La séance est ouverte à 10 h 30.
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.
La commission spéciale procède à l'audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics.
Monsieur le ministre, merci de votre présence.
Je ne sais si cette commission spéciale détient les clés de l'avenir, mais le sujet sur lequel elle se penche est en tout cas décisif : il s'agit de la façon dont le pays et l'État vont affronter le Brexit, surtout dans l'hypothèse, qui ne peut être exclue, où celui-ci se passerait dans de mauvaises conditions, sans accord avec nos amis britanniques. Nous avons fait de notre côté tout ce que nous pouvions faire, nous avons proposé un texte négocié ensemble, avec un négociateur de grande qualité. Nous ne pouvons être plus royalistes que le roi, ou plutôt que la Reine ; c'est aux Britanniques de régler leur affaire et il nous revient de nous y préparer.
Dans cette préparation, votre département ministériel jouera un rôle essentiel, et c'est pourquoi il était précieux que nous puissions vous entendre. Les problèmes du rétablissement des frontières, des formalités douanières, du renforcement et de la formation des personnels des douanes, des procédures de sécurité et de sûreté aux frontières, tout cela relève largement de votre compétence.
En outre, quoi que l'on dise de la « hors-solisation » de nos gouvernants, vous êtes élu d'une région particulièrement sensible et vulnérable. En accueillant hier Mme Loiseau, je soulignais que nous étions de très loin le pays le plus impacté de l'Union européenne par le retrait britannique. Nous avons une frontière commune, certes avec un peu d'eau entre nous, sur toute l'étendue de la côte nord, de la Bretagne à Zuydcoote, mais aussi une frontière terrestre, décisive, à Calais.
Autant dire que nous sommes très sensibles à la gravité des enjeux : vous ne trouverez pas ici de parlementaires qui ricanent à l'idée que les Anglais sont en train de se tirer une balle dans le pied. Nous sommes tous conscients que les enjeux sur le plan national sont immenses, et ils dépendent largement de vous.
Je vais vous donner la parole, monsieur le ministre, puis le rapporteur Alexandre Holroyd et les membres de la commission vous poseront leurs questions.
Merci, monsieur le président, de vos propos introductifs, que je partage. Merci également de cette invitation devant votre commission dont le rôle est essentiel, puisqu'elle permettra de préparer le texte qui sera présenté par le Gouvernement sur la question, essentielle pour notre continent et pour notre pays, du Brexit.
Tout le pays est impacté par le Brexit, qui concerne de fait l'ensemble du Gouvernement, mais il n'est pas faux de dire que le ministère de l'action et des comptes publics y a une responsabilité particulière, en premier lieu parce qu'il est le ministère qui gère les douanes – et je suis accompagné par le directeur des douanes et droits indirects, qui pourra, si vous le souhaitez, répondre à vos interrogations lors d'une audition ultérieure ; c'est le sujet sur lequel portera l'essentiel de mon intervention. Ce à quoi viennent s'ajouter d'autres questions, qui ont trait à la fiscalité et à la fonction publique.
Au-delà des aspects européens, aussi essentiels soient-ils, et de la longue histoire de nos relations avec nos amis britanniques, c'est, à ma connaissance, la première fois dans l'histoire de l'humanité et depuis que la Méditerranée a connu les premiers échanges internationaux, que nous n'assistons plus à une accélération de la mondialisation et à une convergence de normes vers un marché commun, qu'il soit construit par des traités internationaux ou qu'il soit subi : il faut savoir que depuis 1990 les échanges de containers sur les mers du monde se sont accrus de 300 %, ce qui montre que la mondialisation et l'échange de marchandises et de normes pour établir un marché commun mondial sont devenus une réalité, et au sens historique, comme l'a montré Fernand Braudel. Et voilà que, pour la première fois, nous allons au contraire connaître une divergence de normes. Certes, il y avait la Manche, une frontière linguistique, et les Anglais n'étaient pas des membres de l'Union européenne comme les autres, nos amis belges par exemple, mais c'est la première fois qu'une telle divergence se manifeste.
Pour l'administration des douanes dont j'ai la charge, la plus vieille administration française, la question des échanges de marchandises et celle des frontières sont essentielles. Il y a quelque chose d'étonnant à voir renaître des frontières, et ce pas seulement sous l'effet de migrations de populations, qui concernent davantage le ministre de l'intérieur, le contrôle des personnes et la police aux frontières ne relevant pas du travail de la douane, à quelques exceptions près, dans certains aéroports de Bretagne ou à La Rochelle. Mais pour ce qui est des marchandises, la recréation de frontières est un défi pour mon administration.
Avec la multiplication des colis, les douanes ont certes compris que les trafics ne passent pas que par la frontière physique entre deux pays. Il existe toujours à Tourcoing un quartier qui s'appelle le Risquons-Tout. Vous savez que l'on compte dans cette ville dix-sept points d'échange avec la Belgique. Quand j'étais petit, il existait le chemin du douanier, celui où l'on risquait tout au moment de passer, qui du chocolat, qui des diamants en provenance d'Anvers. Mais le « Risquons-Tout » n'est plus tellement à la frontière physique, puisque les colis permettent de faire du trafic directement de Chine ou des Pays-Bas. Toujours est-il que c'est la première fois que l'administration douanière va constater la recréation d'une frontière physique et administrative. C'est un défi qui l'appellera à faire preuve de tout son professionnalisme.
Les échanges sont très nombreux avec les Anglais, et dans les deux sens ; mais ce qui est important pour nous, administration douanière, ce ne sont pas les deux sens, et il faut à ce sujet lever d'emblée un quiproquo. Le défi pour l'administration française n'est pas de contrôler 30 000 entreprises françaises qui exportent en Grande-Bretagne : c'est le problème des Anglais. Nous n'allons pas bloquer les camions des entreprises françaises à Calais, au Havre ou à Dunkerque pour vérifier à leur place ce qu'il y a dans les conteneurs. Nous continuerons bien sûr à échanger des informations, et bien avant les points de frontière, par exemple lorsqu'une entreprise située à Grenoble exporte des marchandises en Angleterre : les bornes numériques de dédouanement automatiques comme celles de Roissy, que j'ai inaugurées le jour même de mon installation comme ministre, et d'autres grands aéroports, évitent les files d'attente. Vous pouvez quasiment de chez vous acheter votre smartphone aux Galeries Lafayette et le dédouaner avant de repartir. C'est tout notre travail en amont, y compris sur le plan du conseil aux entreprises.
Le problème, ce sont, par définition, les marchandises qui entrent, les importations. Notre travail sera de contrôler, pour le compte du marché commun, les marchandises qui entrent dans l'Union par les ports, les aéroports ou le tunnel. La question essentielle est de savoir comment contrôler ces marchandises en provenance de Grande-Bretagne, et donc où se situe la frontière des marchandises, de même qu'il y a quelques années se posait la question de la frontière des hommes, conséquence des traités du Touquet et de Cantorbery. La France acceptera-t-elle que les Anglais contrôlent les marchandises une fois arrivées sur le sol français, dans ses ports ? Cela peut créer un petit sujet d'engorgement. Et la question se posera pour tous les pays ayant un lien avec la Grande-Bretagne. Ce qui fait que le Brexit nous pose un double problème : il ne faudrait pas non plus porter atteinte à la compétitivité de nos ports vis-à-vis des ports dits flamands, de Belgique et des Pays-Bas, Anvers, Rotterdam et, dans une moindre mesure, Zeebruges. Autrement dit, la question de la frontière ne doit pas être mésestimée.
Ensuite, il faut savoir de quelles marchandises on parle. Il y a de ce point de vue une affaire dans l'affaire. Le point le plus sensible, me semble-t-il, est celui qui relève des marchandises sanitaires et agricoles, un sujet qui concerne essentiellement le ministère de l'agriculture. Nous avons un passé compliqué, pour ne pas dire plus, avec l'arrivée de marchandises agricoles anglaises – chacun pense à la vache folle. Notre travail sera de veiller, pour le compte de l'Union européenne, à ce que le marché commun soit protégé de produits problématiques. Une question que doit, me semble-t-il, se poser le Parlement français est de savoir si les Anglais mettront à notre disposition des contrôles sanitaires qui puissent nous donner des assurances. Il se dit, mais le ministre de l'agriculture pourra vous en parler mieux que moi, que les Anglais connaissent des difficultés, du fait d'avoir dénaturé leurs services de contrôle sanitaire : nous aurons donc à conduire un travail particulièrement approfondi de contrôle des marchandises agricoles arrivant sur le territoire national.
Dans certains points d'entrée, à Calais notamment, mais pas seulement, l'essentiel de nos échanges agricoles tourne autour des produits de la pêche. Mme Loiseau a dû vous parler des zones de pêche, je ne reviendrai donc pas sur ce point, mais se pose également la question de la transformation du poisson. Qui dit Calais dit Boulogne-sur-Mer ; or c'est à Boulogne-sur-Mer que se trouve la plus grande partie de l'activité de transformation des produits de la pêche. Nous devons transformer notre administration pour contrôler l'arrivée de ces marchandises, qui arrivent de nuit – les pêcheurs sont, nous le savons, des gens courageux. Nous pouvons imaginer de transformer l'administration des douanes pour qu'elle travaille la nuit à Calais et Boulogne-sur-Mer, ce que nous avons déjà annoncé lors d'un récent déplacement, mais il faut surtout que la Commission européenne nous autorise à assurer un contrôle de ces marchandises sur le lieu de leur transformation afin de ne pas mettre en péril des activités économiques importantes, en particulier dans la région des Hauts-de-France, mais également, quoique dans une moindre mesure, en Normandie et en Bretagne. Aujourd'hui, la Commission nous dit que l'union douanière oblige les pays frontaliers à contrôler aux points d'arrivée. Nous n'avons pas encore reçu de réponse de sa part pour savoir si elle autoriserait, compte tenu du volume des échanges, un transit sur le sol européen avant contrôle.
