Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 15h20

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bâtiment
  • feu
  • fumée
  • incendie
  • lubrizol
  • mètres
  • pompier
  • sapeurs-pompiers
  • événement

La réunion

Source

La séance est ouverte à quinze heures vingt.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La Conférence des présidents a décidé qu'une mission d'information donnerait suite à l'incendie de Lubrizol à Rouen, pour établir la compréhension de cet événement de grande ampleur, tirer toutes les conclusions d'un retour d'expérience et si besoin, faire des propositions d'amélioration.

Pour commencer, je voudrais au nom de tous les membres de cette mission d'information, vous féliciter pour le courage dont a fait preuve l'ensemble des pompiers et sapeurs-pompiers qui sont intervenus sur place pour maîtriser l'incendie. Nous avons déjà eu l'occasion de saluer à la fois leur professionnalisme et leur courage, mais je crois que c'est l'occasion de vous le redire et à travers vous, de le dire à l'ensemble des sapeurs-pompiers.

Plusieurs questions se posent. Je voudrais que vous puissiez nous établir la chronologie des événements : à quel moment avez-vous été prévenu ? À quel moment les premières équipes étaient-elles sur place ? Lorsque vous êtes arrivé, vous avez été confronté non seulement à l'événement, mais vous avez également rencontré des membres du personnel de Lubrizol, qui avaient déjà pris un certain nombre de dispositions et qui vous ont décrit la nature même de l'incendie. Disposiez-vous d'entrée des jeux de données nécessaires, c'est-à-dire de la connaissance des produits qui étaient entreposés, de leur point de situation, d'un plan de l'établissement, d'une description de l'ensemble des bâtiments et de leur destination, d'informations sur l'existence d'une toiture en amiante, autrement dit de tous les éléments qui sont nécessaires pour établir un plan de bataille ?

Nous allons projeter un plan du site. Il serait utile pour nous de comprendre par où vous avez commencé. Il y a les bâtiments A4 et A5, il y a les bâtiments qui dépendent de Normandie Logistique. Quelles sont les informations dont vous disposiez au moment où vous êtes intervenu, qui vous ont permis d'établir le positionnement de l'ensemble des effectifs ? Pouvez-vous nous décrire précisément comment cela s'est passé ? Où était votre centre de commandement ? Où vous avez positionné les pompiers et pourquoi ? Quel était le niveau de connaissance que vous aviez du point de commencement de l'incendie ? Est-ce qu'il y avait plusieurs départs d'incendie ? Toutes ces informations peuvent nous permettre de bien saisir l'événement auquel vous avez été confronté et les moyens que vous avez déployés pour y faire face.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je m'associe évidemment aux propos de M. le Président ; aux remerciements et à l'hommage que nous devons à tous les sapeurs-pompiers, aux 900 sapeurs-pompiers de la Seine-Maritime, à ceux des cinq départements limitrophes qui sont venus aider leurs collègues de Seine-Maritime pour circonscrire ce feu et faire en sorte que nous n'ayons pas de suraccident, puisque d'après les informations qui nous ont été communiquées, nous avons évité le pire. Nous avons évité potentiellement des dizaines, voire des centaines de morts grâce à leur action.

En plus de l'établissement du déroulé précis des actions que vous avez menées sur le site, j'aimerais que l'on revienne sur quelques polémiques qui ont pu émerger ces dernières semaines. Par exemple, on a parlé de masques qui n'étaient pas forcément présents pour que les sapeurs-pompiers soient protégés, on a parlé de prises de sang. Même si j'ai les réponses, je pense qu'il serait bien que vous puissiez les donner publiquement devant l'ensemble de cette assemblée, que nous puissions revenir sur tous les éléments qui ont pu faire l'objet de polémiques ces dernières semaines, même si, évidemment, nous aurons d'autres questions précises à vous poser une fois le déroulé précis des événements établi.

Permalien
Jean-Yves Lagalle, directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime (SDIS76)

Je vais d'abord vous remercier, Monsieur le Président, pour les mots de sympathie que vous avez eus à notre endroit et que je ne manquerai pas de relayer à mes équipes. En cette période un peu compliquée, je crois que des mots positifs feront du bien à tout le monde. Nous en avons besoin.

Pour répondre à vos questions sur le déroulé, je vais commencer par l'heure de l'alerte. À 2 heures 39, nous avons été alertés par la société voisine Triadis. L'appel a duré environ 48 secondes. L'appelant nous signale qu'il voit d'énormes flammes qui dépassent d'une toiture du côté de Lubrizol. Au bout de ces 48 secondes, notre opérateur du centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS) appelle immédiatement la société Lubrizol. Il est 2 heures 40. Il a au bout du fil le gardien qui, a priori, n'a pas encore idée de ce qu'il se passe dans l'établissement, mais qui a une alarme déclenchée. Il envoie immédiatement son chef de quart sur site, à peu près à l'endroit qui avait été décrit par les gens de Triadis. Il confirme qu'il y a un départ de feu sur une zone extérieure en limite du bâtiment A5 et de la société Triadis. Il s'agit d'un établissement classé Seveso, répertorié chez les sapeurs-pompiers, qui fait l'objet d'un plan particulier. Nous déclenchons immédiatement les moyens prévus au plan ; nous les renforcerons même. Les premiers engins engagés le sont à 2 heures 42 et se présentent à 2 heures 52 sur place. Ce sont les moyens du centre de Rouen rive gauche qui se situe à proximité du lieu.

Les équipes intervenantes sont confrontées à un feu violent qui prend très vite de l'ampleur, qui va très vite atteindre le bâtiment A5. Je le rappelle, le feu dans le bâtiment A5 fait l'objet d'un scénario prévu au plan d'opération interne (POI), repris dans le plan particulier d'intervention (PPI) qui concerne la protection des populations.

Lorsque je suis appelé, les informations en ma possession sont qu'il y a un feu d'hydrocarbures. Au départ nous n'avons pas le détail de la nature chimique, mais nous avons dans le plan d'opération interne, l'information que le feu part dans le stockage A5, et que ce sont des produits finis, conditionnés dans des fûts d'additifs pour les carburants et les huiles. Nous sommes confrontés à un feu d'hydrocarbures qui fait énormément de fumée noire et qui va nécessiter des moyens spécialisés, notamment des moyens de projection en émulseurs et en mousse.

C'est pour cela que lorsque j'ai été appelé à mon domicile, je me suis rendu rapidement au centre de traitement de l'alerte (CTA) du CODIS pour faire le point. Le centre opérationnel se situe à Yvetot, à mi-chemin entre Rouen et Le Havre. Depuis Yvetot, il faut 25 minutes pour aller au centre opérationnel départemental (COD). Je passe d'abord par le centre opérationnel pour voir comment nous sommes organisés. Nous avons des procédures. Le CODIS passe en phase deux. Toute ma salle est prête. L'officier présent me fait un point de situation sur la base du plan de l'établissement répertorié.

La difficulté est qu'il s'agit d'un feu de liquides inflammables, mais non contenus, c'est-à-dire en circulation libre. Les premiers intervenants vont se trouver non pas face à un feu de cuvette, contenu géographiquement, mais bien face à une sorte de mini vague d'hydrocarbures qui s'avance de proche en proche, un peu comme une coulée de lave. Cette difficulté va nécessiter trois replis opérationnels, puisque pendant ce temps, il y a également d'énormes explosions de fûts.

