Jeudi 31 mai 2018
La séance est ouverte à huit heures trente.
Présidence de M. Jean-Carles Grelier, vice-président de la commission d'enquête
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La commission d'enquête procède à l'audition commune des centres et maisons de santé : Mme Céline Legendre, secrétaire générale de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS), Dr Éric May, président, et Dr Frédéric Villebrun, secrétaire général de l'Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS) et M. Pascal Gendry, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS).
Notre commission reçoit les responsables d'organisations représentant les centres de santé et maisons de santé, auxquels je souhaite la bienvenue.
Je précise que cette audition est ouverte à la presse.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.
Mme Céline Legendre, M. Éric May, M. Frédéric Villebrun et M. Pascal Gendry prêtent successivement serment
Je donne la parole à chacun pour une intervention liminaire, avant de passer aux échanges avec les parlementaires.
Notre fédération regroupe les gestionnaires de centres de santé médicaux et polyvalents, qu'ils soient municipaux ou associatifs. J'aborderai trois points : notre diagnostic sur la désertification médicale, les centres de santé comme réponse pertinente et l'efficacité de l'aide publique.
La situation actuelle dans de nombreux territoires tient à trois facteurs. D'abord, on a voulu limiter l'offre médicale par le numerus clausus, alors que de nombreux médecins partent en retraite. Ensuite, le mode de vie des médecins a évolué. Les jeunes aspirent à concilier vie professionnelle et vie familiale, à travailler en équipe, à pouvoir rester mobiles. Le nombre de ceux qui s'installent en libéral est en chute. Enfin, on n'a pas remis en cause la liberté d'installation.
Cependant, selon nous, ce problème de désertification n'est pas la cause des inégalités dans l'accès aux soins. Celles-ci existaient déjà et il ne fait que les aggraver. En outre, le vieillissement de la population et le développement des pathologies chroniques rendent nécessaires des prises en charge pluridisciplinaires.
Comme la formation des médecins est longue, toute décision d'élargir le numerus clausus mettra du temps à se traduire sur le terrain. Les centres de santé sont une solution pour enrayer la désertification médicale, même s'ils ne sont pas la seule. Ils offrent aux professionnels la possibilité de passer au salariat et de travailler en équipe sans avoir à se soucier des tâches administratives et logistiques mais en consacrant leur temps à l'exercice médical, ce qui correspond à une large attente. Ils pratiquent le tiers payant et les tarifs conventionnés. Ils développent une offre de soins innovante et accueillent les infirmières de pratiques avancées. Les centres de santé sont adaptés à toutes les situations pour répondre aux besoins sanitaires, mais il faut leur donner leur juste place d'acteurs de la santé : ce ne sont pas les solutions de dernier recours, leur modèle a sa propre valeur.
Depuis l'accord conventionnel interprofessionnel de 2016, le nombre de projets de centres de santé a augmenté. Ils restent cependant fragiles, car un certain nombre de leurs activités ne sont pas rémunérées et ils reçoivent peu de subventions. La FNCS et ces partenaires accompagnent ce mouvement partout en France, avec une vision globale de l'action à mener pour lever les obstacles à l'ouverture de nouveaux centres.
S'agissant de l'efficacité des aides publiques, qui est l'un des objets de votre commission d'enquête, il nous est plus difficile de répondre dans la mesure où les centres de santé ont été exclus jusque très récemment du bénéfice de ces aides, réservées au secteur libéral. Ce traitement inégal a été modifié en partie en 2016. Néanmoins, il reste toujours difficile pour un centre de santé, même installé en zone déficitaire, de convaincre l'agence régionale de santé (ARS) de lui accorder une aide, d'autant que celles-ci dépendent souvent de critères pensés pour l'exercice libéral, comme la permanence des soins. Quant aux aides qui dépendent de la localisation en zone difficile, le nouvel indicateur pour identifier les territoires carencés, celui de l'accessibilité potentielle localisée (APL), a donné en Ile-de-France des résultats ubuesques. Heureusement l'ARS en a corrigé en partie les résultats en tenant compte du cumul des facteurs de fragilité des territoires.
Pour soutenir les centres de santé, il faut moins envisager des aides à l'ouverture que conforter l'équilibre global du modèle, en se penchant sur le statut des praticiens qui y travaillent, et en tenant compte du coût de gestion du tiers payant. Il faut lever un certain nombre de freins mis par l'ARS. En outre, dans certains départements, les centres de santé ne sont pas reconnus comme maîtres de stage, alors que c'est le cas dans d'autres départements comme en Ile-de-France. Il faudra développer l'animation régionale, renforcer les compétences, soutenir la formation des équipes. Une autre piste est d'accompagner les centres de santé infirmiers vers la médicalisation.
L'USMCS regroupe les médecins qui exercent en centres de santé, quel que soit le mode de gestion. Sans revenir sur la présentation qu'a faite Mme Legendre de la place des centres de santé dans les soins ambulatoires, je me concentrerai sur deux aspects, celui des déserts médicaux et celui de l'égal accès aux soins qui, pour nous s'envisage non seulement du point de vue territorial, mais aussi social. En effet l'inégalité d'accès aux soins sur le plan social peut être aggravée par l'inégalité territoriale, jusqu'à créer des situations kafkaïennes. Dans la ville de Paris par exemple, où le nombre de médecins a diminué de 25 %, la plupart de ceux qui restent sont en secteur 2. Où est, dans ces conditions, l'égalité d'accès aux soins ?
