La séance est ouverte à seize heures trente.
Chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Christophe Baud-Berthier, directeur des enquêtes et statistiques sectorielles de la Banque de France. Dans le rapport publié au mois d'août dernier sur la balance des paiements de 2016, vos services, monsieur le directeur, mettaient en avant un double phénomène : d'une part, une nouvelle dégradation de la position extérieure de la France, à -351 milliards d'euros à la fin de l'année 2016 contre -344 milliards d'euros à la fin de l'année 2015, dégradation largement imputable au solde des transactions courantes, débiteur de 19 milliards d'euros, contre 9,6 milliards en 2015 ; d'autre part, un dynamisme accru des investissements directs à l'étranger (IDE), mais avec un encours des IDE sortants de 1 195 milliards d'euros résolument supérieur à celui des IDE entrants, de 662 milliards d'euros. Pourriez-vous tout d'abord, monsieur le directeur, nous confirmer et nous expliquer ces chiffres un peu paradoxaux ? Par ailleurs, disposez-vous d'ores et déjà de données statistiques actualisées pour l'année 2017 ?
Nous avons reçu le 14 mars dernier le directeur de général de Business France qui nous a dépeint l'image d'une France attractive, avec une hausse de plus de 16 % des projets d'investissements étrangers en France créateurs d'emplois, passés de 962 en 2015 à 1 117 en 2016. Évidemment, ces statistiques ont un point de vue très microéconomique. Quelle analyse êtes-vous donc en mesure de nous livrer ?
En fait, ce qu'on appelle aujourd'hui investissements directs étrangers, au sens du Fonds monétaire international (FMI), englobe des réalités économiques assez différentes, à la fois des projets de développement ou de création d'une activité en France mais aussi des fusions-acquisitions et rachats d'entreprises françaises. La Banque de France est-elle en mesure de les distinguer ?
La Banque de France paraît définir le pays d'origine d'un investissement selon deux méthodes, l'une consiste à retenir le pays de contrepartie immédiate, l'autre consiste à considérer l'investisseur ultime, c'est-à-dire le véritable pays d'origine de l'IDE. Or les statistiques de 2015 montrent une part croissante des investissements français dans les encours des IDE en France : 6,7 % en 2015, contre à peine 3,5 % en 2010. Le phénomène est a priori assez surprenant. Vous pourrez sans doute nous expliquer cette évolution ?
D'un point de vue plus global, les IDE en France semblent de plus en plus se diversifier au cours des dernières années.
Confirmez-vous que notre pays accueille de plus en plus d'investisseurs des pays d'Asie ou du Moyen-Orient ? Cette tendance va-t-elle s'accélérer au cours de la prochaine décennie ? Selon la presse, le montant des liquidités disponibles autour de la planète serait supérieur à 10 000, voire 15 000 milliards d'euros ! Un chiffre évidemment très impressionnant au regard duquel nos plus grosses entreprises font figure de petites PME régionales.
Quid d'un renforcement en France mais aussi à l'échelle de l'Union européenne des dispositifs de contrôle des investissements étrangers en France ? Un projet de règlement européen est en cours d'élaboration. Avez-vous des statistiques à ce propos ? Les secteurs stratégiques sont-ils particulièrement la cible de l'investissement direct étranger ? Et, depuis le décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, dit « décret Montebourg », observez-vous une perte d'attractivité de la France pour les investisseurs étrangers ?
Votre audition se déroulant devant une commission d'enquête, je vous demande, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter serment.
(M. Christophe Baud-Berthier prête serment)
Merci infiniment, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, de faire appel à la Banque de France pour vous éclairer sur la question des IDE. C'est effectivement la Banque de France qui traditionnellement élabore la balance des paiements. De ce fait, elle est notamment chargée de l'évaluation des investissements directs.
