Commission d'enquête sur les maladies et pathologies professionnelles dans l'industrie risques chimiques, psychosociaux ou physiques et les moyens à déployer pour leur élimination

Réunion du mercredi 14 mars 2018 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • INRS
  • cancer
  • maladie
  • médecin
  • médecine du travail
  • nanoparticules
  • organisme
  • prévention
  • troubles

La réunion

Source

L'audition débute à quatorze heures cinq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La première audition de notre commission d'enquête va nous permettre d'entendre M. Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) depuis 2009. Organisme paritaire, l'INRS a vocation à identifier les risques professionnels et à mettre en évidence les dangers, analyser leurs conséquences pour la santé et la sécurité de l'homme au travail, diffuser et promouvoir les moyens de maîtriser ces risques au sein des entreprises. L'Institut est financé en quasi-totalité par l'assurance maladie – risques professionnels via le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, lui-même issu des cotisations de la branche Accidents du travail maladies professionnelles (ATMP). Son action s'inscrit dans le cadre des orientations de la branche ATMP de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et des priorités des pouvoirs publics. Il apporte son concours à la CNAM, aux caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), aux caisses générales de sécurité sociale, à tout organisme s'occupant de prévention des risques professionnels et ponctuellement aux services de l'État.

Nous allons donc avoir l'occasion d'évoquer avec vous les actions de l'INRS et les recommandations qu'il pourrait nous faire pour lutter contre les maladies professionnelles dans le secteur de l'industrie.

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

M. Stéphane Pimbert prête serment

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Je commencerai par compléter la très bonne introduction de M. le président. L'INRS a été créée en 1947 par les partenaires sociaux, avec l'appui de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il joue un rôle de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles dans le périmètre du régime général de la sécurité sociale, qui représente 18,6 millions de personnes et peut-être davantage avec l'arrivée des indépendants dans le champ de la CNAM. Le périmètre de notre action s'étend aux risques chimique, physique et biologique ainsi qu'aux risques liés à l'organisation – tels que les risques liés aux troubles musculo-squelettiques et les risques psycho-sociaux. L'INRS a quatre grands modes d'action : il fait des études et recherches, de l'assistance aux caisses régionales de retraite et de santé au travail, de la formation ainsi que de l'information et de la communication. Nous employons actuellement 580 personnes et avons un budget de 80 millions d'euros. Nos effectifs et notre budget ont baissé depuis la dernière convention d'objectifs et de gestion (COG). La prochaine convention est en cours d'arbitrage. Paritaire, notre gouvernance est assurée par les partenaires sociaux – représentants des employeurs et des salariés – avec la présence au conseil d'administration de représentants des ministères des finances, de la santé et du travail.

Nous réalisons une centaine d'études par an dans vingt et un laboratoires, comprenant à la fois des chercheurs, des techniciens et des doctorants. Dans le cadre de notre activité d'assistance, nous répondons à environ 12 500 sollicitations par an et avons une cinquantaine d'experts dans quatre-vingts commissions de normalisation en France et à l'étranger. S'agissant de la formation, nous faisons de la formation initiale au profit des jeunes dans les centres de formation des apprentis (CFA) et dans les écoles d'ingénieurs. Nous avons aussi mis en place avec la branche ATMP un agrément à destination d'organismes de formation. En s'appuyant sur nos référentiels, ces organismes dispensent des formations à la santé et à la sécurité au travail. Grâce à ce dispositif de « démultiplication », nous sommes passés, en quelques années, de 2 000 à un million de personnes formées, sur un potentiel de 18 millions de salariés. L'information et la communication de l'INRS passaient en 1947 par des affiches et des brochures. Aujourd'hui, nous diffusons toujours des affiches – au nombre de 700 000 par an – et un million de brochures environ sont distribuées chaque année aux entreprises et aux préventeurs. Bien évidemment, nous avons en plus, depuis quelques années, un site web ; celui-ci a reçu 6,5 millions de visites et donné lieu au téléchargement de 7,3 millions de documents. Tous ces documents sont gratuits et peuvent être téléchargés par les entreprises. Le web et les téléchargements sont devenus un vecteur d'information privilégié, notamment vis-à-vis des petites entreprises. Nous avons aussi trois revues périodiques : le mensuel Travail et sécurité, diffusé à 80 000 exemplaires, le trimestriel Hygiène et sécurité, qui est plus technique, et un trimestriel intitulé Références en santé au travail, qui s'adresse aux services de santé au travail. Enfin, nous avons une lettre d'information électronique.

