La commission a procédé à l'examen de la proposition de résolution européenne relative à l'interdiction de la pêche électrique (n° 656), sur le rapport de M. Joachim Son-Forget.
Chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de résolution européenne relative à l'interdiction de la pêche électrique, sur le rapport de M. Joachim Son-Forget, qui est à l'origine du dépôt de ce texte.
Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer cette question importante à plusieurs reprises. J'ai pour ma part découvert l'existence de cette pratique pour le moins surprenante le 27 septembre dernier, lors de notre seconde audition de M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, lorsque notre collègue Paul Christophe, du groupe UDI, Agir et Indépendants (UAI), l'avait interrogé sur la position de la France. Le 29 novembre 2017, M. Joachim Son-Forget, notre rapporteur, a interrogé le Gouvernement lors d'une séance de questions. Au début du mois de janvier 2018, nous avons été 249 députés, appartenant à tous les groupes, à signer une tribune dans le journal Le Monde contre la pêche électrique. Cet appel a été entendu par le Parlement européen qui, dans son vote du 16 janvier 2018, sur la proposition de règlement relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques, a adopté à une large majorité des amendements visant à interdire complètement la pêche électrique dans l'Union européenne. Ce vote ne constitue toutefois qu'une étape du parcours législatif européen devant aboutir à l'interdiction de la pêche électrique. Nous devons donc rester vigilants. C'est l'objet de cette résolution.
Je tiens personnellement à féliciter notre collègue, député représentant les Français établis hors de France, M. Joachim Son-Forget, dont l'intérêt dépasse largement sa circonscription – qui couvre la Suisse et le Liechtenstein. (Sourires.) Je salue la présence de notre collègue Jean-Pierre Pont, rapporteur du texte au sein de la commission des affaires européennes, qui participe aux travaux de notre commission, comme le prévoit l'article 151-6 du Règlement.
Je précise que le texte que nous examinons sera inscrit à l'ordre du jour de la séance publique du mardi 6 mars 2018.
Chers collègues, je ne sais si les charmes lacustres ou les délices chocolatés m'ont inspiré (Sourires) mais je crois qu'il est des sujets qui nous concernent tous en tant que députés de la Nation tout entière, au-delà des particularités de nos circonscriptions. C'est pourquoi j'ai souhaité me saisir de ce sujet écologique.
Je suis très heureux de vous présenter cette proposition de résolution européenne relative à l'interdiction de la pêche électrique et que la commission des affaires économiques ait accepté de se saisir de ce sujet qui la concerne au premier plan.
Permettez-moi un petit rappel de contexte et quelques explications.
La pêche au moyen du courant électrique consiste à envoyer des décharges dans les fonds marins afin de faire sortir les poissons plats enfouis sous quelques centimètres de sable et, ainsi, de les pêcher plus facilement. Cette technique est déjà interdite par l'Union européenne depuis 1998, au même titre que d'autres techniques jugées destructrices, utilisant, par exemple, le poison ou les explosifs. Elle est interdite, de la même manière, dans la plupart des pays du monde, notamment en Chine, aux États-Unis, ou encore au Brésil.
Pourtant, depuis 2007, l'Union européenne admet une dérogation à cette interdiction : il est en effet possible, en mer du Nord, de pêcher au moyen de chaluts à perche utilisant le courant électrique dit « impulsionnel ». Cette autorisation est, en théorie, accordée à des fins d'expérimentation et dans la limite d'un équipement de 5 % de la flotte de pêche des États concernés. Elle concerne aujourd'hui plus de 100 chalutiers, dont plus de 80 chalutiers néerlandais.
Toutefois, la pêche électrique, telle qu'admise par la dérogation européenne, présente de nombreux risques. Le temps me manque pour les détailler tous mais je vous en décrirai quatre.
En premier lieu, la pêche électrique menace l'écosystème marin, les ressources halieutiques et la biodiversité. En envoyant des impulsions électriques de manière non sélective, elle atteint et altère sans distinction tous les organismes vivants à portée de l'impulsion, dont elle menace la reproduction ou encore la résistance aux maladies. En plus de modifier la chimie de l'eau, elle conduit à une raréfaction significative des ressources halieutiques dans la zone concernée, alors même que la préservation de ces écosystèmes et de la biodiversité marine et océanique est indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique, en raison du réservoir de carbone que constitue la faune marine.
