffisant. Avez-vous pu aborder ces différents sujets ?

En ce qui concerne votre politique de ressources humaines, la représentativité de la société française est fondamentale. La diversité apporte une richesse au sein des équipes. Elle représente une vitrine. En d'autres termes, elle propose aux jeunes Français issus de la diversité des modèles de réussite, que ce soit au CESE, à l'Assemblée nationale, dans les bureaux exécutifs des entreprises ou dans les conseils d'administration des grandes entreprises du CAC 40. Ces modèles émergent et sont une source d'inspiration pour toute cette génération.

Au regard de votre rôle spécifique, vous avez insisté sur la richesse de votre réseau et de vos organisations qui composent le CESE et sur lesquelles le CESE s'appuie. Les retours dont nous disposons montrent que les métiers d'accueil et de décision ne sont pas assez sensibilisés au racisme et aux discriminations qu'il engendre. En enlevant leur charge morale aux préjugés, nous aurions la possibilité d'avancer et de faire mieux pour les personnes qui se sentent discriminées. Pourrait-on envisager que ces métiers bénéficient de modules de formation sur ces sujets ? Cela serait utile car tout un chacun, dans sa manière d'accueillir le public ou de prendre des décisions, peut faire subir des discriminations sans forcément s'en rendre compte.

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Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Pour répondre à votre demande concernant les lieux de mémoire, nous nous trouvons dans un contexte très particulier de montée du populisme et du racisme. L'élection américaine en est la démonstration. Plus nous pouvons faire grossir le nombre de partisans défendant la lutte contre le racisme, mieux c'est. Le combat politique est très fort sur ce sujet, qui n'est pas nouveau en France. Notons que le palais de la Porte-Dorée s'appelait à l'origine le Musée des colonies, puis le Musée de la France d'outre-mer et enfin le Musée national de l'histoire de l'immigration.

Les problèmes d'emploi et les problèmes politiques autour de l'islamisme radical contribuent à l'instauration d'un contexte particulièrement difficile. C'est la raison pour laquelle le CESE est sorti du non-dit. J'ai été très vigilant sur le vote de la première résolution en réunion plénière qui regroupait 233 conseillers et conseillères, ainsi que 80 organisations. Nous nous sommes prononcés clairement contre le racisme et l'antisémitisme.

Des modules de formation sont certainement utiles. Il existe aussi des bonnes pratiques. Par exemple, SOS Racisme travaille avec un certain nombre d'organismes de ressources humaines qui ont des bonnes pratiques dans les entreprises. Dans ces cas-là, il faut partir de l'état des lieux.

Vous avez raison s'agissant du devoir de mémoire. Mais c'est une bataille militante à mener pour défendre ces idées. Prenons l'exemple de l'Algérie qui est intéressant à plusieurs titres. La guerre d'indépendance a bouleversé la France de façon considérable. Les travaux de M. Benjamin Stora font état de sept millions de personnes de la deuxième génération originaires du Maghreb, dont une majorité importante d'Algérie. La plupart de ces jeunes Français s'identifient à la guerre d'Algérie, d'autant plus qu'ils sont discriminés. Je ne parle pas ici des personnes qui menacent la République.

Nous avons trois axes d'action : la lutte contre les discriminations, le devoir de mémoire (à ce titre, le rapport demandé par le Président de la République est très courageux ; Emmanuel Macron est le premier chef d'État, alors qu'il était candidat à l'élection présidentielle, à avoir reconnu que la colonisation en Algérie était un crime contre l'humanité) et les modules de formation.

Dès lors qu'il existe un vrai danger, il faut que notre réseau militant porte ces idées. Il est très important que ces questions soient partagées, parce que le CESE dispose de cette faculté d'irriguer. Nous n'avons pas de quotas de discrimination positive. Nous n'avons pas un apartheid public, mais un apartheid qui ne dit pas son nom. Lorsque le CESE se renouvellera, je discuterai avec les conseillers sociaux actuels pour que le futur CESE soit à l'image de la société. D'abord, parce que c'est une assemblée très importante. Ensuite, parce que le fait d'avoir davantage de femmes et d'hommes représentant la France telle qu'elle est, à des postes de responsabilité, fait partie de la lutte contre les discriminations. C'est d'ailleurs le cœur de cible d'une dizaine d'associations au CESE.