Selon la stricte définition du Fonds monétaire international (FMI), qu'appliquent tous les pays du monde pour l'élaboration de la balance des paiements, les investissements directs sont des prises de participation d'une entreprise résidente dans une entreprise non-résidente. Autrement dit, c'est moins la notion de nationalité qui est prise en compte que celle de résidence. Quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui a une activité en France, nous comptabilisons toutes les opérations dont les contreparties sont non-résidentes. Nous ne nous intéressons pas aux opérations purement domestiques ni à ce qui se passe entièrement à l'étranger.
La notion d'investissement direct recouvre les prises de participation réalisées à partir de 10 % ; les investissements immobiliers, les acquisitions d'actifs immobiliers au sens tangible du terme ; les bénéfices réinvestis dans les filiales étrangères ; les prêts intra-groupe entre filiales résidentes et non résidentes ; les crédits commerciaux entre une entreprise résidente et une entreprise non-résidente.
La France est au dixième rang pour l'accueil des investissements directs. Sans grande surprise, ce sont les États-Unis, première économie du monde, relativement ouverte, qui attirent le plus les investissements directs. Nous parlons là du stock global à la fin de l'année 2016, en nous fondant sur les statistiques de l'Organisation pour la coopération et pour le développement économique (OCDE) – les chiffres 2017 pour la France sont prêts, je pourrai en faire état.
Au-delà des États-Unis, les Pays-Bas et le Luxembourg occupent une place connue et singulière, disproportionnée par rapport au poids économique réel de ces pays qui ont su attirer les holdings qui contrôlent des activités dans d'autres pays.
La part de la Chine a bien sûr beaucoup progressé ces dernières années ; c'est désormais le quatrième pays de destination des investissements directs. Ensuite vient le Royaume-Uni, mais d'autres pays européens figurent évidemment parmi les seize premiers. Nous nous comparons souvent à l'Allemagne. Effectivement, du point de vue de l'accueil des investissements directs, nous sommes assez proches. Mais si l'Allemagne est au neuvième rang, il ne faut pas perdre de vue le fait que l'économie allemande est moitié plus importante que l'économie française.
Si l'on considère non les investissements entrants mais les investissements sortants, la position relative de la France est un peu meilleure : c'est le reflet d'une internationalisation poussée des entreprises françaises, notamment les plus grandes. Nous n'en retrouvons pas moins les mêmes pays dans les premiers rangs du classement : les États-Unis, tout d'abord, puis les Pays-Bas et le Luxembourg, et les autres pays que nous avons déjà cités. L'Allemagne est à 1 336 milliards d'euros, soit un stock d'un montant très proche de celui du stock d'investissements français. Le tissu économique allemand est constitué notamment de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui restent peut-être plus localisées sur le territoire national tout en exportant beaucoup, tandis que les entreprises françaises de grande taille se sont beaucoup implantées à l'étranger et vendent depuis leurs filiales.
À la fin de l'année 2017, selon nos estimations, le stock des investissements directs français à l'étranger était de 1 210 milliards d'euros, tandis que le stock des investissements directs des étrangers en France était de 731 milliards d'euros, soit un solde net positif de 480 milliards d'euros. Au fil des ans, ces deux chiffres ont augmenté parallèlement, accompagnant le mouvement d'internationalisation des entreprises françaises ou étrangères en France. Au cours de la période la plus récente, nous constatons tout de même une attractivité plus marquée de la France.
C'est dans l'industrie manufacturière que les investissements sont les plus importants, qu'il s'agisse des investissements français à l'étranger ou des investissements étrangers en France. En deuxième position arrivent, aussi bien pour les investissements sortants que pour les investissements entrants, les activités financières et d'assurance, mais cela inclut les holdings. Nous essayons évidemment de caractériser les investissements, mais il nous est parfois difficile d'attribuer un secteur d'activité à la holding recensée comme étant l'investisseur en France. Les activités immobilières sont également importantes ; il y a d'ailleurs davantage d'investissements étrangers dans l'immobilier domestique que d'investissements français dans l'immobilier à l'étranger.
