Audition, ouverte à la presse, de M. Jacques de Heere, vice-président du comité stratégique de filière (CSF) « Infrastructures numériques » et président du groupe industriel ACOME, M. Michel Combot, délégué permanent du CSF, M. Aubin Bernard, chargé de mission à la Fédération InfraNum, Mme Marie-Thérèse Blanot, représentant le Syndicat professionnel des fabricants de fils et de câbles électriques et de communication (SYCABEL), et M. Jugwal Doyen, représentant la Fédération française des télécoms
La séance est ouverte à 10 heures 05.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
Nous recevons les membres du Comité stratégique de filière (CSF) « Infrastructures numériques » : M. Jacques de Heere, vice-président du comité stratégique de filière (CSF) « Infrastructures numériques » et président du groupe industriel ACOME, M. Michel Combot, délégué permanent du CSF, M. Aubin Bernard, chargé de mission à la Fédération InfraNum, Mme Marie-Thérèse Blanot, représentant le Syndicat professionnel des fabricants de fils et de câbles électriques et de communication, le SYCABEL, et M. Jugwal Doyen, représentant la Fédération française des télécoms
Cette audition s'inscrit dans le cadre des réflexions que nous souhaitons mener sur la souveraineté de nos infrastructures numériques. Nous avons en effet déjà auditionné les opérateurs et équipementiers. Nous profitons de votre présence aujourd'hui pour continuer à aborder la partie « hardware », c'est-à-dire la production et l'installation des composants physiques de nos infrastructures numériques.
Je voudrais d'abord vous interroger sur le sens que revêt pour vous la notion de souveraineté numérique au sein de votre secteur d'activité. Ce concept, parfois rapproché de celui d'autonomie, désigne une forme d'indépendance, de capacité à maîtriser son destin numérique, de ne pas subir les contraintes imposées par certains acteurs publics comme les États ou privés comme les géants du Web, les GAFAM. Je souhaite savoir quel regard les acteurs de l'industrie du numérique et des infrastructures portent sur cette préoccupation croissante des pouvoirs publics.
Je voudrais également vous entendre sur les enjeux technologiques du numérique. La crise de la covid a montré combien la résilience de nos infrastructures numériques est essentielle pour la continuité de l'activité économique et des services publics. J'aimerais que nous évoquions ensemble non seulement l'impact de la crise de la covid sur vos activités mais aussi votre perception des secteurs technologiques sur lesquels notre pays doit conserver une autonomie stratégique pour éviter d'être pris en défaut en cas de crise. Cette interrogation rejoint l'idée d'une forme de souveraineté technologique française ou européenne qui a été au cœur des réflexions menées dans le cadre du plan de relance et du plan d'investissements d'avenir.
Nous travaillons aussi au sein de cette mission d'information sur les aspects économiques de la souveraineté numérique. Ils concernent aussi bien la fiscalité que l'émergence d'acteurs français ou européens capables de lutter à armes égales avec nos concurrents extra-européens. Nous serions donc intéressés par votre vision de l'action menée par les pouvoirs publics pour soutenir votre secteur d'activité et d'éventuelles pistes ou recommandations de nature à améliorer encore les dispositifs existants.
. Le comité stratégique de filière « Infrastructures numériques » a été labellisé en 2018 par le Conseil national de l'industrie. Il est constitué de très nombreuses entreprises, des fabricants de câbles, des industriels des équipements, des installateurs, des constructeurs de réseaux et d'infrastructures et des opérateurs télécoms. Il rassemble quatre grandes fédérations professionnelles. Son ambition est de connecter les citoyens et de contribuer au développement des usages innovants dans les territoires au bénéfice de tous et de toutes.
Cette vocation se traduit dans les chiffres et les moyens. Chaque année, des milliards d'euros sont investis dans la construction des réseaux de demain. La plus grande partie de ces investissements provient actuellement des opérateurs de télécommunications eux-mêmes. Les investissements en recherche et développement sont également très importants pour répondre à l'évolution des technologies, notamment la 5G mais aussi à l'avènement des « territoires intelligents », les smart territoires.
Le CSF « Infrastructures numériques » s'est organisé autour d'instances qui travaillent en permanence sur les enjeux de demain : les fédérations professionnelles, les entreprises du secteur, les syndicats de salariés, l'État, les collectivités, des associations représentatives. Le contrat de filière qui a été signé a retenu quatre projets ambitieux : rendre accessible à tous et toutes les réseaux de 5G en passant par la mise en œuvre d'un réseau de plateformes ; construire des territoires intelligents ; favoriser l'emploi et le développement des compétences ; et rendre cette filière visible à l'international pour construire une stratégie d'offre à l'exportation.
Un réseau de plateformes s'est mis en place pour développer la 5G. Des opérations à travers les territoires pour sensibiliser et mobiliser les collectivités territoriales ont commencé.
Le SYCABEL représente des entreprises qui interviennent dans deux types des métiers. Le premier est celui de l'électricité puisque nous fabriquons tous les câbles et matériels de raccordement pour les réseaux électriques, le transport et la distribution d'électricité. Nous amenons donc l'électricité dans les bâtiments en essayant de développer des matériaux qui protègent les biens et les personnes vis-à-vis du feu, en particulier dans les centrales nucléaires et les chantiers navals. Le deuxième concerne tous les câbles et accessoires télécoms. Nous avons bien sûr été à l'origine du réseau cuivre puisque nous avons fabriqué tous les câbles et nous sommes maintenant concernés par les câbles à fibres optiques pour le déploiement du réseau France Très Haut Débit.