Avec le recul, on peut affirmer que les centres de santé publics, gérés par une collectivité et parfois une association, sont une solution qui fonctionne pour certaines zones désertifiées dans lesquelles il n'y allait plus y avoir de praticien du tout. On ne leur donne d'ailleurs pas la place qu'ils méritent dans les plans de lutte contre la désertification médicale. Notre syndicat accompagne la FNCS dans ses actions, et des projets comme ceux de Bergerac, de La Roche-sur-Yon, de Figeac. Les élus de ces territoires, très compétents pour analyser les problèmes, ont vu l'intérêt que présentent les centres de santé.
J'en viens au problème général de la désertification médicale. On l'a trop abordé en se centrant sur les médecins, ce qu'ils désirent, comment leur offrir des conditions attractives, jusqu'à établir une concurrence entre collectivités, voire du débauchage. En réalité, c'est le patient qu'il faut mettre au centre. Celui-ci a besoin d'un médecin traitant et de personnels de santé à proximité. De ce point de vue, l'indicateur d'accessibilité potentielle localisée, l'APL, qui est désormais utilisé, n'est pas probant. Ainsi, la population de Seine-Saint-Denis serait bien desservie car tout patient est à moins de trente minutes d'un professionnel. Mais encore faut-il que ce médecin puisse le recevoir, et que le patient ait la capacité financière de se déplacer et de payer !
Dans cette logique centrée sur le patient, le nombre de médecins, en particulier de généralistes, pose problème. Mais à un problème de démographie médicale, il faut apporter une solution démographique. En ce sens, nous appuyons l'ouverture du numerus clausus, qui doit être plus large encore. Nous pensons que la question de la répartition des médecins ne peut pas être traitée uniquement par les professionnels eux-mêmes. Enfin, nous répétons depuis des années qu'il faut mieux organiser la coordination entre l'ensemble des professionnels et les établissements sanitaires et médicosociaux, pour optimiser l'offre. Elle a du mal à se mettre en place faute de cadre national pour la médecine libérale et aussi faute de moyens. Au départ, il y a toujours un investissement nécessaire. Or on se heurte à un problème structurel : les collectivités disent que cela ne relève pas de leur compétence mais de celle de l'État. Qu'est-il en mesure de faire pour mieux répondre aux besoins de la population ? Se pose le problème de la liberté d'installation. L'absence de schéma territorial régional de l'organisation des soins ambulatoire est en soi un facteur qui contribue à la création de zones vides.
Les centres de santé exercent des missions de service public et d'intérêt général définis par l'article L. 6323-1 du code de la santé publique. Ils ont des obligations comme de pratiquer le tiers payant, respecter des tarifs opposables, assurer des soins de proximité, sans avoir les financements à la hauteur de ces missions. L'ordonnance de janvier 2018 modifiant le code de la santé publique ouvre des perspectives nouvelles à l'action des centres, de manière encore insuffisante. L'UCMCS adhère aux propositions que vient de présenter la secrétaire générale de la FNCS. Les médecins des centres de santé veulent participer en tant qu'acteurs à part entière, dans le court terme et le long terme, à une réorganisation qui améliorera l'accès des soins pour tous les Français sur tout le territoire.
En préalable, je tiens à dire que les maisons de santé n'ont pas vocation à être la solution pour mettre fin aux déserts médicaux, et elles ne le revendiquent pas. La FFMPS regroupe d'une part des pôles de santé, qui ont une dimension territoriale, et d'autre part des maisons de santé, qui ne correspondent pas à un lieu, à un bâtiment, mais à un regroupement de professionnels libéraux, pour l'essentiel, autour d'un projet de santé. Ces pôles et maisons de santé adhèrent à des fédérations régionales, lesquelles adhèrent ensuite à la fédération nationale.
Il existe environ 1 200 maisons de santé sur le territoire et 300 autres sont en projet. Leur répartition régionale est contrastée, essentiellement en fonction de la politique menée par les ARS, dont certaines les aident, d'autres pas.
Ce qui importe à nos yeux, c'est la constitution d'équipes de soins primaires, pouvant accueillir également des professionnels de second recours et des structures médicosociales, autour d'un projet de santé. Pour beaucoup de ces équipes, l'objectif fédérateur a été à la fois de favoriser l'accès aux soins et de lutter contre la désertification médicale, au sens large, car elle ne concerne pas seulement les généralistes, mais aussi par exemple les kinésithérapeutes.
Les professionnels de santé sont confrontés à une révolution dans les soins primaires, au vieillissement et au développement des maladies chroniques, et au désir, exprimé par la population, de prise en charge globale de la santé, et pas seulement d'accès aux soins. Ils doivent inscrire leur démarche dans ce contexte. D'autre part, ces professionnels ont envie de travailler en équipe. Le faire dans un désert médical, c'est préserver la possibilité et sans doute la pérennité d'une présence médicale : un professionnel ne peut y rester s'il est isolé. Les maisons de santé ont également un lien avec le territoire : on ne crée pas une maison de santé ou un centre de santé sans relation forte avec les élus et les usagers. Il ne sert à rien de chercher simplement à remplacer un médecin qui s'en va par un autre médecin : il faut mener une réflexion globale avec les autres professionnels de santé, quels qu'ils soient, du pharmacien au directeur de la maison de retraite. C'est ainsi que l'on crée une dynamique territoriale qui soit utile au-delà du problème de la désertification. Si l'on veut répondre aux besoins de la population, il faut assurer la coordination des soins, la prévention et l'éducation à la santé. Les équipes de soins primaires se structurent pour aller dans cette direction.