En deuxième lieu, la pêche électrique dégrade la qualité du poisson pêché, au point que 250 chefs cuisiniers se sont engagés publiquement à ne pas servir de poisson pêché de cette manière. Ils disent dans leur manifeste que « les poissons sont de si mauvaise qualité qu'on ne peut rien en faire ».
En troisième lieu, la pêche électrique introduit des distorsions de concurrence et menace l'activité économique des pêcheurs français. En effet, alors même que les Pays-Bas ne sont autorisés à équiper que 5 % de leur flotte de filets électriques, le registre des flottes européennes indique que 28 % de la flotte néerlandaise est équipée de tels filets – soit quatre-vingt-quatre bâtiments au lieu des quinze autorisés. Le rapport présenté par la commission des affaires européennes estime que « la pêche électrique menace la viabilité économique des pêcheurs de Manche et de mer du Nord à très court terme » et engendre une mise en péril généralisée de la pêche artisanale.
Enfin, cette technique décrédibilise l'Union européenne sur la scène internationale. Ce type de pêche est en contradiction totale avec les engagements internationaux de l'Europe mais également avec les règlements de l'Union européenne qui l'obligent à la préservation de la ressource halieutique ou à la promotion d'une pêche responsable. Une simple mise en cohérence des textes et des pratiques exige d'interdire strictement le recours à la pêche électrique car le maintien de la dérogation actuelle, dont les limites sont impunément outrepassées, interroge sur la capacité de l'Union tant à adopter des normes en cohérence avec les objectifs qu'elle se fixe qu'à faire respecter les règles qu'elle impose.
De manière générale, alors que la pêche électrique est souvent présentée comme une innovation, elle constitue au contraire une régression et va à l'encontre d'un mouvement mondial de préservation du patrimoine océanique et marin, dont témoignent de nombreuses initiatives. C'est ainsi que des politiques ambitieuses de développement d'aires marines protégées sont mises en place dans de nombreux États côtiers et que le dialogue sous l'égide de l'ONU, dit BBNJ (Biodiversity beyond national jurisdiction), a été entamé. L'Union européenne ne saurait rester en marge de ces démarches.
Le Parlement européen a voté, le 16 janvier 2018, en faveur de l'interdiction de la pêche électrique dans le cadre de l'examen de la proposition de règlement relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques. C'est un acte de courage qu'il faut saluer d'autant plus qu'il vient largement d'une initiative française, comme l'a rappelé le président Roland Lescure. La bataille n'est toutefois pas encore gagnée. En effet, des négociations interinstitutionnelles vont désormais s'engager avec le Conseil et la Commission européenne pour trouver un compromis final. Elles promettent d'être rudes, les élus néerlandais ayant annoncé leur volonté de défendre fermement leur position.
C'est dans ce contexte que s'inscrit cette proposition de résolution européenne : il est aujourd'hui fondamental de rappeler clairement la position de la Représentation nationale dans ce débat, en amont des négociations à venir.
C'est l'objet de ce texte qui me paraît relativement équilibré. La résolution exprime au Gouvernement le soutien de l'Assemblée nationale en faveur de l'interdiction totale de la pêche électrique et demande aux autorités françaises de s'opposer à toute prorogation de la dérogation actuellement consentie en mer du Nord. Elle incite le Gouvernement à aller au-delà du statu quo qui consisterait à accepter le maintien de la dérogation actuelle sans modification dans l'attente de connaissances plus précises – qui restent hypothétiques – sur les effets réels de la technique. Seule une interdiction totale et générale peut en effet prévenir les risques de dérives difficilement contrôlables, dont les effets environnementaux et sociaux seraient potentiellement irréversibles.
La résolution rappelle que l'innocuité de cette technique sur les écosystèmes et l'environnement n'a pas été démontrée, plus encore qu'elle est contestée par la communauté scientifique. La résolution salue enfin le vote du Parlement européen.