Les câbles sont mal connus ; ils sont souvent cachés, enterrés ou masqués dans des gaines et des tubes. Ce sont des produits très techniques, très technologiques. Les entreprises de ce secteur sont des entreprises industrielles de process réparties sur le territoire national. Nous en comptons près de quarante. Derrière ces entreprises se trouvent les entreprises de production de fibres optiques et de câbles à fibres optiques qui sont des champions européens parmi lesquels de grands noms comme Nexans ou Prysmian ainsi que de magnifiques entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont ACOME. Parmi les adhérents du SYCABEL se trouvent aussi de petites et moyennes entreprises (PME).
J'assure la présentation de l'Alliance française des industries du numérique (AFNUM) puisque sa déléguée générale, Stella Morabito, n'est pas disponible.
L'AFNUM représente l'ensemble du secteur des équipementiers de toute la filière des infrastructures numériques. Ce syndicat a énormément évolué avec la restructuration industrielle de notre secteur. Il existait voici quelques années un grand champion, Alcatel. La situation est aujourd'hui bien différente, même si la vision est beaucoup plus européenne en matière d'infrastructures et surtout d'équipements. Nokia et Ericsson sont parmi les champions mondiaux. Il reste malgré tout des enjeux d'emplois qui ne sont pas évidents compte tenu notamment de la crise que traverse actuellement le groupe Nokia.
L'AFNUM regroupe aussi des petites entreprises et des entreprises du secteur des composants électroniques essentiels pour les infrastructures numériques. Pour la 5G, nous travaillons par exemple avec Sequans, qui d'ailleurs préside l'AFNUM et qui est très présent dans le domaine des objets connectés. Ces fabricants sont pour nous importants notamment en matière de compétitivité et permettent de développer tout un écosystème autour de ces infrastructures.
Outre mes fonctions de délégué permanent du CSF, je suis directeur général de la Fédération française des télécoms. Vous avez déjà auditionné la Fédération qui regroupe les grands donneurs d'ordres que sont les opérateurs. Ces acteurs ne sont pas tout à fait en haut de la chaîne de valeur parce que les acteurs de l'internet se situent tout en haut.
La fiscalité est un enjeu important : toutes ces infrastructures développées par les opérateurs, les installateurs, les équipementiers, les fabricants de câbles profitent aussi à des acteurs qui ne sont pas forcément basés en France et qui bénéficient d'un cadre complètement différent du nôtre. Vous avez autour de la table des acteurs qui paient des impôts en France, emploient des personnes en France. Dans cet enjeu d'équité fiscale, pour redonner de la valeur à l'industrie, avancer en tant que filière est un élément important. Nous avons vu la solidarité interne à la filière lors de la crise et il est important que nous raisonnions en termes de filière. Des emplois et du développement sont en jeu, ce qui est essentiel pour notre pays.
InfraNum est l'une des quatre fédérations qui composent le CSF. Elle a été créée en 2012 pour accompagner le début du plan France Très Haut Débit. InfraNum regroupe aujourd'hui plus de 200 entreprises qui représentent toute la chaîne de valeur du plan France Très Haut Débit, du bureau d'études aux intégrateurs et installateurs en passant par les opérateurs d'infrastructures et les opérateurs de services qui fournissent des services très haut débit et des services aux entreprises françaises.
Nous nous inscrivons parfaitement dans la feuille de route de ce CSF avec nos grands thèmes d'action, dont le déploiement du haut débit partout en France. Nous accompagnons les territoires dans la mise en œuvre de cette infrastructure neutre, ouverte et mutualisée ce qui est en quelque sorte notre devise.
Nous sommes également positionnés sur tous les sujets tels que les territoires intelligents, la gouvernance de la donnée, l'emploi. L'emploi est un sujet particulièrement important pour InfraNum et ses adhérents. Nous réfléchissons aux métiers de l'après-fibre.
Nous sommes aussi très impliqués à l'international, dans la valorisation et la promotion de nos savoir-faire et du modèle des réseaux à la française. Nous portons plusieurs livrables et projets au sein du groupe de travail « International » du CSF.
Enfin, la concurrence fait aussi partie des sujets que porte quotidiennement la fédération InfraNum depuis 2012.
La question de la souveraineté répond évidemment à un enjeu national de grande importance. Au CSF, nous mesurons cette souveraineté à l'aune de la qualité des réseaux construits, de leur pérennité, de leur sécurité. Nous allons vous présenter les réseaux de plateformes et toutes les opérations que nous entreprenons dans les quatre groupes du CSF.
Les sujets de souveraineté ne sont pas totalement évidents et sont liés aux sujets de sécurité. Le secteur des infrastructures numériques s'est énormément développé en France par la concurrence depuis près de vingt-cinq ans, avec l'ouverture à la concurrence guidée par les directives européennes. Nous considérions alors que la concurrence entre plusieurs acteurs permettrait de stimuler l'innovation et d'accélérer le développement, ce qui est bien le cas à l'heure actuelle.