Cependant, elles font face à des obstacles ou à des faiblesses. D'abord, au cours de leurs études, les professionnels de santé n'ont jamais appris à travailler en équipe. Ce problème de la formation initiale est majeur si l'on veut améliorer l'accès aux soins. Ensuite, les aides publiques n'ont jamais été fléchées vers les pratiques regroupées, que ce soit les centres de santé ou les équipes de soins primaires. Par exemple, l'existence d'une maison de santé sur un territoire n'est pas un critère pour l'attribution des aides. Et on encourage les jeunes professionnels à aller remplacer un autre professionnel, pas à s'orienter vers une équipe de soins primaires. Certes, beaucoup de maisons de santé ont bénéficié de fonds publics, en particulier pour un projet immobilier. Mais la nouveauté fondamentale est que se dessine une sorte de contrat entre les élus et les professionnels, afin qu'ils se sentent investis d'une responsabilité territoriale. Ayant bénéficié de fonds publics pour créer leur maison de santé, ils peuvent difficilement refuser ensuite d'accueillir de nouveaux patients. Au passage, cette expérience a aussi donné aux élus une nouvelle compétence en santé publique et a pu les amener à investir dans des projets de prévention ou à signer des contrats locaux de santé. L'utilité des maisons de santé dépasse largement la résolution d'un problème de démographie.
L'accord conventionnel interprofessionnel de 2017 relatif aux structures pluri-professionnelles a ouvert de nouvelles possibilités pour mieux structurer les équipes de soins primaires. Elles doivent se concentrer sur l'exercice professionnel lui-même, et pour cela bénéficier d'aides pour les fonctions support, le secrétariat. Les maisons de santé l'offrent et constituent donc un cadre de travail acceptable. Reste qu'on a consacré beaucoup d'argent pour étudier la création d'équipes de soins et de maisons de santé sans évaluation de la qualité des projets, dont certains n'étaient pas proposés à bon escient, sans un investissement suffisant des professionnels. Or un projet collectif porté par des professionnels, des usagers, des élus a plus de chances de réussir.
On entend souvent dire que les maisons de santé sont des coquilles vides, que les centres de santé fonctionnent mal. Avez-vous des données permettant de tordre le cou à cette idée ?
Par ailleurs, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui associent des professionnels en réseau, en vue d'objectifs que vous avez mentionnés, sont une bonne réponse à l'échelle du territoire. N'est-il pas urgent d'organiser un maillage national des CPTS ?
Vous n'avez rien dit de la télémédecine. Comment voyez-vous son arrivée dans vos structures ?
Enfin, avez-vous des suggestions pour attirer dans les maisons de santé et les CPTS les remplaçants, qui sont de plus en plus nombreux ?
Aujourd'hui, il existe 500 centres de santé polyvalents, et d'autres se créent. Est-ce qu'ils fonctionnent ? Oui. Nous savons ce qu'est leur image : « c'est pour les pauvres » ; « c'est une médecine de fonctionnaires » ; « cela coûte de l'argent à la collectivité ».
D'abord, les centres de santé ont été les premiers à imaginer de coordonner tous les acteurs en santé publique d'un territoire dans un cadre coopératif. Les médecins des centres de santé font effectivement partie de la fonction publique territoriale, et à ce titre, font 35 heures. Mais, selon une étude réalisée par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) il y a quelques années, les généralistes en exercice libéral consacrent à peine plus de temps à la pratique médicale ; le reste est consacré à la gestion de leur cabinet.
Quant au coût, avec le recul on peut dire qu'un centre de santé peut tout à fait fonctionner de façon équilibrée, en garantissant la pérennité de l'offre de soins. Rappelons que si une maison de santé est créée par des professionnels, pour un centre de santé, le porteur de projet est la collectivité, qui écrit le projet en fonction des besoins de la population de son territoire. Si, en plus, des professionnels de santé y sont associés, c'est mieux.
Il faut toujours qu'il y ait et des professionnels de santé et des élus, sinon l'ARS n'accordera pas de financement.
Elle pratique de toute façon, dans le niveau de l'aide, une discrimination au détriment des centres de santé. Dans des projets comme ceux que nous avons signalés, par exemple celui de Figeac, il n'y a plus de professionnels de santé impliqués : les médecins libéraux ont bien trop le nez dans le guidon pour trouver le temps d'y réfléchir. La collectivité est seule à porter le projet.
Les maisons de santé sont-elles des coquilles vides ? Selon une étude menée sur l'expérimentation des nouveaux modes de financement dans le cadre de l'accord conventionnel interprofessionnel, en zone rurale, la démographie médicale s'affaiblit moins vite dans les lieux d'implantation d'une maison de santé, et dans les quartiers sensibles, en banlieue, elle se renforce là où existent une maison de santé ou un regroupement de professionnels.
Sur 1 200 maisons de santé, plus de 600 ont signé l'accord conventionnel avec l'assurance maladie et en ont reçu une dotation. Pour toutes, l'enveloppe a été majorée. Quand on connaît les indicateurs retenus par l'accord conventionnel, c'est qu'elles correspondent bien au fonctionnement de base. Certaines maisons de santé n'ont pas signé l'accord car elles ne voulaient pas avoir de rapport avec l'assurance maladie. D'autres qui ne l'ont pas signé sont peut-être des coquilles vides. Mais il s'agit alors de maisons de santé qui ne s'appuyaient pas sur un véritable projet de santé et n'étaient pas nées d'une collaboration entre élus et professionnels.
Les CPTS sont, en premier lieu des communautés, c'est-à-dire l'aboutissement d'une négociation, et d'une maturation. Une communauté ne se décrète pas, donc l'idée d'avoir un maillage de CPTS sur tout le territoire me paraît être un leurre.