Ce qui est vrai pour la pêche l'est aussi pour les marchandises. Nous devons procéder à des aménagements. Il faut savoir que les douanes ne contrôlent pas toutes les marchandises, tous les camions, tous les containers, qui arrivent sur le territoire, car ce serait impossible ; elle procède par ciblage afin de vérifier si la marchandise correspond aux normes, et s'il n'y a pas de contrebande, de contrefaçons, de stupéfiants. Mais elle ne contrôle pas tous les containers qui arrivent d'Amérique du Sud, par exemple : le port de Dunkerque est notamment spécialisé dans les fruits et légumes, pour lesquels la logistique doit être très rapide : il faut cibler, ce que les douanes françaises, dont on connaît le professionnalisme, savent très bien faire. Il n'y a aucune raison de penser que la Grande-Bretagne subira plus de contrôles que n'en subit aujourd'hui l'Argentine ou le Chili ; mais la question est de savoir où auront lieu ces contrôles. Et ce point pratique ne m'a pas échappé.
Le port du Havre a sans doute la capacité de les assurer sur son site ; c'est moins vrai pour des ports bretons ou dans d'autres ports normands tels que Dieppe et Ouistreham, et ce n'est pas vrai du tout à Dunkerque et à Calais. Je rappelle qu'à Calais plus de 4 millions de containers sont échangés chaque année, par le tunnel et par le port. Nous ne disposons pas, ni à Dunkerque ni à Calais, d'infrastructures qui nous permettent de contrôler ces camions et containers sur place.
Deux questions se posent donc. Premièrement, que faire en cas de Brexit « dur » ? Je m'inscris dans la perspective où il n'y aurait pas d'accord. Si un accord est trouvé, tant mieux, mais le Premier ministre m'a demandé de travailler comme si, le 29 mars prochain, il n'y avait pas de deal avec nos amis anglais. La date du 29 mars est donc une date fatidique qui nous demande de réaliser des opérations d'achat de terrains et d'aménagement à brève échéance. À Dunkerque, il faut 25 millions d'investissements pour aménager le port de façon à accueillir les camions et voitures. Aujourd'hui, le ferry arrive, quatre fois par jour, les voitures descendent et partent directement ; il n'existe aucun lieu physique pour procéder à des contrôles douaniers.
Il faut procéder à ces investissements et nous devons également nous doter de moyens, fussent-ils un peu dérogatoires au regard des canons de la Commission européenne, et notamment de moyens humains pour assurer les contrôles. J'ai eu l'occasion de dire plusieurs fois devant le Parlement que nous avions recruté 700 douaniers supplémentaires.
Deuxième question, la difficulté calaisienne : quatre millions de conteneurs et de poids lourds à contrôler chaque année, une économie régionale et nationale, un port de premier ordre. Le tunnel et le port ne sont pas très éloignés, mais pas pour autant l'un à côté de l'autre. La question est de savoir s'il faut centraliser les contrôles de l'agriculture et des douanes, autrement dit faire sortir les conteneurs du tunnel et du port pour les contrôler quelques kilomètres plus loin. C'est plutôt ce que proposent les élus locaux, avec un terrain dont nous sommes en train d'examiner les caractéristiques. Encore faut-il que la Commission européenne accepte l'idée que le camion soit contrôlé au bout de trois ou cinq kilomètres d'autoroute, avec une sorte de corridor numérique pour vérifier qu'il ne quitte pas la zone de contrôle. Nous n'avons toujours pas reçu de réponse de la Commission, et surtout, ce ne sera pas réalisable d'ici au 29 mars. Il faudra donc sans doute des contrôles sur place en attendant. J'en ai discuté avec le président de région – il faut savoir que le port de Calais est régional, alors que le port de Dunkerque est national.
Les choses seront différentes selon qu'il y aura un accord sur le Brexit ou pas. J'ai cru comprendre que l'accord négocié entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne prévoyait un rallongement de la période transitoire. Un prolongement de l'union douanière serait naturellement très positif en permettant aux douanes de s'organiser. Mais si le Parlement britannique n'accorde pas sa confiance à la Première ministre, nous nous préparons à faire face à des difficultés d'aménagement le 29 mars.
Au titre des autres sujets, se posent les problèmes des flux financiers et du sort des fonctionnaires. On dénombre 1 715 fonctionnaires français qui sont soit Britanniques soit Franco-Britanniques, et, de mémoire, 900 conseillers municipaux britanniques qui ont été élus dans les communes françaises. Se posent d'autres problèmes qui relèvent de la vie quotidienne, par exemple l'achat de maisons, notamment en Bretagne et en Languedoc, qui font que certains Britanniques ont besoin d'un passage aux frontières plus rapide. Mais cela concerne le ministre de l'intérieur.
Là où nous sommes rassurés, c'est que j'ai compris que la Grande-Bretagne, indépendamment de l'accord sur le Brexit, avait demandé à la Commission un accord de transit. Ce n'est donc pas parce qu'il n'y aura pas de lien juridique, si jamais le Parlement britannique refusait le deal, qu'il n'y aura pas d'accord de transit. Cet accord de transit nous permet d'imaginer un échange avec nos amis britanniques, certes difficile mais pas impossible. D'après ce que m'a dit Michel Barnier, la Commission européenne n'a d'autres solutions que d'accepter cet accord de transit ; elle le confirmera d'ici au 15 décembre. Ce qui est de nature à nous rassurer.
En conclusion, des moyens budgétaires supplémentaires sont prévus : 30 millions d'euros par an, en plus des 700 ETP supplémentaires des douanes qui seront affectés intégralement aux contrôles du Brexit, 20 millions d'euros d'investissement déjà engagés, grâce au vote du Parlement, que je remercie, et notamment votre rapporteur spécial Laurent Saint-Martin, sur les questions de numérisation des processus pour faire passer les frontières avant la frontière et gagner du temps, et plus de 30 millions d'euros que doivent dégager pour l'aménagement des sites les gestionnaires des ports, et l'État pour les ports d'État tels que le port de Dunkerque. Le coût du Brexit pour mon ministère serait, à première vue, de l'ordre d'une centaine de millions d'euros.
À première vue… Je vous remercie en tout cas, monsieur le ministre : vous avez ouvert quantité de pistes et annoncé des choses importantes.
Merci, monsieur le ministre, de vous être rendu disponible si rapidement, dans des délais contraints qui ont dû exiger quelques aménagements de votre agenda.
J'ai plusieurs questions à vous poser. Tout d'abord, votre ministère est-il concerné par la question des fonctionnaires britanniques ? Parmi les 1 715 fonctionnaires évoqués, qui auraient uniquement la nationalité britannique – car s'ils avaient la double nationalité, il n'y aurait pas de souci –, certains relèvent-ils de votre ministère ? Avez-vous un moyen de les identifier ? Ce chiffre de 1715, qui figure dans l'exposé des motifs du projet de loi, est une extrapolation d'une enquête de l'INSEE mais je commence à comprendre que nous ne sommes en réalité pas capables de les identifier, de les trouver. La question est-elle posée dans votre ministère ?
Les Britanniques ont déjà identifié une zone qui pourrait être spécifiquement consacrée au dédouanement, à l'emplacement d'une ancienne base militaire. Avons-nous de notre côté identifié un emplacement géographique précis pour une zone de dédouanement ?
J'ai du mal à comprendre ce que représenteront les coûts, non au sens de Bercy mais au sens du projet de loi de finances, afférents à l'ensemble des changements potentiels, qui sont très nombreux, des aménagements de la Gare du Nord aux zones de dédouanement, auxquels s'ajoutent les coûts économiques potentiels liés une éventuelle baisse d'activité… Une étude est-elle conduite sur ces coûts potentiels en termes budgétaires annuels et sur la structure de cette contribution ? Celle-ci viendrait-elle d'un ou plusieurs ministères, et lesquels ? Quelles sont par ailleurs vos analyses sur le temps qu'il faudra – même si tout dépendra des Britanniques – pour concrétiser toutes les mesures que vous avez mentionnées ?
Autre question, qui ne relève sans doute pas de votre ministère : le projet de loi comporte une partie sur la reconnaissance mutuelle des diplômes et qualifications. Ce qui pose un problème particulier pour ce qui touche aux accréditations du personnel du tunnel et des ferries ; il faut espérer qu'elles feront l'objet d'un traitement spécifique afin que ces infrastructures continuent de fonctionner et que le personnel puisse traverser les frontières facilement pour leurs allers et retours, et que les Britanniques en feront autant de leur côté. Avez-vous des réflexions à ce sujet ?
Enfin, les Anglais ont réalisé plusieurs études sur les conséquences économiques du Brexit. Dans la dernière, sortie récemment, ils estiment qu'en cas de non-accord ils perdront neuf points de PIB sur les dix années suivantes. Avons-nous de notre côté une réflexion sur le coût potentiel, par secteur et par région, de l'intensification du contrôle aux douanes, selon des scénarios différents, plus ou moins fluides ?
Je n'ai pas de réponse sur la qualification professionnelle, mais je peux transmettre la question à la ministre du travail et au ministre de l'économie. Il serait sans doute intéressant que vous leur adressiez le questionnaire que vous m'avez transmis.
S'agissant des fonctionnaires, j'ai compris, tout d'abord, que ce chiffre de 1 715 agents – qui n'est qu'une projection – englobait aussi des Franco-Britanniques.
Je ne l'avais pas compris ainsi. Quoi qu'il en soit, sur ces 1 715 personnes, il y a deux douaniers et ils sont tous les deux Franco-Britanniques.