En se plaçant selon le prisme de l'accès aux services de communication électronique, les prix en France sont parmi les plus bas avec des réseaux qui sont parmi les plus performants au monde. C'est un point important car ce n'est pas totalement évident pour une chaîne de valeur qui est en concurrence sur tout le segment.
Pour les câbles, il existe plusieurs constructeurs de niveau européen en concurrence, sans même parler des constructeurs hors Europe. C'est vrai également pour les équipements et encore plus au niveau des opérateurs avec quatre opérateurs en France. Cette concurrence entraîne comme bénéfice la stimulation des investissements et du déploiement. En revanche, elle a pour conséquence que le ratio coût-efficacité est souvent regardé par tous les donneurs d'ordres pour avancer.
Je pense que nous pouvons tous ici converger vers l'objectif suivant : la France doit disposer des infrastructures et surtout d'une industrie la plus performante possible et la moins dépendante des technologies étrangères. Toutefois, nous avons fait face depuis plus de vingt ans à une désindustrialisation très importante sur certains segments de marché, notamment pour les équipementiers. Nous avons certes aussi de bons exemples car le développement des infrastructures a permis de générer le développement d'industriels sur d'autres segments.
Le parti pris au sein de la filière est de transcender ces aspects de concurrence pour essayer de retrouver de l'investissement et du développement sur les points essentiels de nos infrastructures. Notre comité de filière est un peu une exception car d'autres comités sont vraiment gérés par des industriels. Nous avons décidé au sein de notre filière de faire gérer notre CSF par les fédérations parce que nous avions cette habitude de rassembler des acteurs qui peuvent avoir des enjeux concurrentiels très forts. Cela nous permet de trouver une vision commune consistant à investir dans les infrastructures de demain et dans les métiers de demain.
Par exemple, la 5G commence à se développer de manière très concurrentielle entre opérateurs mais nous pensons que certains enjeux dépassent la vision concurrentielle, notamment l'apport de la 5G pour les autres industries. Nous avons donc décidé d'aller ensemble convaincre et démontrer quel peut être l'apport de la 5G pour la modernisation des autres industries dans une optique de relance de notre économie. Nous essayons de trouver ces éléments communs qui permettent d'avancer en créant de l'emploi, en créant du service, en développant des PME et en réindustrialisant notre pays, en tout cas notre vivier de PME et d'industriels. Il s'agit aussi de continuer à créer des débouchés pour nos industriels. Développer ainsi ces emplois, ces infrastructures constitue pour nous la véritable souveraineté, au-delà de l'aspect concurrentiel.
Nokia connaît des difficultés et supprime des emplois. Nous pouvons nous demander comment recréer de la valeur dans ces infrastructures pour permettre de recréer de l'emploi en France. Cela peut être avec de nouvelles infrastructures, de nouveaux métiers, en créant de nouveaux emplois dans l'industrie pour le développement de la 5G dans les industries elles-mêmes. Cela peut être aussi avec les territoires connectés ; il s'agit de prendre en main tous les usages numériques pour créer des services performants dans tous les domaines, aussi bien pour la gestion des services publics de l'eau, de l'énergie que pour la gestion de la donnée publique. L'enjeu est de créer de l'emploi, de créer du service et de moderniser l'ensemble de ces secteurs. C'est encore une question de souveraineté : au lieu d'aller acheter à l'étranger, s'il existe demain une solution française et européenne, ce seront autant d'emplois conservés et notre souveraineté en sera renforcée.
Les débats n'ont jamais été évidents au sein de notre comité de filière car nous sommes par nature très concurrentiels. Les gens font parfois des calculs à très court terme en achetant hors Europe parce qu'ils ont besoin d'augmenter leur ratio coût-efficacité. Toutefois, c'est en investissant sur l'avenir que nous arriverons à convaincre l'ensemble des personnes de conserver et de redévelopper des services en France, avec en plus un enjeu de qualité. La souveraineté consiste aussi en le développement d'infrastructures de qualité.
Nous avons donc un gros travail à faire. Pour la fibre optique, nous sommes embarqués dans un chantier industriel hors-norme. Nous avons commencé avec du cuivre au début du XXe siècle et il a fallu plusieurs dizaines d'années pour réaliser le réseau cuivre. Pour le réseau fibre, le programme a démarré à la fin des années 2000 et nous espérons avoir terminé la couverture d'ici 2025 ou peu après. Nous aurons donc créé en quinze ans une infrastructure énorme. C'est un chantier comme le pays n'en a jamais connu.
Nous avons de vrais sujets d'emploi et de qualité car, si le déploiement est rapide, il est parfois trop rapide. Même pour le cuivre, on voit encore en se promenant dans Paris des fils de cuivre sur les façades d'immeuble parce que, à un moment, il a fallu choisir de déployer très rapidement, les gens ne voulant pas attendre six mois. Actuellement, pour la fibre, vous n'attendez pas six mois mais quelques semaines avant d'être raccordé et, parfois, les déploiements vont très vite. L'enjeu de qualité est pour nous un enjeu de souveraineté pour disposer d'infrastructures pérennes à long terme.
Le soutien du Gouvernement et du Parlement est essentiel pour nous aider à faire émerger les services de demain, les emplois de demain et les industriels de demain. Le chantier de la fibre optique se terminera un jour. Il faut déjà réfléchir au développement suivant. Il portera notamment sur la 5G, sur les réseaux virtuels, les développements de logiciels, la maîtrise des données par les collectivités et plus globalement par les entreprises. Le soutien de l'État est essentiel sur ces sujets.
