COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Jeudi 26 octobre 2017
Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 9 h 35.
I. Audition de Mme Véronique Cayla, Présidente du directoire d'ARTE France
C'est avec grand plaisir que j'accueille devant notre Commission Mme Véronique Cayla, Présidente du directoire d'ARTE France, chaîne qui incarne depuis vingt-cinq ans le dialogue entre les cultures, qui nous anime ici également. ARTE fut d'abord le symbole du renforcement par la culture des liens franco-allemands. Il s'agit d'une grande réussite de la coopération entre la France et l'Allemagne : ARTE constitue un exemple unique au monde d'une chaîne binationale et elle est devenue une institution audiovisuelle incontournable tant par son niveau d'exigence que par son rôle en matière de dialogue interculturel.
La coopération franco-allemande trouve tout son sens lorsqu'elle donne une impulsion à des projets européens. ARTE n'échappe pas à la règle et elle souhaite devenir une chaîne culturelle européenne, accessible à tous et reconnue de tous. Nous souhaiterions vous entendre sur les perspectives de développement d'ARTE à l'échelon européen. Ce développement doit bien évidemment s'appuyer sur l'innovation numérique, qui bouleverse actuellement le paysage audiovisuel. Nous sommes particulièrement intéressés par la manière dont ARTE s'empare de cette révolution numérique pour se développer, tout en défendant la diversité culturelle européenne et la valorisation de la création sur notre continent. C'est sur tous ces défis d'avenir que nous souhaitons vous entendre.
ARTE est une chaîne originale qui a été créée il y a vingt-cinq ans par un traité interétatique , avec pour mission de rapprocher les peuples d'Europe par la culture. Elle compte deux pôles de production, ARTE Deutschland et ARTE France, et un pôle de coordination. Son fonctionnement est étudié par beaucoup d'acteurs du secteur qui souhaitent opérer des rapprochements dans un paysage audiovisuel très fragmenté.
Pendant ses quinze premières années d'existence, ARTE a surtout travaillé à établir une mémoire commune. Depuis cinq à dix ans, la chaîne opère une évolution vers un contenu plus globalement culturel et une ouverture plus large sur le monde. ARTE continue à diffuser 50 % de documentaires, mais propose également désormais des programmes de fiction. Cette relance éditoriale est couronnée de succès puisque, au cours des cinq dernières années, l'audience a augmenté de 50 % en France et de 30 % en Allemagne.
ARTE a mis en place un plan de formation interne au numérique qui a été très bien accueilli par le personnel. La transformation de l'offre numérique en cours devrait bientôt aboutir à la « délinéarisation » totale de la chaîne et permettre notamment aux émissions de prime time d'être accessibles à tout moment. Cette évolution rencontre un succès important auprès des spectateurs puisque, au cours des deux dernières années, le nombre de vidéos vues a doublé.
Afin de devenir une chaîne véritablement européenne, et non plus seulement franco-allemande, ARTE a tissé des liens avec tout un réseau de chaînes européennes avec lesquelles elle coproduit de nombreux programmes, documentaires et séries de fiction. Elle s'est aussi fixée comme règle de ne jamais diffuser de séries de fiction américaines. Ainsi, 85 % des programmes diffusés par ARTE sont européens. Le développement européen d'ARTE s'est longtemps trouvé entravé par le problème du multilinguisme. Le Parlement européen et la Commission européenne lui ont apporté une aide qui a permis d'élargir le sous-titrage des émissions à l'anglais, l'espagnol et au polonais et, l'an prochain, à l'italien. Grâce à cela, 70 % de la population européenne peut désormais accéder aux programmes d'ARTE dans sa langue maternelle. En 2016, première année de diffusion en cinq langues, l'audience a progressé de 180 %. Ce résultat nous conforte dans cette voie de la construction d'une constellation de plateformes multilingues et multiculturelles, d'autant que ce schéma est cohérent tant avec le désir de rassemblement européen qu'avec le respect de la diversité culturelle européenne.
Je conclurai ce propos introductif par une remarque sur la question du financement. Aujourd'hui la Commission européenne finance le sous-titrage à hauteur de 1,2 – 1,4 million d'euros chaque année, par le biais d'un appel d'offres annuel, procédure longue et coûteuse. Une ligne budgétaire pérenne serait plus cohérente avec le développement de nos projets, et nous poussons en ce sens auprès de la Commission et du Parlement européen.
Comme nous tous ici, je crois, j'ai un attachement particulier pour ARTE, et je vous remercie pour votre présentation. Quel regard portez-vous sur la révision en cours de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA), en particulier sur le régulateur européen et la question de son indépendance ? Commission et Conseil d'une part, Parlement d'autre part, en ont des visions divergentes.