Mais tous les jeunes disent qu'ils veulent travailler en équipe, et les régions et les ARS accompagnent ces communautés.
Un préalable nécessaire est que les professionnels s'approprient le concept. Actuellement, on a tendance à vouloir faire des CPTS partout. C'est alors qu'on risque d'avoir des coquilles vides. Il faut un projet mobilisateur, et ce peut être l'accès aux soins. Mais la CPTS n'est pas la panacée.
Pour attirer les remplaçants, il faut leur offrir un statut différent, comme celui d'assistant, ou de salarié de la maison de santé.
Pour attirer les remplaçants, il faut d'abord revaloriser le métier de généraliste. Les études médicales sont centrées sur une spécialité avec ses exigences purement médicales. Il faut, dès l'université, valoriser un métier plurifonctionnel, ce qui conduira certains à s'impliquer dans les centres de santé, mais aussi à avoir un sens politique propre à les faire s'intéresser aux problèmes de santé et d'accès aux soins sur tout le territoire. En fait, l'importance du nombre de remplaçants est un symptôme de la crise de la médecine générale. Il faut impliquer la médecine générale comme acteur de santé publique dans les territoires, et cela peut prendre dix ou quinze ans. Les remplaçants actuels peuvent être formés rapidement dans les maisons de santé : il leur faut une remise à niveau, un sens de la politique de santé. Il faut leur dire qu'ils ne sont pas que des acteurs des soins, mais des acteurs de la santé publique. Qu'ils nous rejoignent dans les centres et maisons de santé. Mais il faut aussi financer cette période de transformation qui leur est nécessaire pour rénover la fonction de médecin généraliste.
Pour beaucoup d'entre eux, c'est un choix de vie. Ce n'est donc pas un problème de formation.
Ils n'ont pas intérêt à s'installer, ce n'est pas attractif. Ce qu'il faut, c'est rénover le référentiel de la médecine générale. Dites-le aux universitaires, si vous le pouvez. Alors, les centres de santé auront leur rôle à jouer, de même que le recours aux pratiques avancées.
Est-ce que les centres de santé fonctionnent ? Oui, même s'il y a des difficultés de recrutement comme partout. Créer un centre ne garantit pas que des médecins y viendront. Mais on peut par exemple créer les conditions propres à attirer les médecins qui veulent rester mobiles en leur proposant un contrat d'un an au terme duquel ils repartent. Il faut offrir des solutions diversifiées. Huit centres de santé sur dix ont satisfait à l'ensemble des critères, contraignants, de l'accord national.
Les CPTS sont devenus le nouveau Graal des ARS. En réalité, nos centres de santé sont déjà des CPTS qui ne disent pas leur nom, mais s'occupent de prévention, en lien avec le médicosocial, dans le cadre de l'accord conventionnel. Il ne leur manque pas grand-chose. Mieux vaudrait donc soutenir ce qui existe déjà.
La télémédecine a plusieurs formes. La télé expertise est pratiquée, par exemple pour le dépistage de maladies de la rétine. Pour la téléconsultation, une expérimentation est menée en Alsace par l'Association de soins et d'aides de Mulhouse et environs (ASAME). Lors de ces téléconsultations, une infirmière se tient aux côtés du patient. Une évaluation est menée en ce moment et semble positive.
Vous êtes dans un rôle d'accompagnant de projets souvent identiques. Avez-vous un kit de démarrage à proposer aux communes ? D'autre part, avez-vous établi une charte ? Il arrive que, dans les débuts, certains partenaires se livrent à une surenchère, demandant par exemple que la collectivité leur paye un secrétariat. Vous pouvez jouer un rôle de médiation, mais aussi mettre à disposition un avant-projet pour lancer la machine.
La FNMPS dispose d'équipes ressource au niveau régional pour accompagner un projet, de son émergence à son installation complète, y compris jusqu'à la télémédecine, avec des formes de mutualisation. La télémédecine justement, tout le monde en veut. Mais elle ne peut s'inscrire que dans un projet territorial et dans le développement d'un parcours de santé coordonné par une équipe traitante. C'est aussi le rôle des équipes ressource régionales que d'y veiller et, face à des demandes qui vont en tous sens, de les recentrer sur les besoins réels.
Notre syndicat, comme la FNCS, est en mesure d'accompagner des projets et de participer à la maîtrise d'ouvrage. L'important, c'est de répondre à des besoins bien identifiés. Il faut aussi appeler l'attention des collectivités sur le contexte économique local et sur les établissements existants, pour que le nouveau projet en soit complémentaire.
La télémédecine se pratique déjà dans différents établissements pour la radiologie. Nous participons à la réflexion sur son utilisation dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et à des expérimentations non seulement en zone rurale mais aussi en Ile-de-France, par exemple à des expériences de télérégulation avec des infirmières.
Je reviens sur l'installation des jeunes professionnels. C'est un vrai problème. Beaucoup aspirent à la multiactivité. Dans les maisons de santé et centres de santé, le souci premier est l'accès aux soins, mais nous avons pu aussi, dans certains d'entre eux, développer des fiches de postes plus diversifiées. Certains voudraient exercer à la fois en libéral et en salarié, mais dans ce cas, le Conseil de l'Ordre refuse l'autorisation d'exercer.
Un centre s'est ouvert récemment dans un quartier de Marseille mal doté. Sept médecins spécialistes exerçant en libéral étaient prêts à venir y faire des vacations. Le conseil départemental de l'Ordre a refusé.
Il a argué que le code de déontologie leur interdisait d'avoir une deuxième activité. D'autre part, face à un centre qui pratique le tiers payant et respecte les tarifs opposables, les quelques médecins libéraux installés dans le quartier ont fait valoir qu'il s'agissait de concurrence déloyale.