Nous travaillons avec l'État notamment dans le cadre du plan de relance. Nous avons avancé mais nous ne sommes pas encore au bout parce qu'il faut comprendre que, en investissant un peu maintenant, nous aurons un effet de levier énorme. Nous avions déjà eu cette discussion voici dix ans à propos de l'investissement dans la fibre optique. Lorsque nous avons présenté le premier plan fibre optique en demandant un programme de subventions notamment pour la fibre optique dans les zones rurales, tout le monde protestait. Dix ans plus tard, cela paraît naturel et le plan de relance a abondé le fonds pour permettre à la fibre optique de se développer plus loin dans les zones rurales.
Il faut discuter de ces questions pour refaire sur d'autres types de technologies et de services ce que nous avons fait sur la fibre optique voici dix ans. Nous en verrons le résultat dans dix ans. Si nous n'avions pas fait ces choix, nous n'aurions pas aujourd'hui une des infrastructures en fibre optique les plus développées au monde.
L'enjeu de notre comité est de préparer les infrastructures de 2030. Le soutien public, des parlementaires et de l'État doit se faire maintenant. Dans dix ans, il sera trop tard. Nous avons des champions de la fibre optique en France. Cela doit nous permettre de développer des champions sur les autres domaines des infrastructures numériques de demain.
C'est un bon résumé des points de vue des différents groupes de travail et des différentes fédérations qui composent notre CSF.
Sur la partie fibre optique, la France met en œuvre actuellement un chantier formidable qui fera de notre pays le plus avancé d'Europe. L'infrastructure que nous construisons aura de nombreuses années d'avance sur l'ensemble de nos voisins, ce qui sera un accélérateur de transition formidable. Nous en avons bien besoin dans cette période de crise.
Pour nous, la souveraineté passe aussi par la qualité et la pérennité des réseaux. Une grande partie de nos communications et de nos télécommunications passe encore par le réseau cuivre parce que, dans les années 1970, à travers le plan Câble, des choix ont été faits pour construire un réseau de grande qualité, en privilégiant sa pérennité. L'industrie française en a bénéficié, par exemple ACOME mais aussi l'entreprise Câbles de Lyon, devenue depuis Alcatel Câbles puis Nexans. Le citoyen s'y retrouve puisque, pendant plus de cinquante ans, ces réseaux de communication ont rendu bien des services et ils fonctionnent encore aujourd'hui.
Sur la fibre optique, l'enjeu est similaire si ce n'est que nous construisons le réseau en un temps encore plus court. Les gouvernements se sont succédé en maintenant le cap, voire en accélérant ces dernières années, pour aboutir à un raccordement de l'ensemble de la population dans les délais les plus brefs, en amenant la fibre optique absolument partout et surtout dans les territoires. Ce sera un accélérateur de mutation économique.
La construction de ces réseaux dans les territoires passe par des réseaux d'initiative publique qui font appel à des délégations de service public, à des systèmes de sous-traitance. Nous avons alerté les pouvoirs publics sur l'importance de la qualité, de la pérennité, du respect des cahiers des charges, tant sur le choix des matériels que sur la mise en œuvre. Il s'agit de limiter la main-d'œuvre détachée, de limiter l'importance de produits exotiques qui ne respecteraient pas les règles de l'art, voire les règles du commerce international.
Nous avons de nombreux dossiers en cours pour attaquer au niveau européen des produits d'origine chinoise pour dumping. Le Gouvernement est intervenu pour sensibiliser les collectivités territoriales à l'absolue nécessité de respecter les cahiers des charges, de veiller à la qualité et à la pérennité des réseaux. Il faut mettre en place des contrôles puisque c'est de l'argent public qui est dépensé. Je souligne que, malgré ce plan massif de déploiement qui bénéficie à notre industrie, les trois plus belles usines européennes de fabrication de fibre optique, situées en France, sont toutes aujourd'hui en sous-activité, parce qu'elles subissent la concurrence asiatique qui ne respecte pas forcément les règles du marché ni les règles de la concurrence. Des questions se posent même souvent sur la qualité de ses produits. Il est important d'avoir le soutien du Gouvernement, des pouvoirs publics et des parlementaires pour sensibiliser les territoires sur ces points.
Le deuxième volet de la souveraineté concerne la sécurité. Le CSF « Infrastructures numériques » crée actuellement une passerelle avec l'autre comité stratégique de filière mobilisé autour de la cybersécurité, qui rassemble aussi un grand nombre d'acteurs, champions français ou européens de ce secteur.
Le déploiement de notre réseau très haut débit est un travail collectif. Dès le départ, des experts ont travaillé ensemble et avec l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) pour définir la façon dont nous posions et raccordions les câbles pour faire en sorte que ce réseau soit parfaitement adapté à nos besoins. Nous nous sommes projetés dans les besoins et les usages que nous aurions dans le futur.