En tout cas, pour ce qui est de mon administration, ce travail d'identification a commencé, qui n'est pas évident. Le directeur général des douanes l'a déjà fait pour ses services : rien ne changera pour les deux douaniers franco-britanniques puisqu'ils sont français, sauf s'ils souhaitent repartir en Grande-Bretagne. Je ne crois pas que la direction générale des finances publiques compte des agents de nationalité britannique ; si tel est le cas, je vous communiquerai l'information.
Nous ne savons pas, car cela ne figure pas pour l'instant dans l'accord, ce qu'il adviendra de ces fonctionnaires ; le problème se posera pour tous les pays européens. J'ai compris que, selon l'accord négocié avec l'Union européenne, les fonctionnaires britanniques de la Commission européenne y resteraient, malgré leur nationalité. Il y a sans doute des Français qui travaillent dans la fonction publique britannique ; nous avons tout intérêt à discuter avec nos amis anglais pour éviter les drames personnels et professionnels, en permettant à chacun de garder ses agents publics. C'est ma position personnelle, mais je ne crois pas qu'il se présentera de difficultés particulières sur ce point, si ce n'est qu'il faudra se mettre d'accord.
Pour ce qui est des zones de dédouanement, il n'y a pas vraiment de problème au Havre. À Dunkerque, il faut 25 millions d'investissements dans le port pour installer cette zone. C'est prévu, on connaît les lieux, c'est un port d'État ; nous devons avancer, notamment en termes de processus numériques pour aider nos douaniers à mieux travailler.
Les choses sont un peu plus compliquées à Calais, parce que le transit est très important, comme je l'ai indiqué, et qu'il y a deux sites. Deux lieux de dédouanement sont possibles. Le premier est proposé par la maire de Calais, présidente de la communauté d'agglomération Cap Calaisis, en lien avec le département qui est propriétaire par l'intermédiaire de la SEM Territoires Soixante-Deux. Ce site, que j'ai visité, a l'avantage d'être situé à l'embranchement de deux accès d'autoroute, mais après cinq échangeurs, ce qui posera un problème de suivi des camions. Cela étant, c'est un site suffisamment vaste, capable d'accueillir à la fois la douane et l'agriculture.
Reste à savoir, une fois de plus, si la Commission européenne nous autorise à effectuer les contrôles à l'intérieur de nos frontières plutôt qu'aux points frontaliers. Je crois que le pragmatisme devrait l'emporter ; en tout cas, nous le défendrons. Ce qui est certain, c'est que ce ne sera pas possible pour le 29 mars. D'ici à cette date, jamais nous n'aurons le temps d'aménager cette zone, ni obtenir l'autorisation de la Commission européenne. Mais ce n'est pas si grave : comme je me prépare à un Brexit dur, à un no deal, nous aurons l'occasion de procéder à un certain nombre d'aménagements dans le port de Calais, fussent-ils de fortune, mais qui fonctionneront la première année pour effectuer ces contrôles de dédouanement.
C'est une possibilité pour aller très vite, comme savent faire les élus lorsqu'il faut remédier rapidement à une difficulté.
Mais il y a un second terrain, celui que la société Eurotunnel propose à la sortie du tunnel de Calais. L'État doit-il prendre deux terrains ? Je dois à la vérité de dire que le terrain proposé par la société Eurotunnel serait gratuit, celui proposé par les élus du Calaisis payant. Ministre des comptes publics, je négocie. D'ailleurs, mon cabinet voit de nouveau, ce soir, le préfet du Pas-de-Calais, préfet de région des Hauts-de-France, M. Lalande, qui connaît bien cette question. Nous trouverons avec les acteurs la solution la plus pertinente et la plus efficace, tant du point de vue des finances publiques que pour le territoire ; je n'ai guère de doute là-dessus, même si je distingue entre l'immédiat – ce 29 mars dont nous ne savons si ce sera la date fatidique mais que nous considérons comme une échéance à laquelle nous préparer – et grosso modo l'horizon du début 2021.
Si vous m'interrogez sur le coût, je suis tenté de vous faire une réponse anglaise : sous quel pont de la Tamise, monsieur le rapporteur ? Tout dépend de l'accord avec nos amis britanniques. Aujourd'hui, à ma connaissance, nos administrations n'ont pas produit d'étude sur la question – ce pourrait être une idée, mais je pense qu'il vaut mieux attendre le vote du Parlement britannique, le 11 décembre prochain, pour demander à l'inspection générale des finances et à d'autres corps d'inspection de réaliser, peut-être en lien, si vous le souhaitez, avec le Parlement, une estimation du coût total du Brexit. Il y a sans doute des coûts cachés. Si je vous dis qu'il y aura 700 douaniers supplémentaires et que cela coûtera 30 millions d'euros par an, il faut aussi savoir que de nombreux douaniers déjà en poste aujourd'hui s'occuperont eux aussi, demain, du Brexit. Parlez-vous du coût supplémentaire induit par le Brexit ou bien de son coût global ?
En tout cas, au cours des deux prochaines années, entre l'aménagement des lieux, l'investissement dans les process numériques innovants – nous y travaillons avec des start-up d'État, certaines améliorations sont très intéressantes pour les douanes – et les équivalents temps plein (ETP) que nous payons, cela représente pour mon administration 70 millions d'euros. Et puis, beaucoup de choses ne sont pas payées par l'État : les ports, la région des Hauts-de-France, la région Normandie, les sociétés elles-mêmes prendront un certain nombre de dispositions qui elles aussi auront un coût. Le coût total du Brexit ne se résume donc pas à son coût total pour l'État. Nous pouvons d'ailleurs imaginer qu'une partie de ces collectivités locales et de ces entreprises se tourneront vers l'État pour lui demander de payer : oui mais non, non mais oui, on verra bien… Si les régions ne sont pour rien dans le retrait du Royaume-Uni, reconnaissons que l'État ne l'est pas non plus ! Nous aurons donc cette discussion, je l'ai déjà entamée avec un certain nombre d'interlocuteurs.
Il se trouve qu'un certain nombre de choses ont été faites à Calais, qui est un port régional. Le président de région m'a écrit pour que nous participions au financement la capitainerie du port de Calais, d'un coût total de 8 millions d'euros, sachant que l'État n'avait auparavant pas aidé le port de Calais. Cependant, le Gouvernement a proposé un amendement qui permet au port de Calais, à sa société gestionnaire et donc à la collectivité régionale de ne pas payer une partie des taxes normalement dues, notamment des taxes dont le produit, grosso modo, reviendrait aux collectivités. Du coup, la région toucherait des recettes supplémentaires. Nous négocions donc pour décider ce qui in fine devra être payé par l'État et ce qui ne devra pas l'être. Je peux en tout cas vous dire que 30 millions d'euros sont consacrés aux 700 ETP supplémentaires, 20 millions d'euros aux procédures de dédouanement nouvelles et 50 millions d'euros aux aménagements des ports de Dunkerque, du Havre et de Calais afin que nous puissions dès le 30 mars procéder aux contrôles nécessaires.
Pour ce qui est des conséquences économiques, je ne peux vous renseigner que sur les conséquences négatives qu'aurait un contrôle douanier mal fait – dans lequel j'inclus le contrôle agricole. Nous devons être intelligents, rapides, efficaces et avant-gardistes. Sans être douanier moi-même – mais je le deviens –, je comprends que quatre formalités douanières supplémentaires devront être effectuées, mais les formalités ne sont pas des contrôles. Si nous devions arrêter tous les camions et contrôler tous les containers, cela prendrait chaque fois, en moyenne, deux minutes. Évidemment, une moyenne ne signifie rien. Parfois, cela se passe si bien que le douanier n'a qu'à dire au conducteur du véhicule de circuler.
Que fait un douanier ? Il regarde tout d'abord la plaque d'immatriculation du véhicule. Il dispose aussi d'un certain nombre d'aides : un chien, un scanner, et son flair – le flair du douanier, s'entend. (Sourires.) Je demande toujours au directeur général des douanes ce qui a permis de mettre à jour une affaire : le chien, le scanner ou le flair du douanier. Eh bien, souvent, le flair du douanier joue un rôle important. Sans oublier, mais je ne peux trop entrer dans les détails dans le cadre d'une audition publique, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), autrement dit notre service de renseignement douanier aux moyens extrêmement efficaces, qui fait partie des six services spécialisés dont les directeurs siègent sous la présidence du Président de la République au Conseil national du renseignement. Un certain nombre d'affaires sont donc résolues grâce à des actions qui relèvent des services spéciaux de notre pays – je pourrais vous en reparler en audition non publique.
Un certain nombre de moyens nous permettent donc de déterminer ce qu'il faut contrôler. Reste que si le contrôle devait systématiquement durer deux minutes en moyenne, s'il fallait contrôler chacun des quatre millions de conteneurs qui peuvent être contrôlés, ce serait évidemment l'embolie pour toute la région des Hauts-de-France. Je ne l'ai pas mesurée mais la conséquence économique en serait considérable.
Il est à peu près certain qu'il n'y aurait, dans un premier temps, pas de fuite vers Anvers et Rotterdam, parce que le modèle économique n'est pas le même. Que proposent les ports flamands ? Un camion anglais, conduit par un chauffeur britannique, arrive, le conteneur est embarqué sur le bateau, et, quand le conteneur arrive à Anvers ou Rotterdam, un autre chauffeur le récupère. Le modèle français est différent : le chauffeur britannique embarque sur le bateau – ou emprunte le tunnel. Cela requiert des process logistiques très différents. Dans un second temps, le capitalisme s'adaptant, s'il est connu qu'il faut à Calais, au Havre ou à Dunkerque sept heures pour franchir la frontière, les Flamands, dont on connaît le pragmatisme, changeront évidemment de modèle et proposeront une solution différente. Il est donc essentiel de réussir cette chaîne logistique, et je n'en connais pas les conséquences économiques.