Les CPTS, telles qu'elles fonctionnent, fédèrent des acteurs qui ont un rôle central dans la responsabilité territoriale, notamment pour la permanence et la continuité des soins. Comment faire assumer cette responsabilité ?
Les CPTS qui fonctionnent bien sont celles où les soins primaires sont bien structurés et où l'on a réfléchi à la notion de projet de santé. Mais c'est un processus qui prend du temps. Il faut trois à cinq ans pour élaborer un projet entre professionnels de soins primaires, et que ce projet soit bien ancré, avant, dans un deuxième temps, que les acteurs s'investissent plus largement dans les problèmes de santé publique, par exemple les sorties d'hôpital, le travail avec les handicapés et les centres médicosociaux. Il est aussi difficile de demander que la structuration en soins primaires réponde au problème de la désertification et en même temps à tous les aspects de la santé publique. En tout cas, il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs. Mais il est vrai que les professionnels qui se sont investis, se sont frottés au langage de l'ARS, à des méthodologies diverses, sont mieux placés, alors que les professionnels isolés restent loin des problèmes généraux – le risque serait d'ailleurs qu'ils se perdent à aborder des sujets qui les dépassent.
Pour tout cela, il faut du temps, et c'est ce dont les professionnels ne disposent pas, surtout si on veut aborder tous les sujets de front. En s'installant, ils sont déjà débordés. Pour bien identifier le temps médical, il faut consacrer un financement public pour tout le reste.
Exemple intéressant, dans la CPTS qui vient de se créer dans mon département, en quatorze mois, la Mutualité sociale agricole (MSA) a accompagné le projet des professionnels.
Reste que le temps nécessaire pour réaliser cette implantation est bien celui de militants et de bénévoles. Il faudrait financer aussi ce temps.
Mais ceux qui sont volontaires pour participer n'ont pas le temps pour réfléchir. On tombe dans un cercle vicieux et il faut bien rémunérer le temps consacré à l'organisation.
Les CPTS peuvent être une chance à saisir pour disposer d'une organisation territoriale des soins. Mais il faut leur fournir un cadre matériel, sinon les professionnels auront peur de s'y engager. De toute façon, elles ne peuvent pas reposer sur la bonne volonté de certains et se limiter aux soins primaires : elles doivent couvrir aussi les établissements de santé et médicosociaux. Pour répondre à cet enjeu, il faut un cadre national, un financement, et des missions d'intérêt territorial, par exemple l'articulation de la médecine de ville et de l'hôpital, l'accompagnement des étudiants et de stagiaires des différentes professions, la formation à la pratique coordonnée.
Quel est le profil des médecins qui choisissent d'exercer en centre de santé, et ceux-ci assurent-ils des urgences et des services de garde ?
Il existe un statut de collaborateur occasionnel du service public qui peut être utilisé par des médecins de centres de santé. Seulement, l'ARS a beaucoup de mal à comprendre ce statut et il faut une convention entre le centre de santé, l'ARS et le participant. En ce qui concerne les urgences en journée, il y a déjà une obligation conventionnelle. Une extension progressive demandera des moyens supplémentaires.
Pour ce qui est du profil, le projet de santé d'un centre est porté par la collectivité et les professionnels sont salariés : ce peut être des jeunes diplômés, des médecins de prévention qui veulent revenir au soin, des médecins hospitaliers qui veulent revenir sur le terrain, des libéraux qui veulent desserrer leurs contraintes. S'agit-il plutôt de femmes ? Le souci de mieux gérer son temps ne leur est plus réservé désormais, mais elles représentent 50 % des professionnels et 70 % des étudiants.
Dans les projets récents de création de centres de santé, on rencontre le profil du médecin en fin de carrière qui est saturé mais veut continuer à exercer tout en prenant plus de temps pour lui et qui veut aussi assurer une transition pour ses patients.
Dans les maisons de santé, nous nous heurtons à un problème quand un médecin veut y travailler en partie tout en restant en libéral. Dans ce cas, il diminue son activité, mais la diminution de charges n'est pas proportionnelle. C'est donc possible, mais peu réaliste. Il faudrait inventer un nouveau statut de collaborateur des maisons de santé.
Vous avez souligné l'intérêt de regrouper différents types de praticiens. Quelle est votre attitude à l'égard des pratiques avancées ?
Nous avons beaucoup milité en faveur du projet d'infirmières de pratique avancée. Elles nous sont très utiles, à condition d'être intégrées dans une équipe de soins primaires bien soudée. Nous travaillons sur un nouveau protocole de prise en charge des soins non programmés et de délégation de compétences aux pharmaciens, aux infirmières et aux kinésithérapeutes. L'essentiel est qu'ils fassent partie d'une même équipe et utilisent les mêmes outils, dans un cadre sécurisé pour le patient.
Initialement, la formation des infirmières de pratique avancée était centrée sur l'hôpital. Nous avons oeuvré pour qu'elle porte également sur la participation à une équipe de soins primaires. Nous avons eu du mal à faire reconnaître leur compétence pour les soins de première ligne. Dans le projet de décret en examen, on mentionne les pathologies chroniques, mais nous voudrions que la compétence de ces infirmières s'étende aux polypathologies primaires.
Un autre enjeu est le problème de la reconnaissance des compétences. Par exemple, des ophtalmologues refusent que des orthoptistes fassent des bilans de base.
Est-ce que la réussite d'un projet est fonction de son lien avec un centre hospitalier ? Plus on serait loin, moins on réussirait.