Il faut insister sur ce travail collectif des donneurs d'ordres, de toutes les entreprises de la filière sur ces produits et leurs caractéristiques techniques. Nous avons par exemple défini tous ensemble quel type de fibre nous voulions utiliser pour le déploiement de ces réseaux très haut débit. Même si nous n'avons pas commencé par le très haut débit, nous avons dès le début réfléchi à ce que seraient les usages et les besoins, avec l'ensemble de la filière et des industriels. C'est pour cette raison que des investissements ont été faits au niveau de l'outil industriel pour les câbles ainsi que de la formation de toutes les entreprises amenées à utiliser, installer et raccorder ces câbles.
L'excellence de notre réseau numérique et de notre savoir-faire nous permettra d'être présents à l'export puisqu'il faut toujours penser au futur. Nous cherchons donc un étendard qui nous permettra de valoriser notre filière à l'international.
Vous avez parlé des smart cities, de la 5G, des nouveaux réseaux. En tant que professionnels, comment percevez-vous la société sur ces sujets ? La France et les Français ont-ils une appétence pour ces développements ? Voyez-vous au contraire des résistances comme celles que nous avons vues pour la 5G ? Quelle vision en avez-vous ?
C'est une très bonne question d'autant plus que la covid et les nouvelles pratiques en termes d'usages ont eu aussi un impact significatif.
Nous ne sommes pas tout à fait en haut de la chaîne mais tout de même à un niveau où nous sommes énormément en contact avec les clients finaux, entreprises et particuliers. Nous avons d'ailleurs pu maintenir notre activité grâce à toute la filière : les opérateurs travaillent collectivement avec les installateurs, les fabricants.
Nos réseaux ont pu absorber des pics de trafic exceptionnels au soir du premier confinement. Nous ne nous attendions pas du tout à voir de tels pics de trafic, notamment sur le trafic voix : les gens ont commencé à rappeler leurs collègues ou leur famille par téléphone. Nous avons dû faire des adaptations car les usages ont complètement changé avec cette crise sanitaire. Malgré les enjeux de fracture numérique, les gens ont pu continuer à travailler, à s'éduquer. La fracture numérique porte sur l'accès et c'est pour cette raison que nous développons la fibre optique et la 4G actuellement, la 5G étant la technologie de demain. Nous avons besoin que l'ensemble des Français et des entreprises aient accès à cette technologie.
Des questions légitimes se posent sur les usages ; il ne faut pas faire n'importe quoi en profitant de la disponibilité de l'accès. Cette réflexion sur les usages n'est pas encore vraiment mûre, parfois encore assez caricaturale comme nous le voyons sur la 5G où le terme « amish » était à mon sens assez malheureux. L'idée n'est pas d'opposer mais de faire comprendre quel est l'intérêt de ces nouveaux services, de ces nouvelles technologies, ce qu'ils peuvent apporter, y compris en matière environnementale. Le numérique serait un pollueur, une source de gaz à effet de serre. C'est vrai, comme pour toute technologie mais le numérique permet aussi des économies de gaz à effet de serre. Ainsi, le télétravail fait que les gens se déplacent beaucoup moins.
Il faut faire de la pédagogie. Nous avons été victimes de fake news. Des antennes ont brûlé et des infrastructures ont été dégradées. Les responsables sont des personnes qui surfent sur les rumeurs colportées notamment par les réseaux sociaux. Le débat est caricaturé pour des raisons politiques alors que notre filière ne fait pas de politique : elle développe des services, investit, crée de l'emploi et apporte des services demandés par les usagers.
Les gens nous demandent quand la 4G arrivera, quand la fibre arrivera et, maintenant, quand la 5G arrivera. Le besoin existe mais doit être maîtrisé. Ce n'est pas une fin en soi ; c'est un outil qui doit être au service d'un objectif. Nous devons être pédagogues comme nous l'avons été au début du confinement en demandant aux gens d'utiliser le wifi plutôt que le réseau 4G qui doit être réservé aux gens en mobilité. Nous avons aussi demandé aux gens de ne pas mettre des tunnels de vidéos qui surchargent les réseaux. Nous avons essayé d'être pédagogues sur le bon usage des réseaux comme avec les ampoules à basse consommation : ce n'est pas parce que l'ampoule consomme moins qu'il faut la laisser allumée toute la nuit. De même, ce n'est pas parce que le réseau est connecté en permanence qu'il faut forcément le charger car cela a un coût sociétal et qu'il existe également des enjeux de dépendance, notamment pour les jeunes.
Cette réflexion n'est pas simple car elle est souvent caricaturée, notamment pour des raisons politiques. Nous aimerions un débat sain, objectif, basé sur des études et traitant des vrais problèmes : les conseils aux parents dépassés par leurs enfants en matière d'usage du numérique, le conseil aux entreprises pour les convaincre de se numériser parce que c'est un enjeu essentiel, notamment durant cette crise sanitaire pour les commerces pour vendre, pour les entreprises pour être concurrentiels par rapport à leurs concurrents étrangers. Au-delà des grande déclarations, l'enjeu est de savoir comment être pédagogue, comment arriver à faire comprendre aux entrepreneurs et aux familles les enjeux du numérique, ce qu'il apporter de bien et de moins bien. Nous essayons de prendre part au débat, d'aller au-delà des fake ne ws et des caricatures.