J'ai déposé trois amendements visant, d'une part, à préciser la rédaction du dispositif et, d'autre part, à rappeler explicitement le principe, posé par l'Union européenne, de l'interdiction générale de la pêche électrique sous toutes ses formes. Il s'agit de signifier clairement que la technique de la pêche à l'aide de chaluts à perche associée à l'utilisation de courant électrique n'est actuellement autorisée qu'à titre dérogatoire et à des fins d'expérimentation et qu'il est possible – et nécessaire – de revenir sur cette dérogation.
Je conclurai en rappelant que la France, qui possède le deuxième domaine maritime mondial, a le devoir d'être exemplaire en matière de pratiques de pêche et de jouer un rôle moteur dans l'établissement d'une réglementation européenne ambitieuse pour notre environnement. Elle doit assumer le rôle de leadership que sa situation géographique lui confère. L'océan est certes une source de revenus économiques – et la viabilité de l'activité de nos pêcheurs et artisans pêcheurs est une préoccupation importante – mais c'est aussi un écosystème à protéger : la ressource halieutique doit être gérée de manière intelligente, notamment pour permettre aux générations futures de continuer à en bénéficier.
J'ajouterai, enfin, que la pêche est un sujet qui dépasse les clivages politiques. J'en ai fait l'expérience une première fois, en cosignant une tribune avec 249 collègues de tous partis politiques, fortement relayée dans les médias. Je l'ai constaté une seconde fois en voyant cette proposition de résolution être adoptée à l'unanimité le 5 février dernier par la commission des affaires européennes. Je souhaite ardemment qu'une telle unanimité se retrouve aujourd'hui au sein de la commission des affaires économiques puis dans l'hémicycle afin de donner à ce texte autant de poids politique que possible.
J'abonderai bien sûr dans le sens du rapporteur. Il importe que cette proposition recueille l'unanimité non seulement au sein de cette commission mais également dans l'hémicycle. S'il y avait au Parlement européen une forte majorité pour interdire cette pratique, n'oublions pas que 232 eurodéputés ont voté pour la pêche électrique et que 40 d'entre eux se sont abstenus. Il est vrai aussi qu'au départ, la Commission européenne était pour une prolongation de la dérogation et pour un développement commercial de cette pratique mais que le vote du Parlement européen a complètement bloqué cette volonté. De toute façon, c'est au niveau du trilogue, qui se tiendra dans les trois à neuf mois, que tout sera discuté en présence de notre ministre de l'agriculture. C'est pourquoi nous devons lui apporter tout notre soutien.
Ce soutien sera nécessaire car les Hollandais ont des arguments de poids. D'abord, il est évident que les quatre-vingt-quatre bateaux qui sont armés en pêche électrique devront changer leur maillage et leurs filets si cette pêche électrique est interdite. Il faut rappeler aussi que l'armement boulonnais n'est quasiment plus français – tous les bateaux étant à capitaux étrangers et en particulier hollandais. Les derniers bateaux à être arrivés au port de Boulogne, et en particulier le « Rose de Cascia » de la Scopale (Société centrale de pêcheurs d'Opale), qui relève en partie d'Intermarché, ont été construits en Hollande, ce qui veut dire qu'ils y seront réparés. Les Hollandais échangent par ailleurs des quotas de sole avec nos pêcheurs français. Ayant rencontré M. Stéphane Pinto, le secrétaire du comité des pêches de Boulogne-sur-Mer – fileyeur qui a bloqué le port de Calais –, je sais que les Hollandais l'ont menacé, s'ils ne pouvaient plus pêcher avec des filets électriques, de partir pêcher à la senne, ce qui est aussi dramatique que la pêche électrique. N'oubliez pas non plus que lorsque le Parlement européen a refusé la pêche électrique, il a aussi refusé d'autres dérogations techniques parmi lesquelles une dérogation concernant le maillage dont profitaient les pêcheurs français.
Pour toutes ces raisons, il faut absolument que nous apportions notre soutien au ministre de l'agriculture. Il ne sera pas facile pour lui de défendre notre point de vue et de faire interdire cette pêche électrique qui est, selon moi, une catastrophe, non seulement pour nos fonds marins mais aussi pour l'avenir de notre pêche.