C'est la raison pour laquelle notre premier commandant des opérations de secours (COS), qui avait mis en place un périmètre de 300 mètres, l'a étendu à 500 mètres circulaires autour de l'usine. Ce sont nos procédures en cas d'explosion pour éviter ce que l'on appelle « les effets missiles » et « les effets de souffle ». Les effets de missiles sont des projections de matières, qu'il faut contenir dans le périmètre des 500 mètres. Nous avons appelé la personne d'astreinte de la mairie de Petit-Quevilly, puisque la commune entrait dans ce périmètre. Elle était déjà au courant. Le responsable opérationnel de la mairie de Petit-Quevilly rejoint le nôtre dans la nuit, au poste de commandement (PC), pour faire le point. Il nous informe que la police les avait également prévenus.

Pourquoi trois replis successifs ? Parce que la vague a avancé et qu'il était impossible de la contenir. Le feu est hors norme par ses dimensions. Très vite, nous nous apercevons qu'il atteint trois hectares dans l'usine de Lubrizol, 7 000 mètres carrés de l'usine voisine. Ce sont trois hectares de produits inflammables qui brûlent. C'est un fait hors norme. Nos schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) nous préparent à un feu d'hydrocarbures dans un dépôt de 1 500 mètres carrés. Au-delà de 5 000 mètres carrés, il est quasiment impossible de l'éteindre sans recourir à des moyens nationaux.

C'est pour cela que la solidarité nationale a joué. Je rappelle que quand j'étais au CODIS, conformément à nos procédures, j'ai très rapidement appelé le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIS) à Paris, pour leur signaler l'événement.

Il s'agit d'un établissement Seveso seuil haut, qui a déjà défrayé la chronique, puisqu'en 2013, il y a eu un événement important. Nous sommes en pleine nuit. C'est un élément important du cheminement intellectuel que nous suivrons avec M. le préfet, pour décider de la protection des populations. Toute la vie va reprendre au lever du jour. C'est un élément déterminant pour nous.

Il y a eu trois replis successifs opérationnels et parallèlement, deux replis au niveau des postes de commandement. Au départ, notre poste de commandement était placé dans l'enceinte même de l'usine, à côté du PC exploitant. Au vu des premiers éléments, des premières explosions, le PC exploitant de Lubrizol, installé dans l'enceinte même de l'usine, s'est déporté dans un autre bâtiment situé plus loin, le bâtiment G. Quelque temps après, il a dû quitter le bâtiment G pour rejoindre la société Total Lubrifiants qui est à côté. nous-mêmes avons connu plusieurs grandes phases avant l'extinction de l'incendie : une phase de présentation, une phase de reconnaissance, une phase de préparation. Nous avons perdu trois fois la bataille, mais nous n'avons pas perdu la guerre.

Il a fallu quand même se replier, d'autant qu'à 4 heures 15, le réseau incendie interne tombe. Il n'y avait plus de pression d'eau, plus de munitions au bout de nos fusils. Fort heureusement, nous avions encore des poteaux sur la voie publique qui nous ont permis d'assurer une protection du bâtiment.

Au départ, les actions majeures ont été faites par les employés de Lubrizol, à qui il faut rendre hommage, qui ont évacué tout le stock de pentasulfure de phosphore et qui l'ont mis à l'abri. Si le feu avait pris dans ce stockage de pentasulfure de phosphore, nous avions un drame.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Est-ce qu'il y a un groupe de pompiers internes à Lubrizol ?

Permalien
Jean-Yves Lagalle, directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime (SDIS76)

Ce sont des gens qui ont une formation incendie, capables d'intervenir en cas d'alerte interviennent. Ce ne sont pas des pompiers en poste, comme il en existe dans certaines entreprises privées. Leur réaction immédiate a été l'évacuation du stock de pentasulfure de phosphore. Ce fut une action vraiment positive, majeure, menée par Lubrizol.

Parallèlement, sur le réseau externe, celui du boulevard maritime, quai de France, nous avions quelques poteaux d'incendie qui nous ont permis d'alimenter les engins et de mettre en protection les installations de production qui jouxtent le stockage.

Au début, nous ne sommes pas sur une phase d'extinction. Nous sommes sur une phase défensive. Il faut protéger les installations de production. Si le feu avait pris là, nous aurions pu avoir des explosions très graves. De même, nous avons pu protéger le bâtiment administratif, protéger Triadis qui était à côté et qui n'a pas été touchée par le feu. Je rappelle que Triadis est aussi une entreprise Seveso, qui traite l'incinération de matières dangereuses. Nous étions dans un environnement assez compliqué, qui aurait pu générer des effets dominos majeurs. Au début, nous étions assez démunis.

Qu'est-ce que nous savons sur le stock ? Nous savons qu'il est déposé dans le bâtiment A5. Il s'agit de l'un des scénarios prévus au plan d'opération interne. Ce sont des barils, des fûts de produits finis, essentiellement des additifs pour les carburants, pour nous, des hydrocarbures.

Le scénario du POI établi par l'exploitant, qui date de 2018, prévoit simplement des risques de flux thermiques. Nous retrouvons dans le PPI, qui date, lui, de 2016, un scénario toxique. Imaginez ce feu comme un immense chaudron rempli de pétrole. Cela brûle. Cela fume. Les fumées noires montent. Ce soir-là, elles sont montées à 400 mètres. Que dit le PPI ? Il dit que la zone dangereuse de toxicité forte se situe à une altitude de 100 mètres et qu'elle peut s'étendre jusqu'à 1 340 mètres en longueur. Pourquoi 100 mètres ? Parce qu'avec le phénomène de convection, les fumées montent, c'est-à-dire qu'au sol, vous n'avez rien. Il faut monter dans le panache de fumée pour trouver des fortes concentrations toxiques. La nuit, à partir 340 mètres de hauteur, le phénomène de dilution fait retombez ces concentrations dans des proportions normales – je ne dis pas agréables à respirer – mais qui permettent de dire aux gens : « Vous n'êtes pas en situation de danger immédiat ».

Pour vous donner un ordre d'idée du plafond à 400 mètres, la flèche de la cathédrale de Rouen est à 151 mètres. Le lendemain matin vers 8 heures, quand le plafond est redescendu à 200 mètres, la flèche de la cathédrale de Rouen était toujours visible. Du point de vue du risque, cela veut dire que la lame d'air est acceptable, même si cela ne sent pas bon et qu'il y a des fumées.

Imaginez que cette usine de Lubrizol ait été installée au pied de la colline qui monte à Mont-Saint-Aignan, là, nous aurions eu un vrai problème. Dans notre malheur, nous avons eu la chance que cette usine soit de l'autre côté, que le vent soit un vent de Sud, Sud-Est, ce qui fait que la distance entre Lubrizol et les communes les plus hautes de Rouen était d'environ cinq kilomètres. Le périmètre de 1 340 mètres à la hauteur de 200 mètres était l'élément déterminant de notre raisonnement.