Je salue d'ailleurs l'excellent travail réalisé par l'ensemble de notre filière. Du fait de la crise covid, nous avons considérablement modifié nos pratiques et donc les usages de nos infrastructures numériques. Il faut souligner que ces infrastructures ont très bien fonctionné, malgré l'impact de la covid. L'ensemble de la filière a pu agir pour maintenir en fonctionnement le réseau, assurer la qualité des transmissions. Des consignes ont été données, des actions spécifiques mises en place, avec même des mesures de soutien très significatives mises en place par l'ensemble des acteurs de la filière, des avances de trésorerie des grands opérateurs pour soutenir les fournisseurs en cascade. Si la crise covid a évidemment eu un impact sur les conditions de construction, d'installation, de mise en œuvre, l'ensemble de la filière est tout de même resté mobilisé pour assurer le bon fonctionnement.
Nous avons même fait une livraison d'une usine en Normandie lors de laquelle nous avons photographié un touret de câble de 1 000 paires de cuivre de 6 ou 7 tonnes, ce que nous n'avions pas fabriqué depuis des années. Il a fallu le fabriquer en urgence pour maintenir la qualité des anciens réseaux en place à base de cuivre. Il était hors de question que se produise une rupture de cet ancien réseau même si la technologie de demain est la fibre.
Le CSF entreprend des actions pour la mise en place des plateformes 5G mais aussi des actions à travers les territoires pour faire de la pédagogie, de la démonstration au niveau des collectivités territoriales en vue de mettre en place des infrastructures pour les territoires intelligents. Cela concerne souvent des quartiers, des collectivités.
Dans le cadre du projet structurant « Smart Territoires » appelé aussi « Territoires intelligents et connectés » qu'InfraNum copilote avec SYCABEL, l'idée est d'accompagner les collectivités dans leur projet de territoire connecté, de leur proposer des contenus pédagogiques pour les aider à comprendre les enjeux et les usages qui seront possibles dans le futur. Nous accompagnons aussi tous les industriels qui proposent des solutions aux projets des collectivités.
Dans le cadre du groupe de travail « Smart Territoires », nous avons plusieurs livrables en cours qui seront révélés d'ici la fin du mois. Une étude du Pôle interministériel de prospective et d'anticipation des mutations économiques (Pipame) a été lancée pour créer un cadre de compréhension des territoires connectés à la française, avoir une vision partagée et commune de ce que sont les territoires connectés en France et de ce vers quoi ils vont dans le cadre de ces projets.
Nous avons également une partie évènementielle dans laquelle nous faisons se rencontrer les collectivités et les industriels. Ainsi, à Angers, au mois de septembre, nous avons réuni 300 industriels et collectivités pour les faire échanger, notamment par l'intermédiaire d'ateliers participatifs, sur les sujets de la Smart City et tout ce qui y touche. Il s'agissait de voir les idées de chacun pour contribuer à avancer vers un cadre commun qui aboutira à une bonne prise en compte de ces projets par l'État. Nous espérons aussi un soutien financier aux projets des collectivités.
Nous allons au plus près des besoins exprimés pour voir comment, à travers ces villes intelligentes, nous pouvons proposer un modèle. Il sera forcément différent entre les très grandes villes comme Paris ou Lyon et les plus petites villes ou même les villages dont les besoins sont très différents. Les solutions proposées doivent être adaptées et c'est un enjeu de formation et de compréhension qui peut être démultiplié par les collectivités, par les maires au niveau des usagers. Ce travail collectif d'explication et de formation est très important.
Le plan de relance a abondé les fonds destinés à la fibre optique ce qui est très bien, la crise nous ayant montré l'appétence de gens pour la fibre optique. Nous avons réussi à obtenir des enveloppes pour soutenir un certain nombre de projets structurants en matière de 5G et nous aimerions étendre ces appels, fléchés « souveraineté » d'ailleurs. Cela entre pleinement dans notre logique d'investir dans des projets qui doivent à notre pays de retrouver sa souveraineté, en termes de solutions, d'emplois, d'entreprises et de services.
Notre gros enjeu est de dupliquer ce que nous avons fait sur la 5G avec des projets liés aux territoires intelligents, aux territoires connectés pour soutenir des offres souveraines françaises pour le développement des services sur notre territoire, peut-être dans des domaines spécifiques. Cette offre française pourra ensuite s'exporter.
Les discussions sont en cours avec le Gouvernement. Nous pensons que l'investissement d'aujourd'hui prépare ce que sera la France dans dix ans. Il est normal que le plan de relance ait un effet à court terme, qu'il soutienne les entreprises pour passer cette crise économique sans précédent mais ce plan de relance doit aussi préparer ce que sera la France dans dix ans avec des investissements à moyen et long termes. L'idée est d'avoir un effet d'entraînement pour que des plateformes voient le jour et fonctionnent pendant un temps de façon à ce que les gens comprennent quel est l'apport de ces services au niveau local, que des PME puissent développer leurs propres services. Ensuite, la filière prendra son envol.
Tout relais et tout appui des parlementaires dans ces discussions seront précieux pour aider le Gouvernement à faire ces arbitrages dans le plan de relance. Il faut garder un équilibre entre le court terme et le long terme mais aussi avec l'efficience même du plan de relance.
Par exemple, sur la 5G, nous devons faire un gros travail de pédagogie auprès des porteurs de projet pour qu'ils parviennent à franchir les barrières administratives liées au plan de relance. Lorsqu'il faut déposer un dossier à la Banque pour l'investissement (BPI), que l'instruction est ensuite faite par les services de l'État avant des arbitrages au Gouvernement, vous trouvez tout au long différents types de barrières. Nous avons donc décidé de faire des réunions une fois par semaine avec les différentes administrations pour comprendre où nous en sommes, voir les difficultés et accompagner les projets les uns après les autres.