Quant aux pays partenaires, selon la méthodologie officielle du Fonds monétaire international, c'est la contrepartie immédiate qui est normalement retenue comme critère de définition des investissements directs, mais le concept d'investisseur ultime, en tout cas aux yeux de la Banque de France, est plus intéressant sur le plan économique : dans cette catégorie, sans grande surprise, les États-Unis sont le premier pays investisseur en France. Viennent ensuite l'Allemagne, la Suisse, le Royaume-Uni.
Vous signaliez tout à l'heure, monsieur le président, la montée en puissance relative des pays moyen-orientaux ou orientaux, mais ils restent pour l'instant à un rang relativement modestes : si nous agrégeons les investissements de la Chine et de Hong Kong en tant qu'investisseurs ultimes, nous parvenons à un stock d'un montant de 10 milliards d'euros. C'est presque équivalent à ce que les entreprises françaises peuvent y détenir, et très modeste par rapport aux 118 milliards d'euros investis par les États-Unis et aux 83 milliards d'euros investis par l'Allemagne.
Après les stocks, considérons les flux, à l'évolution évidemment un peu plus erratique. En 2017, les investissements français à l'étranger se sont élevés à 52 milliards d'euros, et les investissements étrangers en France à 46 milliards ; l'évolution est relativement faible par rapport à l'année antérieure, mais se traduit toujours par un solde net positif, qui accroît d'autant le poids des investissements français à l'étranger.
Ce stock d'investissements à l'étranger produit évidemment des revenus, sous la forme des dividendes perçus par les groupes français, ou versés par les filiales aux groupes étrangers. Le solde net est très largement positif : ce sont environ 40 milliards d'euros qui, chaque année, confortent la balance des paiements française, soit à peu près le montant de la facture pétrolière ou de la charge d'intérêts de la dette publique.
Les investissements directs sont bien sûr de nature multiple. Les investissements entrants sont créateurs d'emplois et de croissance sur le territoire national, ils dépendent de l'attractivité de notre pays aux yeux des investisseurs internationaux. Les investissements sortants peuvent contribuer, d'une certaine manière, au maintien de la compétitivité externe dans le cadre d'une répartition internationale du travail. Ils peuvent aussi refléter, parfois, une certaine insuffisance de compétitivité-coût qui incite les entreprises à s'implanter à l'étranger plutôt que de se développer sur le territoire national. En termes macro financiers, le solde positif que nous dégageons sur les investissements directs compense, certes partiellement mais tout de même, un endettement public externe très important. D'une certaine manière, il réduit notre dépendance financière vis-à-vis de l'étranger.
Le détail de la balance des paiements française pour l'année 2017 sera commenté par le gouverneur de la Banque de France le 10 avril prochain.
Pouvez-vous nous préciser le poids relatif des différentes catégories que vous avez énumérées – prises de participation à partir de 10 %, investissements immobiliers, bénéfices réinvestis, etc. – dans l'ensemble des IDE ?
Les investissements étrangers en France se composent à peu près de 50 % de prises de participation, 8 % d'investissements immobiliers et environ pour un tiers de prêts intra-groupe et créances commerciales. Au sein des investissements français à l'étranger, le poids des investissements immobiliers est bien moindre : 2 %. En revanche, la part des encours commerciaux et prêts intra-groupe est à peu près identique. La part des investissements en capital est légèrement différente.
Signalons aussi que les prises de participation étrangères en France concernent plutôt des entreprises cotées – à hauteur de 20 % du total des entreprises acquises – alors que les investissements français se font plutôt dans des entreprises non cotées. Cela peut avoir un impact sur la valorisation des investissements.
Je suis surpris que les monarchies pétrolières ne figurent pas parmi les investisseurs étrangers recensés par vous.
Ces monarchies et leurs fonds souverains prennent assez peu de participation à cette hauteur. Elles sont plus enclines à des investissements d'un niveau moindre, dits « de portefeuille ».
La part détenue par les non-résidents sous cette forme peut être significative. Une récente étude de la Banque de France sur les entreprises cotées, notamment celles qui composent l'indice CAC40, montrait qu'environ 45 % de leur capital étaient détenus par des non-résidents sous la forme, dans la très grande majorité des cas, d'investissements de portefeuille représentant moins de 10 % du capital. Seule une dizaine d'entreprises du CAC40 – certes, c'est tout de même significatif – sont détenues majoritairement par des non-résidents.