J'appelle cependant l'attention de votre commission sur la manière dont les entreprises françaises appréhendent ce sujet, car elle m'inquiète vivement. Nous faisons un énorme effort de communication – je peux en témoigner, je tiens moi-même des réunions avec les entreprises françaises de ma propre région des Hauts-de-France. Or voilà quinze jours, à la demande des entreprises de ma région elles-mêmes, j'ai demandé au directeur général des douanes d'organiser à Lille une réunion avec toutes les entreprises qui commercent avec la Grande-Bretagne. Alors qu'elles sont plusieurs centaines, moins de trente personnes étaient présentes – et c'était avant l'annonce d'un accord…
C'est moi-même qui vais voir les grandes entreprises, notamment du secteur des spiritueux, car nous en vendons beaucoup à la Grande-Bretagne. J'ai vu les producteurs de vins de bordeaux, de cognac ou, récemment, l'entreprise Pernod Ricard. C'est moi-même qui leur demande de recevoir le patron des douanes pour qu'il explique à leurs commerciaux et à ceux qui s'occupent de leurs chaînes logistiques comment cela se passe. La mobilisation était déjà bien faible ; mais depuis l'annonce d'un éventuel accord, elle est devenue totalement inexistante : pour le monde des affaires françaises, grosso modo, le Brexit ne peut pas arriver ! C'est en tout cas ce que je crois percevoir. Il me semble pourtant urgent qu'il comprenne que le Brexit peut tout à fait arriver, qu'il n'y aura pas de deuxième traité – s'il y en a un, tant mieux pour la République, pour la Grande-Bretagne et pour l'Europe mais, pour l'instant, ce n'est pas tout à fait ce qui est prévu… Nous risquons même, dans six mois, un no deal. Pour la première fois dans ma vie de ministre, j'ai l'impression que l'administration est prête avant le monde de l'entreprise… Je ne cesse pourtant de le répéter : il est important que les 30 000 entreprises françaises se rendent compte que le Brexit peut tout à fait avoir lieu, et que ce peut tout à fait être un Brexit « dur ».
Ni nous ni, me semble-t-il, le monde économique n'ont produit d'étude sur les conséquences du Brexit – cela dépendra déjà beaucoup de ce que sera ce Brexit et des modalités de contrôle que retiendront les douanes – mais ce qui m'inquiète par-dessus tout, c'est que les entreprises ne s'y intéressent pas ou s'imaginent que cela n'arrivera pas, alors que nous sommes persuadés que cela arrivera.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne l'évaluation des conséquences budgétaires du Brexit, vous avez deux casquettes. D'une part, vous êtes à la tête d'un ministère directement concerné, au travers des douanes ; d'autre part, vous avez la responsabilité du budget de l'État. Des évaluations, dont nous disposerions le plus rapidement possible, nous seraient extrêmement précieuses. Vous dites que nous verrons le 11 décembre ; mais ce jour-là, nous ne verrons rien du tout, sinon probablement que Mme May ne dispose pas d'une majorité pour ratifier son accord. Ce ne sera pas la fin des courses. Nous entrerons dans des processus extrêmement compliqués qui se traduiront peut-être par un nouveau référendum – je n'y crois pas, mais ce n'est pas impossible – ou par un second vote du Parlement britannique au mois de janvier. C'est à partir d'une décision négative des Britanniques que l'effroi du no deal se répandra. La mobilisation commence – voyez déjà la couverture de The Economist cette semaine –, mais il n'y a pas encore de prise de conscience suffisante, de part et d'autre de la Manche, des dangers liés au Brexit.
Le feuilleton est donc appelé à durer des semaines, mais nous voyons bien ce que donnerait un Brexit dur. Il serait tout de même extrêmement précieux, pour la commission des finances dans la salle de laquelle notre commission spéciale siège ce matin, de disposer d'une évaluation très précise de ce que coûte cette affaire.
Par ailleurs, nous sommes tous ici tentés de nous intéresser au fond des choses, à ce « grand truc » qu'est le Brexit et à toutes ses conséquences plutôt négatives, en tout cas très incertaines, que nous voudrions préciser, mais ce n'est pas l'objet de cette commission spéciale : son rôle est de se prononcer sur une habilitation à légiférer par ordonnances que demande le Gouvernement. En quoi donc celui-ci a-t-il besoin, pour les questions qui relèvent de votre ministère, de légiférer par ordonnances, monsieur le ministre ? Il y a péril en la demeure, il y a urgence, et nous sommes tout à fait sensibles à la nécessité de cette habilitation, mais il serait intéressant que vous précisiez ce point.
Permettez-moi, monsieur le président, une réponse facétieuse – vous me connaissez : le Parlement et la commission des finances de l'Assemblée nationale pourraient parfaitement se saisir eux-mêmes de la question de l'évaluation du coût du Brexit ! Il me semble que c'est le travail du Parlement.
L'exécutif est tout de même bien placé pour avoir quelques idées sur la question et peut jouer, en matière d'évaluation, un rôle « nourricier ».
J'entends bien, et il est à votre disposition, y compris lorsque vous l'interrogez sur des questions dont la commission des finances se saisira. Ma réponse comportait une part de facétie – mais aussi une part de vérité. Le coordinateur du Brexit pourrait tout à fait faire ce travail, mais je vais prendre contact avec lui. Je peux déjà proposer que M. le ministre de l'économie et des finances et moi-même saisissions l'inspection générale des finances – même si elle présente, médiatiquement, quelques défauts, son travail est quand même de grande qualité. Elle pourrait, dans un délai de trois mois, comme elle le fait dans le cadre des missions flash, fournir au Parlement et au Gouvernement divers scénarios, forcément incomplets, sur le montant du coût du Brexit, en appui, évidemment, du travail que tous les ministères peuvent faire. Je n'en maintiens pas moins que c'est un travail d'évaluation parlementaire, mais je veux bien prendre devant vous, monsieur le président, l'engagement de ne pas attendre la fin des atermoiements anglais pour que nous soyons fixés.
Chacun a sans doute déjà travaillé dans son ministère, à commencer par celui de l'agriculture. Le travail ne sera donc pas si compliqué. Il suffira de compiler et de faire la synthèse de ces évaluations. Je prends l'engagement d'informer votre commission, par lettre si vous le permettez, d'ici à la semaine prochaine de ce que je peux proposer au Premier ministre pour faire cette évaluation.
Pour ma part, je n'ai pas besoin de prendre de nombreuses ordonnances, mais il en faut au moins une sur la prorogation des licences de transport de matières dangereuses, notamment pour régler très rapidement une difficulté juridique. Le reste relève pour l'essentiel de mesures réglementaires et d'organisation de services, notamment pour le fonctionnement des douanes. Cela étant, et par votre intermédiaire, si vous en êtes d'accord, monsieur le président, je rendrai compte à votre commission de l'intégralité des mesures réglementaires et d'organisation de services que j'aurai prises. On oublie effectivement que le travail des femmes et des hommes qui composent notre administration sera très différent. Le temps de travail sera aussi affecté. J'ai ouvert des bureaux de douane supplémentaires, sans oublier l'indispensable effort de formation, parfois sur des sujets que nous ne maîtrisons pas encore – nos douaniers doivent connaître les liens juridiques qui nous lient à nos amis britanniques, ils font d'abord du droit, et, en l'occurrence, ce droit n'est pas tout à fait stabilisé. Mais, pour ce qui touche à mon ministère, cela relève davantage de mesures organisationnelles que de dispositions législatives.
L'évaluation budgétaire, monsieur le ministre, c'est vraiment le travail de l'exécutif. Un Parlement n'est absolument pas en mesure de le faire ainsi dans l'urgence. Je vous remercie cependant d'avoir pris l'engagement de nous envoyer les informations disponibles rapidement. Nous comprenons très bien qu'il vous soit très difficile de procéder à une évaluation très précise : il y a une marge d'incertitude, mais nous voulons préciser cela progressivement pour parvenir à un résultat correct.
Monsieur le ministre, vous évoquez que certaines choses ne seront pas faites d'ici au 29 mars, mais le Gouvernement n'aurait-il pas péché par inaction ? Peut-être feriez-vous bien de vous rendre en quelque église dédiée à saint Gérald, puisque c'est un moine écossais, pour y faire acte de contrition, voire vous y flageller… (Sourires.) Je persiste à croire que nous avons pris un certain retard.
Tout le monde se retrouve sur le constat, notamment celui de ce gigantesque problème frontalier. Peut-être même est-ce pire que nous ne l'avons dit, car il n'y a pas que la façade maritime, frontière directe avec le Royaume-Uni : il y a aussi tout le reste, notamment les entrées aériennes, avec parfois de petites lignes, à Clermont-Ferrand, desservi par Jetcost, à Périgueux ou Angoulême, où il n'y a pas de bureaux de douane. Cela risque vraiment de poser des problèmes. Sont-ils pris en compte ? Il y a aussi des entrées par les lignes ferroviaires, à la gare du Nord ou à Marne-la-Vallée. Les contrôles aux frontières vont donc poser d'énormes difficultés.
Quant au Havre, monsieur le ministre, vous dites qu'il n'y a pas de problème mais pardonnez-moi : si j'en crois quelques informations transmises par mon collègue, camarade et ami Jean-Paul Lecoq, qui en a d'ailleurs parlé à la tribune de l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF), le manque criant de matériel et de personnel pose un réel problème de fiabilité : moins de 0,5 % des 2,5 millions de conteneurs sont contrôlés ! Avec vingt-cinq contrôleurs seulement au Havre, dont chacun peut faire environ deux visites par jour, le sous-effectif est chronique ; ne dites pas qu'il n'y a pas de problème. Et tout cela s'aggravera encore, car on parle du Brexit, mais pas des accords de libre-échange qui seront bientôt conclus avec le Mercosur ou les États-Unis. Le Président de la République lui-même a dit qu'il serait intraitable en matière de contrôle sanitaire des importations alimentaires, afin que tous les produits agricoles importés respectent les mêmes normes que les nôtres. Comment ferons-nous donc ? Il y a tout lieu de s'inquiéter.