Colonnes vertébrales fracturées, ecchymoses, affaiblissement du système immunitaire, altération de la reproduction… Les pêcheurs des Hauts-de-France constatent chaque jour les ravages que provoque sur les poissons la technique de la pêche électrique dans les eaux de la mer du Nord. En visite sur le port de Dunkerque, le 12 janvier dernier, avec le député européen, M. Dominique Riquet, nous n'avons pu que partager cet amer constat face aux poissons abîmés qui nous étaient présentés.
Interdite depuis 1998, la technique controversée de la pêche électrique a toutefois pu se développer par le biais d'un statut dérogatoire depuis 2007, puisque l'Union européenne a autorisé chaque État membre à équiper jusqu'à 5 % de sa flotte de chaluts à perche et ce, au titre d'une expérimentation.
Les Pays-Bas ont très largement équipé leurs navires. Ils usent et abusent de cette technique dans les eaux de la mer du Nord et pratiquent à Bruxelles un lobbying intensif pour que la pêche électrique puisse être généralisée.
Le 16 janvier dernier, le Parlement européen était appelé à statuer sur le devenir de cette pratique. Nos homologues se sont prononcés par 402 voix contre 232 en faveur d'une interdiction stricte de la pêche électrique. Il faut saluer cette décision très courageuse qui n'est toutefois pas suffisante puisque la Commission européenne propose, a contrario, le maintien de l'expérimentation.
La décision finale est donc entre les mains des gouvernements nationaux, et plus précisément de la formation « Agriculture et Pêche » du Conseil de l'Union européenne et du fameux trilogue. Au titre de la procédure ordinaire de codécision, les ministres devront en effet se prononcer définitivement sur l'interdiction, ou non, de la pêche électrique lors de leur prochaine réunion.
Pour influer sur cette décision en tant que parlementaires nationaux, nos marges de manoeuvre sont certes réduites mais pas inexistantes. Cette proposition de résolution européenne permet en effet à la Représentation nationale d'envoyer un message très clair au Gouvernement, en demandant l'interdiction de la pêche électrique.
La position du Gouvernement français sur ce sujet demeure actuellement trop vague. Dès juin 2016, j'avais alerté Mme Ségolène Royal, alors ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, sur les désastres causés par la pêche électrique. Elle déclarait alors être opposée à cette pratique, sans toutefois agir concrètement pour l'interdire. Vous le rappeliez, Monsieur le Président : en septembre 2017, ici même, j'avais interrogé une première fois M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation dans le cadre d'une audition de la commission des affaires économiques autour du thème de la pêche sans obtenir de réponse satisfaisante. Le 8 novembre dernier, je l'ai donc une nouvelle fois interrogé en séance publique. Il déclara alors : « Sachez que la France demande le maintien de la réglementation actuelle encadrant la pêche électrique ». Le ministre ne se prononçait donc pas totalement contre cette technique de pêche puisqu'il souhaitait le maintien de l'expérimentation. De nouveau interrogé le 29 novembre puis le 13 décembre, le ministre répétait que la France s'opposerait à toute levée d'interdiction de la pêche électrique au-delà de la dérogation actuelle. Les garanties apportées par le ministre ne sont pas suffisantes. Par conséquent, dans cette proposition de résolution européenne, nous demandons un engagement clair du ministre pour l'interdiction de la pêche électrique.
Enfin, sur la forme, il est fort regrettable que cette proposition de résolution ne soit pas signée par l'ensemble des groupes. Une fois encore, la majorité a préféré l'entre-soi au rassemblement, en refusant la co-signature de nombreux députés, dont je fais partie, et qui auraient pourtant souhaité être associés à ce texte. Il est dommage que l'élan transpartisan que nous avions donné en janvier dernier dans une tribune cosignée par 249 députés contre la pêche électrique n'ait pas été suivi d'effet. Cela aurait été l'occasion d'envoyer un message fort en direction du Parlement européen.
Le groupe UDI, Agir et Indépendants, encourage le développement d'une pêche durable et soutiendra donc cette proposition de résolution européenne afin d'inciter le Gouvernement français à se prononcer pour une interdiction stricte de la pêche électrique.
