Publié le 14 mai 2021 par : Mme Pinel, M. Clément, M. Acquaviva, M. Castellani, M. Colombani, M. Charles de Courson, Mme De Temmerman, Mme Dubié, Mme Frédérique Dumas, M. François-Michel Lambert, M. Molac, M. Nadot, M. Lassalle, M. Pancher, M. Simian, Mme Wonner.
Après l’article 35 du code de procédure pénale, il est inséré un article 35‑1 ainsi rédigé :
« Art. 35‑1. – I. – Dans le cadre de l’élaboration, de la conduite, du contrôle et de l’évaluation de la politique pénale, le procureur général peut transmettre au ministre de la justice, d’initiative ou à la demande de ce dernier, des rapports particuliers sur des procédures judiciaires en cours. Ces rapports ne contiennent aucun élément protégé au titre du secret de l’enquête ou de l’instruction. Leur transmission fait l’objet d’une mention dans le dossier de la procédure et d’un dispositif de traçabilité particulier tenu à la disposition du conseil supérieur de la magistrature qui peut émettre un avis public notamment relatif à la nature des éléments transmis et à la fréquence des transmissions.
« II. – Lorsqu’une procédure judiciaire présente une sensibilité particulière qui relève d’un motif d’intérêt public supérieur, le ministre de la justice peut, en application de l’article 30 du présent code, demander la transmission d’éléments protégés au titre du secret de l’enquête et de l’instruction. Cette demande est écrite et motivée. Elle fait l’objet d’une publication au bulletin officiel du ministère de la justice. Elle est versée sans délai au dossier de la procédure au même titre que les éléments de réponse qui peuvent lui être apportés. Les éléments transmis ne peuvent concerner aucun acte d’enquête en cours ou à venir.
« III. – Pour la mise en œuvre du deuxième alinéa du présent article, le ministre de la Justice est tenu au respect du secret de l’enquête et de l’instruction. »
L’interdiction faite à la Chancellerie de transmettre au parquet des instructions particulières dans des dossiers pénaux individuels a été consacrée par la loi n°2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du Garde des Sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique et figure désormais à l’article 30 du Code de procédure pénale.
Si les instructions individuelles ont disparu, les remontées d’informations au ministère de la Justice concernant les dossiers en cours continuent d’exister et leur réforme a été identifiée par une commission d’enquête de l’Assemblée nationale comme déterminante pour tenter de rétablir la confiance en la justice.
En vertu des articles 35 et 39-1 du Code de procédure pénale et des circulaires qui en découlent, les procureurs de la République et les procureurs généraux peuvent, soit de leur propre initiative, soit à la demande de leur autorité hiérarchique, rédiger des « rapports particuliers » à l’attention de leur hiérarchie, qu’il s’agisse de magistrats ou du ministre de la Justice. Or cette procédure souffre d’une grande imprécision dès lors que ses modalités ne sont prévues que par des circulaires. En effet, rien n’est prévu dans la loi concernant la teneur de ces rapports en lien avec des procédures pénales en cours, leur fréquence, ni l’usage qui peut en être fait ou leur protection au titre d’un secret légal.
Qu’il s’agisse des affaires Fillon, du dossier Solère ou du scandale des écoutes, les soupçons d’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique sont trop récurrents.
Alors que le Garde des Sceaux avait manifesté son souhait d’avancer sur ce sujet à la suite des travaux conduits par la commission d’enquête parlementaire relative à l’indépendance de la justice ainsi que l’avis rendu le 15 septembre 2020 par le Conseil supérieur de la magistrature, en demandant à la direction des affaires criminelles et des grâces de formuler des propositions pour mieux encadrer les remontées d’information, rien n’a été fait depuis. Le Garde des Sceaux a annoncé, dans un entretien au journal Le Monde publié le 14 avril dernier, avoir pris au mois de mars une nouvelle circulaire visant à réduire le nombre de ces remontées d’informations, mais cette circulaire n’est toujours pas publiée et, en tout état de cause, ne permettra pas de pallier toutes les insuffisances résultant du silence de la Loi. Seul le législateur est à même de mieux encadrer ces remontées d’informations.
Par ailleurs, le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation plénière, a rendu un avis le 15 septembre 2020, aux termes duquel il constatait : « L’information du pouvoir exécutif sur les affaires pénales individuelles constitue toutefois un important ferment de soupçon sur l’interventionnisme supposé du ministère de la justice, surtout lorsque des personnages publics de premier plan sont mis en cause ». Cet avis, demandé par le Président de la République, recommande d’inclure dans la loi les critères de ces « remontées » et de les restreindre aux seules affaires nécessaires à la conduite d’une politique pénale.
Il existe, en outre, un risque manifeste d’inconstitutionnalité de l’actuel mécanisme des remontées d’informations, notamment au regard des principes d’indépendance de l’autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs, consacrés respectivement par les articles 64 al. 1er de la Constitution et 16 de la DDHC, dès lors que ce dispositif est organisé par une simple circulaire émanant du Garde des Sceaux, pourtant bénéficiaire de ces remontées d’informations. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a d’ailleurs déjà été déposée sur ce sujet et n’a été écartée par la Cour de cassation que pour une raison procédurale. Il semble donc nécessaire d’encadrer par la loi ce mécanisme bien trop souterrain des remontées d’information.
En effet, l’omission de cette préoccupation majeure dans un texte visant à redonner confiance dans l’institution judiciaire n’est pas acceptable. C’est pourquoi cet amendement vise à y remédier.
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