Si vous ne faites pas acte de contrition, vous faites acte de foi. Encore faut-il qu'il puisse se révéler par la suite…
Merci, monsieur le ministre, pour votre intervention. Pour ma part, je souscris aux propos de M. le président Bourlanges sur l'évaluation. Nous attendons une véritable évaluation du coût du Brexit et des investissements nécessaires.
La question est cependant plus large. Vous n'ignorez pas les inquiétudes qui ont cours au Royaume-Uni. La Première ministre fait référence à un rapport qui annonce, en cas de ratification de l'accord, une contraction du produit intérieur brut (PIB), et, à défaut, une catastrophe d'une durée de quinze ans. La Banque d'Angleterre évoque, si l'accord n'est pas ratifié, une contraction de 8 % du PIB, une chute de 30 % des cours de l'immobilier et de 25 % du cours de la livre sterling, et parallèlement un risque d'augmentation du chômage. Peut-être, certes, ce scénario catastrophe vise-t-il à inciter les parlementaires à adopter l'accord. Cela étant, un Brexit sans accord peut-il également avoir des conséquences sur notre propre économie ?
Par ailleurs, ma région « frontalière » de Normandie est visitée par de nombreux touristes anglais. Nombre de Britanniques vivent dans nos villages, dont certains sont conseillers municipaux. Nous n'avons pas encore mesuré toutes les conséquences du Brexit sur l'économie et sur la vie locale – mais je sais que c'est difficile.
Monsieur le ministre, 700 douaniers supplémentaires sont recrutés. Savons-nous déjà à quelle date ils seront sur le terrain et connaissons-nous déjà leur répartition entre les différents ports et les différentes zones frontières ? Par ailleurs, donnez-vous aux douanes des consignes pour qu'elles augmentent le nombre de contrôle, pour qu'elles augmentent ou réduisent le taux de contrôle des camions qui arrivent dans nos ports ou empruntent le tunnel ?
Qui dit frontière dit duty free, ce qui renvoie, à Calais, à un certain âge d'or. Quelles en seront les modalités concrètes, notamment en cas de hard Brexit, auquel cas il s'appliquerait dès le 30 mars ?
Par ailleurs, comment éviter toute distorsion de concurrence entre ports français et ports flamands ? Quels mécanismes permettront de s'assurer de l'absence de dumping au contrôle ?
Pour ce qui est de l'aménagement des zones de dédouanement, nous en avons déjà beaucoup parlé lors du comité de pilotage qui s'est tenu à la préfecture de Calais il y a quelques semaines. Je crains que nous ne nous retrouvions avec du « provisoire qui dure ». Les collectivités locales connaissent bien cela. Quand une classe doit être ouverte, on installe un Algeco ou autre module préfabriqué, et nous savons qu'il reste là pendant trente ans ! Ne risquons-nous pas la même chose avec cette zone temporaire et au port et au tunnel ? Quelle est votre position, monsieur le ministre ? J'ai bien compris qu'il faut attendre un retour de la Commission européenne, mais privilégiez-vous d'ores et déjà une solution ?
Enfin, l'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont bénéficiera le port de Calais donnera-t-elle lieu à des compensations au profit des collectivités territoriales, en particulier la communauté d'agglomération Grand Calais Terres et Mers, qui a financé, en partie, l'extension dudit port et en attendait des retombées fiscales dont elle se trouve donc privée ?
Nous comprenons que M. Dumont soit très attentif au « provisoire qui dure » : la ville de Calais a déjà connu un provisoire britannique d'un siècle supplémentaire après la guerre de Cent Ans !
Merci, monsieur le ministre, de votre présence et de votre exposé, qui nous éclaire sur un enjeu majeur, fondamental, dans l'hypothèse d'une absence d'accord.
Le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne entraînera, vous l'avez dit, un rétablissement des contrôles vétérinaires, phytosanitaires et de sûreté, ainsi que des formalités douanières. À l'heure actuelle, certains postes frontaliers, quand il y en a, ne sont pas dimensionnés pour contrôler l'ensemble des lots en provenance du Royaume-Uni.
En 2019, 350 douaniers seront recrutés ; au total, 700 recrutements sont prévus entre 2018 et 2020. Toutefois, la création nette d'emplois douaniers en 2019 s'établira à 250 en raison de la suppression de 100 emplois douaniers au titre de la transformation de l'action publique. Ce nombre d'emplois douaniers créés vous paraît-il suffisant pour maintenir une qualité de contrôle correcte ?
Enfin, combien coûtera l'ensemble des réaménagements nécessaires au rétablissement des contrôles douaniers, et dans quelle enveloppe budgétaire cette dépense s'inscrira-t-elle ?
Monsieur le ministre, vous-même avez soulevé le problème : le Gouvernement agit et prend des dispositions, nous essayons de préparer le mieux possible l'écosystème économique au Brexit, mais c'est très difficile. L'information est donnée, mais on ne s'en saisit peut-être pas.
L'article 1er du projet de loi dispose, au 2° du II, que des ordonnances pourront être prises pour préserver les activités économiques sur le territoire français. Ces mesures pourront aider les entreprises mais, en tout cas, elles les affecteront. Or elles ont besoin de visibilité. Comment prévoyez-vous de les sensibiliser ?
Monsieur le président Chassaigne, saint Gérald était effectivement un moine écossais, qui a connu sept supplices avant de mourir pour de bon… Je crois savoir qu'à la fin des fins, après avoir été décapité au glaive, il se baladait avec sa propre tête sous le bras. Je me plais à penser que je ne connaîtrai pas le même destin ! Il me semble en tout cas que c'est à la mauvaise personne que vous adressez le reproche de ne pas en faire assez. Mes prédécesseurs ont aussi très correctement fait leur travail, notamment en permettant aux douanes de s'organiser pour dégager des moyens en vue du Brexit.
Depuis dix-sept mois que je suis ministre, j'ai fait d'innombrables déplacements dans une région que je connais bien – la mienne, en l'occurrence – mais également en Normandie, en Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine et aux Antilles. Je vous invite d'ailleurs à vous intéresser, monsieur le président, au contrôle de l'espace douanier dans les Antilles françaises et à la lutte contre ces stupéfiants qui viennent d'Amérique du Sud et remontent vers le continent européen. Malheureusement, le départ de nos amis britanniques des coopérations que nous avions avec eux, notamment dans le système de renseignement, a des conséquences négatives, notamment lorsqu'il s'agit de suivre les go fast qui sillonnent ces archipels pour y apporter la drogue, il y a aussi des questions douanières très importantes ; j'en ai parlé à M. l'ambassadeur du Royaume-Uni en France.
J'ai fait énormément de déplacements, nous avons énormément travaillé, le directeur général des douanes travaille quotidiennement à la question et mon propre directeur de cabinet est lui-même un ancien directeur général des douanes. L'administration douanière est prête. D'ores et déjà, 250 douaniers ont été recrutés ; déjà payés, formés aux écoles de Tourcoing ou de La Rochelle, ils sont déjà en poste ou le seront au cours des prochaines semaines. Ils ont été recrutés hors concours : des dispositions particulières ont été prises pour aller plus vite – et je remercie les organisations syndicales de l'avoir compris, même si cela a requis plusieurs explications. Nous avons donc déjà recruté et formé la moitié des effectifs, ils seront en place au cours des prochains jours. S'y ajouteront 350 douaniers l'an prochain. Une très grande partie d'entre eux sont déjà recrutés, et seront en place pour le 29 mars. Une centaine au moins seront encore recrutés en 2020.
Je l'ai déjà dit en réponse à une intervention de M. Lecoq : s'il faut en faire plus, nous en ferons plus. Cependant, à l'heure de la baisse générale des effectifs de la fonction publique, nous montrons un intérêt particulier aux effectifs des douaniers, d'autant plus remarquable qu'ils ne sont pas les seuls fonctionnaires confrontés au Brexit : il y a aussi la police aux frontières, les fonctionnaires du ministère de l'agriculture… et les contrôles douaniers ne sont pas tous effectués par les douaniers. Qu'il s'agisse des moyens humains, des moyens numériques ou des moyens juridiques, l'administration est prête, nous y travaillons – je dois bien avouer que le Brexit me prend presque autant de temps que le prélèvement à la source, notamment en réunions. C'est dire !
La question sanitaire est importante, je l'entends bien, mais elle n'est pas de ma responsabilité ; il conviendrait que vous interrogiez M. le ministre de l'agriculture. Ce ne sont pas les douaniers qui procèdent aux contrôles sanitaires : quand ils trouvent dans un camion des produits sanitairement suspects, ils appellent leurs collègues du ministère de l'agriculture. De même, si vous atterrissez à Roissy avec plantes ou animaux dans vos bagages, ils interviennent, mais leur vocation première n'est pas de faire du contrôle sanitaire. Je ne peux donc vous dire si, de ce point de vue, nous sommes prêts ou pas.
D'ailleurs, monsieur le président Chassaigne, nous ne contrôlons pas non plus les personnes ; et si nous le faisons dans quelques aéroports – à Périgueux, à La Rochelle, dans certains aéroports bretons –, c'est en agissant au nom de la police aux frontières. C'est au ministère de l'intérieur, particulièrement à Calais, qu'incombe ce travail. Celui des douanes consiste à contrôler les marchandises, ce qui est déjà beaucoup, et non l'état sanitaire et encore moins les humains. Et pour ce qui est du contrôle des marchandises, nous sommes prêts.
Je m'inscrirai en faux contre les propos tenus sur Le Havre – je l'ai d'ailleurs dit à M. Lecoq. D'abord, je m'y suis rendu plusieurs fois. Ensuite, si M. Lecoq est tout à fait légitime pour en parler, il se trouve que le Premier ministre l'est également… Et je peux vous assurer qu'il passe un certain temps à me poser des questions sur la réussite de la gestion du Brexit au Havre. La question est donc très suivie, à un niveau très élevé ; chacun le comprendra, car, à l'heure de la mondialisation, c'est notre grand port.