Sur ce point précis, je vais laisser Mme Durupty répondre compte tenu de ses fonctions passées au CSA.
Je n'ai pas de connaissance précise aujourd'hui sur le niveau d'indépendance du régulateur européen, et sur sa capacité d'influence au Conseil. Il est en tout cas souhaitable qu'il y ait un lieu d'élaboration d'une position européenne. Deux sujets m'apparaissent particulièrement importants dans ce contexte des révisions des directives SMA, mais surtout télécom :
- d'abord, celui du pourcentage minimal d'oeuvres européennes, fixé à 30 %. C'est à mes yeux un seuil minimal, même s'il est sans doute insuffisant, pour garantir l'équité de traitement des acteurs et la préservation de la culture européenne.
- ensuite, celui du statut des distributeurs en Europe, car nous sommes dépendants d'eux pour accéder au public. Or si les plus anciens sont régulés, il n'en va pas de même pour les plus récents, telles les plateformes Internet. Seule une action au niveau européen peut garantir une bonne reprise des chaînes.
Je suis un amoureux d'ARTE depuis son origine. Le chemin parcouru depuis la création de cette chaîne, qui fait un vrai travail de pédagogie européenne et joue un rôle très important pour défendre la culture européenne, qu'il s'agisse du financement du cinéma ou de la diffusion de l'opéra, doit nous emplir de fierté. L'ADN d'ARTE s'inscrit parfaitement dans le projet du Président de la République de refonder l'Europe en permettant aux citoyens européens de se réapproprier le projet européen de façon plus concrète. Je préside une mission d'information sur les Conventions démocratiques, dont Mme Gomez-Bassac est la rapporteure, et nous aurons d'ailleurs le plaisir de vous auditionner. ARTE interviendra-t-elle pour relayer ces Conventions le moment venu ?
Merci de cette question. Depuis l'annonce du Président de la République, on a commencé à réfléchir à ce sujet. Nous n'avons pas encore la solution idéale, mais nous y réfléchissons, grâce à notre présence numérique en particulier sur les réseaux sociaux. Nous avons développé des programmes sur Internet. Depuis deux ans, nous nous sommes attachés à être le plus présents possible sur les réseaux sociaux, où l'interactivité est naturelle et où la propagation de l'information se fait rapidement. Nous avons mis en place un groupe de travail sur ce sujet. S'il est trop tôt pour vous donner les résultats de cette réflexion, nous reviendrons dans notre audition devant votre groupe de travail avec des propositions concrètes. Internet permet aujourd'hui de ne pas rester bloqués dans des silos nationaux. C'est dans cette perspective que nous travaillons.
J'observe que l'audience d'ARTE est moins importante en Allemagne qu'en France. Avez-vous l'ambition de la développer en Allemagne ? Pour ce qui est de la France, l'audience n'est-elle pas frontalière ou liée aux métropoles ? Vous n'avez pas le droit à la publicité, mais à des parrainages et des partenariats. Avez-vous des partenariats avec la presse écrite ou avec l'Éducation nationale ?
Pour ce qui est des audiences, quand ARTE a été créée, il y a 25 ans, il y avait déjà quarante chaînes gratuites en Allemagne, contre cinq en France. La pénétration de nos programmes a été très différente dès le départ. Elle a toujours été du simple au double entre l'Allemagne et la France, en parts de marché. On est actuellement autour de 2-3 % en France, contre 1,1 % en Allemagne. Mais l'audience augmente un peu plus vite aujourd'hui en Allemagne. Les Allemands sont plus nombreux que les Français : si on ramène ces proportions en nombre de téléspectateurs ou d'internautes, les chiffres sont équivalents. Nous sommes vraiment contents d'avoir une augmentation d'audience dans les deux pays. C'est le cas, avec une augmentation de 50 % en France, et de 30 % en Allemagne, ce qui montre bien la tendance actuelle.
Pour ce qui est du public d'ARTE, on s'aperçoit que la proportion de téléspectateurs qui ont la demande la plus forte pour des programmes d'ARTE se trouve dans les villes petites et moyennes. ARTE n'est pas du tout réservée aux métropoles ou aux grandes villes, mais est avant tout vue dans des territoires délaissés par les milieux culturels. Nous faisons en sorte que les producteurs qui travaillent avec nous portent un plus grand intérêt à ce qui se passe dans les milieux ruraux et les villes moyennes. Nous tâchons d'être plus à l'écoute de ces populations, que nous ne le sommes naturellement en raison de la centralisation parisienne. Les Allemands, en revanche, ont une structure très décentralisée et savent parler à des populations plus rurales. C'est logique, il faut que nous assumions cette parole culturelle qui est souvent la seule accessible dans des territoires délaissés. Nous avons des partenariats avec la presse écrite, nous y avons une part de voix bien supérieure à notre part de marché. La presse parle beaucoup plus d'ARTE que sa part de marché ne le nécessiterait en valeur absolue. Nous avons fait une série sur le Vietnam il y a peu, en ayant eu comme partenaire le Parisien. Presque toutes nos opérations sont accompagnées par la presse écrite.