C'est un gros travail avec le souci que le plan de relance ait à la fois un effet immédiat et un effet structurant pour le long terme. Au-delà des annonces et des chiffres, il faut que le plan de relance ait des effets concrets.
Ce n'est pas simple, notamment pour des petites PME, de remplir des dossiers. Nous avons ainsi vu un projet 5G porté par un institut d'enseignement et de recherche auquel était demandé un Kbis. L'institut avait du mal à expliquer à BPI France qu'il n'avait pas de Kbis parce qu'il s'agissait d'un projet de recherche et développement en matière de 5G qui devait amener à la structuration de briques essentielles.
Nous avons ces difficultés concrètes quotidiennement pour faire comprendre que le plan de relance doit préparer demain mais aussi être efficient. Si nous annonçons des chiffres sans que ces chiffres se traduisent en investissements, nous aurons raté une occasion alors que cette crise peut nous permettre de préparer l'avenir.
En tant qu'industriels de la filière, nous insistons sur le fait qu'il faut tout faire pour conserver une valeur ajoutée en France, dans nos territoires. Avons-nous identifié pour cela des mesures plus ciblées en termes d'impacts, de fiscalité ?
Les enjeux de fiscalité sont assez importants parce que nous tous ici payons des impôts en France et ce n'est pas simple de voir que d'autres disposent d'un cadre différent, aussi bien en ce qui concerne des produits importés que des services offerts aux Français. Nous avons à peu près gagné la bataille de l'opinion auprès du Gouvernement et de l'Europe mais nous ne sommes pas encore arrivés à des solutions suffisamment efficaces.
Un certain nombre de pays disposent de coûts et d'un environnement fiscal complètement différents, bénéficient d'aides d'État voire d'une fiscalité accommodante. C'est un véritable enjeu pour nos industriels. Nous devons pouvoir nous battre à armes égales. La crise économique est déjà compliquée mais si, de plus, d'autres pays jouent avec des règles différentes, nous ne pourrons pas, nous industriels, parvenir à développer ces éléments. Il s'agit de la taxe GAFA, de s'assurer que les conditions d'import-export soient les mêmes pour tous et que nous n'ayons pas une concurrence déloyale entre acteurs.
Je pense que c'est un enjeu important pour notre filière parce que des arbitrages de très court terme peuvent bénéficier à certains du fait que les coûts sont moindres mais, ensuite, la qualité de service et la souveraineté sont en jeu. Nous bataillons pour nous assurer que le cadre soit propice à l'investissement en France et à la création d'emplois.
J'aimerais avoir votre avis sur le rôle des collectivités locales. Comme vous l'avez dit, les collectivités locales sont plutôt acquises à l'idée de développer les réseaux et de pouvoir s'en servir parce qu'elles le voient comme un moyen de redynamiser le territoire. Dans les appels d'offre et les différentes discussions qui ont lieu avec les collectivités, avez-vous des points de friction, des points d'alerte ? Vous avez parlé d'un concurrent chinois qui intervient de façon un peu agressive sur les marchés. Comment cela se passe-t-il avec les collectivités territoriales lorsqu'elles ont ce type de projet et le mettent en pratique avec des appels d'offres ?
Il ne s'agissait pas d'un concurrent chinois mais de nombreux concurrents chinois ou asiatiques. Ils bénéficient de l'appel d'air du marché français qui est le marché occidental le plus dynamique aujourd'hui. Les acteurs de la filière veulent en tirer le maximum d'avantages pour défendre leur marge. La combinaison avec des sous-traitants en cascade nous a alertés sur deux points.
Le premier point, essentiel, est de savoir si ces réseaux construits dans des collectivités territoriales par l'intermédiaire de nombreux sous-traitants respectent bien les règles de l'art, les cahiers des charges et quelle sera la qualité du réseau ainsi construit. La vocation de ce réseau est de durer au moins une cinquantaine d'années. Nous avons alerté les autorités compétentes : les pouvoirs publics, l'autorité de régulation… Diverses actions ont été mises en œuvre et méritent, je pense, d'être poursuivies.
Le deuxième point qui est venu se greffer sur ce problème concerne des règles économiques qui n'étaient pas respectées ce qui a nécessité des actions au niveau européen. La France est engagée mais aussi des acteurs allemands, anglais, italiens et même des Américains qui possèdent des usines en Europe. Une plainte pour des actions de dumping a été déposée et jugée recevable auprès de la Commission à Bruxelles. Elle est en cours d'instruction et devrait aboutir dans les prochains mois.
La perception des collectivités territoriales est grandissante. En discutant avec les acteurs, les élus et les politiques des territoires, que ce soit dans les villes, dans les communes ou les communautés de communes, dans les départements, nous voyons que l'un des sujets qui suscite le plus d'intérêt dans la population est le raccordement à la fibre optique, le très haut débit.