Avez-vous des chiffres sur les fusions et acquisitions internationales en France ? J'ai vu, il y a quelques semaines, que l'on se félicitait d'avoir battu un nouveau record. Qui établit les données en la matière ? Si l'on distingue les fusions et les acquisitions, observe-t-on les mêmes évolutions ?
Les chiffres proviennent souvent des cabinets spécialisés qui servent d'intermédiaires pour ce type d'opérations. Les montants sont fréquemment bien supérieurs à ce que nous comptabilisons, pour notre part, comme de véritables investissements directs. La communication financière peut l'emporter, en effet, sur la rigueur comptable : lorsque l'on annonce un deal, on a tendance à citer des sommes très importantes qui ne correspondent pas toujours aux investissements réalisés dans les faits. Notre approche est très comptable, si je puis dire, autrement dit très précise, ce qui explique que nos chiffres soient inférieurs : en flux, les investissements étrangers qualifiés de directs s'élèvent à une cinquantaine de milliards d'euros par an – c'est moins que ce qui est annoncé parfois dans la presse.
Merci pour l'éclairage très complet que vous nous avez apporté.
À la page 4 du document sur lequel vous vous êtes appuyé, on voit que notre position nette s'est dégradée en 2017, le solde passant à 480 milliards d'euros. Comment expliquez-vous la réduction du stock d'investissements directs en France ? Est-ce une simple anomalie statistique ou bien un signe préoccupant ?
À la page 9, il est dit que les « investissements entrants sont créateurs d'emplois et de croissance » : il est important de le rappeler, car on a tendance à avoir un regard assez négatif sur les investissements étrangers. Avez-vous des éléments statistiques plus précis ? En nombre d'emplois créés et en points de croissance, que représente, par exemple, un investissement de 1 million d'euros en France ?
La Chine ne figure qu'au douzième rang des « investisseurs ultimes », page 6, avec 10 milliards d'euros en 2016, Hong Kong compris. Le président Marleix a rappelé que les médias parlent beaucoup des investisseurs du Golfe, mais c'est également vrai des Chinois. Le bruit médiatique sur les velléités d'investissement de ces pays correspond-il à une réalité qui ne serait pas visible statistiquement ou seulement un effet de surmédiatisation par rapport aux investissements provenant d'autres pays ? Est-ce un peu symbolique, en fait, ou au contraire un véritable enjeu en matière d'investissement, en flux comme en stock ?
Dans l'approche servant à l'élaboration de la balance des paiements, c'est la valeur des actifs que nous retenons. Je pourrai néanmoins vous transmettre des études – réalisées par l'INSEE, sauf erreur de ma part – sur les entreprises détenues par des non-résidents : on y trouve notamment une évaluation du nombre d'emplois concernés, assez significative.
Selon nos recensements, les investissements en provenance de la Chine et de Hong Kong restent modestes en France. Deux hypothèses sont envisageables : soit nous évaluons mal ces investissements, soit ils ne sont pas tournés vers notre pays. C'est probablement un peu les deux à la fois. Le concept d'investisseur ultime nous conduit à remonter toute la chaîne des structures qui investissent en France, mais on a parfois des difficultés à en suivre les méandres : derrière des entités localisées aux Pays-Bas ou au Luxembourg, il peut y avoir des investisseurs chinois que nous n'avons pas réussi à identifier comme tels. Il est vrai aussi que la Chine et Hong Kong n'investissent pas tant que cela chez nous : ils se tournent davantage vers d'autres pays asiatiques et, en Europe, plutôt vers l'Allemagne ou la Grande-Bretagne. Il en est de même pour les pays du Golfe : les montants que nous enregistrons restent assez faibles. Certaines opérations relativement ponctuelles attirent l'attention des médias, par exemple lorsqu'un Chinois achète un vignoble en Bourgogne, ou quand un pays étranger soutient un important club sportif français, mais cela représente des sommes unitaires relativement faibles, en tout cas sans comparaison avec d'autres investissements.