Vous allez certainement me poser la question : « Comment vous, les pompiers, faites-vous pour savoir s'il y a un risque, alors que vous ne connaissez pas les molécules au gramme près ? Il est vrai que nous n'avons pas ces éléments Mais il faut remettre les choses dans le contexte. Nous nous replions deux ou trois fois pendant que les fumées, qui étaient bien là avant que nous arrivions, couvrent l'agglomération. La météo nous annonce un plafond à 400 mètres de 2 heures du matin jusqu'à 8 heures, qui devait descendre à 200 mètres à partir de 8 heures. Dans la journée, des pluies ont malheureusement dilué ce nuage et déposé des suies au sol. Voilà, les éléments que j'avais en ma possession lorsque j'interroge les gens du service d'aide médicale urgente (SAMU) : combien avez-vous d'appels ? Combien de gens sont arrivés aux hôpitaux ? Est-ce que vous avez des gens qui font des malaises dans les rues ? Est-ce que vous avez des hospitalisations graves ? Leurs réponses sont plutôt rassurantes pour le pompier que je suis.

En tant que commandant des opérations de secours auprès de M. le préfet, j'aurais très bien pu me contenter de cela en disant : « Le PPI prévoit un périmètre dangereux de 1 340 mètres, je suis bien au-delà, tout va bien ». La confiance n'excluant pas le contrôle, j'ai décidé, avec mes équipes, de scinder l'opération et de mettre en place un second PC, chargé d'effectuer des mesures.

L'un s'occuperait de l'analyse systémique – ce fameux chaudron dont je vous parlais – ce que l'on appelle dans le jargon « le terme source » qui génère l'incendie, et l'autre des flux, des fumées, de leurs cibles potentielles, à savoir les personnes et l'environnement. J'ai confié le premier à Marc Vitalbo, mon adjoint. Il n'est pas venu tout de suite, parce qu'il n'était pas d'astreinte. J'ai pris la décision de le faire venir quand le COS sur place, qui est quelqu'un d'extrêmement compétent, a vécu trois explosions successives, trois replis successifs. Il faut prendre en compte la dimension humaine de cette affaire. Marc avait un regard neuf et il arrivait à partir de 8 heures pour pouvoir reprendre les choses avec son expérience.

Le second PC, chargé de mesurer sur le terrain ces fameuses fumées, était rattaché directement au COD. Il a mis en place 26 points de mesures dans tout le panache, même en limite de frontière, avec nos appareils de sapeurs-pompiers. Ces appareils ne font pas d'analyse, mais des mesures sur les toxiques habituels que l'on rencontre dans les fumées, comme les dioxydes d'azote ou les oxydes d'azote, qui ont une réponse binaire : cela sonne ou ne sonne pas. Il n'y avait rien. Tout cela confirmait notre analyse. Il y a eu deux reconnaissances du nuage par un hélicoptère, à 6 heures et à 8 heures. Cela nous a permis de confirmer son axe par rapport aux conditions météo et sa largeur maximum. Le front de fumée se déplaçait sur l'agglomération. Il fallait s'assurer de la hauteur de l'espace libre sous la fumée noire.

En tant que directeur, ma mission est de garantir à M. le préfet, qu'il n'y aura pas de morts dans les rues, dans les quelques minutes qui viennent. M. le préfet m'a fixé trois grands objectifs stratégiques :

– éteindre le feu le plus rapidement possible ;

– éviter les destructions secondaires et les morts : j'avais pratiquement 200 pompiers sur place, en plus des gens de Lubrizol. Je pensais en permanence à leur sécurité ;

– éviter la panique : Rouen est un centre urbain. Il y a les gens qui y résident, mais il y a aussi ceux qui travaillent et qui viennent de l'extérieur, c'est-à-dire des flux à gérer.

Dès lors que nous avions recueilli tous ces éléments-là, nous avons déterminé un cône qui impactait 12 communes. Nous avons proposé à M. le préfet, de prendre, sous ce cône, des mesures de mise à l'abri, avec un oeil attentif sur les personnes les plus faibles : les écoles, les élèves, les personnes âgées, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Les services compétents ont été alertés en conséquence. Nous avons surtout proposé de mettre en place un plan de circulation pour faire en sorte qu'il soit difficile de rentrer depuis l'extérieur et de faciliter les sorties de gens qui voulaient partir, mais surtout de fluidifier le trafic. Des plans de circulation, des fermetures de routes ont été mis en oeuvre. Je vous rappelle mon chaudron. A partir de 8 heures, le plafond de 400 mètres est descendu à 200 mètres. Les taxis et les bus roulant au sol, il était important, pour la continuité de la vie, de fluidifier le trafic pour éviter tout mouvement de panique. Il fallait assurer l'arrivée des secours extérieurs et éviter tout encombrement. Il ne fallait pas que les gens restent statiques dans les fumées. Toute la problématique est la concentration de fumée et le temps d'exposition. Plus vous êtes loin du feu et moins vous restez longtemps, moins vous avez de risques.

Le secteur le plus à risque sur l'agglomération rouennaise à ce moment-là, à 8 heures du matin, était à 100 mètres d'altitude, dans la bande des 1 340 mètres de long au-dessus de l'usine. C'est aussi pour cela d'ailleurs, que nous avons demandé à la préfecture d'informer immédiatement l'aéroport.

Tout cela, imaginez-le en quelques minutes, sans avoir tous les éléments. Il y a souvent eu confusion entre ce que font les pompiers, c'est-à-dire des mesures, et des analyses chimiques qui demandent du temps, qui ont pris parfois plusieurs jours.

Dans le cadre des renforts nationaux, nous avons bénéficié de l'apport d'un véhicule chimique, qui est venu de l'unité militaire de Nogent-le-Rotrou, qui permet de faire de la spectrographie de masse, c'est-à-dire de l'identification, pas de la quantification. À un moment donné, nous avons pris un échantillon, nous l'avons donné à mesurer au spectrographe et l'unité militaire nous a dit : « Voilà la liste des produits ». Lubrizol nous a confirmé qu'elle correspondait à la sienne.

Sur les polémiques, s'agissant de la sécurité des agents et de la prise de masques, dans ce département, nous avons une grande expérience des feux industriels, même s'il faut rester humble par rapport à cela. Récemment, nous avons eu une problématique d'amiante à Dieppe. Il faut savoir que quand vous avez 200 pompiers sur place, on engage toujours un soutien sanitaire opérationnel, un médecin, un infirmier, qui est là, en arrière, pour surveiller et garantir la présence médicale auprès des sapeurs-pompiers, si besoin. Le SAMU aussi a engagé une équipe médicale sur place.

Contrairement à l'idée que l'on peut s'en faire, les fumées toxiques n'étaient pas au pied du feu, elles étaient en hauteur. Néanmoins, les sapeurs-pompiers sont équipés de protections respiratoires, ce que l'on appelle « l'appareil respiratoire isolant ». Dans tous les fourgons, nous avons six dossards, avec une bouteille chacun et quatre bouteilles de réserve. Quand nous passons en phase d'extinction puis de surveillance, nous avons d'autres types de protection. Ce sont des masques que l'on appelle « FFP2 » ou « FFP3 », en papier, qui permettent de se protéger de l'émission des poussières toxiques et nocives, notamment les poussières d'amiante.