Il est très intéressant que vous ayez mis en place cette mission d'information. En général, on parle de ce sujet quand un problème important survient. Par exemple, quand la manifestation en lien avec M. Adama Traoré a eu lieu, le conseiller chargé des questions sociales de l'Élysée m'a appelé pour me dire : « et au CESE ? ». Je lui ai répondu qu'il se manifestait uniquement en cas de crise. Le travail doit être mené en continu. Les problèmes d'inégalité et de discrimination ne peuvent pas être réglés en claquant des doigts. Ils sont inhérents à la manière dont l'humanité fonctionne. Il faut savoir que c'est un combat et il faut désormais marquer des points. Nous avons la chance d'avoir un État de droit.

Regardez l'égalité professionnelle femmes-hommes. Qui est contre désormais ? Personne. Comment se pratique-t-elle ? Vous le savez.

Les prochaines élections présidentielles ne sont pas rassurantes. Nous avons en France des forces politiques du Rassemblement National, pour ne pas dire son nom, qui structurent la pensée raciste. On ne peut pas l'ignorer ni déconnecter nos mesures de ce contexte.

C'est pour cette raison que nous avons pris cette décision de sortir du cadre classique, de nouer ces deux partenariats et d'intervenir régulièrement lors de la semaine contre le racisme et l'antisémitisme et lors de la commémoration de la déportation.

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Vous avez dit : « nous sommes dans un apartheid qui ne dit pas son nom ». Parliez-vous de la France ou des États-Unis ?

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Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Je parle de la France. J'ai été auditionné à une époque de ma vie par le Conseil représentatif des associations noires de France. Des personnes ne trouvent pas de logement parce qu'elles sont noires. La France est un état de droit. La République est de notre côté, mais les pratiques discriminatoires sont très importantes, ce qui fait que des jeunes femmes ou jeunes hommes de banlieue sont complètement perdus. La fondation TF1 fait un énorme travail avec 150 entreprises. Elle place d'autorité des jeunes qui, sinon, ne trouveraient pas de stage. Quand je dis : « un apartheid qui ne dit pas son nom », j'exagère. C'est une formulation mais c'est quand même un peu vrai. L'égalité n'est pas la même pour tout le monde.

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Qu'il y ait des discriminations qui subsistent, on l'entend. Mais dans l'apartheid, il y a une volonté. Je ne suis pas convaincue. Les nombreuses auditions que nous avons menées montrent que ce n'est pas nécessairement une volonté. Ce sont parfois des habitudes de travail de personnes qui sont dans une recherche d'efficacité, de facilité. J'essaie de faire attention à la manière dont on l'exprime, mais je comprends la pensée dont vous voulez témoigner. Je fais très attention au mot apartheid quand il est employé s'agissant de la France.

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Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Très souvent, on ne traite pas ce problème à la hauteur des enjeux. J'ai commencé ce travail sur les discriminations il y a vingt-cinq ans. Je suis à l'origine syndicaliste. Je fais partie des gens qui ont créé l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA). Il y a vingt-cinq ans, on apprenait aux responsables syndicaux à traiter de ces questions. Cela a un peu progressé, mais certaines habitudes sont tenaces. Le patronat essaie vraiment de faire ce qu'il peut sur ce sujet. Il n'existe aucun doute sur la volonté du MEDEF. Mais certaines branches professionnelles ne souhaitent pas embaucher des personnes d'origine étrangère.

Il ne s'agit pas seulement d'habitudes si autant de jeunes ne trouvent pas de stages en raison de leur patronyme. Si l'on veut vraiment régler ce problème, il faut le prendre avec son acuité. Contrairement aux gens qui ont manifesté dernièrement, je ne pense pas que nous soyons dans un état policier. Nous avons des libertés. Mais nous discutons de la question de la discrimination depuis quinze ou vingt ans !