La baisse du solde net des investissements étrangers en 2017 correspond-elle à une évolution attendue ou non ? Même si les performances passées ne présagent jamais le futur, faut-il y voir un signe ?
Ce n'est pas un signe inquiétant. On observe une quasi-stabilisation des investissements étrangers en France et une légère baisse des flux entrants.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce phénomène est en grande partie le résultat de la valorisation des participations détenues par des acteurs étrangers. Les évolutions boursières, en ce qui concerne les sociétés cotées, peuvent influer sur la valeur des actifs détenus. Les évolutions de change ont également joué en 2017 : la valeur des actifs libellés en euros dépend aussi de la parité avec la devise des investisseurs non-résidents. C'est également vrai pour les actifs français à l'étranger : toutes choses étant égales par ailleurs, ils se sont un peu dépréciés compte tenu de la hausse de l'euro, par exemple quand ils sont libellés en livres sterling. Ces raisons, un peu techniques, ne traduisent pas un désengagement à l'égard de la France.
N'oublions pas que le terme d'investissements « étrangers » désigne en fait, je l'ai dit, des opérations réalisées par des non-résidents : dans certains cas, il peut s'agir de structures que l'on qualifierait de françaises si l'on raisonnait en termes de nationalité. Les flux ne sont pas toujours très faciles à appréhender : certains canaux sont utilisés par des entreprises françaises pour investir dans notre pays, et qui se voient, du coup, qualifiées d'étrangères.
Vous avez évoqué des investissements étrangers, assez emblématiques, dans des vignobles et des terres agricoles. Des Chinois ont récemment acheté un grand nombre d'hectares dans la Beauce, ce qui a fait couler beaucoup d'encre : certains y ont vu un enjeu en matière de sécurité alimentaire et de maîtrise de nos approvisionnements. Au-delà de ce cas assez spécifique, avez-vous des chiffres concernant les investissements étrangers dans des biens fonciers et immobiliers ? Est-ce un phénomène qui prend de l'ampleur ou bien des investissements assez anecdotiques en réalité – nous ne sommes pas en train de nous faire racheter complètement – même s'ils peuvent défrayer la chronique ?
Il n'y a pas vraiment eu de hausse dans la période récente, mais l'immobilier constitue un secteur important. Cela représente 8 % du stock global, ce qui est significatif et bien supérieur à ce qu'il représente dans les investissements français à l'étranger dans ce domaine, où l'immobilier ne dépasse pas 2 % du total.
S'agissant des terres agricoles, je ne pourrai pas vous donner des chiffres très précis. Les opérations que vous avez mentionnées ont toutefois été recensées : en valeur, elles sont très faibles par rapport au reste. À notre connaissance, les acquisitions de terres agricoles restent très modestes.
Merci pour votre présentation, qui nous a donné une idée des investissements étrangers en France. Les 40 milliards d'euros de revenus qu'ils dégagent sous forme de dividendes correspondent grosso modo, avez-vous dit, à la charge de la dette publique en France ou à notre facture pétrolière.
Les prévisions de croissance de la Banque de France sont plutôt optimistes : elles s'élèvent désormais à environ 1,9 %. La consommation des ménages progresse, mais la vigueur des entreprises mérite également d'être soulignée. Mais les prévisions de croissance sont toujours assorties d'un bémol : les taux d'intérêt restent relativement bas. Cette situation favorable est-elle appelée à durer ? Quelles seraient les conséquences s'ils devaient changer ?
Mon prédécesseur à l'Assemblée nationale, François Loos, s'est longtemps intéressé à notre commerce extérieur. Cela fait de nombreuses années que l'on s'inquiète des difficultés rencontrées en la matière, mais il semblerait qu'il y ait aujourd'hui quelques signes positifs. Envisagez-vous une évolution favorable dans les années à venir ?