Au nom du groupe du Mouvement démocrate (Modem) et apparentés, je voudrais tout d'abord saluer le travail de qualité de M. Joachim Son-Forget. Le sujet dont il est question ici est très important pour la préservation de notre planète. La pêche électrique, dont la technique consiste à envoyer des décharges dans l'eau, est en effet doublement dangereuse car elle menace non seulement la quantité de poissons mais également le bon fonctionnement des écosystèmes marins.
Le groupe Modem et apparentés est particulièrement investi pour l'interdiction de cette pratique. Nous l'avons exprimé aux côtés d'autres groupes politiques lors de notre appel pour l'arrêt de la pêche électrique dans une tribune publiée le 13 janvier dernier. Nous l'avons également manifesté lors de la présentation du rapport du député Jean-Pierre Pont en commission des affaires européennes.
C'est pourquoi nous accueillons très favorablement cette proposition de résolution, cosignée par plusieurs députés Modem et apparentés, appelant les autorités françaises à s'opposer à l'autorisation de cette technique sous toutes ses formes, y compris dans le cadre du maintien ou d'une prorogation des dérogations actuelles qui ont entraîné de nombreuses dérives.
Face à la volonté du Conseil de l'Union européenne, en mai 2017, de maintenir la dérogation des 5 % dans le sud de la mer du Nord, notre assemblée se doit d'adopter une position ferme et volontaire, à l'exemple de celle du Parlement européen, votée le 16 janvier dernier, pour l'interdiction de la pêche électrique dans l'ensemble de l'espace européen.
Cette pratique n'est pourtant pas encore officiellement interdite car une phase de négociation, « dite « trilogue » », entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission a été engagée et durera plusieurs mois. C'est dans l'objectif de soutenir le vote des eurodéputés que cette proposition de résolution a été déposée.
La France, à cet égard, adopte une position que je salue car elle s'est toujours opposée à toute levée de l'interdiction de cette technique de pêche. Cette proposition de résolution nous invite à aller plus loin, en suggérant que l'interdiction de la pêche électrique, même sous forme dérogatoire, figure parmi les priorités des discussions européennes à venir, notamment sur le projet de règlement relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques. Suivons l'exemple de nos partenaires comme la Chine ou le Brésil qui ont interdit cette pratique à la suite de ses conséquences désastreuses sur leurs fonds marins.
Le groupe Modem et apparentés est donc bien entendu favorable à cette proposition de résolution qui s'inscrit pleinement dans les objectifs de conservation des ressources sous-tendant l'ensemble de la politique de pêche commune.
Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, de votre initiative qui nous rassemble aujourd'hui. Comme mon collègue du groupe UAI, je ne peux que regretter ce courriel un peu humiliant dans lequel on nous expliquait que, comme nous ne faisions pas partie de la « famille », nous ne pourrions nous associer à ce combat et donc cosigner la proposition de résolution. Ce combat étant né dans la société civile, il ne peut être instrumentalisé par le politique. Je ne sais pas qui vous a donné cette consigne mais vous auriez pu y résister. Nous étions pleinement associés à cette démarche et avions les mêmes contacts que vous avec les lanceurs d'alerte qui s'étaient mobilisés sur cette question. Cela ne nous empêchera pas, sur le fond, de vous rejoindre et de vous soutenir pleinement dans cette démarche.