Nous souhaitons insister sur ce sujet car il est très urgent, notamment au regard du contexte politique dans lequel nous nous trouvons. On ne peut pas nier que face à M. Emmanuel Macron, nous avons un parti qui développe des thèses xénophobes et racistes. Nous ne sommes pas en France comme il y a vingt-cinq ou trente ans, lorsque des partis démocratiques s'affrontaient et où ces gens obtenaient 6 % des voix. Aujourd'hui, le candidat de ce parti qui développe de telles thèses affronte le Président de la République. Et regardez l'Europe : M. Matteo Salvini n'est pas arrivé par hasard et en Allemagne, l' Alternative für Deutschland (AfD) est entièrement structurée là-dessus. Il y a effectivement des mauvaises habitudes, mais pas seulement. Des forces politiques structurent cette pensée et qui ont des effets chez les citoyens.

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Pour rebondir sur vos propos, monsieur Grosset, cela va certes peut-être un peu loin, vous avez utilisé le terme d'apartheid qui est fort. Néanmoins, je trouve qu'il résonne juste. L'apartheid est le fait de mettre des gens à part. On peut faire le parallèle avec la discrimination hommes-femmes qui existait encore il n'y a pas si longtemps dans le monde politique. La loi imposant des binômes aux conseils départementaux a radicalement changé la situation, même si cela peut être discutable d'imposer des ratios hommes-femmes. Nous avons gagné un certain nombre d'années en prenant une mesure de ce type.

Vous menez une réflexion au sein du CESE pour aboutir à une représentation plus juste de votre organisme par rapport à la population française. Est-ce une piste sur laquelle nous devrions légiférer, afin de ne pas laisser l'initiative aux seules institutions ?

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Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

La question posée est assez complexe. Nous sommes exemplaires sur l'égalité hommes-femmes, parce qu'elle est obligatoire et parce que les délégations du CESE ne sont pas validées si elles ne sont pas paritaires. Tous les postes sont paritaires. Comme nous avons plus d'hommes que de femmes au bureau, les présidents de section et de délégation sont majoritairement des femmes pour compenser le déséquilibre. Cela n'empêche cependant pas les discriminations de continuer à exister de façon larvée et ce sont essentiellement les femmes qui se sont battues pour obtenir un certain nombre d'avancées.

S'agissant des discriminations à caractère racial, on peut difficilement imposer des quotas en France, à la différence des États-Unis. Vous ne pouvez pas bouleverser la République à ce point. Il n'y a donc pas d'autre bataille que la bataille d'opinion et la bataille du militantisme. Au CESE, notre démarche est volontaire.

Dans les entreprises et dans la vie publique, il faut certainement être à l'affût et condamner les discriminations à caractère racial. Mais on ne peut pas calquer ce que l'on a fait sur l'égalité professionnelle hommes-femmes. On ne peut pas ethniciser la réflexion sur l'égalité et le combat contre le racisme. Il y a dix ou quinze ans, de multiples intervenants étaient favorables à la discrimination positive. Nous devons faire avec les lois existantes, mais nous sommes obligés de nous battre. Madame Abadie, vous avez trouvé mon terme un peu fort. Mais quand vous avez un certain nombre de personnes qui ne trouvent pas de travail ou qui ne trouvent de logement, on est en droit de s'interroger. Quand des collèges ou des lycées comportent 90 % d'élèves issus de l'immigration, de deuxième génération, cela signifie qu'il y a un problème.

J'attire votre attention sur le fait qu'il ne s'agit pas seulement d'une discussion pour convaincre des gens. Il existe des forces politiques structurées qui affirment le contraire de ce que nous disons et qui sont présentes au deuxième tour de l'élection présidentielle. Les personnes qui votent pour ces forces ont en partie un point de vue raciste. Ces questions doivent être traitées en vue de l'élection présidentielle.

En ce qui concerne le Conseil, nous poursuivrons ces partenariats. Nous vous enverrons l'ensemble de nos travaux. J'ajoute que nous avons réfléchi avec le camp des Milles et avec la DILCRAH à former les agents du CESE à la lutte contre l'antisémitisme, comme cela se pratique dans certaines collectivités.

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J'ai une question sur le principe de l'universalisme au regard des différentes formes de racisme. Pourquoi distinguer l'antisémitisme du racisme ? Ne faut-il pas que la cause embrasse tous les peuples ou toutes les personnes qui peuvent subir ces discriminations ? Quel est votre point de vue sur cette question ?

