Publié le 24 juin 2020 par : Mme Duby-Muller, M. Abad, M. Saddier, M. Lurton, Mme Meunier, M. Quentin, M. Bazin, Mme Bazin-Malgras, Mme Anthoine, M. Masson, M. Jean-Pierre Vigier, Mme Corneloup, M. Door, M. Vialay, Mme Louwagie, M. Straumann, Mme Genevard, M. Viala, M. Di Filippo, M. Brun, M. Cattin, M. Sermier, Mme Kuster, M. Hetzel, M. Bouchet, M. Cordier, M. Cinieri, Mme Trastour-Isnart, M. Breton, M. Reiss, M. Huyghe, M. de Ganay, M. Dive, M. Vatin, M. Perrut, Mme Bonnivard.
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact économique et écologique des conventions fiscales conclues par la France avec l'Allemagne, la Belgique et la Suisse prévoyant des régimes spécifiques d'imposition pour les travailleurs résidant et travaillant dans la zone frontalière, concernant la pratique du télétravail.
Cet amendement d’appel vise à alerter le gouvernement sur le coût économique et écologique des restrictions au télétravail transfrontalier imposées par des conventions fiscales qu’il est urgent de réviser.
Les conventions fiscales conclues par la France avec l'Allemagne, la Belgique et la Suisse prévoient des régimes spécifiques d'imposition pour les travailleurs résidant et travaillant dans la zone frontalière. Afin de simplifier leurs démarches administratives, ces régimes permettent l'imposition exclusive de leurs salaires dans l’État de résidence, soit la France pour les frontaliers qui y résident, à condition de ne pas dépasser un certain nombre de jours travaillés hors de la zone frontalière de l'autre État.
Depuis 2015, les employés frontaliers en télétravail sont considérablement handicapés par le Règlement (CE) n°883/2004 - Article 13 §1, fruit d’un accord entre la Suisse et l’Union européenne, mis en œuvre depuis 2012 mais dont la portée n’a été révélée que depuis juin 2014. C’était une autre conséquence du passage « forcé » à la CMU pour les frontaliers. Ce règlement prévoit ainsi que la personne qui réside en France et qui exerce une activité salariée en Suisse est soumise à la législation française, pays de résidence, si elle exerce une partie substantielle (+25%) de son activité en France. L’employeur suisse est donc tenu de verser les cotisations sociales afférentes à la législation française, en appliquant le taux français, largement supérieur. La situation très concrète se pose pour les frontaliers qui souhaitent pratiquer le télétravail, et qui se voient donc empêcher de le faire plus d’un jour par semaine, puisque le temps passé à leur domicile est comptabilisé comme du temps de travail à l’étranger. En clair, une entreprise genevoise employant un frontalier devrait s'acquitter auprès de l'URSSAF de l'ensemble des charges sociales pour cet employé si celui-ci travaille plus d'un jour et demi par semaine depuis chez lui. Considérant l'écart dans les taux de cotisation entre la France et la Suisse, on imagine facilement que les employeurs suisses ne sont pas intéressés. Un surcoût et des complications administratives qui sont tombés sur le dos de certaines sociétés suisses et que les autres veulent éviter, en arrivant aujourd’hui au point que des Français frontaliers sont discriminés sur le marché du travail suisse.
Dans le contexte sanitaire exceptionnel de l'épidémie de Covid-19 et compte tenu des recommandations et consignes des autorités publiques, la France s'est accordée avec la Belgique et la Suisse pour que, jusqu'à nouvel ordre, les jours pendant lesquels les travailleurs frontaliers sont amenés à demeurer chez eux pendant cette crise ne soient pas pris en compte pour le décompte du nombre de jours mentionné supra. Par conséquent, ces jours n’auront pas d’incidence sur l’éligibilité́ au régime spécifique d’imposition dont bénéficient les travailleurs frontaliers.
Cependant, à la fin du confinement, de nombreux frontaliers ne pourront plus continuer la pratique du télétravail supérieure à 25 % d’activité. Le télétravail est pourtant une organisation de travail en pleine expansion. Outre son intérêt évident en période d’épidémie, ce système permet souvent aux salariés d’être plus efficaces : moins de stress, mais surtout aucune perte de temps dans les trajets domicile – lieu de travail, et donc une rationalisation des trajets sur les horaires d’engorgement routier. A terme, donc, une plus faible emprunte carbone, et des résultats pour l’entreprise identiques sinon meilleurs.
Dans le Genevois, les bouchons font partie du quotidien des frontaliers. Le canton de Genève enregistre chaque jour quelques 600 000 mouvements à ses frontières, dont la majorité concerne les travailleurs transfrontaliers. En 2015, Genève a été sacrée capitale suisse du bouchon routier. Le nombre de permis de travail transfrontaliers – plus de 100 000 actuellement – a doublé en 10 ans, entraînant une augmentation très importante des déplacements domicile-travail et une saturation du réseau routier local aux heures de pointes. Aujourd’hui, le bassin franco-genevois souffre d’un fort déficit d’infrastructures et d’offres en matière de transport en commun transfrontalier : moins de 16 % des personnes qui effectuent les 550 000 déplacements quotidiens enregistrés à la frontière du canton de Genève utilisent les transports en commun. Nous sommes mobilisés au niveau local pour améliorer la situation, notamment avec la mise en place du Léman Express qui relie Genève et Annemasse. Mais ces investissements ne peuvent avancer sans les coupler avec des choix nouveaux d’organisation de travail pour les frontaliers.
La volonté politique exprimée au sein du Grand Genève est très claire : le développement du télétravail est une solution à l’engorgement des routes mise en avant par les élus français et suisses. Il est aujourd’hui urgent que la France se mobilise pour permettre aux frontaliers d’avoir eux aussi accès à des conditions de télétravail plus souples.
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