Par ailleurs, nous avons construit avec l'Éducation Nationale un outil dont nous sommes très fiers, qui vient juste d'être mis en place avec le ministre de l'Éducation nationale et la ministre de la Culture : Educ'ARTE, plateforme de service vidéo à la demande destinée aux professeurs, à leurs élèves et à leurs familles. On voyait que tous nos programmes étaient très demandés et piratés par l'ensemble du milieu scolaire. Plutôt que de nous laisser pirater, nous avons construit cet outil qui rassemble six cents programmes distincts, mis à la disposition des professeurs, et conçus par les professeurs pour tous les niveaux scolaires. L'objectif de cette plateforme est simple mais très ambitieux : il faut que d'ici une dizaine d'années l'ensemble des jeunes Européens puissent, à la fin de leur scolarité, avoir bénéficié d'un socle commun de programmes liés à la culture. Comme nous sommes une chaîne culturelle et européenne, nous transmettons les valeurs de la civilisation européenne et nous avons donc espoir que les jeunes Européens puissent intégrer ces valeurs plus facilement qu'actuellement. Je vous remercie de poser cette question qui est liée aux conventions démocratiques. On dit que les jeunes se désintéressent de la télévision à cause des réseaux sociaux. Encore faut-il leur apporter les programmes qui leur permettent de mieux connaître leurs points communs. Nous voulons étendre nos programmes sur toute l'Europe, ce qui prendra une bonne dizaine d'années. Mais c'est un beau projet de réunir la jeunesse dans les écoles, en six langues, avec nos programmes.
Merci pour votre action. Vous voulez transformer ARTE en une chaîne européenne, et quel meilleur tremplin que votre siège à Strasbourg ? Dans ce contexte, j'aimerais vous entendre sur votre stratégie européenne, notamment par rapport à la question cruciale de la transition écologique et énergétique ? Quels évènements, idées ou création permettraient d'associer tous les acteurs européens dans ce mouvement de construction et de défense du projet européen ?
C'est un peu notre travail quotidien et permanent : comment faire pour développer une conscience collective européenne ? Nous consacrons de plus en plus de temps et d'argent à faire des programmes écologiques. Nous avons demandé récemment à Mme Marie-Monique Robin un documentaire sur le Round'Up. Chaque fois que nous le pouvons, nous faisons aussi des programmes d'investigation sur les thèmes des dangers d'un libéralisme effréné en la matière. Nous avons ainsi fait un programme lié à la disparition du sable, ce qui est un enjeu mondial. On voit dans ce programme que le sable circule dans le monde, en étant piraté. Quand on a découvert ce programme, on comprend notre responsabilité commune à l'égard des ressources naturelles. On travaille sur le développement des consciences collectives sur ce sujet. C'est un travail quotidien, et l'un de nos nouveaux arguments est que nous souhaitons qu'ARTE soit une chaîne bio.
ARTE France est une société dont le capital est détenu à la fois par des entreprises publiques et des organismes d'État - soit à hauteur de 45 % par France Télévisions, 25 % par l'État, 15 % par Radio France et 15 % par l'Institut National de l'Audiovisuel (INA). Dans le même temps, ARTE France possède 3,29 % du capital de TV5 Monde, chaîne dans laquelle France Télévisions et l'INA sont également partie prenante. Cet enchevêtrement est-il efficace en termes de collaboration et de gouvernance ? Quels seraient les obstacles et les risques à regrouper sous une même bannière, qui pourrait être France Médias Monde par exemple, l'ensemble de l'audiovisuel public français ayant une diffusion internationale ?