Dès le 26 – le feu n'était pas encore éteint – j'ai fait appeler le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions (CHSCT), pour demander, en relation avec notre président, M. Tasserie, qui est un élu du Havre, de réunir dans les délais les plus courts un CHSCT extraordinaire sur cette opération. Il a eu lieu le lundi suivant, avec l'aide de notre médecin-chef, le médecin de Lubrizol et un professeur de médecine, le professeur Gehanno de Rouen. Il a décidé la mise en place d'un protocole de suivi par prises de sang. C‘est assez unique en France. Cela a permis de tracer l'ensemble des pompiers qui sont intervenus, que ce soient ceux du 76 ou ceux des autres départements.

Pour répondre clairement à votre question, nous avons de quoi protéger nos personnels sur le plan respiratoire. Néanmoins, un feu est quelque chose de dynamique, qui évolue dans l'espace et dans le temps. La situation à un moment donné n'est plus la même quelques instants plus tard. Même si nous avons des moyens de protection, je ne peux pas affirmer que pendant toute la durée, tous ces moyens de protection ont été utilisés de façon optimale.

C'est pour cela que j'ai souhaité très rapidement réunir le centre hospitalier spécialisé (CHS), lancer cette procédure médicale, pour rassurer nos sapeurs-pompiers, qui je le rappelle, sont des pompiers aguerris, formés aux risques industriels et acteurs de leur sécurité. Vous ne verrez jamais un sapeur-pompier, quand un plafond s'effondre, rester dessous. Ils savent ce qu'ils ont à faire. Nous leur apprenons à détecter les signes précurseurs des effets thermiques. Ils savent très bien qu'il ne faut pas rester dans les fumées. Il s'agit d'un échange permanent entre le terrain et les hommes qui commandent. C'est extrêmement complexe, puisque tout cela est très dynamique et évolue.

Nous avons des éléments de protection. Nous pourrions toujours en avoir plus, parce que la chaîne de l'air est quelque chose d'important. Je rappelle que c'était un feu hors norme. Il a fallu regonfler nos bouteilles d'air comprimé sur place, gérer les stocks, adapter notre logistique à ces circonstances exceptionnelles.

Nos agents ont reçu chacun une lettre individuelle leur précisant la procédure. Ils devaient aller dans le laboratoire de leur choix. Le laboratoire devait renvoyer les analyses sous pli scellé, parce que nous sommes dans le secret médical. La polémique a commencé à cause de la mention « pli scellé ». Les personnes se sont imaginé que nous leur cachions des choses et que nous ne leur disions rien. Non, c'est la procédure. Le médecin a reçu les analyses, nous en recevons d'ailleurs encore. Nous sommes dans la phase T0. Je rappelle que les analyses sont faites en trois temps pour avoir des éléments de comparaison :

1) à T0 ;

2) à un mois ;

3) à six mois.

Effectivement, dans les analyses qui ont été faites, il y a eu quelques relevés anormaux, mais qui correspondent peut-être à des pathologies qui étaient déjà existantes chez certains sapeurs-pompiers. Je me fie à ce que dit mon médecin. Nous y verrons plus clair lors des deuxièmes analyses qui vont arriver d'ici quelques jours. Dans les sapeurs-pompiers qui avaient des relevés anormaux – il n'y en avait pas tant que cela – il nous en reste un qui fait l'objet d'un suivi particulier. Chaque sapeur-pompier a été appelé par le médecin pour avoir une explication en direct.

Je vois beaucoup de choses dans la presse. Je me permets, par votre intermédiaire, aujourd'hui, de m'adresser à eux et de leur dire qu'il est temps de positiver les choses, de présenter les choses de façon correcte. Ce feu a été éteint en moins de 12 heures. Il n'y a pas un mort, pas une destruction d'immeuble, alors que nous aurions pu tomber dans un drame énorme. Merci, Mesdames et Messieurs de la presse, de nous aider à positiver les choses. Je crois que la population rouennaise en a besoin et nous aussi, pompiers, dans tout ce flot de choses dites ou écrites sur les réseaux sociaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite à nouveau saluer votre professionnalisme et le courage de l'ensemble des personnels du SDIS 76 dans l'intervention de cet incendie. Je ne vais pas revenir sur ce qui a été dit dans la presse. Je voudrais savoir comment vont les hommes qui sont intervenus sur cet incendie et dans quel état d'esprit ils sont après cet incendie, quel est leur état psychologique ?

Concernant le retour d'expérience, avez-vous déjà commencé à travailler sur cette intervention et surtout avez-vous des remontées ou des éléments à nous communiquer, afin d'alimenter le travail législatif de cette commission, qui doit nous permettre de faire un rapport et surtout des recommandations ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai été président de SDIS pendant cinq ans et demi, tout ce que vous dites m'inspire. En tout cas, je visualise très bien les choses. Il y a un parallèle qui a été fait tout à l'heure. Je l'évoquais hier, à l'occasion d'un parallèle que je faisais avec les commissions locales d'information des centrales nucléaires, puisque je suis également président d'une commission locale d'information (CLI), dans le département des Ardennes où il y a une centrale nucléaire. Je me demande si, sur ces sites Seveso seuil haut, il ne pourrait pas y avoir, comme dans les centrales nucléaires, pour un certain nombre d'entreprises, une garde postée. Il est certain que cela coûte beaucoup d'argent, je suis bien placé pour le savoir, même si Électricité de France (EDF) rembourse une partie des frais ou même la totalité. C'est le cas dans le département des Ardennes en tout cas. J'imagine qu'il pourrait y avoir une évolution législative dans ce domaine, pour faire en sorte que sur ces sites industriels où il y a plusieurs entreprises, une garde postée soit installée. J'aurais voulu avoir votre sentiment à ce sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je réitère l'extrême reconnaissance, l'extrême respect que nous avons pour le commandement et les hommes qui ont risqué leur vie pour sauver la nôtre. D'ailleurs, j'ai exprimé cette solidarité, lorsque les pompiers ont manifesté pour leurs droits, avec un respect qui n'était pas complètement à la hauteur de ce qui nous rassemble aujourd'hui.

Deux questions simples. Premièrement, vous avez parlé des moyens techniques. Ceux qui ont été mobilisés étaient-ils suffisants ? On me dit que des moyens spécifiques liés à la raffinerie de Gonfreville ont été mobilisés, puisque ceux qui auparavant mobilisables à Petroplus ne l'étaient plus. Est-ce que c'est une rumeur ? Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que la proximité est une question importante ?

Troisième question, je l'ai posée tout à l'heure aux directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), sans succès. Assez rapidement, vous avez pu modéliser le nuage, en mesurer la configuration. Assez rapidement vous avez pu identifier le cheminement de ce nuage. Avez-vous demandé au préfet, à ce moment-là, d'informer les différents acteurs, notamment les maires ? Dans l'affirmative, quel a été le résultat ?

Quatrième élément : la santé des hommes. Avez-vous des garanties pour que cette santé soit suivie dans la durée et que leur protection soit assurée dans la durée ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais vous poser une question que j'ai déjà posée deux fois sans avoir aucune réponse. J'ai demandé au directeur général, aux DREAL, ainsi qu'aux directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), si le plan de prévention des risques technologiques (PPRT) comportait un plan d'alerte des populations et comment devait être alertée la population en cas d'événement grave. J'aimerais avoir une réponse.