L'aménagement du port du Havre est très différent de ceux de Calais ou de Dunkerque. Il suffit de s'y rendre pour s'en apercevoir.
Ensuite, ce n'est pas en augmentant le nombre de contrôles que nous rencontrerons un plus grand succès. Cela vaut pour tous les ports du monde, même ceux établis dans des pays où les pouvoirs publics sont plus interventionnistes, si j'ose dire ; vous ne trouverez jamais un endroit où 30 %, 40 % ou 100 % des marchandises seraient contrôlées. Tout notre travail est un travail de ciblage et de suivi administratif. Le problème n'est pas tant de procéder à un contrôle douanier que de repérer un conteneur dans un port ; c'est un des principaux enjeux, car c'est ainsi que les trafics s'organisent en jouant d'une série de complicités qui permettent d'effacer le suivi de certains conteneurs, que l'on fait passer par un autre endroit et qui échappent ainsi aux taxes et droits de douane, sans parler des marchandises non conformes à la réglementation, des contrefaçons, voire des stupéfiants. Mais on ne saurait contrôler tous les conteneurs : non seulement c'est rigoureusement impossible, mais cela n'aurait aucun intérêt.
Cela m'amène à répondre à la question de M. Dumont : je ne donnerai pas de consignes particulières aux douanes, dont la mission est de protéger le marché commun des normes divergentes. Le renseignement douanier en constitue un volet essentiel. Grâce aux services de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et au travail des attachés douaniers à l'étranger, nous savons quelles sont les entreprises défaillantes, les pays et les régions peu sûrs, les types de marchandises susceptibles de faire l'objet de contrefaçons ou de contrebande. C'est un travail méconnu, mais très impressionnant, qui permet aux douanes françaises de se prévaloir des taux de réussite les plus élevés au monde : les douaniers du monde entier viennent observer notre fonctionnement et se former au sein de nos services. Bien sûr, il peut se produire des loupés ; mais le plus souvent, lorsqu'un container est contrôlé dans le port du Havre, c'est qu'il a été repéré dès son départ, par exemple d'Amérique du Sud. Il n'y a aucune raison que le Brexit vienne modifier les choses. Il convient en revanche de prévoir comment les douaniers français travailleront au Royaume-Uni en amont pour repérer, recueillir les informations, conduire les audits des entreprises et gagner ainsi du temps.
Pour répondre à M. Pueyo, qui a dû nous quitter mais qui lira le compte rendu, les conséquences économiques seront importantes si les entreprises ne se prévalent pas. Vous savez que les douanes françaises excellent dans le conseil – elles ont d'ailleurs inspiré la réforme du droit à l'erreur. Ainsi, une entreprise qui exporte peut demander à nos services de venir gratuitement auditer ses process, proposer des modifications, examiner les pièces comptables ; en contrepartie de cet audit régulier – ce n'est pas ad vitam –, elle sera moins contrôlée que les entreprises qui ne veulent pas s'y soumettre et auxquelles, naturellement, les douanes s'intéresseront davantage. Il est donc important que les entreprises qui travaillent avec le Royaume-Uni se signalent dès maintenant auprès des douanes afin d'être accompagnées, notamment pour le dédouanement numérique. Depuis Grenoble, on peut faire les démarches qui permettront au camion de passer la frontière à Calais sans autre espèce de contrôle, puisqu'il aura été repéré et l'entreprise enregistrée. Je trouve inquiétant que les entreprises, y compris les plus importantes, soient si peu nombreuses à effectuer ce travail en amont.
Monsieur Dumont, nous ne connaissons pas précisément la répartition des effectifs, mais les douaniers seront affectés en premier lieu sur la façade Manche, notamment à Calais où nous avons réinstallé un bureau de douane, à Dunkerque et au Havre, dans les aéroports de la région parisienne ensuite, puis en Nouvelle-Aquitaine, du fait notamment du volume des échanges dans le domaine des spiritueux, dont on sait l'importance pour la balance commerciale française – M. Didier Quentin le sait encore mieux que moi.
La question du duty free est très importante pour les Hauts-de-France, particulièrement pour le Calaisis, mais aussi pour nombre d'entreprises de la région parisienne, destination de la plupart des touristes. Il convient de préciser que l'exonération de la TVA n'est pas automatique. Vous avez mentionné les accises sur le tabac et les alcools : je sais, pour m'être rendu très souvent dans le Calaisis, que les magasins y vantent, en anglais, leurs linéaires. Le problème ne se pose pas pour le tabac : le Royaume-Uni est le seul pays où le tabac est plus cher qu'en France, puisque le paquet de cigarettes y atteint déjà les 10 euros – il nous arrive de saisir à Dunkerque des cargaisons de cartouches à destination du Royaume-Uni. Mais pour les alcools, la question se pose. Sans doute des boutiques duty free s'ouvriront-elles dans les aéroports et dans les ports, notamment à Calais, autour du terminal du tunnel sous la Manche. Ce sera un point positif pour la région.
Vous vous méfiez des installations provisoires, car elles peuvent durer. Mais si votre maire a laissé en place des Algeco pendant trente ans, il est temps de gagner les élections municipales ! Pour ma part, je n'en ai jamais laissé plus d'un an et demi dans ma commune… Les dotations sont en hausse, y compris dans la ville de Marck : la maire de Calais, qui appartient à votre famille politique, non seulement s'est déclarée Macron- compatible, mais a aussi félicité plusieurs fois le Gouvernement pour l'augmentation des dotations. Je m'étonne – mais sans doute était-ce un oubli de votre part – que vous ne l'ayez pas relevé publiquement…
Vous le faites suffisamment pour qu'il soit inutile de remettre une pièce dans la machine !
Rassurez-vous, le provisoire ne pourra pas durer, d'abord parce que vous serez là pour nous le rappeler, ensuite parce que nous nous devons d'assurer de bonnes conditions de travail à nos agents, comme les syndicats ne manqueront pas de le souligner, enfin parce qu'en cas de Brexit, la sortie sera définitive – du moins pour plusieurs siècles. Nous avons l'intention d'acquérir ces terrains. Il me paraît normal, pour la bonne gestion des finances publiques, qu'il y ait négociation. Nous disposons déjà d'une solution avec Eurotunnel, mais nous souhaitons examiner d'un oeil bienveillant la proposition de la communauté d'agglomération, dans le cadre d'une nouvelle réunion qui s'ajoutera aux sept qui se sont déjà tenues ces trois dernières semaines. La négociation avance vite et bien ; elle devrait être conclue au mois de décembre.
S'agissant de la compensation de l'exonération de la CVAE-CFE pour la société d'économie mixte du port de Calais, il faut savoir, monsieur Dumont, choisir son combat. C'est la région qui a souhaité que cette exonération soit prolongée, faute de quoi la SEM détériorerait ses comptes ; la communauté d'agglomération, elle, souhaite que les taxes soient payées. C'est un combat entre collectivités et je ne saurais trop vous recommander de faire la démarche, déjà entreprise par la maire de Calais, de demander compensation à la région. Ce n'est pas l'État qui bénéficie de cette exonération – lui-même doit s'asseoir sur une partie de sa fiscalité. Je ne doute pas qu'entre M. Bertrand et Mme Bouchard, vous ne parveniez à trouver une solution, d'autant que Mme Bouchard, vice-présidente du conseil régional, a en charge la mer et les ports.
La concurrence avec les ports d'Anvers et de Rotterdam, messieurs Chassaigne et Dumont, explique que nous ne puissions pas nous permettre de trop élever le niveau des contrôles. Une augmentation de leur nombre, outre le fait, je l'ai expliqué, qu'elle serait dépourvue d'effets, aurait des conséquences économiques pour nos entreprises. Je vous encourage à visiter Rotterdam et surtout Anvers : vous pourrez comparer ce qu'est un port flamand et un port français, et constater à quel point les normes environnementales et de sécurité y diffèrent de celles qui sont appliquées au Havre et à Calais. À Anvers, la pétrochimie y jouxte les surfaces agricoles et les entrepôts de conteneurs ; le code du travail, la durée légale du travail n'y sont pas les mêmes et il n'y a pas, permettez-moi de le souligner, de grèves. Si nous imposons de surcroît des contrôles douaniers tatillons dans les ports français, la clientèle se rabattra sur Anvers, par ailleurs desservi par le canal Albert – l'équivalent du canal Seine-Nord Europe que nous n'avons pas encore –, qui irrigue l'hinterland jusqu'en Allemagne. Si les baskets Nike fabriquées en Chine arrivent au port d'Anvers pour être livrées dans les magasins de Barcelone, c'est que les Belges sont parvenus à construire le port d'arrivage de la mondialisation. Pour que Le Havre se mette sur les rangs, nous devons nous battre et ne pas renâcler à la mondialisation. Augmenter les contrôles n'aurait d'autres effets que de freiner encore davantage la compétitivité de nos entreprises.
Dans une dizaine de jours, je me rendrai avec Élisabeth Borne à Anvers et à Rotterdam pour rencontrer les autorités belges et néerlandaises. Nous devons coordonner les contrôles douaniers en bonne intelligence, parce que nous protégeons le même marché commun. Il ne faut pas qu'il y ait de passagers clandestins – ni plus ni moins. J'en ai parlé plusieurs fois avec Michel Barnier, qui est tout à fait conscient de cette situation.
Madame Thillaye, nous avons beaucoup communiqué en direction des entreprises. J'ai donné pour consigne aux directeurs régionaux des douanes de sensibiliser les entreprises de leur territoire, et bien sûr les organisations professionnelles, à la question. Malheureusement, l'existence d'un accord sur le Brexit ne nous sert pas, dans la mesure où les entreprises s'imaginent que dès lors qu'il y aura un accord, les choses ne changeront pas. Je me réjouirais si cette réunion, parce qu'elle est publique, permettait de leur faire comprendre qu'il n'en est rien.