Ce n'est pas tant le lien avec un centre hospitalier qui joue que la disparition des services publics en général. Sur les territoires qu'ils ont quittés, on a du mal à recruter dans un centre.
Le lien qui se crée dépend aussi du directeur d'hôpital. S'il veut contribuer à l'offre territoriale de santé, il s'implique dans le projet. En Mayenne par exemple, nous avons des maisons de santé installées dans l'enceinte même d'un hôpital, et d'autres à proximité immédiate avec les liens juridiques. C'est une stratégie où les deux partenaires sont gagnants. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) devraient s'en préoccuper.
Le succès dépend aussi de l'implication des équipes médicales de l'hôpital. La distance peut être un obstacle mais dans un projet qui a un sens, avec un parcours de santé intégré, cela peut fonctionner. Bien sûr, certains hôpitaux de proximité ont déjà beaucoup de difficultés. Il n'est pas simple de leur demander, en plus, de participer à cette réflexion.
L'accès aux soins est essentiel et j'ai l'exemple à Nontron, en Dordogne, de familles venues s'installer qui sont reparties car elles ne trouvaient pas de médecin référent. Une maison de santé va à l'échec si elle se réduit à un projet immobilier ; il faut que l'initiative vienne des professionnels. Dans ma commune, la maison de santé regroupe douze professionnels. Au lieu de leur louer les locaux, nous les leur avons vendus et chacun est propriétaire d'un certain nombre de mètres carrés. C'est aussi un facteur de stabilité.
Sur les 1 200 maisons de santé, il y a de nombreuses solutions différentes, adaptées au territoire. La notion de maison de santé ne se limite pas à une « maison », un lieu. Il existe des équipes de soins qui fonctionnent sans lieu, et des professionnels, comme les pharmaciens, qui ont le leur propre. Il est certain qu'avoir un lieu rend plus facile l'organisation des soins programmés, les délégations de compétences. Mais il existe différentes solutions pour la question de l'immobilier, mais aussi celle du matériel informatique, du partage des données. L'important est que les professionnels, les élus, les usagers, avec l'ARS, puissent aboutir à la solution la plus pragmatique. Beaucoup de collectivités louent les locaux aux professionnels regroupés par exemple dans une société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA). Cela donne lieu à négociation, mais elle se fait entre des élus et une équipe soudée, pas avec des individus. C'est déjà un atout pour s'impliquer ensuite dans le service public territorial.
Pendant toute une période, les médecins répétaient aux élus que nous sommes que la seule solution pour attirer les jeunes, c'était de créer des maisons de santé, et on en a créé. Mais le résultat n'est pas là. Qu'en pensez-vous ?
D'autre part, je peux attester qu'il y a des centres de santé qui ne perdent pas d'argent. Mais les médecins qui travaillent dans un centre de santé municipal ne peuvent pas être intégrés dans la fonction publique hospitalière. Ce n'est qu'au terme de deux périodes de trois ans en tant que contractuel qu'on peut leur accorder un contrat à durée indéterminée (CDI). Cela décourage certains, parce que, pendant ces six ans de statut fragile, ils peuvent par exemple se voir refuser un prêt bancaire.
Développer un projet de santé pour attirer de jeunes professionnels, c'est aller à l'échec. Un projet de santé se construit avec les professionnels sur place, qui ont envie de travailler dans de meilleures conditions et de mieux prendre en charge leurs patients. Ensuite, si ce projet réussit, il devient attractif. De jeunes professionnels peuvent en voir les avantages, ceux du travail en équipe, et les contraintes – qui sont bien définies dans le règlement intérieur, pour les permanences par exemple –, et c'est ce caractère sécurisant de l'exercice qui peut les faire venir, pas qu'on leur déroule le tapis rouge.
Effectivement la précarité du statut des médecins exerçant dans les centres de santé publics est un obstacle. Nous militons pour obtenir un statut de praticien ambulatoire qui soit l'équivalent de celui du praticien hospitalier. On ne nous écoute pas vraiment. La redéfinition des centres de santé ambulatoire publics va de pair avec celle du statut. En finir avec les contrats à durée déterminée (CDD) rendrait l'emploi plus attractif.
Nous souhaitons que vous fassiez parvenir à la commission une note sur ces aspects techniques. Nous pourrions ainsi réfléchir sur la création d'un statut. Il aurait aussi pour avantage de mettre fin au dumping salarial qui se pratique entre les collectivités : il n'y a pas de règle, que ce soit pour le temps de travail ou pour la rémunération.
Avec la multiplication des centres de santé municipaux, cette question de précarité devient essentielle. Cependant, soyez prudents en concevant un nouveau statut : celui des médecins qui travaillent dans la prévention est si peu attractif qu'on a du mal à en recruter. Il faut plutôt s'inspirer du statut du praticien hospitalier.
Nous vous demandons de recenser à l'intention de la commission tous les problèmes statutaires, pour que nous réfléchissions à des évolutions possibles.
En premier lieu, pour les médecins des centres de santé, je pense qu'il faut un nouveau statut de la fonction publique territoriale, dans lequel la titularisation est acquise au bout d'un an dans les communes de plus de 2 000 habitants. On met en avant le statut du praticien hospitalier. Mais – et je parle en connaissance de cause – un praticien en centre hospitalier universitaire (CHU), à « bac plus 12 », gagne 4 000 euros par mois. Ceux qui exercent en centre de santé sont mieux rémunérés.
Ensuite se pose le problème du médecin qui, après 55 ans, veut continuer à exercer, y compris dans un centre, et qui en est découragé car, en maintenant une activité libérale, il paye des cotisations sociales comme s'il travaillait à temps plein. Xavier Bertrand avait mis en place un dispositif relatif au cumul des cotisations sociales, mais Mme Touraine est revenue dessus.