Je pense que vous avez souvent entendu le Gouverneur de la Banque de France rappeler qu'il est indispensable de maîtriser la dette car les taux d'intérêt ont, bien sûr, vocation à remonter un jour. Quand ? C'est là une question à ne jamais poser à un banquier central… Mais il est évident que cela se produira à un moment donné. La charge de la dette augmentera alors, et les revenus des investissements directs ne suffiront plus pour faire face. D'où la nécessité de réduire le poids de la dette.
Le commerce extérieur est un autre point de vigilance et même d'inquiétude pour nous, qui élaborons la balance des paiements. La situation actuelle reflète un défaut de compétitivité de l'économie française. Le Gouverneur commentera très prochainement les chiffres pour 2017, qui ne sont pas bons. Ils témoignent d'une nouvelle dégradation de notre balance commerciale : on observe certes un redressement des échanges de services, mais il reste de nombreux points noirs. Selon nous, il faut se mobiliser pour améliorer l'environnement général des entreprises et leur compétitivité, et ainsi bénéficier du climat international qui est extrêmement favorable en matière de croissance.
Je voudrais revenir sur ma question relative aux projets de renforcement des mesures de contrôle dans notre pays et au niveau européen. A-t-on constaté une corrélation entre les mesures déjà adoptées en France, avec le décret dit Montebourg, ou dans d'autres pays, comme l'Allemagne, qui a renforcé son dispositif l'année dernière, et l'attractivité sur le plan des investissements directs étrangers ?
Pas vraiment. Le pays qui accueille le plus d'investissements directs au monde est par ailleurs considéré comme ayant un dispositif relativement sérieux de contrôle. En France, l'adoption de mesures plus restrictives n'a pas véritablement modifié la courbe ascendante que l'on connaissait jusque-là. Il n'y a donc pas de lien direct. Cela ne signifie pas que certaines opérations ne se sont pas déroulées, mais on ne peut pas parler de coup d'arrêt ou de signal ayant conduit les investissements étrangers à se détourner.
Au-delà de cette approche statistique, qu'en est-il de vos échanges avec vos homologues de la zone euro ou d'autres banques centrales ? On voit beaucoup de pays se réarmer en adoptant des dispositifs de contrôle un peu plus solides : est-ce un sujet d'inquiétude ? Le Gouvernement vous a-t-il interrogé avant d'élaborer ses propres projets dans ce domaine ?
Nous n'avons pas été consultés. L'inquiétude serait probablement plus vive s'il s'agissait des échanges de biens, c'est-à-dire si des dispositions visaient à rendre plus difficiles ou plus onéreuses les exportations de certains biens ou services : cela aurait sûrement un impact négatif global. Mais en ce qui concerne les investissements directs, au sens strict du terme, nous n'avons pas d'inquiétudes à l'heure actuelle.
Vos graphiques laissent penser que les mesures adoptées en France n'ont pas eu d'impact sur la croissance des investissements étrangers qui s'est poursuivie. Il faudrait néanmoins réaliser une comparaison dans le temps avec d'autres pays : la courbe évolue peut-être différemment à l'étranger et nous pourrions être en train de décrocher, en réalité. Qu'en est-il exactement ?
Ces chiffres n'apparaissent pas, en effet, mais nous pourrons vous les communiquer si besoin est. Dans les principaux pays concernés, comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Suisse, on constate une évolution graduelle assez proche de ce que connaît la France. La nouveauté tient à l'apparition des pays émergents dans le paysage, notamment le Brésil, la Russie et la Chine. Le poids relatif des investissements chinois est modeste en France, mais nous sommes partis de presque rien il y a vingt ans. Par ailleurs, les pays asiatiques ont capté une part importante des investissements étrangers.
La séance est levée à dix-sept heures dix.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 21 mars 2018 à 16 h 25
Présents. - M. Guillaume Kasbarian, Mme Laure de La Raudière, M. Olivier Marleix, M. Frédéric Reiss
Assistaient également à la réunion. - M. Ugo Bernalicis, M. Raphaël Schellenberger