Vous avez également insisté sur l'effet domino, qui est une question que j'ai posée aux DREAL et sur laquelle je n'ai eu aucune réponse. Vous avez indiqué qu'il y avait un produit qui avait été évacué immédiatement par les personnels de Lubrizol : le pentasulfure de phosphore. Vous avez indiqué que s'il s'était enflammé cela aurait été extrêmement dangereux. Je sais que les sapeurs-pompiers sont amenés à lire les PPRT. Je souhaite savoir quel est l'avis que vous avez rendu sur le stockage de ce type de produit à côté d'autres qui pouvaient s'enflammer, même si le feu avait une chance sur 10 000 de prendre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je salue à nouveau les pompiers et leur action, ainsi que les salariés de Lubrizol pour leur sang-froid. Je crois que c'est important de leur rendre aussi cet hommage.

Je reviens sur le déroulé des événements, parce que l'on sait que les premières minutes, voire les premières secondes, comptent énormément. Est-ce qu'il y avait un dispositif d'alarme automatique qui sonnerait quelque part dans votre PC, qui soit relié avec des unités capables de gérer cette urgence ? Est-ce qu'il y avait ne serait-ce qu'une sirène sur le site, un déclenchement automatique par des moyens quelconques ?

Vous avez parlé du bâtiment A5. Je ne me suis pas rendue sur place, mais j'aimerais me rendre compte si c'est un bâtiment, un stock, un entreposage de différents produits. Est-ce qu'il y a un dispositif de type circuit électrique, pour éclairer les lieux, ou est-ce que ce sont des fûts mis sous couvert ?

Vous avez aussi parlé du lieu présumé de départ de feu. Vous l'avez situé à l'intérieur du site Lubrizol, hypothèse qui est plutôt infirmée par la société Lubrizol. Pouvez-vous commenter ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Est-ce que vous avez déjà tiré des enseignements, en termes de mobilisation de moyens humains, matériels, de poteaux d'incendie ? L'incendie s'est déroulé dans des conditions météo et de vent qui n'étaient pas catastrophiques ? Que se serait-il passé dans d'autres situations ?

Deuxième question : hier le président-directeur général (PDG) de Lubrizol a prononcé une phrase assez étonnante : « Notre système de protection incendie est prévu pour un feu qui vient de l'intérieur, mais pas de l'extérieur ». J'aurais aimé savoir si vous aviez un commentaire là-dessus.

Troisième question : il y avait des gens du voyage à proximité – nous l'avons vu sur les vidéos de l'incendie – est-ce qu'au moment de l'intervention cela vous a suscité des inquiétudes spécifiques, et donc un travail spécifique ?

Enfin, j'observe qu'assez rapidement vous avez eu cette phrase : « Il ne faut pas dire aux gens qu'il n'y a pas de risques ». J'aurais voulu savoir pourquoi vous avez senti la nécessité d'intervenir de cette manière par rapport à la population.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai cru comprendre, mais je voudrais avoir votre confirmation, que, dès votre arrivée sur place à 2 heures 50, vous identifiez ce feu, déjà très conséquent, comme un feu d'hydrocarbures ne présentant pas de dangers létaux. Nous avons entendu le DREAL avant vous, qui nous indique qu'à une certaine heure – que je ne vous révèle pas – il a eu confirmation que l'incendie et le nuage ne présentaient pas de risques. À quelle heure, si cela vous est confirmé par l'autorité préfectorale qui consulte l'étude de danger, vous est-il confirmé, après vos propres observations, qu'effectivement l'incendie et le nuage ne présentent pas de risques ?

Sur l'évacuation du pentasulfure opérée par les ouvriers de Lubrizol, dans quelles conditions opérationnelles cette évacuation de produits, dont vous dites l'extrême dangerosité, s'est-elle opérée ?

Enfin, vous nous dites de manière très responsable : « Je ne peux pas affirmer que les moyens de protection dont nous disposions et qui évoluent au fil des heures aient toujours été employés de manière optimale ». J'imagine que cette observation va faire l'objet d'un examen au CHSCT. Est-ce que les conclusions pourraient nous être communiquées ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aviez-vous eu des exercices incendie sur le site ? À quelle fréquence les avez-vous ? De quand date le dernier ? Pensez-vous que cela a pu faciliter la progression des pompiers qui sont intervenus sur place ?

J'aimerais également savoir si les moyens de lutte contre l'incendie de l'entreprise étaient bien dimensionnés par rapport à la charge calorifique prévue sur place ou s'il y avait une différence, un manquement. Dans le nucléaire, nous utilisons les sapeurs-pompiers volontaires présents sur le site pour être les premiers armés et capables d'armer les camions, en attendant les sapeurs-pompiers. Pensez-vous qu'il peut être intéressant de développer ce type de caserne virtuelle sur les sites Seveso ?

J'ai tout entendu sur les sirènes demandant le confinement des populations. Ont-elles été déclenchées ? Dans l'affirmative, à quelle heure ? J'ai entendu certaines personnes qui indiquaient que « oui », d'autres qui indiquaient que « non ». Mon fils a entendu des sirènes, mais est-ce que c'était cela ou autre chose ? Je pense qu'il est important que nous clarifions cette partie.

Pour terminer, j'aimerais savoir si vous aviez eu tous les moyens en mousses et en émulseurs pour intervenir correctement sur l'incendie.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans cette crise, vous nous avez dit que l'une des missions que vous avait donnée le préfet était d'éviter la panique. Pour éviter la panique, il faut évidemment donner l'information à la population. Normalement, chaque commune soumise à des risques, qu'ils soient naturels ou industriels, est soumise à un document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM). Je voulais savoir si vous avez pu vous appuyer sur ce document, si ce document a été transmis à la population et si elle avait une connaissance du risque industriel posé par les différents sites Seveso de Rouen. Est-ce que pour éviter la panique, vous avez pu vous appuyer sur des documents comme le DICRIM ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis impressionné par votre maîtrise, votre humanité aussi. Ceci m'amène à vous poser une question : dans votre carrière, avez-vous déjà eu affaire à un événement de telle ampleur ? Deuxièmement, est-ce que vous avez eu, à ce moment-là ou un peu plus tard, le sentiment que vous étiez devant un accident ou que cela pouvait être pire qu'un accident, c'est-à-dire véritablement une main malintentionnée ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais vraiment vous préciser un point qui me semble important. Vous avez dit tout à l'heure en décrivant l'événement, qu'à 2 heures 39, c'est quelqu'un de la société Triadis qui a prévenu en indiquant qu'il voyait des fumées chez Lubrizol. Ensuite, vous nous avez indiqué que l'incendie était sur le bâtiment A5, avec le scénario précisé dans le PPI.

