Publié le 14 mai 2021 par : Mme Pinel, M. Clément, M. Acquaviva, M. Castellani, M. Colombani, M. Charles de Courson, Mme De Temmerman, Mme Dubié, Mme Frédérique Dumas, M. Falorni, M. François-Michel Lambert, M. Molac, M. Nadot, M. Lassalle, M. Pancher, M. Simian, Mme Wonner.
Le troisième alinéa de l’article 30 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsqu’une procédure judiciaire présente une sensibilité particulière qui relève d’un motif d’intérêt public supérieur, il peut leur adresser des instructions spécifiques. Celles-ci font l’objet d’un dispositif de traçabilité particulier tenu à la disposition du conseil supérieur de la magistrature qui peut émettre un avis public notamment relatif à la nature des instructions, leur respect de la poursuite d’un intérêt public supérieur et leur fréquence. Elles sont publiées au bulletin officiel du ministère de la Justice sans qu’il ne soit fait mention d’éléments protégés au titre du secret de l’enquête ou de l’instruction. Elles sont également versées sans délai au dossier de procédure. »
Cet amendement vise à revenir sur la suppression des instructions individuelles mises en œuvre par la loi de 2013 relative aux attributions du Garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique. Force est de constater que cette suppression n’a pas mis un terme au mécanisme des remontées d’information pudiquement nommées « rapports particuliers » par les articles 35 et 39-1 du Code de procédure pénale. A défaut d'une réforme constitutionnelle qui clarifie le statut du parquet à l'égard du pouvoir exécutif, il convient d'encadrer plus précisément par la loi ces pratiques.
La circulaire NOR : JUSD1402885C du 31 janvier 2014 précise que « En cas de demande d’analyse adressée à la DACG, le parquet général aura soin de porter à la connaissance de celle-ci l’ensemble des éléments factuels nécessaires. La DACG sollicitera le cas échéant toute précision utile. En tout état de cause, les parquets généraux doivent répondre avec diligence, conformément aux dispositions de l’article 35, aux demandes d’information ponctuelles du garde des sceaux. ».
Si les instructions individuelles sont désormais interdites par l’article 30 du Code de procédure pénale, les « analyses » de la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), en réponse au parquet général, restent purement internes au parquet et de fait intraçables. En outre, aucune disposition ne prévoit leur versement au dossier ou leur publication sous quelque forme que ce soit. Elles échappent donc à tout contrôle.
Ce mécanisme souterrain de communication entre la Chancellerie et le parquet ne peut perdurer. Dans le cadre du rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, du 2 septembre 2020, François Molins, Procureur général près la Cour de cassation, partage ce constat : « la loi n’a toutefois pas délimité précisément les hypothèses et les situations dans lesquelles les informations devaient remonter aux procureurs et à la direction des affaires criminelles et des grâces […]. Il y a certainement là une carence ».
Aussi, en l’absence d’une réforme constitutionnelle qui aurait pour objectif de consacrer la stricte indépendance du parquet à l’égard du pouvoir exécutif, il convient d’encadrer cet outil de conduite de la politique pénale en encadrant par la loi et de de manière précise, les instructions individuelles.
Il est ainsi proposé de limiter le recours à un tel mécanisme aux cas d’intérêt public supérieur, d’assurer la transparence de la procédure (les instructions seraient versées à la procédure et ainsi, portées à la connaissance des parties afin qu’elles puissent être contradictoirement débattues) et d’instaurer un contrôle juridique : ces transmissions pourraient alors faire l’objet d’un recours devant les tribunaux administratifs, au regard de leur nature d’acte administratif individuel susceptible de faire grief.
Dans ces affaires les plus sensibles, un tel mécanisme aurait pour conséquence d’engager officiellement la responsabilité politique du ministre de la Justice dès lors qu’il estime nécessaire, au regard des enjeux en cause, de transmettre des instructions individuelles.
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