Notre mission première est d'être un média franco-allemand : nous recherchons donc d'abord à nouer des partenariats avec des acteurs du monde médiatique allemand, mais nous avons aussi pour objectif d'être un aiguillon dans le monde de l'audiovisuel public français. Nous pensons qu'il est plus efficace de chercher à nouer des partenariats avec les acteurs de l'audiovisuel public français, plutôt que de vouloir rationaliser les structures et modifier l'organisation des acteurs français de l'audiovisuel qui ont une diffusion internationale. Concernant le volet international, nous avons noué un étroit partenariat avec le groupe France Médias Monde et plus particulièrement France 24 avec qui nous avons travaillé pour enrichir les programmes désormais diffusés en espagnol. Nous cherchons des synergies entre nos deux chaînes et certains reportages sont diffusés sur les deux chaînes, mais France 24 les présente en version brève, alors que nous les diffusons dans une version intégrale. S'agissant des médias français ayant plutôt une audience nationale, nous réalisons des coproductions avec France télévisions, notamment pour des émissions portant sur l'Histoire mais c'est surtout avec Radio France que nous travaillons le plus étroitement, et plus particulièrement avec France musique. Nous avons ainsi un vrai pouvoir d'influence sur d'autres médias, et c'est pour nous une manière de diffuser les valeurs européennes.
Je suis frappé par la montée en puissance des idées eurosceptiques et xénophobes, comme le montre par exemple l'entrée au Bundestag du parti d'extrême droite AfD. Comment ARTE peut user de son pouvoir d'influence ou de son soft power pour que les citoyens se réapproprient l'idée de la construction européenne et comprennent que l'Union européenne ne se réduit pas à une machine technocratique, mais qu'elle représente un véritable atout pour notre avenir ?
ARTE a le souci permanent de diffuser des émissions culturelles qui mettent en avant les valeurs d'ouverture et de tolérance. Nous sommes convaincus que promouvoir la culture est le meilleur rempart contre l'extrémisme et le racisme. Nous avons cependant un point faible : nos auditeurs sont plutôt âgés, c'est pourquoi nous cherchons à élargir notre public en étant très présents sur les réseaux sociaux et sur internet. Nous venons aussi de créer un outil pédagogique « Educ'ARTE » qui permettra aux enseignants d'utiliser nos émissions, alors que jusqu'à présent nos contenus étaient souvent copiés de manière plus ou moins légale. Nous avons voulu construire une offre destinée à l'enseignement pour faciliter la tâche des enseignants.
Je voudrais tout d'abord évoquer un problème personnel et pratique. Il est dommage que l'accès gratuit aux émissions d'ARTE sur internet ne soit possible que sur une courte période après leur diffusion. Votre chaîne diffuse de très belles séries et j'ai pour ma part découvert la géopolitique grâce à vos émissions. Il faut vraiment conforter son rôle éducatif. Compte tenu des liens étroits entre les pays européens et le bassin méditerranéen avec la présence de fortes communautés originaires du Maghreb ou de Turquie sur le sol européen, avez-vous envisagé d'étendre votre diffusion au-delà de la Méditerranée ? Vous avez évoqué le souci d'ARTE d'être diffusé dans un plus large panel de pays européens. Pour l'instant, vous avez recours au sous-titrage, envisagez-vous de faire des émissions en langue espagnole par exemple ?
L'accès à nos émissions à titre gratuit est limité à 7 jours pour des raisons juridiques liées aux droits de diffusion pour les producteurs français. Pour certaines séries, comme celle sur la guerre du Vietnam, nous avons négocié un accès gratuit pour une durée d'un mois. Pour les téléspectateurs allemands cet accès gratuit est plus long, jusqu'à un mois en général. Pour le bouquet « ARTE Europe » les droits d'accès sont de deux mois. Lorsque les délais sont dépassés il est encore possible d'accéder à nos contenus en les achetant sous forme de DVD ou d'avoir recours à une VOD à l'acte, mais ces deux solutions ne sont pas gratuites.
Concernant la zone méditerranée, nous y consacrons une large part de nos programmes : nous avons par exemple réalisé de multiples émissions sur les enjeux stratégiques de cette région ou sur les musées méconnus de certains pays du Bassin méditerranéen. En revanche, nous n'avons pas de stratégie de développement vers les pays du Maghreb, car ARTE est avant tout une chaîne européenne. Nos moyens étant limités nous donnons la priorité à la Zone Europe. Pour donner l'exemple de notre développement à destination des pays de l'Europe de l'est, nous avons été très étonnés de notre succès en Pologne, qui s'explique largement par le fait qu'ARTE est garante d'une totale liberté d'expression, alors que les chaînes de télévision polonaises sont perçues comme beaucoup moins indépendantes. Forts de ce constat avec la Pologne, nous serons peut-être amenés à poursuivre notre offre vers d'autres pays, comme la Hongrie ou la Roumanie, où le pluralisme des médias n'est pas toujours assuré.
Cette offre est réservée à un usage pédagogique, mais les contenus sont issus des émissions diffusées sur la chaîne. Il s'agit en fait d'aider les enseignants à utiliser des modules pour construire des outils pédagogiques que les élèves pourront d'ailleurs utiliser à domicile pour que leurs parents puissent aussi en profiter.