Permalien
Jean-Yves Lagalle, directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime (SDIS76)

Au moment du contre-appel, le chef de quart de Lubrizol signale que c'est un feu extérieur dans un stockage de fûts aux abords du bâtiment A5.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je me permets d'insister sur ce point, parce que cela est important. Par la connaissance que vous avez des incendies des vents et de la façon dont un incendie progresse, quel est votre sentiment quant au point de départ ? J'insiste sur la question de Natalia Pouzyreff, parce qu'elle est essentielle en termes de compréhension. À proximité du bâtiment A5, vous avez Normandie Logistique. Le A4 n'en est pas très éloigné. Pouvez-vous préciser, avec la connaissance fine qui est la vôtre, le point de départ de l'incendie ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

D'autant plus que le PDG de Lubrizol nous disait hier, que selon lui, cela venait initialement de l'extérieur de Lubrizol, et donc potentiellement de chez Normandie Logistique. Cela me paraît effectivement un point important.

J'ai quelques questions à vous poser en plus. Vous indiquiez tout à l'heure que les sprinklers du bâtiment A5, se sont déclenchés, mais avant que nous ayons besoin d'eux. Est-ce que cela est dû à un dysfonctionnement ou à un mauvais paramétrage ? J'imagine que parce qu'ils sont faits pour éteindre un incendie à l'intérieur, ils ont constaté qu'il y avait de la chaleur et ils se sont déclenchés, mais je voudrais quand même avoir des précisions par rapport à cela.

Sur les bornes incendie qui sont sur le périmètre extérieur de Lubrizol, qui est sur le périmètre du port de Rouen, est-ce que vous nous confirmez que l'ensemble des bornes incendie qui ont été ouvertes par les sapeurs-pompiers avaient de l'eau et de la pression ?

Sur les moyens de pompage de l'eau sur la Seine, pour pouvoir alimenter les 30 000 mètres cubes d'eau par minute qui sont déversés sur cet incendie, est-ce que les moyens étaient suffisants ? Est-ce que vous en avez manqué ? Est-ce que vous avez dû en rapatrier d'ailleurs ?

Avez-vous mené en amont de l'incident, ces dernières années ou ces derniers mois, des visites du site Lubrizol pour identifier éventuellement des problématiques ? Est-ce que certaines ont été constatées ?

Comment aurions-nous pu éviter cette nappe d'hydrocarbures qui avançait sur les sapeurs-pompiers ? À quoi est due cette espèce de lave, telle que vous l'avez définie ? Est-ce que c'est quelque chose qui était évitable ?

Sur l'enceinte de l'établissement Lubrizol, est-ce que des choses auraient été nécessaires à mettre en place pour sécuriser plus ce site ?

Sur les moyens d'émulseurs et de mousses, ne devrions-nous pas obliger l'ensemble des sites Seveso en cas d'incendie, à avoir ces équipements à demeure, chez eux, ou en tout cas dans une zone où il y a plusieurs cas de sites Seveso, pour être mobilisables ?

Permalien
Jean-Yves Lagalle, directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime (SDIS76)

Ai-je déjà vécu des événements de cette ampleur ? Non. Mais j'ai été sur le feu d'Onduline étant jeune. J'ai combattu également le feu d'Orchies. J'étais sur celui de la Saipol. Il n'y a pas longtemps, j'étais sur celui de Norval. Dans le Puy-de-Dôme, pendant ma période de direction, j'ai connu l'incendie d'une importante usine de produits plastiques sans commander directement la lutte. En tant que pompier, j'ai vécu quelques grands événements industriels. Mais celui-ci dépassait tout ce que je pouvais imaginer. C'est pour cela que j'ai parlé d'un incendie hors normes.

Ai-je le sentiment que cela puisse être intentionnel ? Je n'ai aucune idée de la nature de cet incendie.

Comment vont les hommes ? Mes hommes vont bien. Il y a eu beaucoup d'inquiétudes au départ, mais le sentiment général, partagé, à part peut-être pour un anonyme qui s'est exprimé dans la presse sous le titre « j'ai honte », est la fierté. Je peux vous garantir que la plupart de mes pompiers professionnels, volontaires, je vais même rajouter les personnels administratifs techniques et les personnels de soutien, sont fiers. Je voudrais dire à la presse d'interroger aussi les sapeurs-pompiers qui sont fiers de ce qu'ils ont fait pour la population.

Il est encore un peu trop tôt pour un retour d'expérience. Nous sommes en train de rassembler les éléments. Il y aura beaucoup de choses à dire. Pour moi, le chapeau de tout cela, c'est la sécurité des personnels. Cela se décline en équipements, en formations, en suivis médicaux, en effectifs. Sur les questions de budget de fonctionnement des SDIS, je pense que nous aurons l'occasion d'en reparler, mais il faut aussi évoquer ces questions-là, notamment la question du financement du SDIS dans le département 76, qui est celui qui a le plus d'usines Seveso. Nous disons que les usines sont « génératrices de risques », mais je les vois d'abord comme génératrices de richesse pour la population. Il s'agit d'une richesse qu'il faut défendre.

Ne pourrait-il pas y avoir des gardes postés sur ces sites, comme sur les centres nucléaires de production d'électricité (CNPE) ? Dans notre département nous avons deux centrales nucléaires, Paluel et Penly. Nous n'avons pas de gardes postés sur place aujourd'hui, mais c'est un vrai sujet. Il faudra que nous en débattions de concert, avec les responsables concernés, notamment au niveau national. Ces centrales ont leurs équipes d'intervention. Ce sont des gens formés à l'incendie, qui ont d'autres activités et qui, le moment venu, interviennent, revêtent l'habit de pompiers. Bien évidemment, nous en sommes informés. L'incident de Lubrizol, le retour d'expérience que nous ferons, va dépasser largement le cadre des Seveso, mais intéresser aussi les centrales nucléaires.

Les moyens étaient-ils suffisants ? Clairement, sur cet incendie avec trois hectares de feu d'hydrocarbures, non. Le SDIS, à lui seul, n'aurait pas pu faire face. D'ailleurs, je remercie les collègues de la zone de défense et les collègues de Paris, qui ont été réactifs pour initier les renforts nationaux. La réponse sur ce type de feu n'est pas départementale, elle est régionale, zonale, voire même nationale. La brigade des sapeurs-pompiers de Paris est venue nous renforcer. Nous étions allés les aider pour le feu de Notre-Dame. Nous étions bien contents de les avoir, comme les sapeurs-pompiers privés, les hélicoptères, tous les services de l'État, les employés municipaux des communes, etc. C'était vraiment un travail collectif. Cette montée en puissance des moyens a été nécessaire. Je vous en donne quelques chiffres : plus de 200 pompiers sur le site, plus de 46 engins lourds, et puis surtout – je n'ai jamais vu cela dans ma carrière – plus de 15 kilomètres de tuyaux. Dérouler plus de 15 kilomètres de tuyaux la nuit, à la force des bras, c'est épuisant.

C'est aussi pour cela que je ne suis pas sûr que les moyens de protection individuels aient été utilisés de façon efficace dans la durée. Pourquoi ? Parce qu'il y a l'épuisement, il y a la fatigue, il y a le stress. Nous intervenons dans l'urgence, mais nous faisons un métier à risque et il faut limiter au maximum ce risque. L'un des axes importants de retour d'expérience est que nos sapeurs-pompiers soient encore plus acteurs de leur propre sécurité. À nous de leur donner les moyens. En intervention, l'officier ne peut pas être derrière chaque sapeur-pompier et dire : « Arrêtez, reculez ». Les pompiers savent ce qu'ils ont à faire. Charge à nous de leur donner les moyens d'assurer leur mission. Là, il y a des choses sur lesquelles il faudra vraiment travailler.

