Publié le 16 avril 2018 par : M. Coquerel, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin, Mme Taurine, M. Azerot, Mme Bello, M. Brotherson, M. Bruneel, Mme Buffet, M. Chassaigne, M. Dharréville, M. Dufrègne, Mme Faucillon, M. Jumel, M. Lecoq, M. Nilor, M. Peu, M. Fabien Roussel, M. Wulfranc.
Après le mot : « a », la fin du 3° de l'article L. 622‑4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée : « pas été effectué dans un but lucratif. »
Par cet amendement de principal, nous proposons de mettre fin au « délit de solidarité » en précisant que des poursuites ne peuvent être engagées que contre toute personne qui aura agi dans un but lucratif. Nous reprenons là les recommandations de la CIMADE (https ://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2018/02/PJL_Asile_Immigration_Cimade_05032018.pdf).
Les articles L. 622‑1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pénalisent « l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers”. Ce principe a été posé par l'ordonnance de 1945 (son article 21 prévoyait un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 600 à 12 000 F). Ces peines et amendements sont désormais de de “cinq ans et d'une amende de 30 000 Euros” (premier alinéa du L 622‑1 CESEDA).
Le bon sens législatif a toutefois progressivement tempéré ces dispositions puisque désormais il existe trois exceptions principales à cette pénalisation, consacrées à l'article L. 622‑4 CESEDA (à savoir, l'aide aux membres de la famille (1°), l'aide aux membres de la famille du conjoint (2°), et une troisième (3°) qui a été créée en 2003 (Loi n° 2003‑1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité).
Cette troisième exception, initialement “3° De toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s'il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte”, a ensuite été étendue pour être plus protectrice des bénévoles et personnes physiques (ou associations) animées par un esprit d'humanité.
La loi du 31 décembre 2012 avait prévu une exception aux poursuites pénales lorsque l'aide au séjour irrégulier d'un étranger est le fait « De toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché n'a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et consistait à fournir des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci”.
Or cette exception n'est manifestement pas suffisante, et insuffisamment protectrice pour ceux animés d'un réel esprit d'humanité. En effet, le 8 août 2017, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné M. Cédric Herrou à quatre mois de prison avec sursis et à verser 1 000 € de dommages et intérêt pour « aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France » commis en octobre 2016. Pendant le procès, l'avocat général a invoqué qu'il y avait eu une contrepartie à l'aide apportée par Cédric Herrou, car « lorsque l'aide s'inscrit dans la contestation globale de la loi, elle sert une cause militante et constitue à ce titre une contrepartie ».
Un même risque c'était posé pour le professeur du CNRS Pierre-Alain Mannoni, poursuivi pour avoir tenté de transporter des personnes erythréennes d'Italie en France afin qu'elles se fassent soigner. Il avait été heureusement relaxé en 2017.
Ainsi, pour mettre fin à la pénalisation de la solidarité en aide à d'autres êtres humains et éviter des poursuites pénales absolument indues et inacceptables.
Pour ce faire, nous proposons de modifier le 3° de l'article L. 622‑4 en ce que l'énumération n'est pas limitative mais seulement indicative. Ainsi par exemple, un automobiliste qui passerait fortuitement par une zone frontière et qui prendrait en auto-stop un migrant perdu loin de toute habitation humaine (avec un risque sur sa vie) ne pourrait se voir inquiété (ce que la loi permettrait actuellement en l'espèce !).
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