Publié le 12 novembre 2020 par : M. Acquaviva, M. Castellani, M. Pancher, Mme Pinel, M. Pupponi, M. Simian, M. Clément, M. Colombani, Mme Dubié, Mme Frédérique Dumas, M. François-Michel Lambert, M. Lassalle, M. Molac, Mme Wonner.
Après l’article 1407ter du code général des impôts, il est inséré un article 1407quater ainsi rédigé :
« Art. 1407quater. – En Corse, la collectivité de Corse peut, par une délibération, instaurer une taxe annuelle sur les locaux affectés à l’habitation lorsqu’ils ne sont pas affectés à la résidence principale.
« Cette taxe sur les résidences secondaires prend la forme d’un pourcentage sur la valeur vénale réelle du bien à laquelle il aurait pu être vendu au 1er janvier de l’année.
« Sont soumises à cette taxe les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France ainsi que celles n’ayant pas leur domicile fiscal en France. Celle-ci est reversée à la collectivité de Corse.
« L’assiette, le taux, les modalités de recouvrement et les exonérations sont déterminés par la délibération. Une modulation du pourcentage mentionné au premier alinéa peut être mise en œuvre en fonction de la commune, à partir des critères suivants : l’évolution du prix du foncier et de son taux de croissance, les bases locatives, la densité démographique, le taux de résidences secondaires de la commune et la nature de l’acquisition du bien constituant la résidence secondaire. »
La Corse est l’une des régions qui compte le plus de résidences secondaires par rapport aux résidences principales. En effet, on y compte plus de 90 000 résidences secondaires, soit 37,2 % du parc de logements insulaire contre 9,6 % du parc de logements de France métropolitaine (c’est-à-dire quatre fois plus). Il faut souligner aussi que certaines villes du littoral comme Portivechju (Porto-Vecchio) (12 000 habitants) affiche un taux de résidences secondaires de l’ordre de 56,4 %.
La croissance de la construction immobilière de ces dix dernières années, conséquence de la forte attractivité touristique de la Corse, provoque au sein de la population insulaire un sentiment légitime de dépossession foncière et immobilière, au profit de populations aisées souvent extérieures à l’île n’y résidant que quelques semaines dans l’année.
Cette situation occasionne une flambée des prix considérable : entre 2006 et 2019, le coût du logement a augmenté 2 fois plus vite sur l’île que sur le continent (+ 68 % dans l’île contre + 36 % sur le continent), tandis que le coût du foncier a augmenté 4 fois plus vite (+ 138 % contre + 64 %).
Acheter un bien immobilier ou un terrain devient quasi impossible pour un insulaire sachant qu’1 Corse sur 5 vit sous le seuil de pauvreté et que le revenu annuel médian en Corse est de 18 965 € alors qu’il est de 20 369 € en France métropolitaine en moyenne.
Le dernier rapport d’information sur les marchés fonciers et immobiliers en Corse (juillet 2019) de l’Agence de l’Urbanisme et de l’Énergie de Corse indique qu’« avec +138 % d’augmentation en Corse, l’accès au bâti et au foncier pour se loger, créer une activité économique ou agricole, devient quasiment impossible pour une famille insulaire au revenu moyen, surtout sur le littoral dans les communes jusqu’à 500 mètres d’altitude ».
La majoration de la taxe d’habitation, prévue par les textes actuels, n’est ni suffisamment étendue, ni suffisamment élevée pour être dissuasive. A ce jour, en Corse, seulement la ville d’Ajaccio et l’agglomération bastiaise sont autorisées à délibérer pour instaurer cette surtaxation (seul Ajaccio l’a instaurée à + 40 %).
Par conséquent, eu égard à cette situation engendrant une fracture sociale et territoriale forte sur l’île, il est indispensable de créer un système de régulation suffisamment incitatif, passant par la création d’une taxe spécifique sur les résidences secondaires sur l’ensemble du territoire de la Corse, perçue par la Collectivité de Corse, afin d’alimenter notamment les moyens nécessaires à l’exercice du droit de préemption qu’il est, par ailleurs, nécessaire de renforcer.
Préférentiellement, pour des raisons éthiques, morales, sociales et culturelles, il est important d’intégrer la notion jurisprudentielle de « Centre des Intérêts Matériels et Moraux », déjà utilisé pour favoriser le retour des fonctionnaires qui possèdent un lien particulier avec un territoire ultramarin. Cette notion pourrait être ainsi adaptée au cas de la Corse afin de ne pas pénaliser les propriétaires de résidences secondaires dans l’intérieur de l’île (ou les Corses de la diaspora qui possèdent une résidence sur l’ile (maison familiale de village issu d’un héritage…). Cela équivaudrait à différencier la taxation des résidences dites « patrimoniales » des insulaires de celles des résidences secondaires de résidents fiscaux hors de l’île, issues d’un mécanisme de bulle et de rente foncières.
Cette notion de Centre des Intérêts Matériels et Moraux nécessite néanmoins une inscription constitutionnelle pour la Corse. Aussi, pour l’heure, le principe serait de fiscaliser l’ensemble des résidences secondaires de l’île, qu’elle qu’en soit l’origine du propriétaire, à la condition sine qua non, de permettre à la Collectivité de Corse de fixer les taux et assiettes, mais aussi et surtout, et c’est important, de lui donner la capacité de différencier les taux, selon les communes de l’île, à partir de critères objectifs tels que l’évolution du prix du foncier et du taux de croissance, les bases locatives, la densité démographique, le taux de résidences secondaires, etc…, en y intégrant des possibilités d’exonération selon des barèmes de revenus à définir sur critères sociaux.
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