Monsieur le ministre, comme vous avez déjà pour partie répondu à ma question, je me bornerai à saluer le travail des douanes et plus généralement, de votre administration, pour aider les entreprises à se préparer au Brexit, à rebours d'un certain attentisme. Pourriez-vous nous donner plus de précisions concernant l'accord de transit que vous avez mentionné ?
Une part des 350 ETP prévus pour 2019 – et dont l'opposition doute qu'ils soient budgétés – ira-t-elle à FRONTEX ? Cela réduirait d'autant les moyens opérationnels prévus pour les contrôles douaniers. La rencontre avec les autorités douanières belges a-t-elle pour objet d'uniformiser les procédures ? En effet, la concurrence douanière pourrait s'avérer néfaste pour nos ports.
Par ailleurs, dans le cadre des assises de l'économie de la mer qui se sont tenues à Brest, la députée européenne Karima Delli nous a livré l'information suivante : il semblerait que l'Europe dispose de fonds, à hauteur de 350 millions d'euros, dédiés aux mécanismes d'interconnexion, donc pour les infrastructures de l'hinterland, et que ces crédits seraient inemployés. La France pourrait-elle en bénéficier ?
La question du statut des fonctionnaires britanniques se pose particulièrement pour les professeurs de l'enseignement supérieur, les chercheurs du CNRS et les maîtres de conférences à l'université. Une note, publiée par Pierre Sadran, ancien doyen de Sciences Po Bordeaux, les a alarmés puisqu'elle laisse entendre qu'il leur serait proposé de devenir contractuels. Ce sont pourtant des fonctionnaires, très internationaux par nature, qui participent à l'attractivité de l'enseignement supérieur français et à la compétitivité de notre recherche. Quelles sont les solutions envisagées en cas de non-accord ?
Quatre millions de passagers transitaient autrefois par Boulogne-sur-Mer ; le tunnel sous la Manche et la fin du duty free ont eu raison de ce trafic et les opérateurs ont cessé toute activité. La sortie du Royaume-Uni pourrait conduire à la mise en place de nouvelles boutiques de détaxe à Boulogne. Le président du directoire de Britanny Ferries, que j'ai interrogé sur la reprise éventuelle d'une liaison, s'est montré assez dubitatif, car les ventes en ligne sont parfois mieux placées que le duty free. Toutefois, pour éviter un engorgement trop important à Calais dû aux contrôles douaniers, un délestage sur Boulogne pourrait être envisagé. Du reste, il n'y a plus de concurrence avec Calais d'autant que, comme Pierre-Henri Dumont me l'a rappelé très récemment, Boulogne et Calais ne forment qu'un seul port et la différence de parcours est de seulement un quart d'heure. Si les locaux existent à Boulogne, il n'en reste pas moins qu'un problème d'effectifs des services douaniers se poserait. Qu'en pensez-vous ?
Je vous transmets la question de Séverine Gibson, députée de l'Eure, qui s'interroge sur la fermeture du dernier bureau de douane du département à Évreux. Elle demande si, compte tenu de l'impact du Brexit, vous serez amené à revenir sur cette décision. En effet, l'industrie pharmaceutique est particulièrement concernée, avec 300 000 déclarations par an dans le département.
Ma question a déjà été posée. Je me félicite de la venue prochaine des ministres en Belgique.
Vous avez rapidement évoqué la gare du Nord, poumon économique vital par lequel transitent des milliers de personnes. Travaillez-vous à une réorganisation de vos services dans le cadre du réaménagement de la zone et anticipez-vous les changements qui auront lieu après le 29 mars 2019 ?
Les Normands sont particulièrement attentifs à ce qui va se passer avec nos cousins anglais, avec lesquels nous partageons une vision conquérante… Vous avez expliqué que vous n'étiez en charge que du contrôle des marchandises et que vous n'aviez pas vocation à contrôler les producteurs et les transporteurs français qui se rendront au Royaume-Uni. Comment faut-il l'interpréter ? Est-ce une solution miracle à la migration que nous subissons à Ouistreham, puisqu'il n'y aura désormais plus de contrôle pour ceux qui souhaitent passer en Angleterre ? Nous savons très bien que ce n'est pas la réalité : les contrôles continueront d'exister. Mais n'y a-t-il pas moyen de les mutualiser ?
À Ouistreham, la forte pression migratoire n'est pas sans conséquences économiques. Quelle que soit la forme que prendra le Brexit, ce sont toujours les accords du Touquet et de Sandhurst qui délimitent la frontière. Doit-on revoir ces accords ? Si tel était le cas, qu'adviendrait-il des 50 millions d'euros négociés lors des accords de Sandhurst pour le renforcement des contrôles sur les passagers ? Seraient-ils utilisés par les douanes pour l'établissement et la mise aux normes douanières, pour le contrôle des passagers comme pour celui des marchandises ?
Madame Lebec, un accord de transit permet de déporter le contrôle douanier : c'est ce que nous faisons par exemple avec les Suisses. Sans accord de transit, nous sommes obligés de contrôler à Calais le camion qui vient de Manchester et se rend à Saint-Étienne. Avec l'accord, nous pourrons le faire à son point de destination et éviter ainsi l'engorgement : le camion est dédouané à Saint-Étienne. Et s'il va à Rome, nous ne le contrôlons pas, sauf naturellement si nous le soupçonnons de faire passer des stupéfiants ou si les Italiens nous le demandent. Cet accord, que l'Union européenne a tout intérêt à accepter, nous aidera à organiser les contrôles en dehors de Calais, de Dunkerque et du Havre. Sans accord de transit, nous aurions été très ennuyés.
Pour répondre à Mme Gibson, je ne reviendrai pas sur cette décision car les relations franco-britanniques sont rares dans l'Eure et les dédouanements, au nom précisément des accords de transit, s'effectuent à 90 % au Havre, et un peu à Rouen. Il n'y a pas de raison de revenir sur ce point, d'autant qu'il existe une nouvelle carte douanière.
Cela m'amène à votre question concernant la budgétisation des moyens en matériels et en personnels, madame Tanguy. Je vous renvoie au rapport de Laurent Saint-Martin sur les crédits du ministère, qui montre une augmentation très importante des moyens accordés aux douanes, en raison précisément du Brexit. N'ayez crainte, les ETP sont budgétisés ; je m'étonne que l'opposition en doute, même si cela ne me surprend guère.
S'agissant de FRONTEX, nous devons consacrer, comme toutes les administrations douanières, une partie de nos matériels et de nos hommes aux opérations de protection de la Méditerranée. Mais cela nous permet aussi d'acquérir quasi gratuitement du matériel : les patrouilleurs que nous avons inaugurés récemment à Nice ont été financés à 90 % par les fonds de l'Union européenne. Nous participons aux opérations FRONTEX, au nom de la solidarité européenne, pour protéger le marché commun et les populations ; et, plus cyniquement, nous y avons intérêt dans la mesure où cela nous rapporte bien plus que cela ne nous coûte…
Mme Petit a évoqué la question des chercheurs et des enseignants. La difficulté avec les 1 715 fonctionnaires concernés, dont je ne sais toujours pas s'ils sont binationaux ou non, est qu'il y a différents corps. Les enseignants, qui représentent sans doute l'essentiel des agents publics intéressés, appartiennent à un corps particulier pour lequel il n'y aura aucun problème : ils pourront rester fonctionnaires de la République s'ils le souhaitent, puisque le statut particulier des enseignants et des chercheurs le permet. Je voudrais donc les rassurer : ils ne seront pas transformés en contractuels.
Même si la répartition n'est pas définitive, monsieur Blanchet, nous pensons affecter une quinzaine de douaniers supplémentaires à Ouistreham, notamment parce qu'il faut exercer la mission de police aux frontières et que nous comprenons bien les difficultés migratoires.
Pour ce qui est des autres sujets et notamment des accords du Touquet, la frontière concerne les hommes, et il serait donc intéressant que vous auditionniez le ministre de l'intérieur : je ne suis compétent que pour les frontières relatives aux marchandises, ce qui n'est pas la même chose. Peut-être faudrait-il aligner la frontière concernant les hommes sur celle des marchandises, mais j'ai quand même un léger doute : ce serait en France et il n'y a pas de raison que les frontières soient toujours situées chez nous. Elles peuvent se trouver ailleurs pour les marchandises. L'accord, sur ce point, reste à négocier avec nos amis ou cousins anglais. Je ne crois pas que les accords du Touquet soient remis en cause : les Britanniques peuvent les dénoncer, s'ils le souhaitent, mais je ne vois pas vraiment quel serait leur intérêt de le faire aujourd'hui – mais sait-on jamais…
Effectivement… Mais le peuple a voté.
La question de M. Maillard relative à la gare du Nord est évidemment importante et intéressante, même si, la encore, elle relève davantage du ministre de l'intérieur puisqu'elle concerne les contrôles sur les personnes. Si les douaniers sont présents, ils le sont au titre de leur travail en matière de stupéfiants ou de contrebande et de contrefaçon, et non au titre du contrôle des marchandises. Plusieurs réunions sont prévues entre le ministère de l'intérieur, celui des comptes publics et Gares & Connexions à propos de la grande rénovation de la gare du Nord qui aura lieu en 2024 : il faut que les opérations d'aménagement, notamment celles des arrivées de l'Eurostar, qui sont une porte d'entrée en France, soient réalisées en lien avec ce dont nous avons besoin pour le contrôle des marchandises, des hommes et des stupéfiants dans le contexte de Brexit. Gares & Connexions, mais aussi les autres sociétés concernées, en particulier Ceetrus, qui a remporté l'appel d'offres lancé par la ville de Paris et la SNCF, sont très bien informées et travaillent très en amont sur ce projet. En attendant, on fera du provisoire qui ne durera pas, puisqu'il y aura une nouvelle gare en 2024.