On a aussi parlé de responsabilité territoriale. Elle consiste à organiser un parcours de soins avec différentes maisons de santé, un centre de santé, un hôpital, et une prise en charge du patient selon des pratiques partagées. Comment voyez-vous l'articulation entre un tel système et la prise en charge des soins non programmés ?
Je reviens aussi sur un problème soulevé à propos des CPTS. À mon avis, s'il faut commencer à indemniser les réunions de travail le soir, on ouvre la boîte de Pandore. Les professionnels tirent quand même un bénéfice de la nouvelle structure. Et qui financerait ? L'assurance maladie ? Autre sujet : les GHT, qui courent actuellement le système public. N'y aurait-il pas intérêt à ce qu'ils couvrent également les structures privées, pour avoir une approche globale ?
Enfin, c'est le rôle des ARS que d'organiser les soins sur le territoire. Elles existent maintenant depuis une dizaine d'années, un bilan est possible. Quelle vision en avez-vous ?
S'agissant des CPTS, le problème du manque de temps soulevé par M. Villebrun est primordial. Dans la commune de Saint-Ouen, dont je suis directrice adjointe de la santé, nous avons du mal à mettre en place une CTPS simplement car il est difficile de réunir les professionnels libéraux, non par manque d'intérêt mais par manque de disponibilité. Faut-il financer la présence à une réunion le soir, je ne sais pas. Mais il faut financer la coordination.
Dans mon département, la MSA a financé une coordinatrice. Mais les médecins ne veulent pas qu'on écrive le projet à leur place…
L'ARS pour sa part finance des ingénieurs de projet. Ce sont de nouveaux métiers, du niveau du master, qu'il faut valoriser.
Pour les soins non programmés, centres de santé et maisons de santé se sont organisés pour proposer des consultations sans rendez-vous. Le mouvement a commencé depuis cinq ou six ans et c'est aujourd'hui une démarche normale.
La Fédération nationale des centres de santé constate que l'attitude des différentes ARS est très variable. Souvent elles voient les centres de santé comme la roue de secours quand tout le reste a échoué. Nous préférerions une vision politique plus large. L'ARS d'Ile-de-France, par exemple, a une attitude très volontariste.
Dans certains territoires, la politique de santé a une histoire. Dans d'autres, elle n'en a pas.
Je comprends l'inquiétude de M. Vigier en ce qui concerne le financement du temps autre que le temps médical. C'est pourtant une nécessité, car il faut qu'un projet de santé se fasse à l'initiative des professionnels. Sinon, ce seront des ingénieurs et des administratifs qui le géreront et ce sont des professionnels de la santé, mais pas des professionnels de terrain. Or il est nécessaire que ces derniers s'impliquent, ce qui passe par du temps en réunion, du travail de secrétariat. On ne peut pas en rester au volontariat.
Si l'on veut réunir les professionnels de santé, il faut mettre les réunions le soir à 20 heures 30.
Payons-les quand même à 20 heures 30 !
Nous vivons une révolution des soins de premier recours, qui oblige en quelque sorte à « changer de logiciel ». Le médecin qui travaille seul le jour puis fait de la formation, etc., est un modèle qu'il faut oublier. L'exercice doit se structurer dans le cadre des centres de santé, de maisons de santé, des équipes de soins primaires, et dans ce cadre il faut admettre que le travail de coordination doive être rémunéré. Le problème, c'est la tarification à l'acte, qui freine cette dynamique. Les réunions dont on parle ont lieu avec les équipes médicosociales, les administratifs, qui, eux, ne viennent pas travailler le soir. Si l'on veut travailler en équipe, il faut expérimenter une rémunération forfaitaire sur la base de missions.
C'est un aspect de la réflexion sur la structuration des soins primaires, avant même de parler de CPTS. Quand une structure est bien identifiée, elle a un représentant qui va discuter avec des personnes qui ne sont pas seulement des professionnels de santé, mais aussi des administrateurs, et le but c'est de faire reconnaître la structure comme interlocuteur. Cette étape très importante est délicate à prendre en charge. Les maisons de santé ou centres de santé sont déjà, à leur échelle, une structure organisée qui peut le faire, et parfois elles se regroupent. Elles peuvent alors aller discuter avec le directeur de l'hôpital, dans le cadre du GHT, lequel n'organise pas ses réunions en soirée, mais dans l'après-midi. Si les équipes de soins primaires sont bien organisées, avant que la CPTS soit constituée, elles peuvent se poser en partenaires. Les ARS commencent à assurer l'accompagnement nécessaire dans de plus en plus de cas.
La question est celle de la structuration des soins primaires. Sur la rémunération, soyons prudents. Les médecins employés par les collectivités ont un revenu de 8 000 à 11 000 euros par mois, et en plus il faudrait les payer pour une réunion le soir ? Si deux praticiens libéraux veulent bien prendre chacun 1 000 euros sur leurs revenus, ils peuvent se payer une secrétaire. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Il ne faut pas pousser le bouchon trop loin !
Le mouvement en cours, c'est aussi de faire comprendre aux professionnels que s'organiser, cela permet de gagner du temps, d'avoir une meilleure logistique, de gagner sur les frais aussi. Il faut aménager son temps de travail pour que la situation soit tenable.
À propos des GHT, attention à ne pas grossir le millefeuille et à veiller à la bonne articulation avec ce qui existe. L'organisation territoriale des soins se fera dans le cadre de plusieurs CPTS. Les GHT évoluent beaucoup ; au départ, ils demandaient des fermetures, désormais ils demandent des partenariats avec les maisons de santé.