Notre plan stratégique, qui vient de s'achever à la fin de l'année 2017, traitait de vingt-deux thématiques. Le périmètre d'action de l'INRS est donc très large. Il va des nanomatériaux à l'organisation, en passant par les risques psychosociaux, les troubles musculo-squelettiques, le vieillissement et la prévention de la désinsertion, l'aide à la personne, les allergies professionnelles, les biotechnologies, les bruits, vibrations et champs électromagnétiques, les déchets, les addictions – de l'alcool aux stupéfiants –, les cancers professionnels, les risques chimiques, les risques biologiques, les risques pour la reproduction, les rayonnements ionisants et, enfin, le risque routier professionnel. Le principal sujet qui émerge dans la perspective de notre prochain plan stratégique est celui de l'aide à la personne. C'est un secteur qui a une sinistralité forte, proche de celle du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Il conjugue un risque routier, du fait de la multiplication des rendez-vous, avec un risque de chute, l'isolement, les troubles musculo-squelettiques (TMS), un risque chimique et un risque de chute de plain-pied. Les autres domaines prioritaires sont les risques de multi-exposition – dont les effets sanitaires peuvent être multiplicatifs –, les risques chimiques, mécaniques, biologiques, physiques et psychosociaux, les troubles musculo-squelettiques et les risques liés aux champs électromagnétiques.

Notre priorité transversale dans les années à venir concernera les petites entreprises – TPE et PME –, majoritaires en France. Nous souhaitons mener cinq types d'actions à leur intention : la mise à disposition de documents et d'informations les plus simples possible ; l'utilisation de relais comme les fédérations professionnelles, les consultants et les CARSAT ; l'utilisation d'outils d'évaluation simples sur le web, notamment dans le transport routier, la restauration, les garages et le commerce de détail non alimentaire ; l'élaboration de documents adaptés aux PME, en partenariat avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) et la direction générale du travail (DGT) ; enfin, le développement de formations à distance.

Dans le domaine de la formation, nous essayons depuis de nombreuses années de toucher les jeunes dans les CFA et les écoles d'ingénieurs. Nous visons de nombreux niveaux, du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) jusqu'au bac professionnel. Nous venons de terminer une étude montrant que les jeunes ayant eu une formation à la santé et à la sécurité pendant leur parcours initial ont moins d'accidents lors de leurs cinq premières années en entreprise que les jeunes qui n'en ont pas eu. Enfin, nous favorisons la formation continue grâce à la démultiplication des formations. La formation est pour nous un vecteur très important car elle fait partie de la culture de la prévention. Nous formons également des managers et des ingénieurs.

Nous avons aussi travaillé sur les cancers professionnels – qui représentent 4 à 8 % des cancers –, en abordant les thématiques des risques chimique, physique, biologique et électromagnétique, du travail de nuit et des horaires atypiques.