Je crois avoir répondu à toutes les questions…
Je ne sais pas ce qu'il en est, je le reconnais bien volontiers. Je serais très heureux d'éclaircir cette question avec Mme Karima Delli, qui est présidente de la commission des transports et du tourisme au Parlement européen, mais aussi députée européenne française, élue dans le cadre de la région des Hauts-de-France. S'il y a de l'argent à prendre, nous le prendrons.
Je pense avoir répondu en partie à cette question. C'est un sujet très important, et je me rendrai d'ailleurs sur place avec le ministre de l'agriculture. Il y a là un flux de passagers et une habitude qui a été prise par les Britanniques – depuis Napoléon, il existe un lien très important entre Boulogne et le Royaume-Uni… (Sourires.) Nous avons des échanges très importants et il faudra des réponses pour Boulogne, comme pour Ouistreham, Calais et Dunkerque.
La question de la pêche, même si vous ne l'avez pas directement évoquée, est essentielle du point de vue de l'organisation des douanes. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a non seulement la question de savoir dans quelles eaux le poisson a été pêché, mais aussi le fait que les Britanniques n'ont pas toujours les moyens de le transformer – on le fait alors à Boulogne, le poisson arrivant plutôt par Calais. Il faut avoir l'assurance que nous pouvons prendre le poisson qui arrive pour le transférer directement à Boulogne, ce qui n'est pas encore totalement évident, car la Commission européenne doit accepter l'idée que l'on ne contrôle pas au point d'arrivée.
Il faut aussi réorganiser les douanes, comme nous le faisons, en ouvrant des bureaux supplémentaires, notamment à Calais, en renforçant les effectifs de la branche commerciale et ceux de la branche de surveillance à Boulogne, et en faisant travailler les douaniers la nuit, ce qu'ils ne font pas à l'heure actuelle – on leur a annoncé que ce serait désormais le cas, et je crois d'ailleurs que M. Dumont était présent lors du déplacement où cela a été fait, même s'il n'était peut-être pas là pendant la réunion avec les douaniers… Ils ont accepté de travailler la nuit, ce dont je les remercie.
Enfin, nous aurons sans doute à réorganiser le travail à Boulogne en fonction de l'accord conclu avec nos amis britanniques : la pêche est un des points de difficulté, tant en ce qui concerne l'endroit où l'on pêche que celui où l'on transforme et où vont les marchandises. Mais ce sont des négociations qui dépassent un peu le ministère de l'action et des comptes publics : nous ne ferons qu'appliquer ce que le ministère de l'agriculture aura négocié.
Merci infiniment, monsieur le ministre.
Je voudrais faire une petite observation, assez politique, sur ce que vous avez appelé les « accords de transit ». Je crois que vous avez tout à fait raison sur le fond : il est évident qu'il faudra des mesures permettant d'assurer la libre circulation. Néanmoins, je vous invite à ne pas trop populariser cette notion dans la mesure où elle peut donner l'idée, au moment où les Britanniques vont se prononcer, qu'il y aurait deux sortes d'accords possibles : celui de 600 pages négocié par M. Barnier, et puis de toute façon, si celui-ci ne passe pas, un accord de transit qui permettrait de toute manière d'assurer l'essentiel. C'est un message qui pourrait être utilisé très cyniquement par les adversaires de l'accord existant. Je pense que vous devriez utiliser cette idée géniale de communication qui avait été celle de Jean-Pierre Chevènement à l'issue de la guerre scolaire, lorsqu'il avait parlé de « mesures simples et pratiques ». Il faudra prendre des mesures pour assurer la libre circulation, mais sans utiliser le terme d'accord car ce serait ouvrir la porte à une seconde négociation. Or notre position fondamentale est qu'il n'y en aura pas – même si l'avenir disposera, comme toujours.
Je voudrais juste signaler que j'ai déposé à l'entrée de la salle des exemplaires de mon rapport spécial sur le programme 302, « Facilitation et sécurisation des échanges ».
J'aimerais demander au ministre une précision sur un point qui fait l'objet de nombreuses interrogations et au sujet duquel je relève une contradiction avec ce que Mme Loiseau a déclaré lors de son audition. Le message que nous avons entendu hier est qu'il y aura une discussion en cas d'accord avec le Royaume-Uni, mais que les 1 700 personnes concernées ne pourront pas garder le statut de fonctionnaire, à terme, si elles sont britanniques. M. Darmanin a dit, pour sa part, quelque chose qui correspond plutôt à l'idée qui était la nôtre, à savoir que l'on pourrait garder sous le statut de fonctionnaire ceux qui y étaient déjà. Je crois qu'il faudrait clarifier cette question.
Je ne pense pas qu'il y ait de contradiction. Il faut distinguer trois cas.
Si les intéressés sont franco-britanniques, le problème ne se pose pas : ils pourront rester fonctionnaires au titre de leur nationalité française. Je pense qu'ils sont nombreux dans ce cas, mais il faudra regarder plus précisément combien ils sont.
Si les intéressés n'ont que la nationalité britannique, mais relèvent de certains statuts particuliers – c'est le cas évoqué par Mme Petit, qui m'a interrogé spécifiquement sur les chercheurs et les enseignants –, ils pourront aussi rester fonctionnaires.
Pour ce qui est des autres, j'ai seulement dit que, dans le cadre d'un accord global avec nos amis britanniques, on pourrait prendre exemple ce qu'a prévu la Commission, qui a accepté l'idée que les fonctionnaires britanniques pourraient rester fonctionnaires à la Commission européenne. On pourrait imaginer, mais c'est un avis tout à fait personnel, que nous pourrions négocier avec nos amis anglais une solution similaire, avec évidemment une clause de réciprocité à l'adresse des Français devenus agents britanniques, ce que ne manqueront sans doute pas de faire de leur côté les Italiens, les Espagnols, les Belges et les Allemands. Mais je n'ai jamais dit qu'un Britannique resterait fonctionnaire français quoi qu'il arrive : tout dépendra de la conclusion ou non d'un accord. Mme Petit n'avait soulevé que le cas des chercheurs et des enseignants, régis par un statut spécifique.
Le problème est qu'il y a une sorte de dissymétrie, que Nathalie Loiseau a soulignée hier, et notamment dans le cas des professeurs de langue. J'appartiens à une génération qui a appris l'anglais avec des professeurs qui ne parlaient pas anglais… C'était le cas de Guy Mollet : c'était un homme très sympathique, mais il a demandé un interprète quand il est allé voir Anthony Eden en 1956 pour négocier à propos de Suez ! Et quand on lui a fait observer qu'il était professeur d'anglais, il a prudemment répondu qu'il était professeur de grammaire anglaise… Il est donc très positif d'avoir chez nous des enseignants britanniques, et qui sont des fonctionnaires, à ceci près que les professeurs de français n'ont pas de statut équivalent au Royaume-Uni. La ministre s'est dite soucieuse de garantir un certain équilibre, et ce sera matière à discussion.
C'est clairement une des questions de fond qui se pose. Il y a matière à discuter, mais je ne suis pas sûr que le ministre de l'action et des comptes publics soit le plus concerné, sauf s'il y a des fonctionnaires n'ayant que la nationalité britannique dans son ministère. La question se pose sur le plan théorique – il s'agit de savoir si les droits actuels seront prolongés – mais aussi au niveau pratique : j'ai l'impression qu'il est beaucoup plus difficile que prévu d'identifier les intéressés et de savoir combien et où ils sont. C'est un sujet que nous aborderons dans le cadre de cette commission, et je crois que chacun est sensible à l'attention que le Parlement y porte.
Je veux remercier le ministre de s'être rendu disponible aussi rapidement, tout en insistant sur un point – c'est la malédiction d'avoir un président et un rapporteur qui ont une deuxième casquette, celle de la commission des finances (Sourires) : pour moi, il est essentiel de se préparer et d'avoir des études d'impact précises dans le cadre de la programmation pluriannuelle. Nous avons parfois l'occasion de parler des risques géopolitiques au sein de la commission des finances, comme le prix de l'essence ou la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. En l'espèce, à un peu moins de quatre mois de l'échéance, le Brexit représente très clairement un risque potentiel, et il faudra que la commission des finances et l'administration regardent très sérieusement les conséquences que cela pourrait avoir sur le budget de l'État, aussi bien du point de vue des recettes qu'en ce qui concerne d'éventuelles dépenses. On peut élaborer différents scénarios selon le degré de rupture. Je comprends que cela puisse être assez délicat, car on est dans le cadre d'une négociation à la fois bilatérale et européenne, mais on peut y travailler dans un environnement clos, comme celui de cette commission spéciale ou de la commission des finances. Cela me paraît urgent.
Je remercie infiniment le ministre, notamment pour s'être rendu disponible aussi rapidement.
Puis la commission spéciale procède à un échange de vues sur l'état d'avancement des travaux du rapporteur.
La séance prend fin à 12 h 50.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Christophe Blanchet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bertrand Bouyx, Mme Émilie Cariou, M. André Chassaigne, Mme Josiane Corneloup, Mme Dominique David, M. Pierre-Henri Dumont, M. Bruno Fuchs, M. Fabien Gouttefarde, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Bruno Joncour, Mme Aina Kuric, Mme Marie Lebec, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, Mme Constance Le Grip, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Jacques Marilossian, M. Ludovic Mendes, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Valérie Petit, M. Jean-Pierre Pont, M. Benoit Potterie, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye, Mme Alice Thourot, M. Charles de la Verpillière.
Excusés. - M. Christophe Bouillon, M. Paul Christophe, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Jacqueline Dubois, Mme Sandra Marsaud.
Assistait également à la réunion. - M. Laurent Saint-Martin.