J'ai été ému, en découvrant ce sujet, de voir le parallèle avec la démarche que Mme Célia de Lavergne et moi-même avons menée lors des États généraux de l'alimentation autour de l'agro-écologie. Étant plus un homme de la terre, comme beaucoup ici, je méconnais la pêche mais c'est la même question qui se pose : celle de la conciliation entre l'écologie et l'économie – cette conciliation étant la manière moderne d'exploiter et de faire alliance avec la nature. Les pratiques piscicoles comme les pratiques agricoles nous renvoient au concept d' « une seule santé », allant du monde végétal et minéral et de celui des fonds marins jusqu'à la santé humaine. Elles nous renvoient aussi à notre préoccupation à l'égard du climat, compte tenu du rôle que jouent tant les sols que les océans dans la résilience ou la captation du carbone. Votre démonstration puissante nous conduit à penser que nous menons le même combat car, pour nourrir la terre, on aura besoin d'une mer et d'une terre en bonne santé. Il faut donc se fixer des limites, partager les fruits de la mer dans le temps, avec les générations futures, et dans l'espace, entre les différents pays. Si l'Europe perdait ce combat, ce serait une partie de l'âme du continent qui serait menacée du fait de l'hybris un peu délirante de nos amis néerlandais. Nous devons faire entendre raison à ces derniers car l'Europe doit être capable de penser le XXIème siècle selon des principes de limites et de justice qui conditionnent la survie de l'humanité.
Je terminerai en vous demandant de nous éclairer, en séance publique, sur la dimension internationale de cette question de pêche électrique. Cette pratique n'est pas qu'un problème propre aux corporations travaillant en mer du Nord : c'est un problème planétaire. Comment les choses se passent-elles en outre-mer, dans les Caraïbes et dans l'océan Indien ? La France et l'Europe, en délibérant contre la pêche électrique, pourraient-elles être le moteur d'un changement plus global ? Ce serait une fierté que nous pourrions partager.
Cette proposition de résolution demande au Gouvernement de s'opposer à l'autorisation de la pêche électrique sous toutes ses formes. C'est une mesure nécessaire que mon groupe soutient et nous saluons votre travail, Monsieur le rapporteur.
Comme vous l'avez rappelé, cette technique de pêche est largement interdite dans le monde et l'ensemble de la communauté scientifique s'accorde à la dénoncer. Pourtant, en 2006, la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne ont autorisé l'octroi de dérogations permettant le recours au courant électrique dans la partie sud de la mer du Nord. Cette dérogation est contraire à l'avis du Comité scientifique des pêches. Cette méthode de pêche a un effet désastreux sur la biodiversité puisqu'elle consiste à électrocuter indistinctement de nombreux organismes vivants. Elle a également des effets dévastateurs sur la pêche artisanale.
Cette résolution, nous l'espérons, enverra un signal fort aux instances européennes en faveur de l'interdiction totale de la pêche électrique. C'est une résolution de bon sens que nous sommes nombreux à soutenir.
Je vous remercie de vos interventions qui complètent ma présentation initiale et qui retracent l'historique de notre démarche transpartisane. Je comprends les remarques de mes deux collègues Paul Christophe et Dominique Potier. Je leur rappellerai néanmoins que quand je me suis ému de ce sujet, c'est bien un appel à l'ensemble des collègues que j'ai lancé. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons signé notre tribune dans Le Monde avec presque la moitié des députés. Je souhaite donc que nous continuions à travailler ensemble dans cette phase d'examen de la proposition de résolution.
Si je me suis intéressé à la question, c'est que je suis co-rapporteur d'une mission d'information intitulée « Mers et océans : quelle stratégie pour la France ? ». J'avais été alerté sur ce sujet par mon électorat, avant mon élection. Il y a notamment dans ma circonscription des organisations telles que l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui s'occupe de la biodiversité mondiale. Très tôt, j'avais souhaité, une fois élu, m'engager sur le sujet des parcs marins, dites aires marines protégées. Je rejoins mon collègue Dominique Potier quand il parle de résilience des écosystèmes. Si nous sommes dans cette dynamique, lancée par le Président de la République, du Make our planet great again, il ne faut pas oublier que la lutte contre le réchauffement climatique passe non seulement par la réduction des émissions de gaz à effet de serre mais aussi par la captation de carbone par les différents écosystèmes. Les écosystèmes marins n'échappent pas à cette logique, qu'il s'agisse des écosystèmes privilégiés, comme les vasières et les herbiers de posidonie, ou des poissons eux-mêmes. Je suis heureux que les opinions publiques puissent autant s'émouvoir pour les poissons que pour les pandas. Cette première démarche méritera d'être poursuivie par un effort collectif.