Enfin, nous avons commencé il y a de nombreuses années à évaluer nos actions grâce à des études de lectorat et à des enquêtes auprès des entreprises. Nous faisons désormais évaluer l'impact de nos actions par des cabinets extérieurs. La première évaluation a porté sur l'impact de nos actions en faveur des TPE-PME, de nos actions de formation et de nos actions sur les risques psychosociaux et sur les nanoparticules et les nanomatériaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour votre exposé. Vous avez évoqué la baisse de votre budget et du nombre de vos collaborateurs. Quel est l'impact de cette baisse sur votre activité ? Vous parliez à l'instant des évaluations portant sur l'impact de vos actions : pourriez-vous nous en dire davantage ? Au-delà, quelles évolutions constatez-vous sur le terrain ? J'ai lu il y a quelques jours dans la presse qu'il y avait très peu de cancers professionnels reconnus : quel regard portez-vous sur ce fait ? Quels sont les défis qui nous attendent dans le domaine, prioritaire pour nous, de la prévention ? Faut-il adopter de nouvelles normes pour mieux protéger les salariés de l'industrie ? Comment éliminer les maladies professionnelles ? Vous avez aussi évoqué les TPE et les PME : quel regard portez-vous sur la sous-traitance dans les grandes entreprises ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Depuis la dernière convention d'objectifs et de gestion 2014-2017, nous avons enregistré une baisse de notre budget d'environ 4 millions d'euros, sur 80 millions d'euros au total, et de 28 postes, sur un total d'environ 600 postes. Nos équipes ont réalisé un effort important de mutualisation. Ensuite, nous avons fait des choix difficiles qui ont été présentés à notre conseil d'administration, lors de l'analyse de notre budget, quant aux sujets à abandonner du fait de ces baisses de crédits et d'effectifs. Nous avons encore des interrogations puisque la prochaine COG 2018-2022 n'est pas encore arbitrée. Nous espérons ne pas connaître de nouvelle baisse mais j'ignore à ce jour ce qu'il en sera. Il appartiendra au conseil d'administration de l'INRS, sur proposition des équipes et de la direction, de décider des conséquences, sur les sujets que nous traitons, du non-remplacement des personnes partant à la retraite – ces départs étant de l'ordre d'une vingtaine par an. Il y a environ cinq ans, nous publiions 115 études par an. Nous en publions désormais un peu moins d'une centaine. Le non-remplacement des personnes partant à la retraite a donc un impact sur le nombre d'études que nous publions et sur le nombre de sujets que nous traitons. Cela a aussi des conséquences sur le renouvellement ou la mise à jour de nos brochures et sur nos actions de formation et d'assistance. Néanmoins, les équipes de l'INRS ont une très grande conscience professionnelle et un grand sens de l'intérêt général. Elles ont donc fait un effort de mutualisation important – qui trouve cependant ses limites à un moment donné.

La reconnaissance des cancers professionnels est un enjeu majeur. On peut l'illustrer par un phénomène observable pour les troubles musculo-squelettiques : ceux-ci représentent 80 % des maladies professionnelles reconnues en France mais seulement 7 % en Allemagne. Or, je ne suis pas certain que les Allemands aient moins d'industries ni qu'ils soient plus solides que nous physiquement. Cela étant, le lien entre cancer et activité professionnelle n'est pas toujours simple à établir, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, en raison de la séparation entre vie privée et vie professionnelle. Ensuite parce que les salariés ont différents employeurs et activités au cours de leur vie. Enfin, parce que le délai de latence des cancers est important : il varie de 4 à 50 ans. À l'exception de certains cancers très identifiés comme celui de la plèvre, qui est lié à l'amiante, ou de la vessie, chez les sous-traitants automobiles, la reconnaissance des cancers professionnels reste donc délicate. La multi-exposition aux produits chimiques pose aussi des difficultés. C'est pourquoi le chiffre de 4 % à 8 % de cancers professionnels n'est qu'une estimation. L'action la plus efficace pour lutter contre le risque de cancer professionnel consiste à remplacer les produits à risque – qu'il s'agisse de produits chimiques ou de champs électromagnétiques – et à identifier les problèmes posés par les horaires de nuit ou atypiques ou encore par les risques biologiques.

Serait-il opportun d'adopter de nouvelles normes pour prévenir les maladies professionnelles ? Tout dépend ce que vous entendez par nouvelles normes. S'il s'agit de la conception des appareils et des matériaux, nous menons effectivement une action vigoureuse en faveur de la normalisation des produits et des machines. C'est la meilleure des préventions, puisque c'est au moment de la conception de ces machines et produits qu'on arrive à prendre en compte les objectifs de santé et de sécurité au travail. Si vous entendez par là l'adoption de nouveaux textes législatifs ou réglementaires, il y en a déjà beaucoup. La loi établit en particulier la responsabilité de l'employeur. Les employeurs s'efforcent donc d'éviter que leurs salariés soient exposés au risque de maladies professionnelles.