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Nous sommes intéressés par vos documents que nous lirons attentivement. Nous avons beaucoup parlé du diagnostic, avez-vous des idées en matière de politique publique ?

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Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

Parmi les éléments de politique publique que nous mettons en avant, nous avons un certain nombre de recommandations pour les écoles et les lycées que nous avons intégrées dans nos avis sur l'éducation. Elles soutiennent la mixité, c'est-à-dire le fait de modifier les cartes scolaires, de veiller au parcours des élèves et au décrochage scolaire, qui est considérablement accentué aujourd'hui. S'agissant de la formation professionnelle et des stages, nous appuyons des associations qui procèdent à la vérification de l'égalité de traitement. Dans les branches et dans les entreprises, nous proposons qu'une politique de ressources humaines portant sur la diversité soit mise en œuvre. Cela implique qu'une personne soit chargée de veiller au respect de la diversité pour l'embauche et le déroulement de la carrière. Ce sont des choses élémentaires, mais qui sont très difficiles à mettre en place. Dernièrement, j'ai été en contact un représentant du MEDEF qui en était convaincu. La personne me disait pourtant qu'elle avait un mal fou, dans telle grande entreprise, à faire en sorte qu'il y ait une personne responsable de la diversité qui ait les coudées franches pour recruter dans certains centres d'apprentissage, dans certaines banlieues.

Pour revenir sur le racisme et l'antisémitisme, je souligne qu'il ne s'agit pas des mêmes histoires. La Shoah, qui repose sur une décision d'exterminer 6 millions de juifs et a pris place dans une guerre effrayante, n'est pas comparable à d'autres crimes contre l'humanité. Au CESE, nous avons organisé un débat sur les femmes dans la déportation. De nombreuses femmes chercheuses ont participé à ce débat. L'une d'entre elles a souhaité conclure sur la répression des Tutsis. Je lui ai dit qu'il ne s'agissait pas de la même situation, même si les deux situations sont horribles. L'antisémitisme répond à un certain nombre de théories et d'objectifs propres. L'antisémitisme est peut-être une forme de racisme, mais il vise la population de religion juive.

Le racisme concerne tous ceux qui ne sont pas comme la population dominante d'un pays. Nous devons traiter toutes les déviances extrêmement graves contre les libertés, et les agressions niant le respect dû à la personne humaine. La mémoire de la Shoah et de la Deuxième Guerre mondiale se traite en tant que telle.

L'enseignement a un rôle important à jouer sur ces questions. Le cas de M. Samuel Paty est un exemple dramatique. Sur un certain nombre de terrains, il ne faut rien lâcher. Dans l'éducation, un travail complet doit être conduit avec les enseignants, la hiérarchie et le ministère de l'éducation nationale pour que cette discussion soit menée dans les établissements scolaires. Le nombre d'enseignants qui ne peuvent pas terminer leur cours sur la Seconde Guerre mondiale en parlant de l'holocauste était très important. Nous observons à nouveau une montée des actes antisémites. En même temps, une discrimination à caractère racial subsiste.

Je crois que rien n'est perdu. Pour preuve, vous avez pris cette initiative très intéressante. En conclusion, nous considérons au CESE que cette question est plus importante à traiter qu'il y a dix ou quinze ans.

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Nous vous remercions, monsieur Grosset, d'avoir participé à notre réflexion. Comme le disait très justement Mme la rapporteure, nous sommes intéressés par vos propositions et retours.

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Jean Grosset, membre du bureau du Conseil économique, social et environnemental (CESE)

L'exécutif nous demande de remonter tous les quinze jours les alertes de nos organisations. Cela est très utile au Conseil, car une fois que les principes ont été déclinés, il faut connaître les actions concrètes. Aussi, je vous transmettrai les actions marquantes qu'elles ont engagées sur les sujets qui vous intéressent.

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Ce travail sera précieux. J'avais à cœur de faire le pont entre l'Assemblée nationale et le CESE, parce que vous détenez ces informations que nous n'avons pas forcément.

La séance est levée à 18 heures 55.