Je m'intéresse beaucoup au « couple franco-allemand » et à la manière dont nous pouvons coopérer sur des projets. J'aimerais donc vous interroger sur la manière dont vous négociez avec vos partenaires allemands pour choisir des thématiques ou des sujets de fiction. Quels sont les points ou les thèmes de divergence et de convergence ?
Quand nous abordons des sujets relatifs au passé de l'Europe ou à l'histoire de nos pays respectifs, il y a de fortes convergences et il est facile de faire des coproductions. Concernant l'actualité récente, c'est un peu moins aisé, mais chacun est conscient de l'importance de nos enjeux communs. En revanche il est beaucoup plus difficile de réaliser des oeuvres de fiction, car nous n'avons pas d'imaginaire commun. Nous n'avons pas la même façon de nous projeter dans l'avenir. Malgré la difficulté de la tâche, nous avons décidé de faire travailler plusieurs auteurs français et allemands sur des projets d'émission ayant pour thème le nucléaire ou les migrants. L'année prochaine nous devrions diffuser une coproduction sur le thème des migrations en Europe, en six épisodes, pour faire écho aux différences de perception sur ce sujet entre nos deux pays. Nous pourrons ainsi confronter nos imaginaires.
Il est vrai que nos méthodes de travail diffèrent. Mais, après plusieurs années de partenariat nous connaissons bien désormais la manière de fonctionner de l'autre.
L'exemple du numérique est très révélateur de ces différences. Lorsque nous avons voulu développer le numérique, les Allemands étaient assez rétifs ou du moins ne comprenaient pas notre démarche. Puis, ils ont constaté que sur internet notre chaîne suscitait beaucoup de curiosité. Et, désormais ils sont les premiers à vouloir inscrire la chaîne dans la révolution numérique. De la même façon, sur le concept ARTE Europe, la France s'est mobilisée au départ et nos partenaires allemands ont solidifié le concept. Il n'est pas rare donc que nous initions une stratégie sûre et nos partenaires allemands la consolident.
Je vous remercie pour la belle mission remplie par ARTE. La construction d'un imaginaire commun à laquelle vous participez est indispensable à l'avenir de notre Europe. Vous avez rappelé la difficulté d'attirer les jeunes sur vos programmes et je m'interrogeais sur la moyenne d'âge et la catégorie de population des auteurs de fictions franco-allemandes. Parvenez-vous à attirer dans cette coproduction de programmes et d'imaginaires collectifs des jeunes auteurs ? Recruter des auteurs plus jeunes vous aiderait-il à toucher des publics plus jeunes ?
Il est compliqué d'instaurer des critères d'âge mais vous avez raison et nous devrions nous en préoccuper davantage. Je constate toutefois que dans les fictions les polyglottes sont beaucoup plus jeunes que les autres. Le multilinguisme que nous recherchons implique naturellement une population plus jeune. Ceux qui à Strasbourg s'occupent de la programmation en six langues de nos programmes sont complètement polyglottes et sont très jeunes.
Pour les créations spécifiques pour le web, nous avons véritablement des auteurs issus des nouvelles générations. Par exemple, nous avons recruté sur une série allemande, une très jeune femme qui est actrice et auteure. Sur ces médias-là, la chaîne réunit la jeunesse du public, des créateurs et des producteurs aussi.
Pour nos programmes de réalité virtuelle, les seniors sont tout à fait absents et nous sommes les plus grands producteurs dans ce domaine en France.
Je voulais préciser ma pensée auprès de mon collègue, Michel Herbillon, en lui indiquant que je ne souhaitais pas instaurer des discriminations sur l'âge. J'appelle plutôt de mes voeux l'émergence de jeunes talents, comme on peut le voir dans la photographie par exemple. Cela permet d'avoir un regard nouveau, des visions nouvelles dans le domaine de la création.
Je vous remercie beaucoup pour votre intervention qui est passionnante. Il est certain que notre commission suivra très attentivement l'évolution d'ARTE vers cette chaîne européenne.
La séance est levée à 10 h 40.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Fannette Charvier, Mme Yolaine de Courson, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Coralie Dubost, M. Alexandre Freschi, M. Michel Herbillon, M. Christophe Jerretie, M. Jérôme Lambert, Mme Nicole Le Peih, M. Ludovic Mendes, M. Thierry Michels, Mme Valérie Petit, Mme Sabine Thillaye.
Excusés. - M. Damien Abad, Mme Sophie Auconie, M. Alexandre Holroyd, Mme Marietta Karamanli, Mme Liliana Tanguy.