L'intérim et la sous-traitance sont deux sujets importants. Nous avons travaillé avec les fédérations professionnelles et de grandes entreprises comme EDF sur la prévention des maladies professionnelles dans la sous-traitance. Quant aux structures d'intérim, elles font un gros effort de formation, à la suite de quoi l'employeur offre une formation au poste de travail.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue tout d'abord l'action de l'INRS, très complémentaire de celle de l'ANACT, notamment dans le champ de la prévention des risques professionnels et de la formation.

Tout comme le rapporteur, mon collègue Dominique Potier et moi-même sommes inquiets des perspectives d'évolution de votre budget. La Cour des comptes a indiqué en 2012 que la gestion de l'INRS était saine. L'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en ont dit autant en 2013. Or, votre mission, qui consiste à faire de la prévention, permet de dégager des économies sur le budget de la sécurité sociale. Continuer à faire baisser vos moyens financiers et humains serait donc une erreur.

A souvent été évoquée la perspective de fusions et de rapprochements entre différents organismes, tels que l'INRS et l'ANACT. Qu'en pensez-vous ? Quelle est la spécificité de l'INRS par rapport aux autres organismes intervenant dans le champ de la prévention des risques professionnels ?

Enfin, quel est votre programme de travail concernant les nanoparticules et les nanomatériaux ? Qu'en est-il de votre collaboration avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Je vous remercie d'exprimer votre inquiétude concernant la baisse de nos crédits et de nos effectifs. Nous espérons que vous serez entendu.

Nous menons effectivement des actions communes avec l'ANACT, avec laquelle nous avons conclu une convention-cadre et des conventions particulières sur de nombreux sujets. L'objectif est double : la rationalisation et l'optimisation des fonds publics, d'une part ; d'autre part, nous souhaitons que les entreprises et les salariés n'aient qu'une seule source d'information. Nous avons donc des projets concrets et des documents en commun, notamment sur les risques psychosociaux, les troubles musculo-squelettiques et l'évaluation des actions des entreprises sur ces sujets. Nous avons le même type de relations avec l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) : nous avons conclu une convention avec cet organisme et publié une collection de brochures à double logo. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour évoquer la perspective d'une fusion entre l'INRS et l'ANACT mais en tout cas, nous organisons régulièrement – au minimum deux fois par an – des réunions de direction entre l'ANACT et l'INRS, d'une part, et entre l'OPPBTP et l'INRS, d'autre part.

Nous menons depuis une dizaine d'années une action dans le domaine des nanoparticules. C'est un sujet qui inquiète à juste titre les partenaires sociaux car le secteur est assez sensible au niveau mondial. Nous avons développé un plan d'action à trois niveaux. Celui de la recherche en tant que telle, tout d'abord, sachant qu'on trouve partout des nanoparticules – aussi bien dans les crèmes solaires que dans les chaussettes, dans les pulls ou en médecine. Il ne faut donc pas uniquement voir les nanoparticules comme un facteur de risque mais aussi comme un élément positif. Nous avons examiné la toxicité de 1 400 nanoparticules, et notamment du dioxyde de titane pour les salariés de l'industrie automobile. Nous avons ensuite dispensé des formations aux personnes qui manipulent des nanoparticules invisibles. Enfin, nous avons réalisé avec la médecine du travail des études de filière pour déterminer quelles entreprises en France produisent, transforment ou détruisent des nanoparticules. L'ANSES utilise les compétences de nos experts en la matière. Nos relations avec cette agence sont très bonnes sur ce sujet comme sur tous les autres. Sa mission est plutôt de produire des rapports tandis que nous exerçons une mission de prévention auprès des entreprises.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans un contexte de concurrence mondiale, les industries sont soumises à des impératifs de productivité ayant un impact sur les cadences et les techniques de production. Comment mieux prendre en compte par des mesures palliatives les conséquences de ces phénomènes sur la santé au travail ? Comment améliorer la prévention des risques ? Les entreprises sont-elles confrontées à des freins voire à des problèmes insolubles ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