Avons-nous demandé au préfet d'informer les maires des 12 communes qui se trouvaient sous le cône dont nous avions modélisé le tracé ? Bien évidemment. Nous avons proposé d'informer ces communes, pour qu'elles prennent des mesures immédiates de restriction de circulation, de mise à l'abri, mais pas de confinement. Le confinement signifie qu'il faut rester chez soi, scotcher les fenêtres, etc. Il s'agissait simplement d'une mise à l'abri, de rester chez soi, d'éviter de circuler en ville, de fluidifier le trafic pour ne pas rester statique dans les résidus de fumée. Des contacts se sont établis mais nous touchons aux limites des missions des sapeurs-pompiers. L'information des populations ou des élus ne relève pas de notre autorité. J'en donne l'idée à M. le préfet qui, lui, la valide.

L'information des maires a été faite par le dispositif de Gestion d'alertes locales automatisées (GALA). Je pense que M. le préfet pourra exprimer un retour d'expérience. GALA est peut-être un peu dépassé aujourd'hui, au regard des moyens modernes de communication. L'alerte des maires est fondamentale. Celles des élus et des populations sont deux choses liées, mais qui sont quand même différentes. Aujourd'hui, avec l'avènement des réseaux sociaux tout va très vite et nos moyens sont en décalage par rapport à cela. Il y a vraiment des choses à travailler sur ces questions d'information des élus, mais également d'information des populations de façon massive. Cela est nécessaire et important. Aujourd'hui, les sirènes sont parfaitement inadaptées.

Si nous donnons un avis sur le PPRT, il n'a pas vraiment de valeur, puisque le PPRT concerne les dispositions d'urbanisme. Pour nous, ce qui est important, c'est le PPI. Sur le bâtiment A5, le PPI prévoyait un feu en masse d'hydrocarbures avec ce fameux nuage. Le scénario du POI d'entreprise, qui lui date de 2018, ne prévoit qu'un feu d'hydrocarbures sans vraiment d'aspect de toxicité. Le jour J, je me réfère au PPI qui lui prévoit une partie toxique à cet événement. Je vous rappelle mon chaudron, ma fumée qui monte à 100 mètres sur une distance longitudinale de 1 340 mètres, là, j'ai de la toxicité.

Je me rends compte qu'à 200 mètres, il va y avoir, du côté de Mont-Saint-Aignan et de Bihorel, des immeubles qui vont être touchés par la fumée. Fort heureusement, nous sommes à 5,8 kilomètres. La fumée s'est suffisamment diluée pour dire aux gens : « Restez à l'abri, n'inhalez pas les fumées ». Si Lubrizol avait été au pied de la côte de Mont-Saint-Aignan, nous aurions eu un vrai problème. J'aurais proposé à M. le préfet de prendre des mesures différentes. Là, nous sommes de l'autre côté de la Seine, Mont-Saint-Aignan est sur le point haut, entre les deux il y a la cathédrale à 151 mètres – c'était mon repère toute la nuit – et je n'ai personne qui habite au-dessus de la cathédrale. C'est comme cela que nous raisonnons de façon pratique.

Sur la question de l'évacuation du pentasulfure, je n'ai pas vraiment de détails. Il faudrait demander à Lubrizol. Je ne me permettrai pas de répondre à leur place, sur leurs propres installations. La seule chose que je sais, c'est que les ouvriers ont fait un travail formidable et important à ce moment-là.

Sur l'alarme, quand il y a un problème dans une usine Seveso, le dispositif est de nous appeler sur le 18. Là, c'est l'usine d'à côté qui nous a appelés. Nous avons fait le lien et c'est comme cela que nous avons déclenché les secours. Normalement, au niveau des sites Seveso, ce sont leurs propres sirènes d'alerte qui se déclenchent en cas de problème. Viennent en complément, sur l'agglomération rouennaise, 31 sirènes qui couvrent 32 communes. Rien n'oblige le préfet, lors du déclenchement de PPI, de les déclencher. Nous en reparlerons peut-être tout à l'heure, parce que c'est un élément important.

Quand vous sonnez une sirène, c'est pour dire aux gens : « Restez chez vous, écoutez la radio ». Le feu s'est déclaré en pleine nuit. Les gens étaient généralement chez eux. Qu'est-ce qui se passe quand vous sonnez une sirène, alors qu'il n'y a pas vraiment de culture du risque dans notre population ? Que font les gens quand vous sonnez la sirène ? Il y en a qui ont les bons réflexes ; il y en a qui vont dehors ; pire encore pour nous, il y en a beaucoup qui appellent le 15 ou le 18 et saturent nos réseaux. Si, d'aventure, il y a un autre feu ou un malaise cardiaque, tout le système est bloqué. Nous nous sommes dits : la population va se réveiller. Nous allons passer un message d'information juste avant que les gens ne se lèvent. Ensuite nous sonnerons la sirène. À la préfecture, je crois qu'ils ont fait le choix de sonner deux sirènes.

La problématique de la sirène est que quand vous la sonnez, ceux qui sont concernés qui dorment à poings fermés et ne vont pas l'entendre ; ceux du secteur d'à côté, qui ne sont pas concernés, vont l'entendre et vont se poser des questions. Pire encore, il y a énormément de gens qui travaillent tôt, qui convergent vers l'agglomération et qui n'entendront pas, de toute façon, les sirènes.

Il faudra réfléchir collectivement à un dispositif moderne et adapté, pour vraiment toucher de près les élus et surtout les populations. Le choix tactique retenu devait éviter l'encombrement et fluidifier la circulation, d'autant plus que j'avais des renforts qui arrivaient et qui ne devaient pas être coincés dans les embouteillages. Nous voulions éviter que ceux qui partaient de Rouen rencontrent ceux qui arrivaient, créant ainsi des risques d'accidents, qui auraient entraîné des interventions statiques sous les fumées. C'est tout cela qui a guidé notre réflexion. Je le concède, il est difficile aujourd'hui pour nous d'agir, d'expliquer et de justifier de tout en même temps. Cela a été d'une grande complexité. Il y a peut-être des pistes de réflexion à mener.

Depuis 2013, il y a eu sept exercices dans l'entreprise. Il s'agit d'une entreprise que nous connaissons particulièrement bien, puisqu'au-delà de ces cinq exercices, dont deux inopinés faits à la demande de la DREAL. Nous travaillons régulièrement avec nos équipes sur les risques chimiques. C'est un établissement qui est bien connu des services d'incendie. Nous y allons à peu près deux fois par an pour entraîner nos équipes. Nous avons quatre sapeurs-pompiers volontaires du SDIS de Seine-Maritime qui travaillent à Lubrizol et un sapeur-pompier volontaire qui a un statut d'expert volontaire au sein du SDIS 27. Pour nous, ce sont des pistes de développement du volontariat. Comme pour les centrales nucléaires, il faut développer cela. Plus les entreprises ont des pompiers, plus ils ont des gens formés, aguerris, qui sont prêts à prendre les premières mesures, et parfois cela peut suffire.