En effet, un agriculteur dans une ferme a besoin de se connecter à internet et donc d'avoir du débit pour son métier de tous les jours, pas uniquement pour regarder la météo mais pour faire des projections, pour traiter avec ses fournisseurs, avec ses clients, pour échanger avec les coopératives… Les familles, les citoyens et même les personnes âgées ont besoin d'avoir du très haut débit, par exemple pour avoir leurs petits enfants chez eux pendant les vacances de Noël. Les exemples de ce type se multiplient pour montrer que le très haut débit prend tout son sens, surtout dans les territoires. Les citoyens sont très mobilisés.
Le territoire connecté est plus une décision qui relève du bien public et de son impact politique. Il s'agit d'avoir une démarche écoresponsable, de faire des économies d'énergie, de consommation, de régulation de trafic, de gestion des déchets, de traitement des ordures ménagères, d'éclairage de la commune. Le raccordement de ces infrastructures ou de ces services publics devient un rouage primordial. La sensibilité à ces sujets est relativement variable. Le politique doit-il se mobiliser, est-il sollicité par les citoyens ou au contraire veut-il impulser une réelle dynamique ? Certains territoires sont plus mobilisés car ils bénéficient d'industriels locaux qui les sensibilisent, par exemple des fabricants d'équipements, des grandes implantations d'opérateurs ou des industriels acteurs du secteur. Certains politiques sont plutôt visionnaires, pensent que l'avenir va dans cette direction et veulent anticiper tandis que d'autres ont plus tendance à suivre le mouvement. En tout cas, le train est en marche.
Nous mettons différentes actions en place à travers le CSF avec des plateformes pour la 5G et une sensibilisation des territoires. Les actions du groupe « Emploi, gestion des compétences, formation » ont aussi un impact significatif.
Peut-être pourrions-nous aborder les travaux transversaux de la passerelle entre le CSF « Infrastructures numériques » et la sécurité.
Les enjeux de sécurité sont des enjeux naturels pour notre filière, d'autant plus que notre secteur est marqué par le phénomène de virtualisation. Ce terme de virtualisation désigne la part grandissante des logiciels dans la gestion des infrastructures. Nous avions voici vingt ou vingt-cinq ans un câble et un commutateur. Nous avons toujours un câble, qui est maintenant en fibre optique, mais nous avons aussi des ordinateurs, des logiciels, des antennes et donc de nombreux éléments d'équipement notamment de nature logicielle. Nous ne parlions voici vingt-cinq ans que de voix et peu de données. Maintenant, tout passe par internet, même la voix.
Ces enjeux de cybersécurité sont devenus très importants, vitaux pour nos infrastructures. La France dispose d'un des cadres les plus complets en matière de sécurité. D'une part, tous les opérateurs de télécommunications sont des opérateurs d'importance vitale et mettent en œuvre de la directive européenne Network and Information Systems (NIS) qui oblige à avoir un certain nombre de procédures pour éviter toute faille de sécurité dans le réseau. D'autre part, la collaboration est assez intense avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) sur tout ce qui concerne le design du réseau. Notamment, sur la 5G, nous travaillons depuis plus de deux ans avec l'ANSSI pour savoir comment les réseaux doivent être construits au niveau logiciel pour être les plus efficients du point de vue de la sécurité. La loi prévoit de regarder à la loupe tous les équipements mis dans les réseaux 5G. Elle a aussi mis en place un système de sondes qui permettent de détecter des cyberattaques sur nos réseaux.
Cette part grandissante du logiciel nous amènera à élargir un peu l'horizon de nos infrastructures. Il faut voir ensemble infrastructures et services numériques. La France dispose de compétences assez importantes dans le secteur du logiciel, avec de grands champions du développement et de l'intégration logicielle. Nous devons travailler avec eux, au sein de notre comité mais aussi avec le comité qui s'intéresse vraiment aux enjeux de sécurité. Nous souhaitons disposer d'une feuille de route commune, de projets communs pour nous assurer que l'ensemble des industriels vont dans la même direction.
C'est donc un sujet important car tout est internet, tout est numérique et, demain, tout sera logiciel. S'il était compliqué de « hacker » un commutateur télécom, pirater un ordinateur ou un système logiciel est devenu pas exactement à la portée de tout le monde mais certains pays sont des spécialistes. Comme nous l'allons vu avec Sopra Steria qui a fait l'objet d'une attaque massive avec du rançonnage, même les grosses entreprises et les gros fournisseurs ne sont pas à l'abri de cyberattaques. C'est un enjeu collectif. Il faut que nos infrastructures soient les plus résilientes et permettent de servir la défense des intérêts français en matière de cybersécurité.
Les technologies en elles-mêmes ne sont pas bonnes ou mauvaises ; ce sont des outils. Ce qui permet d'être plus efficace globalement ouvre aussi d'autres failles sur lesquelles il faut travailler. Notre enjeu en matière de cybersécurité porte sur la 5G et sur la partie territoires connectés. Qui dit numérisation des services publics dit aussi protection à mettre en œuvre. Il s'agit de protection physique puisque des câbles sont sectionnés, des antennes brûlées et il faut aussi développer une protection cyber de nos infrastructures. C'est pour nous une priorité, avec d'autres industriels et en coopération avec l'État.
La séance est levée à 11 heures 15.
Membres présents ou excusés
Mission d'information de la Conférence des Présidents « Bâtir et promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne »
Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 10 h 05
Présents. - M. Philippe Latombe, M. Jean-Luc Warsmann
Excusée. - Mme Frédérique Dumas