Avec les ARS, il y a de grandes difficultés même de compréhension et d'interprétation des dispositifs relatives aux centres de santé, que certaines ARS appliquent, d'autre non. Il faudrait faire un travail pédagogique à leur égard.
Si l'on veut réfléchir selon une logique de parcours de santé, il faut s'intéresser à tous ceux qui sont susceptibles d'intervenir au cours de ce parcours, en particulier pour nous qui sommes en train de passer du médecin traitant à l'équipe traitante. Par exemple, nos structures peuvent accueillir des consultations avancées, et des spécialistes venir en soutien des professionnels de soins primaires, pas seulement les médecins. Le problème est alors l'accès à la consultation, étant donné ce qu'est la démographie médicale. Ces consultations, dans le cadre du GHT, peuvent aussi avoir lieu dans une clinique locale ou chez un spécialiste en libéral. Mais si les maisons de santé et centres de santé sont intégrés dans la réflexion menée par le GHT, il faut que tous les établissements intervenant dans le parcours de santé le soient.
Je partage l'idée selon laquelle le GHT ne peut définir correctement la carte sanitaire du territoire dans le cadre d'un projet médical partagé qu'en prenant en compte les établissements privés, à but lucratif ou non, et tous les professionnels de santé qui, sauf dans les cas d'urgence, sont les prescripteurs de l'hospitalisation.
Ce que nous craignons, c'est que, dans ce cadre, l'égalité d'accès soit mise en cause, notamment par les dépassements d'honoraires. Notre conception de la santé publique, de l'accès généralisé aux soins passe par l'application du tiers payant et un secteur conventionné sans honoraires libres.
Le cumul emploi-retraite d'un médecin est soumis à un plafonnement. Faut-il, à votre avis, le déplafonner ? C'est un frein.
C'est en effet le problème des cotisations sociales qui restent à taux plein et non proportionnelles à l'activité. Cela peut gêner des médecins d'un certain âge qui veulent continuer.
Il existe des dérogations, mais, dans les centres de santé publics, nous ne pouvons pas employer de médecins de plus de 65 ans.
Il y a en effet deux problèmes pour ces médecins, celui du plafonnement de l'activité en cas de cumul et celui des cotisations sociales.
Le paiement à l'acte est une vraie question. Seriez-vous d'accord pour dire que, dans 9 % des cas, on sait que le patient a telle pathologie, va suivre tel parcours de soins, et que cela correspond donc à telle rémunération ?
Enfin, je reviens à l'ARS, qui peut exiger que les professionnels d'une maison de santé se regroupent en SISA. De leur côté, certains conseils de l'Ordre n'acceptent pas que des professionnels paramédicaux entrent dans une SISA. Que faire alors ? Qu'un médecin ou un dentiste leur fasse une sous-location ? C'est compliqué. Ne pourrait-on imaginer un statut plus souple ? Je connais des cas impliquant un diététicien et un ergothérapeute.
Je suis surpris de cette interprétation du Conseil de l'Ordre car, normalement, peuvent appartenir à une SISA tous les professionnels qui relèvent du code de la santé publique. Peut-être y a-t-il problème pour les ostéopathes, qui ne sont pas encore dans le champ du code. C'est une situation qu'il faut faire évoluer. À propos de la SISA, on s'exagère les difficultés. Une fois que l'équipe est bien constituée, avec une compétence de coordination, il devient plus facile de résoudre des problèmes juridiques, par forcément grâce à un professionnel de santé mais à un professionnel de la gestion d'une structure, qui pourra aussi répondre à un appel d'offres de l'assurance-maladie ou de l'ARS.
Concernant le paiement à l'acte, il est vrai que beaucoup d'équipes s'interrogent sur un financement innovant. Nous prenons déjà en charge de nombreuses pathologies chroniques. Il y a d'ailleurs un problème quand les prestations de professionnels qui interviennent dans ce cadre, comme le podologue ou le diététicien, ne donnent pas lieu à remboursement. On peut sûrement passer à un forfait qui serait adapté à la pathologie, à la patientèle, dans des cas où le paiement à l'acte ne correspond plus à la situation. Il faut expérimenter, mais seul des professionnels regroupés en équipe peuvent le faire.
Les centres de santé sont prêts à expérimenter d'autres modes de financement que le paiement à l'acte. Ce peut être le cas aussi dans une CPTS. Ce serait une occasion de collaborer entre une équipe de soins primaires et des chercheurs pour évaluer le modèle économique. Les associations de patients pourraient participer.
Une autre voie intéressante à explorer est la carte Vitale prépayée pour le parcours de soins dans une pathologie chronique.
On peut aussi imaginer une rémunération forfaitaire pour des épisodes de soins, par exemple la chirurgie du genou ou des affections du larynx. Il existe des modèles étrangers que l'on pourrait adapter. La rémunération forfaitaire porterait sur les soins mais aussi la coordination et toutes les missions de l'équipe. L'expérimentation serait possible dans le cadre de l'article 51 de la loi du 21 juillet 2009 réformant l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Plusieurs maisons de santé pourraient porter un tel projet et on verrait quelle serait la réaction de l'ARS
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Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 8 h 30
Présents. – M. Didier Baichère, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Jacqueline Dubois, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Guillaume Garot, M. Jean-Carles Grelier, M. Jean-Michel Jacques, M. Christophe Lejeune, M. Thomas Mesnier, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, M. Philippe Vigier
Excusés. - M. Alexandre Freschi, Mme Monica Michel