Sur les gens du voyage, dès lors que nous avons étendu le périmètre de 300 mètres à 500 mètres, nous avons prévenu la mairie. Les gens du voyage étaient de l'autre côté. Ils n'étaient pas soumis aux risques thermiques et ils n'étaient pas soumis aux risques toxiques, puisque le vent portait de l'autre côté. Nous avions cette garantie. Quand nous activons une cellule de risques chimiques, nous sommes en permanence reliés aux éléments météo, de direction du vent, d'hygrométrie, etc.

Sur la toxicité, je pense avoir répondu. L'évacuation du pentasulfure s'est faite à 3 heures 10.

Sur les moyens, de mémoire, l'arrêté prévoit une réserve de 2 000 mètres cubes d'eau, avec un réseau incendie de 39 poteaux qui délivrent 360 mètres cubes par heure. Pour éteindre ce feu, il a fallu 29 000 litres par minute pendant quatre heures. C'était hors norme. Tout ce qui avait été prévu sur le papier, en pratique, il a fallu le multiplier par trois ou par quatre. Si on m'avait dit un jour que mes équipes devraient déboyauter 15 kilomètres de tuyaux sur Lubrizol, je ne l'aurais pas cru. Les émulseurs de 96 mètres cubes venaient de Seine-Maritime, de Rubis Terminal, de la compagnie industrielle maritime (CIM), du Havre, de Gonfreville L'Orcher, d'Exxon, de Total. Il y a des mesures d'entraide entre industriels. Nous avons mobilisé les cellules émulseurs (CEM) des trois SDIS de l'Oise, des Yvelines et de la Seine-et-Marne en plus de celui de notre brigade. Il faut avoir à l'esprit que ce sont des émulseurs venus de différents SDIS ne sont pas forcément les mêmes. Leurs mousses sont compatibles et peuvent se mélanger, mais pas les produits entre eux. Ils n'ont pas forcément les mêmes résistances au feu. Certains sont plus efficaces que d'autres. Vous imaginez la complexité.

L'artisan de cela est le colonel Vitalbo. Il a mis en place le dispositif, pour que l'on coiffe le feu en quatre heures. En Angleterre, il a fallu trois jours pour éteindre un feu équivalent. À un moment, il y a eu de la fumée. Nous avons laissé brûler, car il fallait du temps pour protéger les installations. Nous avons installé notre dispositif. Il faut tout démarrer en même temps. Il n'y a pas le choix. Si vous ratez, il y a une nouvelle inflammation et tous les émulseurs que vous avez consommés ne servent à rien. Il ne faut pas épuiser les munitions trop vite. C'est un feu très technique.

La stratégie de prévention des risques sur l'appui du DICRIM passe par l'acculturation de la population. En France, nous voyons bien que nous sommes clairement en retard sur le sujet. Il y a un vrai sujet à prendre en compte.

Sur les questions de sprinklage, je ne me permettrais pas de répondre à la place de Lubrizol. Il faut savoir que les sprinklers étaient une installation fixe au plafond. Ils sont faits pour intervenir rapidement sur un feu naissant et pour l'éteindre. Si jamais cela s'embrase d'un coup, le sprinkler n'est plus efficace, d'autant que si le feu est parti de l'extérieur, comme l'appel le laisse supposer, le sprinkler n'a pas pu jouer sur l'extérieur. Il est fait pour éteindre immédiatement un feu qui se déclare dans le bâtiment. Cela s'est embrasé de façon tellement rapide que le sprinkler n'a pas pu faire son office. Pour savoir comment cela était agencé, il faut demander à Lubrizol, puisque tout était tombé quand nous sommes arrivés. Je n'ai pas le détail de la configuration, mais imaginez un feu pour lequel les sprinklers ne sont pas adaptés. Ils doivent éteindre un feu naissant dans un hangar. Quand c'est l'embrasement général, le sprinkler ne peut pas jouer correctement son office. Par rapport à un départ de feu potentiellement à l'extérieur, reste à savoir comment il a pu générer un embrasement aussi rapide, par rapport à ce que nous avons trouvé. L'enquête le déterminera.

Fort heureusement, il y avait des poteaux sur le site périphérique. Nous en avons utilisé, mais ils ne débitent que 60 mètres cubes par heure. C'est le même débit qui permet de défendre un immeuble d'habitation. Heureusement, il y avait la Seine. Sa proximité de la Seine a été notre atout majeur pour la défense de cet établissement. Toute notre stratégie hydraulique reposait sur les remorqueurs. Nous en avions deux remorqueurs : un en alimentation et un en réserve. Ils ont une puissance de feu énorme qui nous permettait de devenir autonomes, d'éviter tout risque d'avoir une rupture d'eau. Un remorqueur peut fournir 1 300 mètres cubes d'eau par heure. Il fallait du temps pour les acheminer, mais finalement ce temps correspondait à celui nécessaire pour mettre en place le dispositif nécessaire pour circonscrire le feu, dérouler les tuyaux. Il fallait être sûr de pouvoir démarrer un Top Mousse au bon moment. Cela a été fait dans les règles de l'art.

Comment pouvions-nous éviter l'avancée du liquide ? Lorsque nous avons une nappe libre, la seule solution – je ne sais pas si cela est adapté à Lubrizol – ce sont les cuvettes de rétention. Quand un liquide s'étend, si on le met dans une cuvette, il est circonscrit. Cela est plus facile pour nous. Quand vous avez ce que j'appelle une coulée de lave face à vous, vous reculez, et nous avons reculé trois fois. Sur ce feu, l'expression « soldat du feu » a repris tout son sens. C'était une guerre. Nous avons perdu trois batailles successives, mais nous avons fini par la gagner, parce que tous les pompiers, tous les intervenants, y ont mis un engagement total, personnel et collectif. À chaque instant, les gens ont risqué leur vie. Je tenais à le dire.

C'est pour cette raison que je remercie la presse de bien vouloir positiver, car des gens ont risqué leur vie pour sauver la vôtre. Indépendamment de toutes les politiques, je lis beaucoup la presse, parce que je pense qu'elle a un rôle important, notamment dans l'information des populations. Très vite M. le préfet a réuni la presse. Elle a eu un rôle important à jouer auprès de nos centres opérationnels, pour l'information, pour nous aider sur les techniques de communication à mettre en oeuvre. Il s'agit d'un rôle important.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec tous mes collègues, nous vous remercions pour la maîtrise de ce combat du feu que vous avez mené avec vos hommes, avec brio et efficacité. Merci d'avoir répondu avec autant de précision, autant d'authenticité, autant de vérité à l'ensemble des questions qui ont pu vous être posées.

Permalien
Jean-Yves Lagalle, directeur départemental du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime (SDIS76)

Nous mettons à votre disposition un film pris de l'intérieur, pour mieux comprendre l'intensité du feu.

La séance est levée à seize heures quarante.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à Rouen

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 15 h 20

Présents. - M. Damien Adam, M. Erwan Balanant, M. Xavier Batut, M. Christophe Bouillon, M. Éric Coquerel, M. Pierre Cordier, M. Jean-Luc Fugit, Mme Perrine Goulet, M. François Jolivet, M. Jean Lassalle, M. Bruno Millienne, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Annie Vidal, M. Hubert Wulfranc

Excusés. - M. Sébastien Leclerc, Mme Sira Sylla

Assistait également à la réunion. - M. Sébastien Jumel