En m'appuyant sur quelques exemples dans les domaines aéronautique, automobile et mécanique, je puis dire que les freins auxquels peuvent être confrontées les entreprises concernent surtout la substitution de produits dangereux. On l'a vu aussi dans le domaine chimique avec le bisphénol : il a fallu trouver assez rapidement des substituts. Un autre frein peut être celui des contraintes financières qu'imposent les protections collectives. La CNAM offre donc des aides financières simplifiées ou des contrats de prévention pour aider les petites entreprises à faire évoluer leur matériel. Par exemple, les cabines de peinture des entreprises d'automobiles ont été en grande partie financées par des aides publiques. Lorsqu'il s'agit d'enjeux de protection collective, l'INRS essaie de trouver des solutions collectives. Lorsque les enjeux sont financiers, il existe déjà des aides aux entreprises – peut-être pourrait-il y en avoir plus, mais ce n'est pas à moi de le dire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment valoriser le métier de médecin du travail dans l'industrie dans une période où la démographie médicale est faible ? Les étudiants en santé pourraient-ils jouer un rôle dans le cadre du service sanitaire qui va être mis en place ? Comment favoriser la formation continue des médecins du travail pour qu'ils soient informés des risques au fur et à mesure de leur apparition ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Le médecin du travail et le service de santé au travail occupent une place très importante dans la prévention. Les services de santé au travail sont, avec les CARSAT, les structures les plus proches des entreprises et des chefs d'entreprise mais aussi des salariés. Ces services doivent donc jouer un rôle de proximité, a fortiori dans les PME. Je souhaite qu'il y ait une meilleure organisation nationale des services de santé au travail pour que ceux-ci soient pour nous des vecteurs d'information dans les entreprises. Pour l'instant, nous ne sommes en contact avec ces services de santé que grâce à nos connaissances personnelles des médecins ou des services.

Quant à la carrière de médecin du travail, elle attire peu les étudiants. Un numerus clausus a peut-être également été appliqué. Il y a donc un effort à faire en ce domaine. La démographie est alarmante, puisque la moitié des médecins du travail ont plus de soixante-cinq ans.

L'INRS contribue, comme d'autres organismes, à la formation des médecins du travail. Nous avons accueilli en stage au sein de l'INRS des médecins collaborateurs pour les faire évoluer vers la médecine du travail. Nous formons aussi des médecins sur les nanoparticules ainsi que sur les risques biologiques et chimiques.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En 2016, l'INRS a axé son action sur les risques psychosociaux. En ce qui concerne la filière industrielle, ne sommes-nous pas confrontés à des difficultés pour mesurer la part des maladies relevant du burn-out, étant donné qu'on se focalise légitimement sur des risques plus directs et plus dangereux tels que l'exposition aux perturbateurs endocriniens ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Je ne le pense pas. Historiquement, l'INRS a d'abord traité les risques mécaniques car l'industrie était auparavant marquée par ceux-ci. Depuis une dizaine d'années, nous traitons les risques psychosociaux avec autant d'importance que les risques physiques ou autres. Quant au burn-out, ou épuisement professionnel, il fait pour nous partie des risques psychosociaux. Nous avons élaboré avec l'ANACT et la DGT un guide de prévention du burn-out. C'était l'une de nos quatre priorités de ces dernières années. On traite ce sujet de façon approfondie, mais la reconnaissance du problème est un autre débat.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel regard portez-vous sur le lien entre la médecine de ville et la santé au travail et les maladies professionnelles ? Y a-t-il des sujets de préoccupation aigüe qui mériteraient d'être mieux pris en compte dans l'action publique et l'action des entreprises ainsi que par le législateur ? Y a-t-il des produits dont vous détectez aujourd'hui la nocivité ? Avez-vous effectué un travail sur les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) ? Enfin, on constate souvent que ce sont les postes de travail qui sont sources de maladies. Vous intéressez-vous à la situation dans laquelle se trouvent les salariés ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

S'agissant de nos liens avec la médecine de ville, nous menons des actions avec la CNAM sur des sujets particuliers. Nous faisons notamment des expérimentations sur les troubles musculo-squelettiques. Des dépliants ont été diffusés aux médecins de ville pour les inciter, lorsqu'un patient se présente à eux en ayant mal au dos, aux bras ou aux coudes, à l'interroger sur son travail.