Concernant l'historique de la technique, je crains que, si l'Europe persiste à accorder cette dérogation abusive, elle ne soit en porte-à-faux avec toutes ses autres tentatives, pourtant heureuses, en faveur de la préservation de notre planète. Cette technique est notamment utilisée en rivière à des fins scientifiques mais pas à des fins industrielles, même dans des pays dont la capacité à réguler leur surpêche nous interroge. Elle est notamment interdite en Chine, depuis 2002, mais aussi au Vietnam, au Brésil, aux États-Unis et en Uruguay. Elle est donc à contre-courant de l'histoire et si on ne veut pas toucher le fond, il faudrait y mettre un coup d'arrêt (Sourires). Dans la mesure où l'Europe a compétence en matière de pêche, quelle crédibilité aura-t-elle demain lorsqu'elle négociera avec des États tiers en matière de pêche illégale, de surpêche et de gestion de la ressource si elle continue à autoriser des pratiques vétustes ? Je rejoins à cet égard mon collègue Jean-Pierre Pont quand il dit qu'il faudra bien préciser – dans le rapport ou par le biais d'amendements – que la pêche électrique n'est en rien une pratique innovante. Elle a l'air innovante parce que les pêcheurs utilisent de l'électricité mais l'électricité ne date pas d'hier. Le lobbying dont nous avons fait l'objet a d'ailleurs consisté à nous vendre un produit commercial : on nous a ainsi vanté le fait que comme les filets étaient moins lourds, les bateaux consommaient moins de carburant. On n'est donc plus dans le cadre d'une expérimentation, si j'en crois les arguments qui nous reviennent, tant sur les plans quantitatif que qualitatif.
Si l'on déplore parfois que l'Europe ne fonctionne pas comme on le voudrait, on a la preuve que lorsque les parlementaires se mobilisent de manière transpartisane et que les opinions publiques se sentent concernées, on arrive en tant qu'État membre de l'Union à influencer le cours des choses.
La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de résolution.
Article unique
La commission est saisie de l'amendement CE1 du rapporteur.
Cet amendement vise à faire apparaître dans les visas le règlement (CE) n° 85098 du Conseil du 30 mars 1998 visant à la conservation des ressources de pêche par le biais de mesures techniques de protection des juvéniles d'organismes marins, dont l'article 31 pose le principe de l'interdiction du recours au courant électrique pour la pêche et dont l'article 31 bis introduit une dérogation à cette interdiction pour la pêche à l'aide de chaluts à perche associée à l'utilisation du courant électrique.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement CE2 du même auteur.
Cet amendement a pour objet de rappeler que l'Union européenne interdit, par principe et de manière générale, le recours au courant électrique pour la pêche. Il a également pour objet de signifier explicitement que la technique de la pêche à l'aide de chaluts à perche associée à l'utilisation de courant électrique n'est actuellement autorisée par l'article 31 bis du même règlement qu'à titre dérogatoire et, partant, qu'il est possible – et nécessaire – de revenir sur cette dérogation.
Il conviendrait de préciser que cette dérogation n'est possible qu'à des fins de recherche, d'innovation et d'amélioration des pratiques. En effet, les Hollandais se sont contentés, en guise d'amélioration des pratiques, de réduire de 50 % leur consommation de gazole et de ne pas racler les fonds marins.
Cette précision me paraît tout à fait justifiée. Elle aura le mérite de rappeler que les prétextes avancés pour justifier la pêche électrique sont fallacieux. Je vous propose que nous travaillions ensemble pour faire ces deux précisions en séance publique.
La commission adopte l'amendement.
Ensuite, elle adopte l'amendement de précision rédactionnelle CE3 du rapporteur.
Enfin, elle adopte à l'unanimité l'article unique, modifié.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 21 février 2018 à 16 h 30
Présents. – Mme Michèle Crouzet, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Christine Hennion, Mme Célia de Lavergne, Mme Marie Lebec, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Claire O'Petit, M. Dominique Potier, M. Joachim Son-Forget, Mme Bénédicte Taurine, Mme Huguette Tiegna
Excusés. – M. Grégory Besson-Moreau, M. Julien Dive, M. José Evrard, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Richard Ramos
Assistaient également à la réunion. – M. Paul Christophe, M. Jean-Pierre Pont