Il y a pour nous très peu de sujets réellement nouveaux. Nous avons des sujets de préoccupation pour les années à venir, comme l'aide à la personne ou les champs électromagnétiques mais peu de sujets nous surprennent car nos chercheurs travaillent en amont et nous faisons de la veille et de la prospective avec nos homologues à l'étranger. Il est néanmoins des substances chimiques qui peuvent nous surprendre et dont on détecte la dangerosité de façon inopinée. Dans ce cas, j'ai un pouvoir d'alerte, auprès de la CNAM et des ministres. Chaque fois que j'ai adressé par écrit une alerte au ministre de la santé, au ministre du travail ou au directeur général de la CNAM, cela a très rapidement été suivi d'effets.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez évoqué les multi-expositions. Avez-vous fait des découvertes en ce domaine ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Oui, la principale est celle de l'augmentation forte des atteintes auditives en cas d'exposition simultanée au bruit et à certains produits chimiques pour les personnes qui travaillent dans des ateliers. Il ne s'agit pas d'un simple phénomène d'addition mais de multiplication du risque. Si nous avons déjà beaucoup de travail à faire substance par substance, nous travaillons effectivement sur la thématique des multi-expositions. Nous avons réalisé il y a quatre ans une étude démontrant les effets importants de ces multi-expositions et la nécessité de poursuivre nos travaux sur le sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous nous avez indiqué que vous n'aviez que des liens informels avec la médecine du travail, par le biais de vos connaissances. Cela m'interpelle d'autant plus que se pose le problème des troubles musculo-squelettiques. Certaines entreprises, qui ont conscience de ce problème, essaient d'aménager les postes et de proposer de l'ergothérapie. Comment faire dans les petites entreprises pour favoriser l'aménagement des postes de travail ? D'autre part, certaines entreprises développent la prévention des troubles musculo-squelettiques dans le cadre de consultations de médecine manuelle ou de kinésithérapie : qu'en pensez-vous ?

Permalien
Stéphane Pimbert, directeur général de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles

Nous n'avons pas d'organisation structurée de la médecine du travail en France et l'INRS ne dispose donc pas de relais de diffusion dans l'ensemble des services de santé au travail. En revanche, nos experts, nos chercheurs et nos médecins ont de très bonnes relations avec les services de santé au travail pris individuellement. C'est en particulier le cas au moment du congrès de la médecine du travail mais si nous voulions diffuser une brochure à l'ensemble des services de santé au travail de France, nous ne pourrions le faire que par le biais de nos carnets d'adresse personnels. Je le regrette et souhaite que cela évolue. J'ai eu l'occasion de le dire dans le cadre de la mission sur la santé au travail que préside Mme Lecocq.

S'agissant de la conception des lieux et des situations de travail, nous avons développé des outils très simples pouvant être utilisés par les chefs d'entreprise, les architectes et les médecins pour que l'ergonomie et les risques de troubles musculo-squelettiques soient pris en compte. Ces outils sont disponibles sur notre site internet et peuvent être utilisés directement ou par les relais dont je parlais tout à l'heure.

Enfin, en ce qui concerne la kinésithérapie, l'INRS considère qu'avant de faire de la prévention individuelle, il faut d'abord faire de la prévention collective. Nous préférons que soit modifié l'équipement de travail afin qu'il y ait moins de troubles musculo-squelettiques, plutôt que d'avoir à envoyer les salariés chez le kinésithérapeute.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je partais du principe qu'évidemment, en amont de la kinésithérapie, le poste avait été aménagé. Je vous remercie de la qualité de votre intervention.

L'audition s'achève à quinze heures cinq.

————

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 14 mars 2018 à 14 heures

Présents. – M. Julien Borowczyk, M. Pierre Dharréville, M. Brahim Hammouche, M. Régis Juanico, Mme Stéphanie Rist

Excusés. – Mme Delphine Bagarry, M. Belkhir Belhaddad, M. Bertrand Bouyx, Mme Annaïg Le Meur, M. Alain Ramadier, M. Frédéric Reiss, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Stéphane Viry